Jean-marie perrot

Jean-marie perrot

Jean-Marie Perrot

L'abbé Jean-Marie Perrot, en breton Yann Vari Perrot, né le 3 septembre 1877 à Plouarzel (Finistère) et mort le 12 décembre 1943 à Scrignac (Finistère), était un prêtre breton, militant indépendantiste breton. Il a été assassiné par la Résistance communiste[1], pendant la 2ème Guerre Mondiale.

Sommaire

Jeunesse

Jean-Marie Perrot est élevé dans une famille de paysans parlant le breton. Après des études à l'Institut des Frères des Écoles à Guingamp en 1889, il y exprime le désir de devenir prêtre. Il part alors faire ses humanités au Petit Séminaire de Pont-Croix. Après une année passée à Brest au sein du 19e régiment d’infanterie, il rentre au Grand Séminaire de Quimper, puis devient vicaire à Saint-Vougay en 1904, où il entreprend la création d’un patronage Paotred Sant-Nouga où il forme la jeunesse au travers de cercles d’études, d’une chorale et d’un groupe de théâtre. Il est l'oncle de Louis Lalouer.

Militantisme avant-guerre

L'association Bleun-Brug (Fleur de Bruyère) a été créée en 1905 par l'abbé Perrot avec sa revue Feiz ha Breiz (Foi et Bretagne) qui existe depuis 1899, et qu'il dirige à partir de 1911. Nommé vicaire à Saint-Thégonnec au mois de mars 1914, il est mobilisé à Lesneven le 5 août; mais il demande à partir pour le front comme volontaire au Groupe des Brancardiers Divisionnaires. Il est décoré de guerre 1914-1918. Militant culturel, il possède depuis les années 1910 une aura importante dans l'Emsav, mouvement nationaliste breton.

Il est nommé vicaire à Plouguerneau en 1920. En 1922, Yves Floc'h (futur peintre) devient garçon de presbytère à sa cure. L'abbé Perrot crée le patronage Michel Le Nobletz et organise des représentations théâtrales. Aussi, à cette occasion Yves Floc'h peint les décors d'une pièce et ses dons sont alors remarqués par le vicaire.

Dès 1932, son secrétaire est Herry Caouissin. Il est l'auteur d'innombrables articles et pièces de théâtre. Il est en poste à Saint-Vougay, puis sera muté à Scrignac, dans le Finistère, en 1930, par sa hiérarchie épiscopale qui désapprouve son engagement politique au delà du plan culturel.

En 1937, il fait construite à Scrignac la chapelle de Koat-Keo par l'architecte James Bouillé, avec des sculptures de Jules-Charles Le Bozec, classée monument historique en 1997, aujourd'hui considérée comme un exemple significatif de la recherche d’une création architecturale bretonne moderne.

Le 8 juillet 1941, il fait partie de la commission d'écrivains qui adopte l' orthographe unifiée du breton (peurunvan).

Seconde Guerre mondiale

Avec la guerre, son patriotisme breton lui attire l'hostilité grandissante d'une partie de la population, hostile aux séparatistes issus de Breiz Atao qui revendiquent la fin de l'appartenance de la Bretagne à la France, ce qui a alimenté des mises en cause régulières sur son compte.

Le 16 octobre 1939, des fils télégraphiques sont coupés dans la région d'Huelgoat. L'abbé Perrot est dénoncé aux autorités françaises comme étant l'auteur d'un sabotage. Les gendarmes perquisitionnent son presbytère par deux fois et l'abbé Perrot est soumis à un interrogatoire mais n'est pas arrêté car il possède un alibi. Un gendarme l'accusant publiquement d'être responsable de la coupure des fils, il porte plainte pour diffamation. Par la suite, l'enquête établit qu'un ballon captif de l'armée était responsable de la coupure des fils. À la demande du colonel de gendarmerie de Quimper, l'abbé retire sa plainte pour diffamation.

On a affirmé que les armes du débarquement de Locquirec, fournies par l'Abwehr au Parti National Breton pro-nazi, avaient été stockées chez l'abbé Perrot.[2]

Pendant la guerre, le recteur de Scrignac continue à faire paraître Feiz ha Breiz. Dès 1940, il y publie un article à l'occasion des 700 ans de l'expulsion des Juifs par le duc de Bretagne Jean Le Roux, en 1240, article dans lequel il rappelle la législation édictée par le duc à l'égard des Juifs, (alors que le statut des juifs vient d'être instauré par l'État Français) : une série de mesures discriminatoires qui s'achèvent par ces mots : « Nul ne doit être accusé ou traîné en justice pour les Juifs tués... ». L'article se poursuit par une justification des persécutions, en citant Thomas d'Aquin qui comparait les Juifs à des passagers parasites et disait d'eux: « Il n'y a qu'une chose à faire d'eux [...], les obliger à restituer leurs rapines, dédommager les passagers dont ils ont endommagé les bagages, et les mettre à ramer à la place des Chrétiens ». Après cette citation, l'abbé Perrot, la reprenant à son compte, conclut par le commentaire suivant : « Voilà ce que nous devons à nouveau faire d'eux à présent, un peu dans tous les pays d'Europe ».

Toutefois, l'abbé Perrot condamne toujours fermement le paganisme chez les nazis, comme le montrent, entre autres exemples, ses débats avec Olier Mordrel[3]. Jean-Marie Perrot est très ferme dans une lettre à une paroissienne écrite peu avant son assassinat: « (...)il ne faut pas oublier qu'il y a Allemands et Allemands et que les Nazis sont des néo-païens dont il faut rejeter les doctrines parce que destructrices de tout l'ordre chrétien ».

Bravant l’interdiction de Mgr Duparc de célébrer les fêtes du Bleun-Brug pendant l’occupation, il organise le Bleun-Brug de Tréguier les 29 et 30 août 1942 à l'occasion du 500e anniversaire de la mort du Duc de Bretagne Jean V de Bretagne. En octobre 1942, il est nommé membre du Comité Consultatif de Bretagne (CCB), une assemblée (non élue) mise en place par le Préfet Régional Jean Quénette pour présenter des propositions dans les domaines de la langue et de la culture bretonnes.

L'abbé Perrot aurait aussi caché plusieurs aviateurs alliés, selon une déclaration citée dans l'ouvrage de Jean-Jacques Monnier Résistance et conscience bretonne [4]. A contrario, Kristian Hamon cite [5] un exemple d'une de ces lettres de délation de ses paroissiens. D'après Hamon, qui a retrouvé le dossier, un jeune breton, interprète au SD de Quimper sous l'occupation, révèle lors de son interrogatoire comment procédaient les informateurs des allemands pour communiquer leurs informations au SD. Parmi ceux-ci, de nombreux membres du PNB. Cet interprète (PV du 11/9/1944) cite les noms de Bricler, d'un "barde" de Carhaix, d'un instituteur révoqué de Quimper et du curé de Scrignac[6].

Plus tard, son presbytère est partiellement réquisitionné par l'occupant et il est alors accusé d'héberger des soldats allemands. Le 7 août 1943, des manœuvres des Bagadou Stourm (Groupes de combat) se terminent à Scrignac [7]

L’abbé Perrot sympathisait fortement avec le PNB. Il avait donné l’hospitalité aux Jeunes des Bagadou Stourm (dont certains ont rejoint la Résistance tels que le Groupe Liberté à St Nazaire et d'autres qui adhérèrent au Bezen Perrot, milice nationaliste bretonne membre du SD) qui manœuvraient dans le Finistère et dont les deux chefs, Yann Goulet et L’Haridon, avaient été arrêtés par la police française et relâchés par les Allemands.

Mort

L'abbé Perrot est assassiné le 12 décembre 1943 par Jean Thépaut, membre de l'Organisation spéciale du PCF à Scaër, sur des soupçons de collaboration avec l'occupant et de délation (il y avait chez lui des officiers allemands, ce qui est tout à fait logique puisque le presbytère était réquisitionné par les Allemands pour y installer la Kommandantur).

Kristian Hamon cite [5]un exemple d'une de ces lettres de délation de ses paroissiens, mais cet exemple ne désigne pas l'abbé Perrot lui-même. Il apparaît plutôt, au vu des différents témoignages des contemporains du personnage, que Jean-Marie Perrot, prêtre catholique dans une paroisse réputée pour son anticléricalisme extrêmement violent, militant breton de longue date pendant une période troublée propre aux amalgames, et ayant toujours offert son soutien de principe à toutes les tendances bretonnes (extrémistes de droite, comme Lainé, ou militants de gauche, comme Sohier), ait été en fin de compte victime de l'exacerbation des haines qui culminèrent, en Bretagne comme en France, en 1943-44[8].

Bezen Perrot

Après la mort de l'abbé Perrot, Célestin Lainé enrôle une soixantaine d'hommes qui se regroupent sous le nom de Bezen Kadoudal. Ael Péresse, second de Laîné, suggère de choisir plutôt le nom de Bezen Perrot. Ils collaborent avec les Allemands, et cette appellation a pour effet de lier publiquement le nom du prêtre à leurs actions. Le Bezen Perrot possède pour sa fraction catholique un directeur de conscience, Dom Alexis Presse[9], qui avait camouflé les armes du débarquement d'armes de Plestin, fournies par l'Abwehr.

Souvenir

L'abbé Perrot repose à la chapelle de Coat-Quéau, en Scrignac. La mémoire de Jean-Marie (Yann Vari) Perrot est toujours célébrée, notamment le Lundi de Pâques.

Le rôle de l'abbé Perrot sera l'objet de polémiques sur « la cause bretonne » notamment entre Ronan Caouissin et le directeur du groupe théâtrale Le Pays Pagan. Unvaniez Koad Kev , association de la loi 1901, a été créée pour maintenir le souvenir de l'abbé Perrot, fondateur du Bleun Brug, Fleur de Bruyère, nationaliste breton, écrivain, et apôtre de “Feiz ha Breiz” (Foi et Bretagne) . Cette association est administrée principalement depuis 1957 par Yves Craff. En 2005, la direction change après un vote extraordinaire des adhérents, plaçant à la tête de l'association Roland de la Morinière (Membre du Parti d'extrème-droite indépendantiste ADSAV) qui bénéficie de l'appui de Gérard Hirel ( alors également membre d'ADSAV et exclu depuis, ex-officier de gendarmerie et ex-responsable du Front National).

Citations

  • Le résistant Fañch Gourvil[10] en 1990 : « L'abbé Perrot était bien connu pour ses attaches avec les Breiz Atao qui eux-mêmes… De là à en conclure, après la seconde arrestation de D., qu'il en portait la responsabilité, il n'y avait pas loin… En réalité, l'abbé, la bonté même, était bien incapable de nuire, même à un ennemi politique. Malheureusement, il avait des familiers, que vous connaissez aussi bien que moi et auxquels, fort innocemment, il avait dû rapporter le fait incriminé, lequel fut joint à d'autres concernant (…) le tout fut transmis à Quimper et enregistré, dans l'ordre, par celui qui, dans cette ville, centralisait les renseignements susceptibles d'intéresser à quelque titre la Gestapo. La Résistance locale, à Scrignac, fut sans doute mise au courant du passage concernant D. dans cette liste. À la suite de quoi, le pauvre recteur « paya de sa vie » une dénonciation dont il n'était pas l'auteur »
  • Yann-Vari Perrot, lettre à une paroissienne de 1943 : « J'ai l'honneur de vous faire savoir que le PNB dirigé, par M. Raymond Delaporte, est un parti qui n'a été et ne peut être, tant qu'il se maintiendra dans la voie qu'il suit maintenant, condamné par l'autorité ecclésiastique. Il n'en est pas de même de certains autres mouvements bretons tels que le groupement dit "Service spécial", dirigé par M. Célestin Lainé, de Ploudalmézeau, qui est nettement néo-païen, et le groupement Nemeton qui rêve de ressusciter la religion celtique. Ces groupements sont à fuir comme la peste. Vous me demandez ensuite s'il est permis de sympathiser avec les Allemands. Cela va sans dire puisque notre religion nous ordonne d'aimer même nos ennemis (le cardinal Baudrillart, qui était une autorité, prêchait la collaboration avec l'Allemagne). Néanmoins, il ne faut pas oublier qu'il y a Allemands et Allemands et que les Nazis sont des néo-païens dont il faut rejeter les doctrines parce que destructrices de tout l'ordre chrétien ». [11]
  • Yvon Tranvouez affirme[12] que « …l'abbé Perrot fait partie de ces “nouveaux croisés” (…) qui, par phobie du communisme, ont été conduits à admettre la logique de la collaboration avec l'Allemagne, conçue conjoncturellement comme un moindre mal. Ce n'est donc pas, me semble-t-il, son nationalisme breton qui l'a conduit à cette extrémité et à ses conséquences fatales, mais plutôt son anticommunisme catholique, rigide et intransigeant. Au cœur du Léon, il ne lui en eût vraisemblablement rien coûté : à Scrignac, c'était suicidaire. »
  • L'abbé Henri Poisson affirmera dans son livre : « L’assassinat de l’abbé Jean-Marie Perrot, le 12 décembre 1943, plus connu, et à qui on ne pouvait reprocher que son ardente fidélité à la Bretagne, constitue un crime odieux et ne peut s’expliquer que par le régime d’anarchie et de totalitarisme qui fut la marque de cette période ».
  • 'L'abbé Perrot aurait critiqué l'exécution d'officiers de l'Armée polonaise à Katyn par les soviétiques, dans le cadre de l'accord germano-soviétique en cours alors, ce qui aurait fortement déplu à certains militants du PCF."
  • L'abbé Aimé Le Breton affirme dans son témoignage qu'il a dîné en compagnie d'Anglais dans le presbytère de Scrignac pendant la guerre en tant qu'agent de liaison des maquis. réf : Blaz Produktion "A-hed ar C'hantved, Tud Breizh Izel », « VII Treger-Goueloù, eus an eil brezel d'egile » , 2004, enregistré le 1er décembre 1998.

Publications

  • Alanik al Louarn. Pe "n'euz den fin n'en deuz e goulz". Pez c'hoari plijadurus rimet e daou Arvest, Brest, Moullerez "Ar c'hourrier", 1905. Adaptation en vers de la "Farce de maître Pathelin".
  • Buez ar zent, Ar Gwaziou, Morlaix, 1911
  • An Aotrou Kerlaban, adaptation de la pièce de Molière Monsieur de Pourceaugnac.
  • E-tal ar poull, adaptation de La Farce du Cuvier, jouée par la troupe Strollad ar Vro Bagan.
  • Nonik, ar filouter fin. Adaptation des Fourberies de Scapin de Molière.

Notes et références

  1. Thierry Guidet, Qui a tué Yann-Vari Perrot, nouvelle édition revue et mise à jour, 2002, Coop Breizh, p. 85 et suivantes.
  2. article dans Bretagne Ile-de-France de septembre 2004, reproduit [1]
  3. Voir au § citations la lettre à une paroissienne de 1943,
  4. L'abbé Aimé Le Breton affirme dans son témoignage qu'il a dîné en compagnie d'Anglais dans le presbytère de Scrignac pendant la guerre en tant qu'agent de liaison des maquis. réf : Blaz Produktion "A-hed ar C'hantved, Tud Breizh Izel », « VII Treger-Goueloù, eus an eil brezel d'egile » , 2004, enregistré le 1er décembre 1998
  5. a  et b Les nationalistes bretons sous l'occupation, An Here, 2001, pages 184-85-86
  6. Voir le site "Forum le Monde en Guerre". www.39-45.org. Texte de Kristian Hamon du 5/4/2008
  7. Archives secrètes de Bretagne 1940-1944 par Henri Fréville, éditions Ouest France, 2004
  8. l'ouvrage Qui a tué Yann-Vari Perrot ? de Thierry Guildet.(Coop Breizh 1997)
  9. Le rêve fou des soldats de Breiz Atao, Ronan Caerléon-Caouissin, p. 138, réédition Celtics Chadenn, 2002
  10. cité par Kristian Hamon, ISBN 2-9521446-1-3
  11. Yann-vari Perrot, par Henri Poisson, réédition Celtics Chadenn, 2006
  12. Bretagne et identités régionales pendant la Seconde Guerre mondiale

Bibliographie

  • Henri Poisson, L'abbé Jean-Marie Perrot, préfacé par le chanoine François Falc'hun. Rennes, éd. Plihon, 1955.
    • Henri Poisson], L'abbé Jean-Marie Perrot, fondateur du Bleun-Brug ; réédition de l'Unvaniezh Koad-Kev, 1998.
  • Thierry Guidet, Qui a tué Yann-Vari Perrot ?, Spezet, éd. Coop Breizh, 1997, ISBN 2-909924-84-X,
  • Collectif, Bretagne et identités régionales pendant la Seconde Guerre mondiale (Actes du Colloque de l'université de Brest), 2001 (contribution d'Yvon Tranvouez.
  • Henri Fréville, Archives secrètes de Bretagne 1940-1944, Rennes, éd. Ouest France, 2004.
  • Kristian Hamon, Les nationalistes bretons sous l'occupation, Fouenant, (éd.) Yoran embanner.
  • Jean-Jacques Monnier, Résistance et conscience bretonne, l'hermine contre la croix gammée, 1940-45, Fouenant, Yoran embanner, 2007, 400pp.

Liens externes

  1. Biographie et documents sur l'abbé Perrot
  2. Bretagne: ne pas laisser le passé manipuler le présent par Didier Daeninckx, avec « Feiz ha Breiz », un document publié par l'abbé Perrot en 1940
  3. Souvenir de Jean-Marie Perrot

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