Donatisme

Donatisme
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Le donatisme est une doctrine chrétienne schismatique puis hérétique qui prit son essor dans le diocèse d'Afrique romaine aux IVe et Ve siècles. Il tire son nom de Donatus, évêque de Cellae Nigrae (Cases-Noires) en Numidie.

Le principal point dachoppement des donatistes avec lÉglise officielle concernait le refus de validité des sacrements délivrés par les évêques qui avaient failli lors des persécutions de Dioclétien (303-305). Cette position fut condamnée en 313 au concile de Rome.

Sommaire

L'origine du problème : la grande persécution

Le donatisme trouve sa genèse dans un climat de persécutions des chrétiens dAfrique romaine. Dès les années 295-299, ces provinces africaines comptent des martyrs. Mais la répression prend une forme systématique lors de la grande persécution de Dioclétien au début du IVe siècle.

Dans un premier temps, en Proconsulaire et en Numidie, les gouverneurs se livrent à des perquisitions et détruisent les objets du culte. Les évêques sont sommés par les autorités de livrer les écrits sacrés et les objets du culte. Les attitudes sont diverses : Felix, évêque de Thibiuca, sy refuse et se voit transféré puis exécuté à Carthage ; Paulus, évêque de Cirta, obéit et livre tout ; lévêque de Carthage, Mensurius, use dun stratagème et ne livre que des ouvrages que les chrétiens considèrent comme hérétiques.

Mais lédit de 304, qui exige un sacrifice général aux dieux romains, donne une nouvelle tournure aux persécutions. Les chrétiens qui refusent de sy conformer sont menacés de mort ou condamnés aux travaux forcés.

Bien des clercs cèdent alors aux vexations et aux contraintes du pouvoir. Certains chefs religieux livrent leurs coreligionnaires aux Romains et vont jusquà brûler en public des livres sacrés. Ces Chrétiens sont désignés sous les termes de « lapsi » — de lapsus : celui qui est tombéou encore de « traditores » — de tradire : livrer (les livres sacrés).

Le déclenchement du schisme : une élection contestée

À cette période de persécutions succède, vers le printemps 305, une ère de tolérance. Il s'agit d'une tolérance de fait car les édits n'ont pas été rapportés et le retour à la paix n'est officiel quen 307, date de la paix de Maxence. Cest à cette occasion qu'apparurent les premières manifestations de ce qui allait devenir un schisme. Les réunions pour la succession de Paulus en 307 firent apparaître lopposition des « purs » à ceux quils qualifiaient de traditores, ce qui signifie « livreurs (des objets sacrés) » et aussi « traîtres ». Ces opposants furent certainement influencés par les écrits de leurs compatriotes Tertullien et Cyprien de Carthage qui refusaient que les chrétiens fautifs et réintégrés dans la communauté puissent exercer un sacerdoce. De ce point de vue, les sacrements et lautorité spirituelle de prêtres lapsi puis réintégrés étaient sans valeur.

Au-delà, de 308 à 310, lAfrique est provisoirement détachée de lEmpire après la sécession de lusurpateur L.Domitius Alexander. LÉglise dans sa majorité se montrait tolérante envers ceux qui avaient failli (les lapsi) et réintégrait les prêtres et évêques qui embrassaient de nouveau le christianisme. Mensurius est donc réintégré comme primat dAfrique.

Le conflit ouvert éclata en 312 lors de la succession de lévêque de Carthage, Mensurius. La nomination de Caecilianus fut contestée : puisque il avait été ordonné prêtre par Mensurius, évêque traditor et Felix d'Abthugni, son ordination nétait pas valable, donc il ne pouvait pas être évêque. Entraînés par lévêque Donat, soixante-dix évêques de Numidie élurent contre lui un évêque concurrent, Majorinus.

Le conflit se poursuivit sur le terrain juridique : laffaire remonta à larbitrage impérial, sollicitant Constantin Ier qui venait de récupérer lItalie et lAfrique par sa victoire sur Maxence. Considérant quil sagissait dun problème mineur entre chrétiens, Constantin demanda au pape Miltiade (311-314) de sen occuper. Un concile fut organisé en 313 dans le palais de Latran autour de dix-huit évêques italiens et gaulois. De ce concile de Rome date la première condamnation des schismatiques africains.

Donat sobstina dans la contestation de lordination de Caecilianus par un évêque qui avait failli. Le concile de Latran confirma la validité de cette ordination par largumentation suivante : si le Christ est présent dans tous les sacrements, un sacrement est effectif quels que soient les antécédents du prêtre qui le délivre. Donc lordination de Caecilianus par Mensurius était valable.

Les donatistes, obstinés, firent de nouveau appel à Constantin, qui dut simpliquer plus sérieusement. Le concile d'Arles qui se termina le 1er août 314 rendit la même décision qui prit force de loi en 317 par la volonté de Constantin, qui ordonna la dissolution des communautés donatistes et la confiscation de leurs biens.

Les premières violences et les tentatives d'apaisement

Les donatistes contrôlaient de nombreuses communautés, lapplication de la loi saccompagna de nombreuses violences, à Carthage et dans les provinces africaines. Pour rétablir le calme, Constantin suspendit en 321 lapplication des mesures répressives. Les donatistes se maintenaient donc, crispés sur un esprit de rigorisme et dopposition avivés par les violences quils venaient de connaître. Eux seuls étaient les purs, ils étaient « fils des martyrs » et sans compromission, face aux « fils des traditores ». Tout sacrement venant dun prêtre indigne à leurs yeux était nul, donc ils rebaptisaient ceux qui avaient reçu le baptême hors de leur communauté.

Vers 340, des bandes douvriers agricoles itinérants, les circoncellions, se dressèrent contre les propriétaires terriens, les forçant par la violence à annuler les dettes et affranchir les esclaves. La convergence entre les donatistes et les circoncellions ne tarda pas.

À la même époque, lempereur Constant Ier envoya en Afrique deux commissaires chargés dapaiser les querelles religieuses en distribuant des secours aux communautés. Lévêque Donat, toujours en place, refusa tout subside, rejetant lingérence du pouvoir dans son Église. La tournée des commissaires dégénéra en affrontements armés contre les donatistes aidés par les circoncellions. Lévêque donatiste Marculus périt lors de son emprisonnement, tombant dans le vide depuis un rocher. Les donatistes le proclamèrent martyr, tandis qu'ultérieurement Augustin y voyait un suicide rituel.

Alternances dattitude du pouvoir face au donatisme

Après le concile de Nicée, lorthodoxie chrétienne engagea la lutte contre toute forme de déviation et dhérésie, tandis que la politique des empereurs variait selon leur sympathie religieuse. Le donatisme, quoique non encore taxé dhérésie, resta après la mort de son inspirateur Donat vers 355 un foyer dopposition régionale à lorthodoxie et connut tour à tour tolérance et répression.

En 362, Julien autorisa toutes les tendances du christianisme. Il mit fin aux exils de donatistes et leur fit restituer leur lieux de culte.

En 373, Valentinien Ier interdit aux donatistes la pratique du « rebaptême ». Dans les années 372-375, les donatistes sont mêlés à la révolte du chef maure Firmus en Maurétanie. En 376, Gratien renouvelle linterdiction de léglise et du culte donatiste. À partir de 385, le comte dAfrique Gildon protégea et encouragea le donatisme, et finit par se révolter contre le pouvoir impérial en 397-398. Vaincu, il laissait les donatistes au sommet de leur force, mais isolés.

Les conciles de Carthage et la dilution du donatisme

Des divergences de vue apparurent au sein même du donatisme : vers 370/380 Tychonius tempéra la rigueur en rappelant, évangiles à lappui, que léglise est sur Terre un mélange des justes et des pêcheurs.

Quelques années plus tard, le théologien Augustin, évêque dHippone en Afrique Proconsulaire à partir de 395, développa ses arguments pour contrer le donatisme : distinguant deux dossiers, la « causa Cæcilliani », vieux conflit de personnes qui appartenait désormais au passé, et la « causa ecclesiæ », il critique lattitude religieuse étroite et puritaine des donatistes et affine largumentation de saint Cyprien sur la validité des sacrements. Les arguments dAugustin neurent aucun effet sur les donatistes, qui poursuivirent leurs violences et contraignirent lÉglise orthodoxe à réclamer de lempereur Honorius de nouvelles sanctions. Son édit de 405 assimilant les schismatiques aux hérétiques exposait désormais les donatistes à toutes les lois répressives.

En 411, les évêques donatistes ne purent se dérober à un concile organisé à Carthage entre les deux églises officielle et schismatique. En mai 411, près de six cents évêques, pour moitié catholiques, pour moitié donatistes, saffrontèrent physiquement sous la présidence dun représentant impérial. Au lieu de débattre des aspects religieux sur les exigences de probité du sacerdoce et la validité ou non de ses sacrements, les donatistes senlisèrent sur la querelle de lélection de Cæcilianus, un siècle plus tôt. Larbitrage rendu leur fut défavorable, et une loi prise à Ravenne en 412 définit la répression contre les récalcitrants : lourdes amendes pour les adeptes du donatisme, exils pour leurs évêques, confiscation des lieux de culte et des biens ecclésiastiques.

À partir de cette date, un grand nombre de communautés donatistes revinrent à lorthodoxie, au point quun nouveau concile dut être tenu à Carthage en 418, pour achever le reclassement de centaines dévêques. Néanmoins, quelques évêques donatistes restèrent sur leur position inflexible, comme Gaudentius à Thamugadi (Timgad) ou Emeritus à Césarée (Cherchel), tandis que lEmpire doccident se désagrégeait sous les invasions barbares, réduisant ses capacités de répression.

La disparition du donatisme

Larrivée des Vandales en Afrique en 429 et la chute de Carthage en 439 détacha lAfrique de lEmpire romain pendant un siècle. Les historiens manquent dinformations à partir de cette époque sur ce quil advint du donatisme. Il est possible, mais non prouvé, que quelques communautés donatistes désormais indépendantes se soient maintenues en Maurétanie ou en Numidie.

En 533-535, les Byzantins reconquirent en partie les provinces dAfrique, mais lhistorien Procope de Césarée ne mentionne pas les donatistes dans sa Guerre contre les Vandales, tandis quune loi de Justinien en 535 interdisait tout culte aux « donatistes, juifs, païens, ariens et autres hérétiques ». Cette énumération traduisait-elle une présence réelle ou un simple effet oratoire daccumulation ?

Enfin la laborieuse conquête arabe de lAfrique du Nord, depuis le raid sur Sbeïtla en 647 à la chute de Carthage en 698 et celle de Ceuta en 709, fit définitivement passer le donatisme dans loubli, les conquérants ne faisant aucune distinction entre chrétiens. Mais lAfrique du Nord développa en 742 avec les kharidjites un nouveau foyer de puritanisme religieux, musulman cette fois.

Le donatisme nétait pas qu'un mouvement d'opposition, qui voyait les autres chrétiens comme impurs et corrompus ; les donatistes avaient également des pratiques religieuses différentes, mettant l'accent sur le Saint-Esprit. Les anabaptistes et d'autres Églises de la Réforme radicale ont vu en eux des prédécesseurs, du fait de leur opposition à l'union de l'Église et de l'État.

Voir aussi

Sources

Les plus grandes parties des renseignements sur ce mouvement nous sont fournis par les écrits dAugustin d'Hippone, et de son collègue Optat de Milève, évêque de Milev, deux éminents représentants du combat contre le donatisme, ainsi que par les canons des conciles africains, par les constitutions impériales incorporées au Code Théodosien, par les procès-verbaux daudience devant les tribunaux, ainsi que par le matériel archéologique.

Les Actes de la conférence de Carthage en 411 sont publiés en quatre tomes, n° 194, 195, 224 et 373, dans la collection Sources chrétiennes.

Bibliographie

  • François Decret, Le Christianisme en Afrique du Nord ancienne, Seuil, Paris, 1996.
  • Joseph Cuoq, L'Église d'Afrique du Nord du deuxième au douzième siècle, Le Centurion, Paris, 1984.
  • Dominique Arnaud, Histoire du christianisme en Afrique : Les sept premiers siècles, Mémoires d'Églises, Karthala, Paris, 2001.

Articles connexes


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