- Guerres Carlistes
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Carlisme
Le carlisme est une tendance politique royaliste espagnole qui s'appuie sur la vigueur de la Pragmatique Sanction du 10 mai 1713 de Philippe V (par laquelle ce souverain établit la loi salique dans la succession au trône espagnol) dans les temps de la naissance d'Isabelle, et l'illégalité de la décision de modifier l'ordre de succession sans le concours des Cortes.
Les carlistes rejettent et dénoncent cette modification irrégulière en 1830 par Ferdinand VII (1784-1833), qui prétendit transmettre la couronne à sa fille aînée Isabelle (il n'avait pas de fils) alors que l'héritier légitime était son frère cadet l'infant Charles (1788-1855).
Ce dernier refusa de prêter serment à sa nièce, et à la mort de Ferdinand VII il se proclama roi des Espagnes sous le nom de Charles V, soutenu par une partie du peuple espagnol, qu'on appela les « carlistes », c'est-à-dire les partisans de Charles (Carlos en espagnol).
Il ne faut pas confondre Charles V d'Espagne avec Charles Quint (1500-1558), qui portait ce nom de Charles V en tant qu'Empereur du Saint-Empire romain germanique, alors que son titre de roi d'Espagne était Charles Ier.
Le carlisme était un courant traditionaliste, attaché à la défense de la religion catholique et au maintien des droits des provinces (les Fueros). Il s'oppose à l'« isabellisme », plus libéral mais centralisateur.
Cependant, malgré quelques succès militaires, les troupes carlistes ne réussirent jamais à prendre le pouvoir à Madrid, qui resta aux mains de la fille aînée de Ferdinand VII, devenue Isabelle II (de 1833 à 1868), puis de son fils Alphonse XII (de 1874 à 1885), et enfin du fils de ce dernier, Alphonse XIII (de 1886 à 1931).
Sommaire
Naissance du carlisme
Le carlisme est donc un mouvement politique né suite à "l'abolition" de la loi salique par Ferdinand VII, peu avant son décès. La Loi salique ne permettait pas aux femmes l'accès à la couronne, mais n'empêchait néanmoins pas la transmission des droits de succession par voie féminine. Veuf pour la troisième fois, sans descendance, le roi Ferdinand se marie donc pour la quatrième fois avec Marie-Christine de Bourbon, mais il avait déjà désigné comme successeur son frère cadet Charles de Bourbon (Charles Marie Isidore Benoît, si on considère tous ses prénoms). Or, vers la fin du mois de mars 1830, la reine Marie-Christine est enceinte. Le roi, constatant l'impossibilité d'avoir un fils héritier, adopte une résolution qui donnera lieu à trois guerres civiles (guerres carlistes) durant le XIXe siècle.
Le 31 mars 1830 Ferdinand VII promulgue la Pragmatique Sanction en essayant de publier un accord datant du 30 septembre 1789, temps de son père Charles IV, lequel n'avait pu le rendre effectif dû à l'absence de mandat imperatif de la part des Cortes ainsi que pour des raisons de politiques extérieures. Cette loi jusque là inopérante établissait que, si le roi n'avait pas d'héritier mâle, la fille la plus âgée deviendrait l'héritière, abolissant de fait la loi salique importée de France par Philippe V (premier roi Bourbon d'Espagne), et rétablissant ainsi la tradition monarchique ancienne.
En pratique, ceci excluait Charles de la succession aussi longtemps qu'un autre enfant ne naîtrait en tant qu'héritier direct du roi. Le 10 octobre 1830 naît cependant la future Isabelle II, qui est proclamée héritière officielle, ce qui engendre un malaise profond parmi les partisans de Charles.
Les miliciens carlistes, reconnaissables à leur béret rouge, sont les requetés.
Liste chronologique des prétendants carlistes
- Charles V (Charles de Bourbon) 1833-1845
- Charles VI ( Charles Louis de Bourbon) (fils) 1845-1861
- Jean III (Jean de Bourbon) (frère) 1861-1868
- Charles VII (Charles de Bourbon) (fils) 1868-1909
- Jacques III (Jacques de Bourbon) (fils) 1909-1931
- Alphonse Charles Ier (Alphonse Charles de Bourbon) (frère de Charles VII) 1931-1936
- Xavier I (François Xavier de Bourbon-Parme) 1952-1977 (régent 1936-1952).
- Charles-Hugues Ier (Charles-Hugues de Bourbon-Parme) 1977-2000
- Charles Xavier (fils de Charles-Hugues) 2000-
Ces prétendants font partie de la liste officiellement acceptée par le Parti carliste et la Communion traditionaliste carliste jusqu'à 1977.
A partir de 1936, les services franquistes tenteront d'affaiblir le mouvement carliste, qui constituait une opposition de droite à Franco, en suggérant des prétendants alternatifs : Charles VIII (Charles Pie d'Habsburg-Lorraine et Bourbon) petit-fils de Charles VII 1936-1952 (mort en 1953) en tant que chef du courant "octaviste"; Alphonse XIII (devenu l'aîné salique en tant que petit-fils du duc de Cadix François d'Assise de Bourbon, puis à la mort d'Alphonse XIII en 1941, ses deux fils (Jacques et Jean). Les partisans de Jean, père du présent chef d'État espagnol Jean-Charles Ier furent appelés "estorilos" ou "juanistas".
À partir des années 70, le carlisme se divise en deux courants: le Parti carliste, de Charles-Hugues de Bourbon Parme, défendant une évolution vers le socialisme autogestionnaire, et tous les autres carlistes partisans de la ligne traditionnelle en désaccord avec cette orientation, qu'ils qualifieront de "gauchisante". Ces derniers furent réunis en 1986 dans la Communion traditionaliste carliste.
Les guerres carlistes
Première guerre (1833-1840)
Article détaillé : Crise de succession d'Espagne (1833-1846).Le 29 septembre 1833 meurt Ferdinand VII, roi d'Espagne (49 ans). La couronne échoit à sa fille Isabelle II (3 ans), sous la régence de sa mère Marie-Christine de Bourbon.
Le frère cadet de Ferdinand VII, l'infant Charles, aurait dû normalement succéder à Ferdinand VII. Il conteste l'abrogation de la loi salique et l'avènement de sa nièce. Il se fait proclamer roi par ses partisans sous le nom de Charles V. Ses partisans sont considérés par leurs opposants comme des passéistes, conservateurs et cléricaux.
C'est passer sous silence que ces régions-là sont limitrophes de la France et que certaines de leurs populations vivent à cheval sur la frontière (comme les Basques ou les Catalans). Celles-ci ont observé avec un mélange d'intérêt et d'inquiétude les évolutions des territoires frontaliers sous l'influence de la monarchie absolue et de progrès mélangés à une certaine régression en termes de certaines libertés publiques au cours des révolutions de 1789, 1815 et 1830, ainsi que toutes les tentatives d'unification -- pour ne pas dire d'uniformisation -- qu'elles ont imposées au pays, en particulier sur le plan linguistique.
Nombreux surtout dans les régions pyrénéennes, qui voient dans les théories libérales qui prévalent dans l'entourage de la Régente, Maria-Christina, le même processus qu'ont connu avant l'Espagne, la France colbertiste et Jacobine, ou l'Angleterre de Cromwell aux siècles précédents… La tentation centralisatrice en politique, et la création d'un marché unique, avec l'uniformisation du système fiscal, et l'aliénation des droits démocratiques que les peuples des provinces basques de la Navarre, de la Biscaye, du Aragon, et Catalogne ont déjà conquis, au cours des siècles précédents.
En ce printemps des peuples qui traverse l'Europe d'Est en Ouest et du Sud au Nord, par bien des aspects, les réformes libérales qui s'annoncent, sont pour les populations de ces régions du Nord du Royaume d'Espagne, vécues comme une régression de leur aspiration à bâtir une démocratie respectueuse de leur identité… Dès le début, il y a dans le carlisme une ambiguïté avec une majorité conservatrice attaché à l'ordre ancien… et des courants plus sensibles à l'idée d'autonomie des territoires concernés.
Cette première guerre carliste se solde par leur défaite et prend fin par la signature du traité de Bergara, le 31 août 1839, qui accorde aux guerilleros du colonel basque Maroto] une large amnistie.
La résistance du chef militaire Ramón Cabrera dans le Maestrazgo a continué la lutte dans les terres catalanes jusqu'en mai 1840, l'entrée du général Espartero à Morella (Province de Castellón|Castellón) et le retrait de Cabrera envers la ligne frontalière française. La traversée, le 4 juillet, de cette ligne vers la France par les derniers soldats en retraite a marqué la fin de cette première guerre carliste.
Les carlistes prônent une monarchie traditionnelle, décentralisée, respectueuse des libertés provinciales, des traditions locales et de la coutume, ainsi que de la religion catholique. Ils s'opposent avec constance aux Bourbons libéraux et centralisateurs et au clan qui gravite autour d'Isabelle II.
Le mouvement carliste, bénéficiant du soutien des petits paysans pyrénéens et de leurs curés, va rester néanmoins vivace tout au long du siècle à venir, mais les clivages entre conservateurs et progressistes, monarchistes et autonomistes, ne sont pas encore clairement exprimés, si ce n'est, peut-être, par un jeune journaliste basque du Nord, le souletin Augustin Chaho, qui publie en 1836 son Voyage en Navarre pendant l'insurrection des basques (1830-1835).
Dans ce livre, il est le premier à énoncer un certain nombre de thèses en faveur de l'indépendance des quatre provinces basques du sud, sous tutelle du royaume d'Espagne, les trois vascongadas (Gipuzkoa, Bizkaia, Araba) et la Navarre, qu'il veut réunifier avec les trois provinces basques du Nord, administrées par le Royaume de France, Lapurdi, Benafarroa, et Xuberoa. Il est le premier à défendre l'idée du Zazpiak bat : les sept provinces réunies feront un seul pays.
Augustin Chaho, considère que la société basque, avait su s'affranchir depuis plusieurs siècles des monarchies et des féodalités, pour construire un modèle plus avancé de société démocratique , dans lequel chaque chef de famille (l'ainé de la fratrie, homme ou femme, héritier de l'Etxe, la maison familiale) siège sans distinction d'origine sociale ou aristocratique dans des assemblées, les biltzar ou silviet, où les décisions sont prises après une discussion collective.
Père fondateur méconnu de l'abertzalisme (patriotisme basque) engagé pendant ses études à Paris dans la cause républicaine, déjà connu pour ses positions critiques, démocrates, anti-monarchiques et anti-cléricales, le jeune journaliste se fera expulser du Royaume de Navarre par l'entourage de Don Carlos, à la demande du Vatican d'après ces biographes, et se fera l'écho d'une revendication autonomiste, voire indépendantiste progressiste, soixante ans avant les fondateurs du nationalisme basque, les très catholiques frères Arana Goiri.
Mais un siècle et demi plus tard, sa sensibilité aux questions sociales sera reprise par Carlos Hugo de Borbón Parma (Charles-Hugues de Bourbon-Parme), l'héritier de Don Carlos.
Seconde guerre ou des Matiners (1846–1849)
En 1845, Charles V abdique en faveur de son fils Charles Louis de Bourbon, comte de Montemolín, qui prend le nom de Charles VI (1818-1861), et fait éclater la seconde guerre carliste ou guerre des Matiners. Cette guerre se développe principalement en Catalogne, Aragon, Navarre et Guipuzcoa pendant les années 1846 à 1849.
Mis en échec et fait prisonnier en débarquant en Espagne, à San Carlos de la Rápita (Tarragone), Charles VI a dû renoncer à ses droits en faveur de son frère Jean, Jean III dans la dynastie carliste, mais celui-ci n'avait qu'une minorité de partisans. Il s'est maintenu comme prétendant jusqu'à 1868, puis il abdique en faveur de son fils Charles Marie, qui prend le nom de Charles VII (1848-1909).
Troisième guerre (1872–1876)
En 1869, le prétendant Charles VII publie un manifeste dans lequel il expose ses idées, parmi lesquelles celles de constituer des Cortès avec une structure traditionnelle et de promulguer une Constitution ou d'approuver une Charte, ainsi que de conduire une politique économique de style protectionniste. Dans son entourage, on retrouve des politiciens de droite derechistas, appelés spécialement les « Catholiques ».
À cette époque, Isabelle II avait déjà été détrônée (1868) et après la période de régence du général Serrano, le Parlement désigne en 1870 roi d'Espagne Amédée de Savoie sous le nom de Amédée Ier d'Espagne.
Charles VII qui voit s'éloigner la possibilité de la restauration bourbonienne, dans chacune de ses deux branches, déclenche en 1872 la troisième guerre carliste, d'abord contre le roi Amédée Ier, puis contre la Première République espagnole, proclamée en 1873 après l'abdication du roi, puis finalement contre Alphonse XII, fils d'Isabelle II, qui fut proclamé roi par le général Martínez Campos à Sagunto (Valence).
La guerre se termine en 1876 avec la conquête d'Estella (Navarre), la capitale carliste, et par la fuite vers la France du prétendant. Il y a quelques tentatives postérieures, en profitant du mécontentement lié à la perte des dernières possessions d'outre-mer en 1898, mais qui n'ont pas eu du succès.
Le carlisme au XXe siècle
D'autres mouvements carlistes eurent lieu à partir de 1876, de multiples tentatives de soulèvements ou conspirations furont plus ou moins avortées.
La cause perdue des carlistes fut ranimée par la politique anticléricale de la Seconde République et ils redevinrent une force de premier plan, sous le nom de « Communion Traditionaliste », notamment en Navarre, malgré la mort du prétendant en 1931 (le dernier de la branche, le vieil Alphonse Charles, mourut au début de la guerre civile, le 29 septembre 1936).
Complotant depuis longtemps, cherchant dès 1934 de l'argent et des armes en Italie, ils se joignirent aux préparatifs de coup d'État coordonnés par le général Mola. Au matin du 1er juillet, 6 000 requetés, carlistes aux béret rouges, leur milice, étaient prêts en Navarre. Ils s'illustrèrent très vite par leur enthousiasme. Au contraire des monarchistes alphonsins, les carlistes avaient une forte composante populaire et leur cohésion venait d'un très fort sentiment religieux, quelquefois mystique, accompagné d'un attachement aux formes traditionnelles de la vie pré-industrielle. Leurs cris étaient toujours, « Dieu, la Patrie et le Roi ! » et « Vive Christ Roi ! ».
Ils collaborèrent avec les autres composantes pour obtenir la victoire finale en 1939, mais Franco decreta en avril 1937 leur unification forcée à la nouvelle Phalange, opération qui ne se fit pas sans murmures et dissensions internes. Ce mouvement de centralisation politique fit suite à l'exil forcé du chef carliste Fal Conde, coupable aux yeux de Franco d'un excès d'autonomie et d'ambition politique.
Le carlisme aujourd’hui
Il existe actuellement en Espagne un carlisme « de gauche » et un carlisme « traditionaliste ».
En marge de tous les partis politiques espagnols et européens actuels, le Parti carliste, soutenu par le prince Charles-Hugues de Bourbon-Parme, avec ses nombreuses références au socialisme autogestionnaire, et à une tradition régionale, doublée d'un activisme régionaliste et fédéraliste, peut être considéré comme une forme de courant inédit et difficilement classifiable de gauche nationaliste et identitaire.
Le carlisme majoritaire est le traditionaliste, qui maintient les principes de toujours - « Dieu - la Patrie - les Fueros - le Roi » - et agit à travers de la Comunión Tradicionalista Carlista. Bien que partisan de la monarchie traditionnelle, maintenant elle ne soutien pas officiellement aucun successeur. Elle possède des sièges et des sympatisants dans toute l'Espagne et publie plusieurs livres, revues et bulletins périodiques comme Ahora-Información et Acción Carlista. Les séances de l'université d'été, visant à approfondir d l'application actuelle des principes carlistes et dessiner des lignes d'action, ont lieu chaque année sous le nom de Forum "Alphonse-Charles Ier". La section de jeunesse de la Comunión s'apelle Cruz de Borgoña. Elle organise des campements et autres activités pour les jeunes.
Ces deux courants, fortement hostiles l'un à l'autre, se sont présentés aux dernières élections générales en Espagne en 2000, 2004 et 2008.
Voir aussi
Articles connexes
- monarchisme | royalisme | légitimisme | parti politique | mouvements politiques | prétendants au trône de France depuis 1830
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