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Gaza (Antiquité)
Pour les articles homonymes, voir Gaza (homonymie).La situation géographique de Gaza, entre Égypte et Asie, en fait dès l'Antiquité un pôle stratégique majeur et un carrefour économique. De fait, la ville fut à maintes reprises convoitée et assiégée.
Sommaire
La domination égyptienne
La ville de Gaza a vraisemblablement été fondée entre 1500 av. J.-C. et 1400 av. J.-C.. Il est en effet impossible de fouiller le site de l'ancienne Gaza (Tell Haruba) qui se situe en dessous de la ville moderne actuelle. Mais des sondages effectués en 1992 ont révélé que le site était habité aux alentours de -1500[1] La première référence historique à la ville de Gaza remonte au règne de Thoutmôsis III : Gaza est alors le point de départ des expéditions du Pharaon pour s'assurer le contrôle de la Palestine. La ville est également citée, sous le nom d'Hazattu dans les lettres d'Amarna[2]. Son intérêt principal réside dans sa position stratégique sur la route côtière reliant l'Égypte et le pays de Canaan. C'est donc un important centre commercial, qui fournit à l'Égypte de l'huile et du vin, et un poste stratégique primordial. C'est à Gaza que réside le fonctionnaire égyptien chargé par le roi de surveiller le pays de Canaan.
La domination des Philistins
Dans les années -1190, après avoir attaqué l'Égypte[3], les Philistins, un des peuples de la mer originaires de Crète s'installent sur la côte sud du pays de Canaan (de Gaza à Jaffa)[4]. Les Philistins fondent cinq principautés, chacune dirigée par un souverain : Gaza, Eqrôn, Ashdod, Ashkelon et Gath. La ville de Philistine a été construite sur une colline environ 45 mètres au-dessus du niveau de la mer, à environ 2,4 kilomètres de la mer Méditerranée. C'était une ville murée d'environ 80 hectares.
D'après la Bible, la ville appartient au territoire qui doit revenir à la tribu de Juda, qui ne semble pas pouvoir s'en emparer. Selon le Livre des Juges, c'est à Gaza que Samson meurt en faisant s'effondrer le temple du dieu Dagon[5].
Un État tampon
En 734 av. J.-C., le souverain assyrien Téglath-Phalasar III lance une expédition militaire sur les cités philistines afin d'empêcher l'Égypte d'intervenir aux côtés de la coalition anti-assyrienne montée par le roi de Syrie. La ville de Gaza est prise tandis que son roi Hanunu fuit en Égypte. Hanunu finit par se soumettre et devient vassal de l'Assyrie. Son obéissance doit être toute relative car en 720 av. J.-C. le roi Sargon d'Assyrie le capture et l'emmène captif à Assur après avoir battu une armée égyptienne venue à son aide. En 701 av. J.-C., le roi Çilli-Bel de Gaza doit payer un tribut important, afin de faire oublier son appartenance (sous la contrainte de la part du roi de Juda, Ézéchias) à une nouvelle coalition contre l'Assyrie. Mais après un voyage en Assyrie, il reçoit en dédommagement des territoires pris au royaume de Juda et se révèle par la suite un fidèle allié des Assyriens jusqu'au règne. Cette situation illustre bien à la fois la difficulté de la situation géopolitique de Gaza, prise en tenaille entre l'Égypte, les Hébreux et l'Assyrie, ainsi que le faible poids militaire de ce royaume.
En 604 av. J.-C., Gaza est à nouveau prise par les Babyloniens de Nabuchodonosor II(605-562) puis reprise par le pharaon Néchao II (610-595) en 601 av. J.-C. après sa victoire de Magdolos. Mais en 598 av. J.-C., Nabuchodonosor II reprend, lors d'une nouvelle expédition, le contrôle de la côte philistine, dont Gaza. Le dernier roi de la ville est exilé et Gaza devient ville de garnison pour les Babyloniens.
Le siège d'Alexandre le Grand
Après la prise de Babylone par Cyrus II, les pays sous domination babylonienne passent sous suzeraineté perse. C'est le cas de Gaza dont Cambyse II, vers 525 av. J.-C., fait la tête de pont de toutes ses campagnes vers l'Égypte. Sous l'empire des Achéménides, la ville retrouve une grande prospérité car elle se trouve aux débouchés des routes commerciales venant d'Arabie (commerce de l'encens) et à l'intersection du commerce entre l'Asie et l'Égypte. Ainsi, Hérodote en parle[6] comme d'une ville équivalente à la taille de Sardes, la capitale de l'Asie mineure perse. Sa population est fortement cosmopolite avec, outre les descendants des Philistins, une petite population arabe, une administration perse et des marchands grecs. Le siège de la ville, héroïquement défendue par l'eunuque Batis[7], par Alexandre le Grand entraine le massacre de la garnison et la vente de la population en esclavage.
La période hellénistique
La ville est repeuplée en partie avec des périèques, c'est-à-dire probablement des Arabes et des Syriens. C'est devant Gaza en 312 av. J.-C. que Démétrios Ier Poliorcète est vaincu par les troupes de Ptolémée contraignant son père à remettre son invasion de la Grèce. La ville appartient au royaume lagide jusqu'en 198 av. J.-C. et renoue avec la prospérité (exportations d'esclaves, de textiles et surtout d'encens). Gaza est ensuite annexée par Antiochos III en 198 av. J.-C. mais la décomposition rapide du royaume séleucide constitue une opportunité pour la cité qui parvient rapidement à l'indépencance et possède au IIe siècle av. J.-C. un statut de cité-état alliée au royaume d'Égypte. Les relations restent tendues avec les Juifs et en 160 av. J.-C., Jonathan Macchabée, l'un des Hasmonéens devenu chef de son peuple et grand-prêtre, fait en vain le siège de Gaza. La ville échappe à l'invasion mais doit livrer des otages qui sont envoyés à Jérusalem[8].
La cité est devenue une de ces nombreuses cités de l'orient méditerranéen profondément hellénisées. Flavius Josèphe indique que la cité est dirigée par une boulè (conseil) de 500 membres et dispose de sa propre armée dirigée par un stratège. Il y a un temple d'Apollon et les monnaies représentent Zeus et la Tyché (c'est-à-dire la destinée de la cité)[9]. Au cours de cette période le port du nord-ouest de la ville, dont la population grecque n'a pas la même origine que celle de Gaza, se transforme lui aussi en cité indépendante sous le nom d'une cité de Béotie, Anthédon.
L'indépendance est de brève durée. En 97 av. J.-C., le roi hasmonéen Alexandre Jannée, en conflit avec l'Égypte, s'empare et détruit la cité tandis que son territoire est incorporé au royaume juif. La route de l'encens passe désormais plus au sud vers Rhinocoloura (El-Arish) puis, avec le développement du commerce en mer Rouge, gagne directement l'Égypte.
La période romaine
L'intervention romaine de Pompée, qui met fin au royaume séleucide et prend Jérusalem en 63 av. J.-C., libère Gaza (en grande partie en ruine) et les autres cités syriennes et grecques annexées au royaume hasmonéen. Cependant, elles ne retrouvent pas une totale liberté mais restent dans l'orbite de Rome. Gaza est ainsi progressivement reconstruite mais les Romains en disposent au gré de leurs intérêts politiques. Elle est ainsi incorporée brièvement à la province de Syrie, puis au royaume d'Hérode Ier le Grand, à celui de Cléopâtre VII avant de retourner à la province de Syrie après la défaite de la reine lagide et de Marc Antoine. Il semble que la prospérité revienne au premier siècle de l'ère chrétienne et Gaza redevient le terminus des caravanes d'encens des Nabatéens. Mais au début de la première révolte juive, vers 66, la ville est de nouveau pillée par les Juifs révoltés.
C'est sous le règne d'Hadrien que la cité entre dans une nouvelle époque de développement. En 127, la ville est visitée par l'empereur et adopte les Panégyries Hadriennes (compétitions musicales et sportives)[10]. L'hostilité de la ville aux Juifs, et son soutien à la répression romaine de la seconde révolte juive de Bar Kokhba, font accorder à la cité le privilège d'organiser la vente comme esclaves d'une partie des Juifs prisonniers. Bien qu'il soit difficile d'en dresser le plan avec précision, la ville n'ayant pas été fouillée, il semble qu'elle ne se distingue guère des autres cités de l'Orient romain. La ville est entourée d'un rempart et se structure autour de deux rues perpendiculaires, le cardo et le decumanus. Elle possède un hippodrome (en dehors de l'enceinte bien évidemment) et un théâtre, sans doute du IIe siècle, mais rien ne permet de localiser leurs emplacements de nos jours. Le chrétien Marc le Diacre recense, au début du Ve siècle, huit temples dédiés à Hécate, à Coré, à la Tyché, à Marnas (le plus important car assimilé à Zeus[11]), au Soleil, à Apollon, aux Héros et à Aphrodite.
Au IIe siècle, Gaza est une cité florissante avec, outre son commerce traditionnel d'encens, le développement de la viticulture. Le vin de Gaza devient un produit de luxe, réputé pour ses vertus médicinales et recherché dans l'empire romain. Si le port d'Anthédon, détruit avec Gaza en 66, ne retrouve pas son lustre d'antan, un nouveau port Maïuma est construit à environ 4 kilomètres au sud de la ville et sert aux exportations de vin et sans doute d'autres produits. On retrouve les amphores gaziotes, à fond rond, dans tout le monde méditerranéen, surtout pour la période dite de l'Antiquité tardive. À Alexandrie, la proportion d'amphores de Gaza passe de 15% au début de l'empire à 45% vers le IVe siècle. De nombreux Égyptiens s'installent à Gaza, particulièrement des chrétiens, pour le commerce du vin.
Gaza chrétienne et byzantine
Sous le règne de Constantin Ier, une scission intervient entre Maïuma et Gaza. À Maïuma, les chrétiens sont majoritaires alors que le culte de Marnas reste fortement ancré à Gaza. Les négociants de Maïuma[12] obtiennent de l'empereur l'autorisation de se constituer en cité indépendante, qui prend le nom de Constantia. Les deux villes semblent vivre en bonne intelligence au IVe siècle, ne serait-ce que pour des raisons économiques, mais la rivalité s'exacerbe dans les compétitions sportives de l'hippodrome, où chaque course prend le sens d'une compétition entre le Christ et Marnas. L'empereur Julien (361-363) réunit à nouveau les deux cités mais la persistance du culte de Marnas reste forte chez les Gaziotes[13], malgré les édits de l'empereur Théodose Ier. Ce culte existe encore au début du Ve siècle et il faut une décision personnelle de l'empereur Arcadius convaincu par saint Porphyre de Gaza et l'intervention de troupes (en 402) pour y mettre fin et détruire le temple de Zeus-Marnas (Marneion). Cet événement a un retentissement considérable dans l'empire et est mis par saint Jérôme sur le même plan que la destruction du temple de Sérapis à Alexandrie.
À défaut de sources archéologiques nombreuses, il existe une abondante production littéraire sur Gaza entre le Ve et le VIIe siècle du fait de son importante école de rhétorique[14]. L'histoire du monachisme dans la région de Gaza est aussi relativement bien documentée, du IVe au VIIe siècles. De plus, la carte de Madaba, une mosaïque du VIe siècle représentant la Palestine mise au jour en Jordanie, nous renseigne sur l'évolution du paysage urbain de cette période. Nous savons que le noyau urbain originel, situé sur une hauteur, est entouré d'une muraille, laquelle est restaurée en 530. La ville est traversée de rues à colonnades. La plupart des maisons sont en briques crues et comportent des toits en terrasse[15] L'agora, comme à Antioche, est ornée d'une « horloge » monumentale et bordée d'édifices publics. Outre le théâtre, la ville comporte aussi des thermes. À partir des Ve et VIe siècles, les premières églises sont construites. En 536, sous le règne de l'empereur Justinien Ier, l'église Saint-Serge est inaugurée en présence de Stéphanos, citoyen de la ville et gouverneur de la province qui a financé en partie les travaux. Elle est d'une taille visiblement importante, sans que l'on ait de plus amples précisions, car elle signale de loin la présence de la ville aux voyageurs. Si la christianisation du Ve siècle s'accomplit, l'influence de l'hellénisme reste encore forte. Ainsi l'horloge de l'agora, décrite par Procope de Césarée[16], représente les douze travaux d'Hercule. De nombreuses pièces de théâtre ouvertes à tous, y compris les femmes et enfants (sauf aux étudiants de l'école de rhétorique qui ne peuvent s'y rendre que sur leurs jours de congés), conservent une intrigue inspirée de la mythologie selon les canevas du théâtre grec classique. Certaines fêtes profanes, héritages du paganisme, viennent compléter les fêtes de la liturgie chrétienne. Ainsi en est-il de la fête des Brusmalia (en hiver). La vie culturelle semble intense. La figure emblématique est celle de l'évêque Marcien, fils de bonne famille de Gaza, dont le frère est évêque de la ville voisine d'Éleuthéropolis, et qui reçoit une double formation, chrétienne et classique. Il ne semble pas aux yeux de ce grand bâtisseur qu'il y ait contradiction entre le christianisme et la rhétorique pourtant héritière des traditions culturelles du paganisme(??).
Gaza demeure la porte traditionnelle des routes caravanières venant d'Arabie et des ports de la mer Rouge. L'épisode, relaté par Timothée de Gaza[réf. nécessaire], des deux girafes envoyées par le roi d'Axoum à l'empereur Anastase Ier en 496 et qui transitent par Aila (Eilat) puis Gaza illustre bien ce rôle. Mais au début du VIIe siècle, les difficultés s'amoncellent. La ville est prise et occupée par les Perses entre 618 et 629. Reprise par les troupes d'Héraclius Ier, elle tombe au mains des musulmans en 637. Elle quitte donc progressivement[17] l'influence grecque et chrétienne pour tomber dans l'orbite du monde arabo-musulman.
Notes et références
- ↑ Jacques Briend, "Entre l'Égypte et les royaumes du nord, une ville qui traverse l'Histoire", Le Monde de la Bible, n°169, Janvier-Février 2006, pp.19-23.
- ↑ Lettre codée EA 289
- ↑ Ils sont repoussés la 8e année du règne du pharaon Ramsès III (1184 av. J.-C.-1153 av. J.-C.)
- ↑ Lors de la destruction de Jerusalem par les Romain, tout le territoire sera appelé « Palestina » afin d'effacer toute trace du peuple juif sur sa terre.
- ↑ Livre des Juges, 16, 1-31
- ↑ Hérodote, III, 5.
- ↑ pendant deux mois à la fin de l'année 322 av. J.-C.
- ↑ 1 Macchabées, 11, 61-62. C'est la dernière fois que la ville est mentionnnée dans la Bible
- ↑ Thomas Bauzou, D'un empire l'autre; Gaza d'Alexandre à Constantin, Le monde de la Bible, n° 169, janvier-février 2006, pp 29-33
- ↑ Elles seront célébrées jusqu'au IVe siècle
- ↑ Marnas signifie "Notre Seigneur" en araméen
- ↑ Il existe aussi à Maïuma une communauté juive puisqu'il a été retrouvé les restes d'une synagogue du VIe siècle
- ↑ On ne compte que 280 chrétiens à la fin du IVe siècle
- ↑ Ce qui en soit, pour une ville qui n'est même pas un chef-lieu de province, n'est point si fréquent et illustre bien sans doute la richesse de la ville
- ↑ Catherine Saliou, Dans l'Antiquité tardive: "Une cité splendide et charmante", Le Monde de la Bible, n° 169, janvier-février 2006,pp.35-39
- ↑ Ibid, p.36
- ↑ Cette transition, si elle est rapide sur le plan politique, est plus lente dans le domaine administratif. Ainsi l'arabe ne supplante-t-il le grec qu'au bout de nombreuses années et une communauté chrétienne, dirigée par un évêque, est encore attestée vers 732
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