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Rire

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Le rire est un comportement humain qui met dans un singulier état émotionnel le corps entier. Le visage des rieurs s'anime, bouches et nez montrent l'enchaînement de petites expirations saccadées qui contractent l'ensemble des muscles du visage, et s'accompagnent d’une vocalisation mal contrôlée, à la tonalité grave ou aigüe, d'amplitude plus ou moins prononcée. Ce flux d'air est provoqué par des mouvements d’inspiration et d’expiration du diaphragme. De nombreux muscles, du visage, du cou et du tronc, parfois de tout le corps dans les rires frénétiques, peuvent être sollicités au cours de ce qui a pu être décrit comme un réflexe.

Ces faciès animés ou ces sons plus ou moins étouffés, susceptibles de propager l'hilarité à l'assistance constituent un mode de communication non verbal. Au sens large, le rire est un comportement animal spécifique car les biologistes ont observé des comportements à la fois analogues et différents chez d'autres espèces animales. Lorsqu'on le chatouille, un chimpanzé ou un bonobo émet des petits cris. Mais les sons et les mimiques restent bien différentes du rire des primates humains. La communication demeure intraspécifique.

Sommaire

Causes libérantes et effets libératoires du rire

Être plié de rire.

Le rire peut être provoqué par:

  • les chatouilles
  • le spectacle de danse ou de déambulation comique
  • une blague, une histoire drôle ou de l'humour venant d'une autre personne d'autant plus facilement qu'elle a un statut et une autorité.
  • le stress
  • le rire communicatif d'autres personnes.

La consommation d'alcool ou de drogues peut conduire au rire, même en l'absence de stimulus externe. Le gaz hilarant provoque aussi le rire.

Le rire a des effets physiques concrets :

  • le cœur bat plus vite
  • le corps est secoué de tremblements et s'assouplit
  • les cordes vocales vibrent et se détendent
  • la bouche s'ouvre et émet des sons voyelles mal contrôlés : ha ho hi hu
  • les paroles que l'on tente de prononcer deviennent inaudibles ou prennent la forme d'onomatopées...

Les expressions populaires les décrivent de façon imagée : secouer de rire, (se) tordre en quatre, (se) gondoler, (se) bidonner, (se) vautrer, (se) rouler par terre...

Au sortir d'un long rire, l'impression d'épuisement physique laisse la place à un bien être, à une détente. L'effet libératoire du rire en groupe a chassé l'agressivité, éloigné le ressentiment et d'autres formes de défoulement violentes ou de disputes. Le rire aide à vivre ensemble : des collègues de travail ou une famille vivant une situation difficile oublient (momentanément) ou perçoivent de façon plus légère la tension sociale ou familiale.

Rire est bon pour la santé et constitue un signe de rétablissement pour les patients en voie de guérison. Les hormones du plaisir, les endorphines, sont libérées dans le corps du rieur de façon similaire chez un coureur ou un sportif, et amènent une sensation de bien-être et une suppression de la douleur. Les médecins ayurvédiques étudient depuis plusieurs millénaires l'initiation, la propagation et la fin du rire. Par le moyen physique, une chatouille ou un guiliguili, une imitation... ou spirituel, une plaisanterie, ils observent le rire qui passe littéralement de corps à corps[1].

Histoires et significations du rire

Les rencontres intertribales en Amérique et en Australie étaient l'occasion de dons ou d'échanges réciproquement mesurés et estimés. Le rire jouait un rôle singulier. Les groupes isolés d'Inuits du Labrador, en particulier les Unalaklit et les Malemiut, engageaient une sorte de compétition par une improvisation de spectacles, principalement de danses et de postures comiques. Si un groupe parvenait en premier à provoquer l'hilarité et la joie communicative de l'autre groupe, il pouvait espérer un don sans contrepartie[2]. Marcel Mauss interprête ce gain par la proposition : "l'esprit jaloux qui rit relâche le bien gardé".

Le nom biblique Isaac est la dénomination même du rire intérieur. Sara stérile à plus de quatre-vingt-dix ans accueille avec un lourd scepticisme la déclaration qu'elle aurait prochainement un enfant, faite à son mari Abraham sous les chênes de Mamré par les trois hommes qu'il avait dignement accueilli. L'enfant, comme le rire, est un don divin, sans contrepartie d'échange dans la tradition biblique. L'histoire d'Isaac qui échappe à l'holocauste demandé à Abraham par le sacrifice du bélier substitué à l'enfant en est la confirmation.

Âges du rire au premier degré

Il est banal d'affirmer que les êtres humains savent rire dès la naissance et que le rire inné chez l'espèce humaine ne s'apprend pas, contrairement aux langues. Les scientifiques ont observé au contraire que le rire vient par étape, évolue et s'éduque. Avant le rire, le sourire éclaire les yeux de bébé content. Ce n'est qu'à quatre mois que le bébé éclate d'un vrai rire lorsqu'on le chatouille ou qu'on le surprend affectueusement. Le biologiste Charles Darwin, penché sur le berceau de son fils agé de 110 jours, manipulant adroitement un tissu masquant alternativement son visage et celui du bébé, a observé l'ébauche du son caractéristique du rire[3].

A huit mois, le jeu du coucou avec des familiers qui se dévoilent brusquement fait rire bébé. Les facultés de reconnaissance quasi-immédiates triomphent sur la peur de l'inconnu. A dix mois, le bébé observateur remarque l'incongru et le bizarre. S'il est dans un climat rassurant, son rire montre sa maîtrise. Alors il devient actif, provoque ou attire l'attention à son tour : s'ensuivent des progrès fulgurants pour imiter, miauler, se cacher, faire des grimaces...

A trois ans, l'enfant maîtrise les règles de la vie banale. Les interdits l'amusent et il ne se lasse pas d'être attiré par le pipi et le caca ainsi que par la découverte des gros mots. L'apprenti linguiste à l'écoute fait beaucoup plus attention à la sonorité qu'il ne se soucie du sens. Il se contente de répéter les mots, et débite toujours les mêmes histoires, affichant un souci de diction et de rediction lassant s'il ne comportait pas erreurs et tromperies. En climat de confiance, le petit malicieux s'aperçoit des erreurs : la moquerie des parents, eux véritablement lassés par les inlassables répétitions qu'ils endurent renforce son désarroi, ce qui fait débouler son rire et appelle le délice émerveillé des parents. C'est aussi à partir de trois ans que l'enfant tente de faire naître le rire chez les autres que ses familiers et parents.

A partir du moment où le sens occupe une place prépondérante, le rire se complexifie et cesse d'appartenir au premier degré. De quatre à six ans, l'enfant responsabilisé ne cesse de se poser des questions, il suspecte un sens caché et reste souvent insatisfait avec ses pourquoi et ses comment. C'est par ce long apprentissage qu'il découvre une gamme du rire élargie et quasiment complète vers huit ans. Souvent le milieu d'éducation peut faire régresser la patiente acquisition du second degré[4]. La finesse de l'humour se déploie préférentiellement durant l'adolescence.

Un bébé et un jeune enfant ne rient pas seul[5]. Le rire de premier degré est tributaire de l'entourage, de jeux de divertissements et de relations tendres. Le rire est un échange qui se manifeste de corps à corps. On rirait douze fois moins seul qu'en présence d'autres personnes. Le rire a un rôle social complexe puisque son pouvoir libératoire est très variable selon les cercles et les assemblées où il peut apparaître[6].

Techniques du rire

Le rire est dit « communicatif ». Les chercheurs en psychologie cognitive ont trouvé que les mêmes parties du cerveau étaient activées lorsqu'on nous raconte une histoire drôle ou lorsqu'on entend un rire. Un sujet qui entend un rire à la suite d'une blague et qui se mettra à rire attribuera à la blague le fait qu'il ait ri. Cette expérience justifie l'utilisation de rires enregistrés dans les émissions de télévision.

Quand le rire a été déclenché une fois, il aura tendance à être plus facilement déclenché, très peu de temps après. Dans un spectacle comique, les acteurs auront du mal à déclencher les premiers rires chez les spectateurs, mais par la suite, ils les enchaînent facilement.

Le rire est en général déclenché lorsqu'on accumule une tension ou une peur, et que d'un coup on réalise qu'il n'y avait en fait aucun danger.

Dans certains pays, comme au Japon, les gens se forcent à rire lorsqu'ils sont soumis à une peur qu'ils savent irrationnelle[7] ou lorsqu'ils viennent d'avoir peur.

En Occident, le rire est souvent associé à la moquerie, qui consiste à signifier qu'une personne veut se donner de grands airs sans en avoir l'envergure : la moquerie se raccroche donc au principe du danger qui se révèle faux.

Le rôle du rire serait double :

  • Pour celui qui rit, le cerveau relâcherait des hormones destinées à contrer les effets du stress qui s'est révélé faux. Contrairement à une idée reçue, le rire n'exprime pas la joie, mais le rire rend joyeux.
  • Pour ceux qui entendent le rire, celui-ci indique l'absence de danger. Ceux qui entendent le rire peuvent à leur tour déclencher un rire et relâcher ces mêmes hormones au niveau du cerveau.

Quelqu'un qui rit sans raison ou à contre-sens, c'est-à-dire en présence d'un danger réel, sera vu comme un fou et une personne dangereuse à éviter. Le stéréotype du savant fou popularisé par le cinéma hollywoodien utilise ce principe pour le rire machiavélique.

Type de rire

Le rire nerveux est une accumulation de tension qui se relâche pour éviter la panique. Proche de lui, le fou rire est un rire incontrôlé, inapproprié et qui dure bien au-delà du rire classique. Il existe une forme de pathologie, le fou rire podromique, qui est associé à plusieurs syndromes neuropsychiatrique, décrit pour la première fois pas Féré [8]. Ce rire pathologique est rencontré après des lésions de certaines parties du cerveau, en particulier l'hypothalamus, le gyrus cortical antérieur ou le lobe temporal. L'acide valproïque en injection intraveineuse peut aussi provoquer cet état de rire prodromique.

Le rire jaune est en fait un rire forcé ou un faux rire, qu'on utilise quand on veut se faire bien voir, alors qu'on n'a pas envie de rire.

Les rires en boîte sont des rires enregistrés utilisés dans le monde du spectacle pour déclencher le rire chez le spectateur.

Selon l'expression populaire, « Femme qui rit, à moitié dans ton lit » : il ne s'agirait pas d'un rire lié à l'humour, mais plutôt lié à la tension sexuelle montante que la femme a besoin de relâcher. Ainsi le rire de la femme, chez deux personnes en phase de séduction, montrerait à l'homme qu'il est sur la bonne voie pour la séduire complètement.

Le rire des traditions paysannes

Un grand nombre de vieilles cultures orales relie le rire à la gémellité ou gémellarité, il est possible de l'accorder à la notion mathématique de parité[9]. Le mythe des Jumeaux dont l'un et l'autre sont à la fois et à tour de rôle, créateur et destructeur, formateur et dissolveur, fasciné et moqueur, étonné et sceptique, (en)chanteur et déchanteur... est incorporé par l'acteur ou par le couple animateur créant un espace du rire entre le sérieux de la croyance et la dérision incrédule.

La rivière ou la rigole aux deux rives a souvent symbolisé le comique irriguant le monde paysan, un flux d'eau irrégulier ou régulier qui dépose et emporte, qui sédimente et enléve, qui apporte et dévore les alluvions. Cette image s'applique probablement, parce qu'après le rire, alors qu'on croyait bien avoir avant quelque chose, il n'y a plus rien[10].

Traditionnel aux formes multiples, l'art du rire est proche du mime physique et du tour de magie, spectacles qui font apparaître un sens, un personnage, une forme, un objet pour le faire ensuite aussitôt disparaître. Il dévoile l'avant et l'après d'un montage psychologique si souvent invisible. Le premier grand cinéma français d'avant la Grande Guerre et d'une façon générale, le cinéma burlesque passé ensuite sous hégémonie américaine, ont en partie puisé dans cette veine.

Lorsque le support de l'information est devenu plus communément écrit, le dualisme précédemment décrit semble préserver, engendrant le rire par la description pittoresque, la moquerie facétieuse et surtout la satire.

Histoires drôles et humour

Article détaillé : Histoire drôle.

Une histoire drôle s'articule, bien souvent, en deux parties. Il y a d'abord la montée d'une tension. La seconde partie de l'histoire drôle est appelée la chute : le danger est passé, ou un changement de perspective dans l'histoire révèle que le danger était faux ou ridicule. La relâche brutale de la tension déclenche le rire.

On remarque qu'au cours des générations, les sujets des histoires drôle ont beaucoup changé. C'est souvent les sujets les plus soumis à de la tension qui servent le plus à faire rire. Ainsi, les histoires de curé avaient beaucoup plus de poids dans l'après-guerre. L'Église ayant perdu son rôle central, ces histoires ont disparu. Dans l'après mai 1968, c'est la politique qui servit le succès de Coluche, Thierry Le Luron, et bien d'autres.

Des sujets universels existent bien évidemment, en fonction des centres d'intérêt liés à l'âge :

  • les plus jeunes (3 à 10 ans) préfèrent les histoires de pipi, caca.
  • les adolescents préfèrent les histoires liées au sexe.

Se moquer de quelqu'un en riant consiste à communiquer qu'il ne représente aucun danger.

Lorsque le rire n'est plus uniquement corporel et déclenche, voire stimule la réflexion, on parle d'humour. Il est significatif que l'humour d'un quidam ne provoque pas toujours l'hilarité, ni même le sourire. La manière de vivre, de regarder et d'accepter la réalité, le sentiment de sécurité et la prise de distance avec les événements, les êtres et les choses, et d'une manière générale l'appartenance culturelle ou à une ère de civilisation ainsi que le caractère et l'humeur des individus conditionnent fortement la production et la réception de l'humour.

Le rire chez les autres animaux

Malgré l'observation de Rabelais selon laquelle le rire est le propre de l'Homme, des observations scientifiques récentes montrent que certains animaux (primates, rats[11],[12]) connaissent également le rire.

Certains psychologues comportementaux objectent que le vrai rire nécessite des prérequis tels que la conscience de soi ou l'aptitude à s'identifier à autrui, et qu'en conséquence les animaux ne rient pas vraiment de la même manière que nous. On pourra répondre que cette conception du rire se rapporte plus particulièrement à l'humour qu'au rire en général, et que c'est donc l'humour qui est le propre de l'Homme, et non le rire en lui-même.

Des études soulignant la similarité du rire chez divers primates (l'homme, le gorille, l'orang-outan...) tenderaient à prouver que leur rire provient d'une même origine, et qu'il aurait par la suite évolué chez les différentes espèces.[13]

Lexique et expressions courantes du rire

  • mort de rire
  • pleurer de rire
  • rire à gorge déployée
  • rire aux éclats
  • rire bête
  • rire carnavalesque
  • rire clownesque
  • rire divin
  • rire inextinguible
  • rire jaune
  • rire moqueur ou cruel
  • rire noir
  • rire sous cape
  • LOL

Bibliographie

Marie Saint-Dizier, Atsuko Ishii, Le rire raconté aux petits curieux, Les albums documentaires, Syros, 2006, 62 pages. ISBN 274-850449-6

Nelly Feuerhahn, Le comique et l'enfance, PUF, Paris, 1993.

Hawkes, "The Labrador Eskimis", Canadian Geological Survey, Anthropological Series, page 7 (cité dans Marcel Mauss, Essai sur le don, L'année sociologique, seconde série, 1923-24, tome 1).

Notes et références

  1. Ces praticiens traditionnels en apprécient les effets bénéfiques, à l'instar du médecin Rabelais qui, par ses bonnes histoires, hâte la guérison de ces patients ou essaie de rendre facile leur hospitalisation.
  2. Hawkes, option supra
  3. Notes de Charles Darwin publiées en 1877 in Marie Saint-Dizier, Atsuko Ishii, cité supra.
  4. Le rire de second degré, qui définit déjà une ébauche d'identité et d'appartenance culturelle, comporte souvent de façon mêlée le comique du corps, l'emploi de mots à doubles sens, l'ironie (dire le contraire de ce que l'on pense), la dérive ironique (éviter apparemment de livrer un avis sur le sujet tout en l'abordant crûment), la moquerie plus ou moins subtile, la dérision et surtout l'auto-dérision. L'humour est parfois désigné comme un rire de troisième degré, il serait peu susceptible d'être partagé sans une forte connivence socio-culturelle. Ainsi le nonsense anglais, les histoires invraisemblables ou sans queues ni têtes, les blagues de potaches ou de bureau...
  5. Par contre, ils peuvent jouer seuls. Le jeu nécessite une grande concentration, une application sérieuse et assidue sans dérangement. Ces impératifs n'impliquent les conditions idéales du rire : être nombreux, passer du coq à l'âne, se laisser aller voire se défouler ou s'exciter, se détacher de ses préoccupations ou de son sujet de manière subite et impromptue. Le rire n'apparaît qu'à la déconnexion du jeu, lorsque l'illusio, c'est à dire l'enjeu, s'est évanoui ou est perdu.
  6. Rire dans sa famille ou avec les amis d'une même classe d'appartenance est un signe de bien être et de convivialité. Pouffer de rire dans une réunion officielle ou une présentation professionnelle peuvent occasionner une profonde gêne. Le fou-rire d'une speakerine, provoqué par la diction d'une collègue maladroite entraîne le retrait d'antenne immédiat des apparentes gaies luronnes, sans doute plus tard profondément malheureuses.
  7. voir le film Tonari no Totoro de Hayao Miyazaki
  8. Féré C. Le fou rire prodromique. Rev Neurol 1903; 11:353-358.
  9. C'est-à-dire à une suite de nombres paires ou à des suites exponentielles du type 2n. A contrario, les pleurs ou leurs effacements par le temps ou le vent obéissent à une règle d'imparité et des séries 2n+1, soit 3, 5, 9, 17
  10. L'écueil d'une grande déception peut susciter toutefois la colère d'un public ému, c'est le risque comique paysan.
  11. (en) "Laughing" rats and the evolutionary antecedents of human joy?, Panksepp J, Burgdorf J, Department of Psychology
  12. L'article rire sur ratoupédia
  13. (en) "Tickled apes yield laughter clue", BBC, 4 juin 2009

Voir aussi

Articles connexes

Philosophie du rire

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