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Furtivité
Pour les articles homonymes, voir Furtif.La furtivité est la caractéristique d'un engin militaire conçu pour avoir une signature réduite ou banale et donc pour être moins détectable, classifiable ou identifiable.
Un engin militaire (en général navire, ou aéronef) émet de l'énergie sous forme électromagnétique (radar de bord, radiocommunications, etc.), thermique (sortie du propulseur, échauffement cinétique, etc.) et acoustique (sonar actif, bruits de propulsion, d'écoulement ou d'auxiliaires) ; il reçoit de l'énergie électromagnétique (radars de détection, antennes de radio ou de télévision, etc.), thermique (soleil) et acoustique (sonars actifs) ; l'engin émet ou réémet cette énergie dans toutes les directions. Les systèmes de détection au sol ou embarqués sur des aéronefs, navires ou armes (radars, sonars, détecteurs ESM ou IR) reçoivent une partie de cette énergie et peuvent s'en servir pour détecter, classifier, identifier et poursuivre l'appareil. La furtivité est l'ensemble des techniques et technologies utilisées pour réduire les émissions dans une direction donnée ou dans toutes les directions et donc rendre l'engin moins détectable, classifiable ou identifiable. On parle généralement de réduction ou banalisation de la signature d'une cible.
Sommaire
Histoire
Aéronautique
Jusqu'à la fin de la Seconde guerre mondiale, avant l'invention du radar, les avions ne pouvaient être détectés qu'à vue et au son. La furtivité consistait principalement à peindre l'aéronef avec des couleurs lui permettant de se fondre dans l'environnement : camouflage de couleur brun-vert ou brun-jaune sur le dessus des appareils utilisés au-dessus de zones cultivées ou désertiques et peinture grise ou gris-bleu au-dessous. L'allongement des tubulures d'échappement, sur les avions ayant des missions nocturnes, pour éviter les sorties de flammes allait aussi dans ce sens.
L'amélioration, pendant la période de la guerre froide, des moyens de détection électromagnétique puis infra-rouge a entraîné la nécessité de diminuer les émissions dans ces deux spectres de fréquences. Ce n'est qu'à partir des années 1970 quand la puissance de calcul des ordinateurs se développa qu'il devint possible de calculer la surface équivalente radar. Les premiers aéronefs développés pour étudier les concepts de furtivité furent les démonstrateurs Have Blue et Tacit Blue. Ceux-ci aboutirent à la construction en série du chasseur-bombardier F-117 et du bombardier stratégique Northrop B-2 Spirit.
Tous les aéronefs à usage militaire sont maintenant conçus avec pour objectif l'obtention d'une signature radar et infra-rouge la plus faible possible sans trop compromettre les qualité de vol de l'appareil.
La furtivité radar est caractérisée par un chiffre : la surface équivalente radar (SER). C'est la valeur de la surface plane qui renverrait la même énergie que l'aéronef. En l'absence de traitement la SER d'un avion est de l'ordre de plusieurs dizaines de m2 ; après traitement on obtient des valeurs de l'ordre du m2 voire moins. Certains avions tels que le F-22 de l'USAF auraient des SER équivalentes à celles des oiseaux mais les chiffres réels sont évidemment tenus secrets par les constructeurs.
Technique
Aéronautique
Il n'existe pas de moyens de supprimer l'énergie électromagnétique ou thermique émise ou réémise par l'avion. La furtivité consiste donc à absorber cette énergie (en fait la convertir en chaleur) ou à la renvoyer dans une direction privilégiée ou à répartir cette énergie dans toutes les directions. Le choix dépend du profil de mission de l'appareil (pénétration très basse altitude ou vol à très haute altitude dans le cas d'un avion) et donc de la position relative de la menace par rapport à l'appareil. Il dépend aussi du type de menace, par exemple dans le cas du radar de la fréquence ou la bande de fréquence de détection ou de sa distance.
Les principaux traitements utilisés sont :
- d'ordre géométrique : suppression des formes en dièdre qui concentrent l'énergie et remplacement par des formes arrondies (diffusion de l'énergie) ou par des formes planes (émission dans une direction privilégiée) ; leur but est de renvoyer les ondes radar dans d'autres directions que celles de l'émetteur.
- utilisation de matériaux absorbants. L'énergie reçue est transformée sous une autre forme (chaleur), ce qui limite la puissance des ondes radar réfléchies. Ces matériaux sont des isolants qui ont des propriétés diélectriques ou magnétiques spécifiques. Elles sont quantifiées par leur permittivité électrique (notée ε) ou leur perméabilité magnétique (notée μ). Ces paramètres, qui dépendent de la fréquence, sont des nombres complexes (au sens mathématique, c’est-à-dire qu'on les représente avec une partie réelle et une partie imaginaire). La partie imaginaire représente les pertes, donc la conversion de l'énergie électromagnétique incidente en chaleur.
- des dispositifs actifs sont aussi à l'étude, il s'agit de traiter les signaux reçus pour les renvoyer sous une forme qui ne permettra pas au système de détection d'identifier la menace. Ces moyens sont plus proches des techniques de leurrage que de la furtivité.
- brouillage, en disséminant des objets métalliques (paillettes, coins, etc.) visant à créer des échos supplémentaires et à attirer l'attention du radar sur ceux-ci (surtout pour le radar embarqué d'un missile) et lui faire perdre la piste de sa cible.
- réduction de la signature thermique sur hélicoptère de combat (type Tigre) : les gaz d'échappement en sortie de tuyère sont tout d'abord mélangés (sous un capot appelé dilueur/déviateur de jet, DDJ) à de l'air froid capté de manière dynamique par des entrées d'air séparées de celles des moteurs puis dirigés vers le haut face au souffle du rotor principal qui les dilue encore une fois.
Le développement des techniques de furtivité a pour corollaire de nouveaux développements des techniques de détection. L'une d'entre elle consiste à concevoir un radar multi-émetteur voire (radar passif) à utiliser les ondes des multiples émetteurs existant (télévision, etc.).
À la fin des années 1980, des études ont porté sur les bateaux furtifs. Le plus connu est le Sea Shadow, catamaran furtif développé par Lockheed Martin Missiles and Space en 1985. D'une longueur de 50 mètres, il peut atteindre la vitesse de 13 nœuds. La France a depuis 1997 ses frégates furtives, de classe La Fayette. Dans les deux cas, la diminution de la SER est obtenue par l'utilisation de grandes plaques planes métalliques ou revêtues de peinture absorbante, qui renvoient l'énergie électromagnétique du radar dans d'autres directions. Elles sont orientées pour traiter aussi bien les radars d'autres navires que ceux d'avions ou de missiles air - mer. L'utilisation de dispositifs électroniques est possible mais aucune information sur ce sujet n'est disponible.
Sous-marins
Les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins constituent un excellent exemple de furtivité, leur fonction principale étant de rester indétectables plusieurs semaines ou plusieurs mois de suite.
La furtivité électromagnétique (y compris thermique et optique, qui sont des manifestations électromagnétiques à des fréquences particulières) est simplement obtenue par le maintien du sous-marin en immersion, l'eau de mer ne permettant pas aux ondes électromagnétiques de se propager à plus de quelques mètres, et par l'absence totale d'indiscrétions (émissions radio, radar, usage du périscope, etc).
La furtivité acoustique est obtenue par la combinaison de plusieurs techniques.
La furtivité vis-à-vis des sonars actifs est obtenue par l'utilisation de revêtements anéchoïques dont la première utilisation eu lieu sur des U-boot durant la seconde guerre puis reprit à partir des années 1970 dans les marines modernes.
La réduction des bruits d'écoulement est obtenue par une coque parfaitement profilée où tous les équipements de servitude sont intégrés au profil ou masqués sous des trappes elles-mêmes intégrées au profil.
La réduction des bruits de propulsion a d'abord été obtenue par la multiplication du nombre de pales de l'hélice et l'optimisation de leur forme (visant à diminuer ou annuler le phénomène de cavitation très bruyant), puis par l'utilisation d'une hélice carénée (pompe-hélice). Le moteur électrique, directement couplé à l'arbre de transmission, est par lui-même considérablement plus silencieux qu'un diesel ou un turbo-propulseur et de plus ne nécessite pas un réducteur dont les roues dentées auraient une signature acoustique caractéristique.
Les bruits en provenance de l'intérieur du SNLE sont réduits d'une part à la source, d'autre part en les empêchant d'exciter la coque :
- utilisation préférentielle du courant continu par rapport au courant alternatif,
- refroidissement des appareils électroniques par des drains thermiques refroidis par une circulation lente d'eau plutôt que des radiateurs refroidis par des ventilateurs,
- suspension sur silent blocks de tous les équipements susceptibles d'émettre des vibrations,
- aucun équipement n'est directement fixé à la coque: tous les équipements externes (antennes, etc) sont montés sur silent blocks, tous les équipements internes sont fixés sur un des ponts du navire,
- tous les ponts du navire sont suspendus à la coque par un petit nombre de silent blocks géants,
- un système de surveillance de l'état acoustique permet de détecter toute vibration qui atteint la coque et de localiser son origine,
- …
Des rasoirs particulièrement silencieux auraient même été développés spécialement pour l'équipage de ces sous-marins.
Le résultat est un navire plus silencieux que le bruit de fond de la mer par beau temps.
Inconvénients et compromis
La furtivité a un coût direct d'étude, de développement et de production très élevé. Le B-2 Spirit coûte environ 2 milliards € soit le prix de 12 B-1B qui intègre lui aussi des éléments pour réduire sa signature radar mais à un moindre niveau. Le programme d'hélicoptère d'assaut furtif RAH-66 Comanche a été abandonné suite à l'inflation du budget nécessaire à sa réalisation.
Elle exige une maintenance sévère : les peintures et les revêtements des appareils doivent être entretenus et changés régulièrement pour rester efficaces. Ceux-ci sont très fragiles, et les intempéries, par exemple, peuvent compromettre la furtivité même au cours d'une mission. [1]
Elle a aussi un coût indirect sur l'opération des aéronefs et navires. Les formes en facettes des avions, par exemple, dégradent les performances aérodynamiques, aboutissant à des avions plus lents, volant moins haut, moins manoeuvrables, consommant plus de kérosène pour une charge utile plus faible. Les formes en facettes des œuvres mortes des corvettes et frégates furtives rendent le pont inutilisable pour les manipulations des apparaux qui doivent se faire à partir de fenêtres de taille réduite, et induisent des contraintes importantes sur la géométrie et le positionnement des aériens.
Mais le coût indirect peut même se traduire par des conflits entre plusieurs formes de furtivité. La forme en facettes pourrait être utilisée pour réduire la signature des sous-marins vis-à-vis des sonars actifs, mais elle se traduirait par une telle chute de la navigabilité et surtout une telle dégradation de la signature vis-à-vis des sonars passifs qu'elle n'est jamais utilisée. Plus étonnant, la capacité à réfléchir très peu d'énergie, importante contre les senseurs actifs, atteint maintenant un stade où les sous-marins et aéronefs peuvent être trahis par le trou qu'ils provoquent dans le bruit de fond enregistré par les détecteurs passifs.
Bibliographie
- Les avions furtifs, Doug Richardson, 1991, ISBN 2-7312-0815-5
Notes et références
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- (fr) Office National d'Etudes et de Recherches Aérospatiales : Furtivité des avions militaires
- (fr) La fin de la furtivité n'est qu'une question de temps après une découverte britannique, parue le 17.06.01
- (fr) La furtivité, explication simple mais claire de la furtivité
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