Génocide tibétain

Génocide tibétain

Controverse sur le génocide tibétain

Le Tibet historique est présent dans différentes régions chinoises dont la Région autonome du Tibet

Le gouvernement tibétain en exil ainsi que la Commission internationale de juristes dans un rapport de 1959[1] ont qualifié de génocide les conséquences de l'intervention de l'armée chinoise au Tibet à partir des années 1950. Le bilan de l'invasion chinoise est estimé à 1,2 million de morts entre 1959 et 1970 par le Gouvernement tibétain en exil[2].

Ces chiffres sont cependant contestés par un certain nombre d'observateurs ainsi que par le gouvernement chinois.

Sommaire

Controverse sur la région concernée

Pour le gouvernement chinois, et au regard du droit international, le « Tibet » correspond à la Région autonome du Tibet, région qui est dénommée « Tibet central » par la diaspora tibétaine. Le Tibet, pour celle-ci, correspond au « Tibet ethnographique », qui comprend aussi les régions orientales. La région du Tibet dont parle les Tibétains exilés et donc deux fois plus grande (2 500 000 km2) que la région autonome (1 221 600 km2). Ainsi, le recensement de population effectué en 1953 par les autorités chinoises comptabilisait 1 270 000 Tibétains uniquement dans la RAT. Les Tibétains des anciennes provinces orientales du Kham et de l'Amdo n'étaient pas recensés, aujourd'hui ces régions accueillent plus de 50% des Tibétains [3].

Controverse sur les chiffres

Contrairement au gouvernement chinois, le gouvernement tibétain en exil inclut dans les décès de cause non naturelle à la fois ceux qui ont été tués lors des combats et révoltes et ceux qui sont morts de famine, par suicide ou au cours de leur emprisonnement.

Un « génocide » physique ?

Démographie

L'évolution démographique tibétaine entre 1953 et 2000[4],[5]

En 2000, le nombre de Tibétains dans l'ensemble de ces régions était d'environ 5 400 000 selon Bureau d'État des Statistiques[6]. Le gouvernement tibétain en exil à Dharamsala en Inde donne une estimation proche de ce chiffre de 6 millions de Tibétains vivant actuellement au Tibet. Il faut ajouter qu'environ 200 000 Tibétains ont fui le Tibet ou vivent actuellement en exil, principalement en Inde mais aussi au Népal, au Bhoutan, en Europe et aux États-Unis.

La population tibétaine a subi une baisse importante entre les recensements de 1953 et 1964 (de 2,77 à 2,50 millions), comme l'indiquent les chiffres de source chinoise[4],[5]. Les causes de cette diminution restent toutefois à déterminer précisément[7],[8].

Les accusations

La Commission internationale de juristes a qualifié de génocide, dans un rapport de 1959, les massacres perpétrés au Tibet par les autorités chinoises[9].

En 1962 dans un rapport, connu sous le nom de la Pétition en 70 000 caractères, adressé au premier ministre chinois Zhou Enlai, le 10e Panchen Lama, qui dirigeait le Tibet à la demande des Chinois, écrivait :

« Nous n'avons aucun moyen de savoir combien de personnes ont été arrêtées. Dans chaque région, il y a eu au moins 10 000 arrestations. Bons et méchants, innocents et coupables, tous ont été emprisonnés, en contradiction avec tout système légal au monde. Dans certaines régions, la plupart des hommes ont été emprisonnés, si bien qu'il ne reste que les femmes, les personnes âgées et les enfants pour travailler. »
« On a même ordonné de tuer des membres des familles rebelles... Les fonctionnaires mirent délibérément les gens en prison dans des conditions draconiennes, si bien qu'il y eut un grand nombre de morts injustifiables... »
« Vous devez avant tout garantir que le peuple ne mourra pas de faim. Dans de nombreuses régions du Tibet, les habitants sont morts de faim. Des familles entières ont péri et le taux de mortalité est extrêmement élevé. C'est inacceptable, terrible et grave. Le Tibet vivait autrefois un âge obscur de féodalisme barbare, mais il n'y a jamais eu de telles pénuries de nourriture, notamment après l'essor du bouddhisme. Dans les régions tibétaines, les masses vivent actuellement dans une telle pauvreté que les personnes âgées et les enfants meurent de faim, ou bien sont si affaiblis qu'ils ne peuvent résister aux maladies et meurent. Jamais rien de tel n'a eu lieu auparavant dans toute l'histoire du Tibet. Personne ne peut imaginer des famines aussi terribles, pas même dans un cauchemar. Dans certaines régions, si quelqu'un attrape un refroidissement, il contamine inévitablement des centaines de personnes et la plupart en meurent... »

Dans son discours devant le Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire, le Panchem-lama estimait le nombre de morts dans les prisons de la région de l' Amdo à 5% de la population totale. Ces interventions entraînèrent sa disgrâce puis son emprisonnement.

Après sa réhabilitation il déclara en 1987 que sa pétition avait sous estimé le niveau de calamités subies par le Tibet. Dans celle ci il avait indiqué un pourcentage de 5% d'emprisonnement dans la région de l'Amdo. Or il estimait en réalité ce pourcentage entre 10% et 15% :

« Je n'avais pas eu le courage de citer un tel chiffre. Je serais mort sous le thamzing si je l'avais fait  » [10].

En 1993, dans la préface de l'ouvrage collectif Tibet, l'envers du décor, Bernard Kouchner évoque plus de 1 million de morts, il en détaillait d'ailleurs les origines « Plus d’un million de Tibétains auraient péri de mort violente entre 1950 et 1980 : 175 000 en prison, 156 000 sommairement exécutés, 413 000 morts de faim pendant une de ces «réformes agraires» dont les théoriciens marxistes étaient friands, 92 000 morts sous la torture; près de 10 000 se seraient suicidés. »[11].

En 1995 le Sénat belge propose une journée en mémoire des différents génocides dont celui perpétré « par les communistes chinois contre les Tibétains » en évoquant en particulier la déportation d'enfants tibétains dans la région de Pékin : « Dès 1951 déjà, des enfants furent transportés manu militari en Chine pour y être « rééduqués » » [12].

En 1999, la commission des Droits de l'homme de l'ONU[13] évoque le crime de génocide à propos des cas de stérilisations forcées au Tibet et de la colonisation du Tibet :

«Régulation forcée des naissances. Bien que la Chine ait ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la violence d'État à l'encontre des femmes est chose courante. L'article 16 de la Convention reconnaît aux femmes le droit de décider du nombre et de l'espacement des naissances et interdit la stérilisation et l'avortement obligatoires. Dans la pratique, des mesures rigoureuses de contrôle des naissances sont imposées au Tibet par la force et la contrainte. On continue à recevoir des informations faisant état de campagnes d'avortement et de stérilisation forcés dans les villages, ou même en ville, par exemple dans le quartier de Chushur à Lhasa, où 308 femmes ont été stérilisées en un mois vers la fin de 1996. Des réfugiés parvenus en Inde et au Népal signalent aussi des mesures coercitives, y compris le refus de délivrer une carte d'enregistrement et d'accorder diverses prestations sociales pour les nouveau-nés au-delà du nombre fixe d'enfants, ainsi que la perte de l'emploi ou de lourdes amendes si une femme ne consent pas à se faire avorter ou stériliser. La Chine transfère dans le même temps des millions de colons chinois au Tibet, ce qui amène à s'interroger sérieusement sur d'éventuelles violations de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.»
Jiang Zemin en 2001.

Le 11 janvier 2006, la Cour suprême d'Espagne a annoncé qu'elle allait instruire une enquête concernant l'implication de sept anciens dirigeants chinois, entre autres l'ancien président Jiang Zemin et l'ancien Premier ministre Li Peng, dans un génocide au Tibet. Cette instruction est la conséquence d'un arrêté de la Cour constitutionnelle espagnole du 26 décembre 2005 qui autorise le traitement des plaintes pour génocides, même si elles n'impliquent pas de nationaux espagnols[14].

Liang Guanglie en 2007.

Après les troubles au Tibet en mars 2008, une plainte visant sept responsables politiques et militaires chinois a été déposé le 9 juillet 2008 par des associations pro-tibétaines devant la justice espagnole qui s'est déclarée compétente le 5 août. Sont notamment concernés, l'actuel ministre chinois de la défense nationale, Liang Guanglie, et le chef du Parti communiste chinois au Tibet, Zhang Qingli[15]. Elle vise aussi Wang Lequan — membre du Politburo à Pékin —, Li Dezhu — chef de la Commission nationale des Affaires ethniques —, le General Tong Guishan — commandant de l’Armée populaire de libération à Lhassa — et le General Zhang Guihua.[16] Les plaignants accusent les autorités chinoises « de crimes contre l'humanité par élimination systématique et généralisée de Tibétains, de blessures graves, tortures et disparitions forcées »[17]. Le 10 janvier 2006, la justice espagnole s’était déjà déclarée compétente concernant une plainte pour "génocide, crimes contre l’humanité, torture et terrorisme contre le peuple tibétain".[18]

Le 5 mai 2009, le juge d'instruction Santiago Pedraz a annoncé son intention d'interroger huit hauts dirigeants chinois en qualité de "mis en examen", donc de suspects, et non comme témoins. Les interrogatoires seront par la suite remis à l'Audience nationale espagnole qui s’est spécialisée dans les enquêtes sur les crimes de masse commis dans le monde. [19].

Selon Thomas Laird, malgré cette polémique sur les chiffres, il ne fait aucun doute que les Tibétains ont payé un prix très lourd l’invasion chinoise du Tibet [20].

Les autorités chinoises démentent l'existence d'un génocide physique [20] et divers chercheurs et universitaires en ont publié des critiques et réfutations (cf infra).

Les réfutations

L'indépendance de la CIJ remise en question
Les résolutions de 1959 et 1960 de la CIJ, reposant sur les plaintes et les chiffres fournis par le gouvernement tibétain en exil, devaient être remises en question à partir de 1967 lorsqu'il fut révélé que la Commission avait été créée à l'instigation de juristes américains dépendant du Conseil des relations étrangères et qu'elle avait été financée par la CIA de 1952 à 1967. Dans un livre publié en 1994, The International Commission of Jurists, Global Advocates for Human Rights [21], Howard B. Tolley Jr. a expliqué comment la CIJ avait été créée et financée par la CIA en tant qu'instrument de la guerre froide (et ce à l'insu de la majorité des ses responsables et membres) du moins jusqu'en 1967. Ebruité cette année-là, ce financement avait été mentionné à nouveau en 1975 par l'ancien agent de la CIA Philip Agee dans son livre Inside the Company: CIA Diary [22].

Critiques faites au rapport du 10e panchen-lama

Le 10e panchen-lama rencontra le Premier ministre Zhou Enlai et évoqua avec lui son rapport remis le 18 mai. La réaction initiale fut positive, Zhou Enlai convoqua les responsables des territoires tibétains à Pékin. Puis Mao qui passait l'été à Beidaihe intervint. Il décréta que la pétition du panchen-lama était « une flèche empoisonnée » tirée sur le parti par « un seigneur féodal réactionnaire ». C'est ainsi que le 10e panchen-lama subi d'abord des séances de rééducation puis fut emprisonné. Par la suite le panchen-lama a été réhabilité après la purge de la Bande des quatre[23].

Selon Barry Sautman, professeur associé en sciences sociales à l'université de science et de technologie de Hong-Kong, le 10e panchen-lama est censé avoir visité trois régions du Tibet avant la rédaction de ce rapport : Ping'an, Hualong et Xunhua, et sa description d'une famine ne concerne que la région dont il est originaire, Xunhua. Ces trois régions se trouvent dans la préfecture de Haidong, une zone de la province du Qinghai dont la population est à 90% non tibétaine et ne relève pas du Tibet « culturel ». De plus, un ancien dirigeant de la région autonome du Tibet conteste le fait que le panchen-lama ait visité une quelconque zone tibétaine avant son rapport [24]. Le professeur Sautman ajoute que le rapport du panchen-lama repose non pas sur des statistiques recueillies dans les zones tibétaines mais sur des récits anonymes de réfugiés ne comportant pas de données numériques [25].

Avis du tibétologue Tom Grunfeld
La première contestation en Occident du nombre de morts vient, en 1996, du tibétologue Tom Grunfeld. Selon ce dernier, le chiffre du gouvernement tibétain en exil n'est pas corroboré par des documents justificatifs[26].

Avis de l'historien et écrivain Patrick French
Plus récemment, l'historien et écrivain anglais Patrick French, ancien président du mouvement Free Tibet Campaign et partisan de la cause tibétaine. Ayant été autorisé à consulter les données brutes et à vérifier leur traitement, il constata que celles-ci, obtenues à partir du témoignage de réfugiés, ne permettaient pas d'obtenir le chiffre total annoncé. En lieu et place de noms, French ne trouva que « des chiffres insérés de façon apparemment aléatoire dans chaque rubrique et dupliqués de façon systématique, incontrôlée » (par exemple, un même affrontement armé, relaté par cinq réfugiés différents, se retrouvait comptabilisé cinq fois). De plus, il s'aperçut que sur les 1,1 million de morts comptabilisés, il n'y avait que 23 364 femmes, ce qui impliquait la disparition de 1,07 million des 1,25 million de Tibétains du sexe masculin[27],[28], [29].

Ainsi Patrick French considère qu'environ « 500 000 Tibétains sont directement morts à cause de la politique appliquée au Tibet par la République populaire de Chine». Concernant la famine dans les régions du Tibet et en Chine, Partick French indique qu'il n'existe pas de statistique pour le centre Tibet mais il signale que :

« la sauvagerie qui présida à la répression de la révolte contre le pouvoir chinois ne permet pas de savoir si les morts ont été provoquées par la faim, par la maladie, par la guerre ou par les persécutions.  »

Par contre des statistiques existent pour les 3 autres provinces chinoises partiellement tibétaine. Ainsi si pendant la période 1959 - 1962 (comparé aux données des années 1956 - 1958) le taux global de mortalité augmenta de 115 % celui des 3 provinces augmenta en moyenne de 233% [30].

Avis du politologue et historien Michael Parenti
Partant du recensement officiel de 1953 mettant à 1 274 000 le chiffre total de la population résidant au Tibet, le politologue et historien américan Michael Parenti s'interroge, quant à lui, sur la vraisemblance de l'accusation de génocide :

« Si les Chinois avaient tué 1,2 millions de personnes au début des années 1960, la presque totalité du Tibet aurait été dépeuplée, transformée en zone de tir parsemée de camps d'extermination et de fosses communes, ce dont il n'y a aucune trace. Les maigres forces chinoises éparpillées à la surface du Tibet n'auraient pas pu regrouper, traquer et exterminer autant de gens même en y passant la totalité de leur temps » [31].

Le même auteur déclare qu'il n'est pas parvenu à trouver des indications ni même des calculs montrant que 1,2 million de Tibétains avaient été massacrés. Il y a même des indications du contraire, comme le fait que villages, bourgs et cités sont restés intacts, qu'il n'y a pas de récits de massacres [32].

Avis du démographe Yan Hao
L'évaluation de 1,2 millions de morts est récusée également par un démographe chinois, Yan Hao, de la Commission du département de planification d'État à l'Institut de recherche économique à Pékin, lequel démontre que les évaluations données par le gouvernement tibétain en exil reposent en partie sur des sources fabriquées [33].

Avis du professeur Barry Sautman

Sur le génocide physique
La thèse du génocide physique est rejetée également par Barry Sautman, professeur associé en sciences sociales à l'université de science et de technologie de Hong Kong, lequel met en avant l'absence de données vérifiables :

« Les chiffres employés régulièrement par les milieux exilés ne reposent sur aucune base. Ils avancent le chiffre de 1,2 millions de Tibétains morts à partir des années 1950 jusqu'aux années 1970, mais sans donner aucune source. En tant que juriste, je n'accorde aucun crédit à des statistiques non étayées par des données, par des sources visibles »[34].

Sur la famine
Dans son article "Demographic Annihilation" and Tibet[35], le professeur Sautman conteste l'existence d'une quelconque famine dans la l'Ü-Tsang (les parties centrale, centre-ouest et nord-ouest du Tibet)) en se fondant sur les travaux du démographe australien d'origine chinoise Yan Hao [36]. Faisant appel à une méthode indirecte pour évaluer le nombre total de Tibétains morts de la famine (en l'absence d'une méthode directe), ce chercheur note que si le chiffre donné par les émigrés était exact, cela voudrait dire que le taux de décès chez les Tibétains a été quatre fois plus élevé que le taux national. Cela est en contradiction avec le fait que les Tibétains de l'Ü-Tsang, loin de subir les politiques menant à la famine, venaient de bénéficier d'un programme de distribution des terres à ceux qui les cultivaient et de suppression d'impôts se soldant par un accroissement de la production. Une étude du village de Yid-Chab dans le comté d'Amdo (Région autonome actuelle), à environ 500 km au nord de Lhassa, montre qu'il y avait 56 bêtes par personne avant la réforme de 1959, et une moyenne de 93 après la réforme. La taille moyenne des familles, de 5,2 membres avant la réforme, passa à 5,6 dans les années qui suivirent pour atteindre le pic de 6,1 pendant la période des Communes populaires. Par contre, lors de la famine dans le reste de la Chine, le taux de fertilité chuta de 45%. Il n'y a donc aucune indication de famine dans cette période.

Le professeur Sautman poursuit sa démonstration à l'aide des chiffres fournis par la Commission sociale et économique de l'ONU pour l'Asie et le Pacifique [37]. Selon les chiffres avalisés par l'UNESCAP, la population de l'Ü-Tsang lors du Grand Bond en avant (1959-1962), époque où nombre de régions chinoises connurent la famine, passa de 1 228 000 habitants en 1959 à 1 301 700 en 1962; les chiffres de 1958 et 1969 sont de 1 206 200 et 1 480 300. Le fort taux de croissance démographique durant ces périodes (plus de 2% l'an), malgré l'émigration de dizaines de milliers de Tibétains de l'Ü-Tsang, ne cadre guère avec la famine. De plus, nombre de Tibétains résidant hors de l'Ü-Tsang se trouvaient dans des situations similaires à ceux qui y habitaient : c'étaient des paysans ou des pasteurs dans des régions très éloignées où les politiques du Grand Bond en avant ne pouvaient guère s'appliquer.

Un « Génocide culturel » ?

L'accusation

Lors d'une édition de l'émission Apostrophes consacrée aux droits de l'homme en 1989, quelques mois avant de se voir décerner le prix Nobel de la paix, le 14e Dalaï Lama est l'invité de Bernard Pivot, en compagnie de Robert Badinter : celui-ci parle de « génocide culturel » au Tibet [38],[39].

Selon le 14e Dalaï Lama, la culture tibétaine risque de disparaître du fait d'une implantation massive de Chinois hans au Tibet [40]. En 2007, il affirme que la culture tibétaine pourrait s'éteindre dans les 15 ans si les négociations sino-tibétaine n'aboutissent pas [41]. Lors des troubles au Tibet en mars 2008, il accuse la Chine de pratiquer le génocide culturel du peuple tibétain [42]. Lors d'une visite au Japon en octobre 2008, il fait la déclaration suivante : « Les Tibétains sont condamnés à mort. Cette ancienne nation et son héritage culturel sont en train de mourir. Aujourd'hui, la situation est presque similaire à une occupation militaire de tout le territoire tibétain. C'est comme si nous étions sous la loi martiale. La peur, la terreur et les campagnes de rééducation politique causent beaucoup de souffrances » [43]. De même en 1996, des parlementaires belges utilisent le terme de purification ethnique pour parler de cette situation : «les stérilisations et avortements forcés; la privation de la liberté religieuse; toutes offenses qui, avec la destruction de la riche culture tibétaine et le transfert de population, menacent la survie même du peuple tibétain et équivalent dès lors à une purification ethnique »[44].

Le sinologue Jean-Luc Domenach indique que la Chine, depuis les années 1950, considère le Tibet comme « une différence à détruire », ainsi les Chinois écrasèrent le Tibet jusqu'au milieu des années 1970[45].

Selon le linguiste Nicolas Tournadre «  En moins de cinquante ans, la langue tibétaine est devenue une langue menacée, condamnée à un déclin irréversible, voire à la disparition en deux générations si la politique linguistique actuelle est maintenue. La responsabilité du gouvernement régional et du gouvernement central est, dans ce domaine, évidente. »[46].

Matthieu Ricard précise que les expressions anodines de la culture tibétaine sont tolérées mais tout ce qui est l'essentiel de la culture tibétaine est censuré  : «tout ce qui porte une pensée tibétaine est attaqué» [47].

En 2008, Dominique de Legge, président du groupe UMP au Conseil régional de Bretagne déclare ceci : « Élus de Bretagne, nous avons une sensibilité particulière au respect des cultures minoritaires et nous ne pouvons admettre ce qu'il convient bien d'appeler un génocide culturel au Tibet sans rien dire » [48].

Réfutation : une « culture florissante » ?

Le terme de génocide culturel est réfuté par le sinologue allemand Ingo Nentwig [49]. Celui-ci affirme que « la culture tibétaine est florissante (..) en Chine ». Il existe nombre de journaux et revues en langue tibétaine ainsi que de maisons d'éditions tibétaines, non seulement au Tibet mais aussi dans les provinces voisines et même à Pékin. Il ajoute que les écrivains tibétains écrivent en tibétain ou en chinois et que des traductions de livres étrangers en tibétain sont disponibles. Lhassa abrite même une académie de médecine traditionnelle tibétaine. Et de conclure : « Beaucoup de Tibétains reconnaissent les opportunités de développement dans un Tibet moderne, qui est en fait une partie de la Chine ouverte au monde moderne ».

Le professeur Sautman, surenchérit : « En fait plus de 90% des Tibétains ont le tibétain pour langue maternelle. Le Tibet a 150 000 moines et nonnes, la plus grande concentration d'ecclésiastiques du monde bouddhiste. Les spécialistes occidentaux de la littérature et de l'art tibétains attestent que ceux-ci sont florissants »[29].

Bibliographie

Liens internes

Références

  1. (en)Communiqué de presse de la CIJ de 1959
  2. Compte rendu de l'audition du mardi 17 octobre 2000, Audition du professeur Samdhong Rinpoche, Président du Parlement tibétain en exil
  3. [Source : Le Tibet est-il chinois ? de Anne-Marie Blondeau et Katia Buffetrille, ed. Albin Michel, coll. Sciences des religions parue en 2002 Pages 143 et suivantes].
  4. a  et b (zh) 1950—1990年藏族人口规模变动及其地区差异研究 (les chiffres de la RAT en 1953 et 1964 présentés dans cette étude correspondent à des évaluations, tous les autres chiffres proviennent de recensements)
  5. a  et b Department of Population, Social, Science and Technology Statistics of the National Bureau of Statistics of China (国家统计局人口和社会科技统计司) and Department of Economic Development of the State Ethnic Affairs Commission of China (国家民族事务委员会经济发展司), eds. Tabulation on Nationalities of 2000 Population Census of China (《2000年人口普查中国民族人口资料》). 2 vols. Beijing: Nationalities Publishing House (民族出版社), 2003 (ISBN 7-105-05425-5).
  6. 5 416 021 lors du recensement de 2000 : (en)(zh) China Statistical Yearbook 2003, p. 48
  7. « In the official doctrinaire explanation the sharp decline in population, which ran contrary to the national trend, is attributed to the prevalence of feudal serfdom. 'Cruel persecution and oppression of the labouring people by the ruling classes was the root cause for the decline in population. The serfs and slaves had to do corvée labour like beasts of burden. Many of them were prohibited from getting married or having children. The heavy work for women after birth, and epidemic deseases were among the reasons for the shrinking population.' No mention is made, however, of the state of intermittent civil war which has existed since the Chinese entered Tibet in 1951, and the flight of refugees which occured especially after the 1959 uprising. », Changing Population Characteristics in Tibet, 1959 to 1965, Michael Freeberne, Population Studies, Vol. 19, No. 3 (Mar., 1966), p. 317. Extrait en ligne
  8. « The decline in population between 1953 and 1964 can be explained by several factors, including the deaths following the various revolts of the 1950s and that of 1959; the famines of the late 1950s and early 1960s (mainly in the Tibetan areas outside Tibet itself); and continuing decline due to factors similar to those already attributed to the period before 1950 [(the high proportion of males in the monastic order, together with the custom of polyandry; widespread venereal diseases; high infant mortality rates as well as frequent smallpox epidemics and in some places endemic goitre; a declining ecological base; and a violent lifestyle in Kham, then part of the Chinese province of Xikang, at least in the 1930s and 1940s)]. Another major factor is emigration, which accounted for many thousands of people through the 1950s and after and formed the basis of the Dharamsala community [...] », People’s Republic of China: Background paper on the situation of the Tibetan population, A Writenet Report by Professor Colin P. Mackerras, p. 19-20. Consulté le 16 novembre 2007.
  9. (en)citation : 26 (f) There has also been a systematic policy of killing, imprisonment and deportation of those opposed to the regime. According to reliable sources the total number of persons so far fallen victims to the mass killing amounts to a colossal total of 65,000. 27. The above events establish that there has been a deliberate vio1ation of fundamental human rights. There is also a prima facie case that on the part of the Chinese there has been an attempt to destroy the national, ethical, racial and religious group of Tibetans as such by killing members of the group and by causing serious bodily and mental harm to members of the group. These acts constitute the crime of Genocide under the Genocide Convention of the United Nations of 1948. Communiqué de presse de la CIJ de 1959.
  10. Source :Tibet, Tibet, une histoire personnelle d'un pays perdu, de Patrick French traduit de l'anglais par William Oliver Desmond, Albin Michel, 2005 Pages 83 et 84
  11. Bernard Kouchner évoque plus de 1 million de victimes.
  12. Proposition, du sénat Belge, de résolution relative à la journée commémorative des victimes de génocides
  13. Source : Commission des Droits de l'homme de l'ONU
  14. La justice espagnole se déclare compétente pour statuer sur une plainte pour "génocide contre le peuple tibétain"
  15. Spanish court to probe Chinese on Tibet deaths
  16. Tibet Support Group in Spain to file an extension of their lawsuit against Chinese authorities for recent crimes. Site de Phayul.com, 9 juillet 2008
  17. Plainte sur le Tibet: la justice espagnole se déclare compétente
  18. Des dirigeants chinois en accusation devant la Justice espagnole, Site de la Fédération Internationale pour la Justice en Chine, 2.06.2008
  19. Tibet : un juge espagnol veut interroger des responsables chinois.
  20. a  et b Une histoire du Tibet : Conversations avec le Dalaï Lama, de Thomas Laird, Dalaï-Lama, Christophe Mercier, Plon, 2007, ISBN 2259198910
  21. Howard B. Tolley Jr., The International Commission of Jurists, Global Advocates for Human Rights, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1944.
  22. Philip Agee, Inside the Company: CIA Diary, Allen Lane, 1975, p. 611.; citation : « the ICJ was set up and controlled by the CIA for propaganda operations ».
  23. Source :Tibet, Tibet, une histoire personnelle d'un pays perdu, de Patrick French traduit de l'anglais par William Oliver Desmond, Albin Michel, 2005 Page 86.
  24. (en) Barry Sautman, June Teufel Dreyer (eds), Contemporary Tibet: politics, development, and society in a disputed region, M. E. Sharpe, 2006, 360 p., ISBN 0765613549 ISNB 9780765613547 , en particulier Barry Sautman, "Demographic Annihilation" and Tibet, pp. 230-257.
  25. Barry Sautman, "Demographic Annihilation" and Tibet, op. cit. ; citation : « (...) the Pänchen Lama Report is based not on statistics gathered in Tibetan areas, but on anonymous refugee reports lacking in numerical specificity ».
  26. Grunfield, Tom. The Making of Modern Tibet, p. 247 ("without documentary evidence").
  27. Patrick French, Tibet, Tibet, une histoire personnelle d'un pays perdu, Albin Michel, 2005.
  28. Elisabeth Martens, Histoire du bouddhisme tibtain : la compassion des puissants, L'harmattan, 2007, ISBN 2296040330, 9782296040335, p. 233
  29. a  et b Barry Sautman, June Teufel Dreyer, Contemporary Tibet: Politics, Development, And Society In A Disputed Region, pp. 239.
  30. Source :Tibet, Tibet, une histoire personnelle d'un pays perdu, de Patrick French traduit de l'anglais par William Oliver Desmond, Albin Michel, 2005 Pages 83, 84, 326 et 327
  31. (en) Michael Parenti, Friendly Feudalism : The Tibet Myth (updated and expanded version, January 2007.
  32. Michael Parenti, Letter 27, in Letters to the Editor, Swans, Commmentary, 23 juillet 2003 ; citation : « I must repeat that I have been unable to find evidence or even calculations indicating that the Chinese slaughtered 1.2 million Tibetans. There is also evidence suggesting that they did not, such as the fact that villages, towns and cities remainend intact, the absence of massive death camps and graves, accounts of mass murder, etc ».
  33. « [...] the death figures provided by the TGIE are exaggerations not sustained by the evidence. », Tibetan Population in China: Myths and Facts Re-examined, Yan Hao (Institute of Economic Research, State Department of Planning Commission, Beijing)
  34. Leslie Evans, How repressive is the Chinese government in Tibet?, sur le site UCLA International Institute, 4 décembre 2002, compte rendu d'une conférence du professeur Barry Sautman à l'université de Californie à Los Angeles; citation : « There are no bases at all for the figures used regularly by the exile groups. They use the figure of 1.2 million Tibetans dying from the 1950s to the 1970s, but no source for this is given. As a lawyer, I give no credence to statistics for which there is no data, no visible basis ».
  35. Barry Sautman, "Demographic Annihilation" and Tibet, op. cit., p. 242.
  36. Tibetan Population in China: Myths and facts Re-examined, Asian Ethnicity, vol. 1, No 1, March 2000, pp. 22-26
  37. UNESCAP, Tibet:Population Situation, 2003.
  38. Dalai Lama chez Bernard Pivot Apostrophes, Apostrophes, 21/04/1989
  39. Les droits de l'homme
  40. Relations Chine-Tibet: un entretien avec le dalaï-lama
  41. La culture tibétaine menacée de disparition
  42. BBC NEWS | World | Asia-Pacific | 'Eighty killed' in Tibetan unrest
  43. « Le régime chinois est en train de condamner à mort le Tibet »
  44. Des sénateurs Belges évoquent une purification ethnique
  45. Jean-Luc Domenach : La question du Tibet
  46. Le bilinguisme tibétain-chinois : situation et enjeux, op. cit.
  47. Emmanuel Tellier, Entretien, Matthieu Ricard : « Après les JO, ce sera fichu, on ne parlera plus du Tibet », Télérama, Paris, 16 avril 2008.
  48. Dominique de Legge, président du groupe UMP au Conseil régional de Bretagne, 2 avril 2008, [1]
  49. http://www.alterinfo.net/Un-sinologue-allemand-refute-les-allegations-de-genocide-culturel-au-Tibet_a19137.html article de l'agence Chine nouvelle
  50. Archives de sciences sociales des religions
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