Apostrophes

Apostrophes
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Apostrophes
Genre magazine
Réalisation Bernard Pivot
Présentation Bernard Pivot
Pays Drapeau de France France
Langue français
Diffusion
Diffusion Antenne 2
Public conseillé tout public
Chronologie
Italiques
Bouillon de culture

Apostrophes était une émission de télévision littéraire française créée et animée par Bernard Pivot chaque vendredi soir à 21 h 30 (de 1975 à 1985) sur Antenne 2 entre le 10 janvier 1975 et 22 juin 1990.

Sommaire

Principe de l'émission

L’émission consistait en la présentation de romans et d’essais par leurs auteurs et par l’animateur ainsi qu’en un débat. Quelques Grands Entretiens introduisent un peu de variété dans la formule.

Elle connut quelques moments forts, lui donnant un grand impact médiatique[1] :

  • Les Grands Entretiens qui présentèrent au petit écran des personnalités alors peu connues du grand public mais consacrées par leurs pairs (Claude Lévi-Strauss, Georges Dumézil, Jorge Luis Borges…). Pivot délaissait alors le studio habituel d’Apostrophes (il y en eut trois en quinze ans) et le cadre de l’émission-débat pour une formule plus intime et plus simple. Les contraintes de réalisation y étaient plus grandes (l’exiguïté des lieux rend difficile les travellings et autres champs-contre champs dont Apostrophes était friand) mais l’émission gagnait en légitimité culturelle (auprès des institutions culturelles qu’elle met en lumière, des pouvoirs publics, de la direction d’Antenne 2) ce qu’elle perdait en spontanéité (ces Grands Entretiens étaient diffusés en différé alors que le direct chez Pivot représente à l’ordinaire un atout majeur puisqu’il empêche toute censure). En tant que fervent lecteur, Pivot n’avait pas son pareil pour mettre en lumière les aspects les plus accessibles et les plus attractifs d’une œuvre. L’illustre invité, mis en confiance par des questions presque banales mais énoncées sur un ton courtois et un respect non feint, pouvait alors séduire son public par le velours de sa voix, ses silences, les épisodes marquants de sa vie, les reliefs changeants de son œuvre.
  • 10 février 1975, François Mitterrand surprend son auditoire par la qualité de ses lectures et de sa veine littéraire.
  • 1975 : Alexandre Soljenitsyne reçoit Bernard Pivot pour un entretien dans sa propriété du Vermont. Selon Bernard Pivot, l’ambassade d’URSS tente d’empêcher la diffusion de l’émission en demandant son annulation au président d’Antenne 2, Marcel Jullian.
  • 22 septembre 1978 : Charles Bukowski, ivre mort, caresse le genou de Catherine Paysan et tient des propos incohérents tandis que Cavanna tente vivement de le faire taire. Il quitte ensuite le plateau en titubant et, hors caméra, sort un couteau et menace (« pour rire », selon lui), une personne chargée de la sécurité[2],[3].
  • 27 juillet 1979 : Valéry Giscard d’Estaing se confie sur sa passion pour Guy de Maupassant. C’est la première fois qu’un président de la République en exercice se prête à un tel exercice.
  • Dispute entre Pierre Guyotat et Benoite Groult (1980). Dispute entre Françoise Renaudot et Élisabeth Badinter (1980).
  • 1982-1983 : controverse entre Bernard Pivot et Régis Debray. Régis Debray, alors conseiller de François Mitterrand, Président de la République française, dénonce l’ascendant pris par Apostrophes sur la vie intellectuelle en France. Bernard Pivot, qui songeait alors à arrêter l’émission, après quelques signes de lassitude, contre-attaque et décide de poursuivre l’aventure. 1983 correspond à l’apogée d’Apostrophes en termes d’audience (avec des parts de marché dépassant les 12 % de téléspectateurs dans son créneau horaire) mais aussi à celle d’Antenne 2 (devenue cette année-là la chaîne de télévision la plus regardée de France devant TF1).
  • 1983 : éreintement de Maria-Antonietta Macciocchi (De la Chine, 1970) par Simon Leys (Ombres chinoises, 1976) : «  Il est normal que les imbéciles profèrent des imbécillités comme les pommiers produisent des pommes, mais moi qui ai vu chaque jour depuis ma fenêtre le Fleuve jaune charrier des cadavres, je ne peux accepter cette présentation idyllique par madame de la Révolution culturelle. » Dès le lendemain de l’émission, les ventes du livre de Maria Antonietta Macciochi s’effondrent et son prestige est singulièrement terni. Un « effet Apostrophes » à rebours de celui escompté…
  • 1985 : à la suite de l’invitation de Marc-Édouard Nabe venu présenter son ouvrage Au régal des vermines, Georges-Marc Benamou s’introduit dans les locaux d’Antenne 2 et agresse physiquement Nabe lors du cocktail qui suit l’émission.
  • 1987 : Bernard Pivot assure que Paul-Loup Sulitzer ne serait pas l’auteur de ses propres livres.
  • 1987 : Bernard Pivot réalise une interview clandestine de Lech Wałęsa en Pologne communiste, pour parler de son livre de souvenirs Un chemin d’espoir.
  • 1989 : lors d’une émission consacrée aux droits de l’homme, quelques mois avant qu’il ne se voit attribuer le prix Nobel de la paix, le 14e Dalaï Lama est l’invité de Bernard Pivot, avec Claude B. Levenson, Edgar Morin et Robert Badinter qui parlera du génocide culturel au Tibet[4].
  • 1990 : face-à-face tendu entre Gabriel Matzneff et Denise Bombardier, cette dernière assimilant l’ouvrage de Matzneff, Mes amours décomposés, à une apologie de la pédophilie et le comparant aux « messieurs qui attirent des enfants avec des bonbons ». Matzneff, très éprouvé par la polémique, se retire de la vie publique.

Le dispositif de l’émission n’est pas aussi fixe qu’il n’y paraît : durant les premiers numéros, Bernard Pivot a à ses côtés Gilles Lapouge, chroniqueur d’Ouvrez les guillemets ; il présente par la suite seul l’émission littéraire, ce qui en soi, rompt avec la tradition établie du ou des producteurs entourés de ses chroniqueurs. Tirant parti des oppositions idéologiques de la guerre froide, il organise des débats tranchants qui prolongent l’action entreprise par lui dès 1973 : réception des intellectuels soviétiques dissidents à la télévision française (comme Soljenitsyne), mise en minorité de certains intellectuels (comme Sartre déconsidéré lors de l’émission qui lui est consacrée après sa mort en 1980), primauté accordée aux « Nouveaux philosophes » (autour de Bernard-Henri Lévy). Fondant sa réussite sur la rencontre entre les débats de société et la littérature ouverte au plus grand nombre, Pivot offre à des personnalités un appui de bon aloi. François Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing sont ses invités dans les années 1970. Outre, le traditionnel débat, Apostrophes consacre très tôt des « Grands Entretiens » aux figures du monde littéraire que Pivot souhaite distinguer, tel Vladimir Nabokov dès 1975.

Apostrophes (724 numéros) fut remplacé par Bouillon de culture, produite par Bernard Pivot, le 12 janvier 1991.

Au Québec, l’émission était diffusée sur TVFQ 99, puis sur TV5.

Spécificité d’Apostrophes en tant que médiateur culturel

L’expérience réussie de Bernard Pivot avec Ouvrez les guillemets, la renommée acquise comme critique littéraire au Figaro littéraire montrent chez celui-ci une conjonction rare : celle d’un très bon lecteur et d’un homme de télévision à l’affût des dispositifs les plus porteurs (présentateur unique, débats de société ou politiques, augmentation de la publicité à la télévision). L’effet Pivot réside d’abord dans la plus-value accordée à l’ouvrage présenté à Apostrophes. Une prestation honorable de l’auteur associée à une belle mise en place dans le rayon Apostrophes suscitent souvent une augmentation spectaculaire des ventes et un surcroît appréciable de notoriété à la grande joie des professionnels du livre mais au dam de certains intellectuels (comme Régis Debray, voire Pierre Bourdieu, confronté à Fernand Braudel le 21 décembre 1979) et d’écrivains (Julien Gracq qui refusera toujours d’apparaître sur le plateau d’Apostrophes).

Outre sa longévité, la variété de ses invités, les écoles qu’elle a révélées (Nouvelle Histoire, Nouveaux intellectuels…), Apostrophes a surtout coïncidé avec une embellie culturelle : relais de la diplomatie culturelle française, elle est enviée par l’intelligentsia new yorkaise qui suit dès le milieu des années 1980 sa retransmission via la câble. Les Américains figurent en bonne place parmi les invités de Bernard Pivot : Susan Sontag, Norman Mailer, Robert Darnton, rompus aux règles de l’exercice télévisuelle et admiratifs de la médiation culturelle assurée par le petit écran.

En un sens, Apostrophes participe de l’exception culturelle française et incarne une forme originale de résistance à la progression de la télévision commerciale durant les années 1980. Elle fut « longtemps », selon l’expression de l’éditeur et écrivain Hubert Nyssen « une exception et une gloire françaises »[5].

Générique

L'indicatif musical du générique de l'émission est tiré du concerto pour piano no 1 de Rachmaninov interprété au piano par Byron Janis, le premier titre de l'émission était Apos[6].

Culture populaire

  • Apostrophes est au centre de l’histoire d’un album de Pétillon, Les disparus d’Apostrophes (1982), où le héros Jack Palmer enquête sur l’enlèvement des invités d’une émission sur Paul Claudel.
  • L’Assassin d’Apostrophes : roman-photo / texte de Gérard Guégan ; photogr. de Maya Sachweh ; avec Pierre Bourgeade (Raymond Dellebourre / Fernand) ; Edith Develeyne (Léa Simonet), Ruth Henry (Mme Dellebourre), Alain Massiot et Bernard Pivot (dans son propre rôle). In Playboy France, mars 1983, no 112 (vol. 12, no 3), p. 39-43.

Notes et références

  1. (fr) Les dix moments marquants des émissions de Pivot, Le Nouvel observateur sur tempsreel.nouvelobs.com, 29 juin 2001. Consulté le 11 juin 2010.
  2. (en) Charles Bukowski invité de Bernard Pivot dans l’émission littéraire Apostrophes sur charlesbukowski.free.fr. Consulté le 11 juin 2010.
  3. (fr) Bukowski Throws Up Bernard Pivo sur www.youtube.com. Consulté le 11 juin 2010.
  4. (en) Les droits de l’homme sur video.aol.com. Consulté le 11 juin 2010.
  5. Hubert Nyssen, Lira bien qui lira le dernier, Actes Sud, coll. « Babel », 2004, p. 60.
  6. Indicatif : image et son Apos', enregistrement du 13 septembre 1987.

Annexes

Bibliographie

  • « Littérature et télévision », dans Dossiers de l’audiovisuel, no  29, janvier-février 1990
  • Édouard Brasey, L’Effet Pivot, Ramsay, Paris, 1987
  • Jean-Noel Jeanneney, L’Écho du siècle. Dictionnaire de la radio-télévision, Hachette Littératures, Paris, 1996. Une bible de l’audiovisuel réalisée par un collectif de chercheurs sous l’égide de l’ancien président de la BNF, rapporteur du projet de loi sur le dépôt légal de l’image animée en 1992 et l’un des pionniers de l’histoire des médias en France. Reportez-vous, entre autres à la notice consacrée à Bernard Pivot et à la brève synthèse réalisée par Yannick Dehée sur les magazines littéraires à la télévision.
  • Rémy Rieffel, La tribu des clercs. Les intellectuels sous la Ve République, CNRS Éditions, Paris, 1993
  • Michel Winock, Jacques Julliard, Dictionnaire des intellectuels français, Le Seuil, Paris, 1998. Parmi les nombreux articles, reportez-vous à celui rédigé par Jérôme Bourdon et intitulé : « Télévision : émissions littéraires ».
  • Bernard Pivot, Le métier de lire. Réponses à Pierre Nora : d’Apostrophes à Bouillon de culture, Gallimard, coll. « Folio », Paris, 2001
  • Michel Trebitsch, « Les Intellectuels au micro », [lire en ligne]
  • Frédéric Delarue, « À la croisée des médiations : les émissions littéraires de la télévision française de 1968 à 1990 », thèse de doctorat d’histoire contemporaine sous la direction de Christian Delporte, 2010 (http://www.fabula.org/actualites/a-la-croisee-des-mediations-les-emissions-litteraires-de-la-television-francaise-de-1968-a-1990_36825.php)
  • Patrick Tudoret, Vie et mort de l’émission littéraire, Paris, INA/Le Bord de l’eau, 2008.
  • Maria Pourchet, Face et envers des écrans de la littérature (1950-2007). Archéologie d’un Monde du discours : Images, acteurs et publics de télévision), thèse de doctorat de sciences de l’information et de la communication sous la direction de Jacques Walter, Université de Metz, 2007.

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