Histoire de l'information

Histoire de l'information

Cet article traite de l'histoire de l'information. Une information est un message transmis par différents moyens, ou médias, d'une source vers un destinataire. La physique met en lumière la tendance de cette information à se dégrader à chaque nouvelle transmission, c'est-à-dire à perdre de son ordre pour se rapprocher d'une structure aléatoire (entropie). Voir sur ce point l'article consacré à Claude Shannon. Journalistes et philosophes thématisent plutôt la question de la valeur de l'information, en particulier, mais pas seulement, sa vérité. Voir philosophie de l'information.

Sommaire

De la rumeur à la presse

Selon les Commentaires sur la Guerre des Gaules de Jules César, les Gaulois étaient friands de rumeurs, souvent à leurs dépens. Au XVe siècle, rappelle Christian Delporte, s'épanouirent les « gazetins », feuilles manuscrites rédigées à partir d'anecdotes glanées dans les couloirs des puissants. Au XVIIe siècle, se constituèrent à Paris des bureaux d'information qui organisaient la collecte des potins. Le peuple, lui, consommait la rumeur sous une forme orale, qui donnait parfois lieu à des représentations publiques, à grand renfort de pantomimes, de complaintes, de projections à la lanterne magique. La Réforme vit se multiplier les libelles et les placards, ancêtres de la presse d'opinion. Ce journalisme « avant la lettre », comme le caractérise Michel Mathien, continuera à prospérer après l'apparition de la presse proprement dite tant que cette dernière demeurera sous le contrôle du pouvoir.

La presse est née de l'alliance de la curiosité publique, de la volonté des puissants et de l'imprimerie. Le 30 mai 1631, soit près de deux siècles après Gutenberg, Théophraste Renaudot (1586-1653), protégé par Richelieu, fonde la Gazette, une brochure périodique. Il s'agissait d'une sorte de bulletin officieux de la monarchie. Le Roi et le Cardinal Richelieu rédigeaient eux-mêmes certains articles, et Renaudot les réécrivait dans son style si particulier. Dès 1644, en Angleterre, John Milton publia un discours contre la censure. De son côté, Renaudot théorisa la fonction de la presse. Après avoir pu, grâce à ses appuis, éliminer son unique concurrent, Renaudot ne réussit pas, malgré les procès qu'il gagna, à conserver son monopole. Après la mort de son fondateur, le style de la Gazette changea du tout au tout, devenant un modèle de classicisme. À l'occasion de l'affaire de la Bête du Gévaudan, le fait divers y fit son apparition.

Après la révocation de l'Édit de Nantes (1685), les journaux rédigés par les réfugiés huguenots en Hollande inondèrent la France, s'en prenant vigoureusement au pouvoir royal et à la Gazette. Tandis que l'Angleterre remplaçait la censure par des mesures d'étouffement économique, la France connut dès le milieu du XVIIIe siècle un certain libéralisme, qui favorisa la naissance de très nombreux titres, en particulier des journaux littéraires volontiers polémiques, par opposition au style narratif des gazettes, note Delporte. Cette presse était donc prête à jouer tout son rôle lors de la Révolution française, avant le coup d'arrêt du 18 fructidor an V (4 septembre 1797).

La construction de la profession de journaliste

Jusqu'à la loi du 29 juillet 1881, et encore lors de la Grande Guerre, les pouvoirs chercheront de manière chronique à museler la presse (18 lois ou ordonnances sur la presse de 1815 à 1848 !). Le difficile combat pour la liberté renforcera encore le lien du journalisme et du monde politique. À cette époque, la distinction n'est pas non plus claire entre les journalistes et les hommes de lettres, si bien que le journaliste passe volontiers pour un écrivain raté. En fait, le journalisme est considéré comme une étape, l'antichambre de la littérature ou du pouvoir, d'où la formule (attribuée à tort à Alphonse Karr) : « le journalisme mène à tout, à condition d'en sortir ». Pourtant, la presse évolue sur le plan économique et se professionnalise. Les journalistes sont de plus en plus fréquemment des salariés. La pratique de la vente au numéro, la baisse des coûts et les progrès de l'instruction rendent possible la constitution d'un lectorat populaire.

Les agences de presse se partagent les zones géographiques dès 1859. Leurs collaborateurs seront les premiers à faire réellement carrière dans le journalisme, selon Michel Mathien. La fin du XIXe siècle amplifie encore les changements entamés sous le Second Empire. Les tirages des quotidiens révèlent cette industrialisation. Ils passent à Paris de 180 000 exemplaires en 1848 au million en 1870 et cinq fois plus en 1910, en province de 250 000 en 1868 à quatre millions en 1914. Le journal tend à être considéré par son propriétaire comme une simple entreprise capitaliste, qui offre également la possibilité d'une pression sur le pouvoir politique ou encore les épargnants (Scandale de Panamá, emprunts russes). Les équipes s'étoffent et se hiérarchisent, tandis que les journalistes se professionnalisent et se spécialisent. La solidarité professionnelle s'organise lentement, sur un mode corporatiste qui tranche avec les pratiques antérieures, comme celle du duel. La tradition américaine du reportage s'impose en Europe, si bien que de nos jours encore, on assimile souvent le journaliste au reporter, grand ou petit, héros ou antihéros. La concurrence entre rédactions prend la forme de la course au scoop. Les journaux d'opinion ne disparaissent cependant pas. L'affaire Dreyfus voit la plupart des titres populaires mener une campagne d'opinion antidreyfusarde, à tonalité antisémite.

Pendant l'entre-deux-guerres, les journaux se trouvent mêlés à de nombreux scandales. Les journalistes, dont la situation matérielle s'est dégradée, commencent à opposer leur conscience professionnelle aux intérêts des actionnaires, mais s'en prennent également aux dilettantes, enseignants ou écrivains. Certains rêvent d'un conseil de l'ordre comparable à celui des médecins ou des avocats. Des conflits éclatent pour la première fois entre les journalistes et les patrons de presse. Après la Libération, les journaux issus de la Résistance, qui entendent rompre avec la tutelle de l'argent et mettre en place une éthique professionnelle, sont balayés par une concurrence plus apte à répondre aux attentes du public. Le syndicalisme, lui, se déchire.

Le journalisme audiovisuel

C'en est fini de l'âge d'or de la presse écrite. Dès 1923, Radiola diffuse le premier journal parlé. Les journalistes de la presse écrite éprouvent bien des difficultés à concurrencer ce nouveau média, idoine à présenter l'information instantanément. Pourtant, le statut professionnel de 1935, qui reconnaît la clause de conscience, « oublie » les journalistes de radio. Avec la télévision, commence la « mise en spectacle du monde, incluant la mise en spectacle des médias eux-mêmes » (Mathien). Le phénomène s'accélère dans les années 1980, avec le développement des chaînes privées soucieuses de l'audimat et friandes d'instantanéité, aux dépens, parfois, de la déontologie et de l'esprit critique. Pour se manifester, les acteurs sociaux se doivent eux-mêmes de « communiquer » afin de répondre aux attentes des médias, et à travers eux, de leurs publics. Les rédactions traitent souvent les mêmes images, qui constituent leur matière première. La concurrence conduirait même, selon Pierre Bourdieu, à une paradoxale homogénéisation, chacun se déterminant par rapport à ce que font les autres, comme on l'a vu lors de la pénible affaire du petit Grégory. La frontière entre le journalisme et l'animation, la réalité et la fiction, la vie publique et la vie privée, s'estompe. L'information tend à se confondre avec le divertissement (info-tainment, du mot anglais entertainment). Certaines légèretés et supercheries (« révolution » roumaine, reportages créés de toutes pièces) conduisent à une crise de confiance du public, en particulier à l'égard de la télévision. Dans certains pays, comme l'Italie, des politiques construisent leur carrière grâce au contrôle financier sur les principaux médias. En tout cas, il y a loin, dans la logique multi-médiatique, du mythe du grand reporter à la réalité du journaliste contemporain, qui la plupart du temps se contente de mettre en forme des informations et des images qu'il n'a pas recueillies lui-même. En effet, chaînes de télévision et magazines recourent à des banques d'images et des agences de presse, pour se concentrer sur leur véritable métier: la présentation de l'information. Cette « externalisation » de la collecte de l'information doit beaucoup à Internet.

Le rôle des réseaux informatiques

Internet est un réseau global qui permet la connexion de n'importe quel ordinateur personnel avec n'importe quel autre. Mais c'est aussi une source intarissable d'images et de programmes. Il symbolise l'instantanéité et l'ubiquité des flux d'informations, de capitaux, d'images. Mais il est également utilisé à des fins terroristes ou révisionnistes (notamment néo-nazies et antisémites). Les régimes autoritaires, à l'instar de la Chine et de la Birmanie, ont de leur côté développé des moyens efficaces pour le bâillonner.

Surtout, Internet recrée les conditions de la rumeur, parce qu'il permet la diffusion d'informations sans nécessairement s'inquiéter de leur pertinence ou de leur provenance. Les rédacteurs, malgré leur bonne volonté, ne sont pas non plus forcément des journalistes professionnels. Ainsi, le système le plus élaboré qu'ait produit l'informatique se conjugue avec le plus archaïque des modes d'information !

Cependant, le rapprochement du public à l'information permet aussi d'aiguiser l'esprit critique et d'impliquer le public dans la présentation et la collecte de l'information, qui ne sont plus alors l'apanage des médias traditionnels et de leurs spécialistes bien avisés. Cette révolution du médium permet donc au public de se réapproprier l'information et de s'affranchir d'intermédiaires souvent bien trop conformistes. On a pu voir dans Internet un remède démocratique au contrôle qu'exerceraient sur les médias traditionnels les pouvoirs financiers et publicitaires : la blogosphère en est un exemple.

Internet fait donc débat : panacée libertaire et égalitaire pour les partisans de la cyber-utopie, moyen d'expression d'une stratégie commerciale anglo-saxonne (ou de thèses plus conspirationnistes que réellement critiques) pour quelques désillusionnés, ou comme un médium simple, maniable et accessible pour ceux qui s'en servent avec circonspection. Peut-être Internet aura-t-il pour sort celui de ces radios « libres » devenues stations privées, ou bien celui, plus fâcheux, du quotidien l'Humanité. En attendant, internet contribue à renforcer l'idée selon laquelle l'information est gratuite, ce qui déstabilise sans doute (au même titre que le développement de la presse gratuite) le lectorat de la plupart des quotidiens français.

Automates logiques et machines idéales

Pascal (1623-1662) est l'inventeur d'une machine à effectuer des additions et des soustractions, mais c'est à Leibniz (1646-1716) que revient, sinon la réalisation, du moins l'idée d'une machine capable de raisonner, c'est-à-dire d'enchaîner mécaniquement des propositions élémentaires. Ce projet est inséparable de la découverte de la possibilité, méconnue par Descartes, de ramener les raisonnements à des calculs aveugles, portant sur de simples symboles tout en respectant les critères formels de la vérité.

En France, à la fin de la Révolution, Gaspard de Prony a l'idée de diviser le travail mathématique sur le modèle de la manufacture. Cette idée inspirera l'économiste Charles Babbage : en 1834, soucieux d'automatiser certaines tâches intellectuelles, il imagine une machine capable non seulement de calculs arithmétiques, mais aussi de manipuler des formules algébriques. Babbage ne pourra cependant pas réaliser sa machine, qui aurait pu parfaitement fonctionner. En 1847, George Boole parvient à réaliser le projet leibnizien d'algébrisation de la logique. C'est toujours cet outil mathématique qui est utilisé aujourd'hui pour concevoir les circuits électroniques de nos machines modernes, remarque Jean Gabriel Ganascia. William Stanley Jevons applique en 1870 l'algèbre de Boole à la fabrication d'un piano logique, inspiré de la machine analytique de Babbage.

Au début du XXe siècle, des mathématiciens comme David Hilbert (1862-1943) proposent un modèle formel du raisonnement mathématique, susceptible d'applications automatiques. Mais c'est le Britannique Alan Turing qui, en 1936, théorise l'intelligence artificielle. Comme Carnot l'avait fait pour les machines thermodynamiques, Turing conçoit une machine idéale très simple, qui est l'équivalent théorique de toutes les machines à calcul logique concrètes. Turing se sert pour décrire sa machine des mêmes systèmes symboliques que ceux qui permettent de formaliser les mathématiques. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Turing réalise l'un des premiers calculateurs électroniques.

Le développement de l'informatique

La machine de Turing se contentait de parcourir toutes les possibilités d'un problème donné, sans stratégie propre. En 1956, les pionniers de l'informatique associent aux programmes des méthodes heuristiques, qui consistent à orienter la machine dans des directions privilégiées.

C'est au milieu des années 1970 que l'informatique se répand dans le monde industriel. Les micro-ordinateurs font alors leur apparition, mais l'informatique ne fera son entrée dans les foyers qu'au milieu des années 1980, avec l'adoption du jeu vidéo par les enfants et les adolescents. Apple, avec son Macintosh, commence à populariser les ordinateurs personnels dès 1984. Au milieu des années 1990, la micro-informatique connaît une véritable explosion avec l'irruption de l'Internet dans les préoccupations des industriels et des politiques, puis dans la vie quotidienne. Pourtant, explique Vinton Cerf, un des pères du réseau, « Internet, qui a paru surgir de nulle part, était en développement depuis trente ans ». Comme l'espace interplanétaire, le cyberespace a d'abord été exploré par les militaires et les scientifiques, puis est devenu un instrument de la reconquête du marché de l'électronique grand public. Les autoroutes de l'information seront un projet phare de l'administration Clinton, à la fois pour relancer l'économie (à l'intérieur) et pour favoriser le libéralisme (à l'extérieur).

D'Arpanet à Internet

En 1962, en pleine guerre froide, Paul Baran réalise, à la demande de l'armée de l'air américaine, une étude sur les systèmes de communications militaires. Il développe le principe d'un réseau maillé très décentralisé, capable de fonctionner même en cas de destruction partielle, ou de problèmes de saturation, du fait de l'existence de plusieurs chemins possibles entre deux « nœuds » du réseau.

En 1969, l'Université de Californie à Los Angeles met en œuvre, pour le Pentagone, l'embryon du réseau de l'agence pour les projets de recherche avancée (Arpanet), auquel d'autres institutions scientifiques et universitaires ajoutent bientôt des nœuds supplémentaires. Dès 1972, est conçu le projet d'une architecture internationale, l'Internet, constituée d'un ensemble de réseaux autonomes interconnectés, qui ne deviendra réalité qu'à la fin des années 1980 (la France se connecte en 1988).

En 1979 se produit le premier cas de censure sur un réseau informatique, en raison de la création de groupes de discussion sur le sexe et les drogues. En 1981, France Télécom lance le Minitel, qui aura à son apogée 20 millions d'utilisateurs pour 6,5 millions de terminaux !

En 1983, Arpanet se scinde de Milnet, rattaché à la Défense. Arpanet (relayé en 1990 par le réseau de la National Science Foundation) est quant à lui destiné aux chercheurs et aux universitaires, comme le stipulera l'Acceptable Use Policy.

En 1990, le laboratoire européen du CERN invente et met au point le World Wide Web, dont la simplicité contribue à l'explosion d'Internet. La vague de commercialisation commence dès 1991, avec la création du Commercial Internet Exchange, mais c'est 1995 qui sera, selon Arnaud Dufour, l'année charnière. NSFnet cesse alors d'exister : aucune autorité d'ensemble ne coiffe plus Internet, communauté de milliers de réseaux, appartenant à différents gouvernements, entreprises privées, ou universités. Depuis, le nombre d'entreprises connectées croît constamment, d'où l'apparition d'un certain sentiment de dépossession parmi les pionniers du réseau.

La délinquance sur Internet est cependant plus ancienne que cette invasion commerciale. Historiquement, les premiers sites attaqués par les hackers furent ceux des institutions étatiques et militaires. Internet semble avoir été propice, de par son caractère décentralisé, mais aussi par hostilité à tout Big Brother électronique, à l'investissement de sentiments anarchisants.

Actuellement, en 2006, se développent d'autres formes de cybercriminalité, mues par l'appât du gain (détournement des paiements par carte bancaire, contournement des droits d'auteur, interception de données sensibles, blanchiment de fonds). Mentionnons aussi les réseaux pédophiles ou néo-nazis. En réponse, les États mettent en cause, à défaut de pallier leurs carences, la dérégulation. Certains tentent néanmoins de construire un cadre restrictif, à l'échelle nationale ou régionale (Europe et Asie, entre autres), ou, avec pragmatisme, d'adapter leurs outils de lutte contre la criminalité. Les motivations sont parfois celles, classiques, des régimes autoritaires, mais aussi celles des administrations fiscales.

Internet, présenté comme un réseau mondial, reste en réalité largement dominé par les opérateurs américains et la logique libérale.

Voir aussi

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