François-André-Adrien Pluquet

François-André-Adrien Pluquet
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François-André-Adrien Pluquet, le 14 juin 1716 à Bayeux et mort le 18 septembre 1790 à Paris, est un philosophe et historien français, professeur au collège de France.

Biographie

Pluquet fit ses humanités au collège de sa ville natale, sous la direction dun père éclairé et de son oncle maternel, labbé Le Guédois. À lâge de dix-sept ans, il fut envoyé à Caen, il étudia la philosophie sous labbé de La Rue.

En 1742, il vint, à lâge de vingt-six ans, à Paris, suivre un cours de théologie, et prendre ses grades dans luniversité. Pour nêtre pas à charge à ses parents, dont la fortune était bornée, il fit léducation de deux jeunes seigneurs espagnols et devint bientôt précepteur de labbé de Choiseul, depuis archevêque d'Albi et de Cambrai. Il resta toute sa vie attaché à son élève, qui lui fit obtenir une pension de deux mille livres.

Dès lors, labbé Pluquet put vivre indépendant, et se livrer entièrement à létude. Il devint bachelier en 1745, licencié de Sorbonne en 1750. Admis à la faculté des arts dans la nation de Normandie, ses collègues le nommèrent leur procureur auprès du tribunal de luniversité.

Les savants et les littérateurs aimaient, en cette époque la librairie française avait en son sein des hommes instruits et distingués, à se réunir dans les maisons des Barrois, des Latour, des Mercier, des Desaint : cest que labbé Pluquet connut les membres les plus recommandables des académies des sciences et des belles-lettres, et quil se concilia leur estime par la justesse de son esprit et létendue de son savoir. Fontenelle, fit du jeune abbé son ami particulier : Helvétius le rechercha ; Montesquieu se lattacha, en lui donnant un prieuré qui était à sa nomination.

À lâge de quarante-deux ans, labbé Pluquet publia son premier ouvrage, lExamen du fatalisme, Paris, 1757, 3 vol. in-12. En sinstruisant dans les sciences relatives à son état, lauteur navait pas négligé les études dun autre genre ; et il était principalement versé dans celle de lAntiquité. Il expose, avec clarté et précision, tous les systèmes que la hardiesse de penser a produits depuis les premiers temps de la philosophie jusqualors, sur lorigine du monde, la nature de lâme, le principe des actions humaines, la cause productrice des êtres, leur origine et leur destination. Lauteur y remonte à lintroduction du fatalisme chez les peuples les plus anciens, dans lÉgypte, la Chaldée, les Indes et les autres pays dOrient. Il y suit ses progrès dans les différentes écoles de la Grèce, jusquà lorigine du christianisme, et depuis cette époque jusquà la chute du Bas-Empire.

Il fait connaître, avec les principales sectes de fatalistes qui se formèrent parmi les Chrétiens d'Orient et dOccident, la part que les Juifs prirent à leurs querelles et à leurs erreurs. On sait quelles avaient ou recevaient pour base, soit les principes de Platon, soit les opinions dAristote, qui partageaient alors lempire des sciences. Le fatalisme, dont Mahomet avait fait un dogme de prédilection, devint celui de toutes les religions de lOrient. Le Coran engendra des sectes opposées, qui ne saccordèrent que sur le principe de leur propagation. Après avoir exposé leurs doctrines, Pluquet recherche lorigine et les progrès du fatalisme dans lInde, la Chine, au Japon et dans le royaume de Siam. Revenant ensuite sur ses pas, il trace la révolution quamena dans lOccident la chute de lempire de Constantin.

Lancienne philosophie et ses systèmes suivirent lémigration des savants grecs en Italie. De nouvelles opinions sy propagèrent. Les sentiments dAristote, de Pythagore, de Platon ; les dogmes de Zénon ; les doctrines dAnaximandre, de Diogène dApollonie, et les principes dÉpicure, avaient enfanté de nouvelles sectes de fatalistes, lorsque Bacon vint amener la lumière dans les sciences, en substituant à la tyrannie des noms célèbres, lautorité de la raison, et en adoptant le doute méthodique, qui lui fut dans la suite emprunté par Descartes. Cette méthode ébranla lempire des préjugés, rendit sa liberté naturelle à la pensée, et ouvrit le chemin le plus sûr pour arriver à la vérité.

Mais lusage du doute méthodique fut bientôt abusé, et Hobbes et Spinoza reproduisirent le fatalisme sous de nouvelles formes.

Labbé Pluquet exposa leurs systèmes, ainsi que les opinions de Toland, de Collins, de La Mettrie et de quelques autres écrivains moins connus ; mais il se lui suffit pas de donner lhistoire des nombreuses sectes du fatalisme : il reproduisit, sans les dissimuler ni les affaiblir, toutes les difficultés des diverses hypothèses ; il les combattit dans les deux derniers volumes, avec autant de force que de succès.

Comparant enfin le système du fatalisme à celui de la liberté, il démontra que le fatalisme ne propose aucun moyen suffisant pour éloigner du vice et porter à la vertu, tandis que le dogme de la liberté morale est le frein le plus salutaire contre les passions, et quil inspire les sentiments vertueux que le fatalisme anéantit.

Ce premier ouvrage de Pluquet lui fit une réputation qui attira bientôt lattention des encyclopédistes, qui cherchèrent à lengager dans leur parti, et lui demandèrent des articles pour lEncyclopédie, mais Pluquet refusa de former aucune liaison avec des gens quil regardait comme ennemis du trône et de lautel. En fait, loin de contribuer à la composition de cet ouvrage, il présenta au contraire lEncyclopédie, moins comme le trésor des connaissances humaines, que comme un vaste dépôt des erreurs anciennes et nouvelles : il publia, en 1762, les Mémoires pour servir à lHistoire des égarements de lEsprit humain, Paris, Barrois, 1762, 2 vol. in-8o.

Cet ouvrage, plus connu sous le nom de Dictionnaire des hérésies, montre partout un historien exact, un savant théologien, et, en général, le critique sans partialité. Il existait déjà un livre sous le même titre. Le libraire Barrois voulut en donner une nouvelle édition, et désira que labbé Pluquet revît le style, et rectifiât les fautes et les erreurs de ce Dictionnaire. Mais Pluquet sentit bientôt la nécessité de le refondre en entier ; et il composa un ouvrage nouveau, dont le Discours préliminaire fut loué en le comparant au Discours de Bossuet sur lHistoire universelle ; il peut, plus justement, être regardé comme un tableau rapide des errements de lesprit humain, quoique lauteur ségare peut-être lui-même en supposant à Alexandre le Grand, daprès le témoignage de Plutarque, le projet de conquérir la terre, pour réunir tous ses habitants sous une même loi qui les éclairât, « qui les conduisît tous, comme le soleil éclaire tous les yeux ? » Peut-être était-ce donner un peu trop de poids à une déclamation de la jeunesse de Plutarque, et pas assez à la vie du conquérant macédonien, écrite par le même historien dans un âge mûr.

LHistoire des égarements de lEsprit humain, avant et depuis le christianisme, si bien tracée en masse, dépoque en époque et de siècle en siècle, dans le Discours préliminaire, est exposée en détail dans le Dictionnaire. La plupart des articles sont des Mémoires ou traités historiques et théologiques dans lesquels, après avoir retracé la naissance, les progrès et les effets de chaque hérésie, lauteur en réfute les principes avec solidité et précision. Les protestants, en laccusant de partialité, ont rendu justice à sa modération, bien éloignée de lemportement des anciens controversistes.

Le Dictionnaire des hérésies a été réimprimé à Besançon, en 1818, 2 vol. in-8o. Léditeur y a ajouté quatre longs articles de sa façon (Constitutionnels, Jansénisme, Quesnélisme et Richer, dans lesquels on a cru voir des personnalités et des injures. M. Pluquet, neveu de lauteur, a réclamé, dans un journal, le 16 juin de la même année (Voy. lAmi de la religion et du roi, du 24 juillet 1819, XX, p. 337), contre cet esprit de haine, mêlé à louvrage dun homme qui « jamais ninjuria personne, dont les écrits se distinguent par une critique éclairée, une piété sincère, une sage tolérance, etc. »

Labbé Pluquet avait dédié le Dictionnaire des hérésies à son élève, devenu archevêque dAlbi. Ce prélat voulut attacher un théologien si profond et un esprit si sage à la conduite de son diocèse en le nommant son grand-vicaire. Il lemmena avec lui à Cambrai, lorsquil fut placé sur ce siège en 1764 et lui fit rédiger ses meilleurs mandements. Cest dans les délassements de ses nouvelles fonctions, que labbé Pluquet composa son Traité de la sociabilité, Paris, Barrois, 1767, 2 vol. in-12. Cet ouvrage traite, avec la sagesse, la force de raisonnement et le style pur et correct qui caractérisent les autres écrits de lauteur, des plus hautes questions politiques. Il combat le système de Hobbes, et sattache à prouver que lhomme naît religieux et bienfaisant. Il fut nommé, vers ce temps, chanoine de Cambrai (1768), mais Paris était resté le centre de ses affections et il se regardait ailleurs comme en exil. Cest alors que le chapitre lui donna une preuve destime, en le choisissant pour chargé des affaires du diocèse dans la capitale.

En 1775, le gouvernement nomma labbé Pluquet censeur pour la partie des belles-lettres. Chaque faculté avait alors les siens, et le nombre des censeurs royaux sélevait au commencement de la Révolution, à cent-soixante-dix-huit. En 1776, la chaire de philosophie morale, instituée par Louis XVI au collège de France, lui fut conférée, et deux ans après, il occupa la chaire de professeur dhistoire au même collège. Sa profonde étude de la philosophie lui servit à éclairer les exemples du bien et du mal, que présente lhistoire, par les plus saines maximes de la morale et de la politique.

En 1782, labbé Pluquet donna sa démission de professeur et reçut le titre de professeur honoraire, avec voix délibérative dans toutes les assemblées. Libre des soins de lenseignement, il se livra à des travaux dun autre genre, et publia, en 1784, sa traduction, du latin, des Livres classiques de la Chine, recueillis par le P. Noël, précédés dObservations sur lorigine, la nature et les effets de la philosophie morale et politique de cet empire, Paris, Debure et Barrois, 1784-1786, 7 vol. in-8o. Les Observations du traducteur, qui composent le premier volume de cette collection, sont elles-mêmes un ouvrage curieux et intéressant sur lart avec lequel les législateurs chinois ont appliqué les principes de la philosophie morale à la formation de la société civile, et ont donné au plus vaste empire une durée de près de trois mille ans : des Introductions et des Avant-propos, font bien connaître lobjet et le degré de mérite des livres de Confucius ; de Zi Si, petit-fils de ce législateur ; de Mencius, disciple de Zi Si ; de Xun Zi, disciple de Confucius ; et de Tchu-hi, qui vivait vers lan 1105. La publication des livres classiques de la Chine nétait pas encore terminée, lorsque le savant traducteur fit paraître son Essai philosophique et politique sur le luxe, Paris, 1786, 2 volumes in-12. Une question importante, devenue lobjet de tant de controverses, celle des avantages ou des désavantages du luxe dans les sociétés policées, est traitée, dans cet ouvrage, avec raison et esprit, mais peut-être lauteur a-t-il trop préféré la force du raisonnement et la solidité des preuves à lélégance du style.

Indépendamment des ouvrages de labbé Pluquet cités dans cette notice, il publia encore à titre anonyme trois intéressantes et curieuses Lettres : un arrêt du conseil, supprimant les privilèges accordés par les anciens règlements pour la réimpression des ouvrages, et laissant à tout imprimeur la liberté dimprimer des livres que, jusqualors, les auteurs ou les imprimeurs à qui la propriété en avait été transmise, avaient seuls le droit dimprimer et de vendre, lui parut une violation du droit de propriété, violation décourageante pour les écrivains, ruineuse pour les libraires, et nuisible au commerce, quelle devait favoriser. Labbé Pluquet réclama les règlements faits par le chancelier dAguesseau. Ne pouvant publier ses Lettres en France, il les fit imprimer, à ses frais, à Londres. Labbé Pluquet tenait également depuis longtemps le manuscrit dun ouvrage dans son portefeuille il était resté sans quon sache quel motif lui avait fait différer la publication : son frère et le traducteur de Plutarque le jugèrent digne dêtre imprimé, et le public en a porté le même jugement. En ne changeant rien ni au fond ni à la forme, léditeur ne se permit que des corrections de style en joignant à ce travail utile une excellente Notice sur lauteur, qui était son ami. Pluquet avait eu, le dessein de publier un abrégé de ses Leçons sur lHistoire, faites au collège de France, mais ce travail est resté dans un trop grand état dimperfection.

En général, cest léloquence et la chaleur qui manquent aux écrits de labbé Pluquet, qui se livrait, avec ardeur, à de nouveaux travaux. Son tempérament robuste semblait encore lui promettre de longues années, lorsque, revenant de sa promenade habituelle dans le jardin du Luxembourg, il fut frappé dapoplexie, et mourut le même jour, sur les huit heures du soir. Lorsque la mort le surprit, labbé Pluquet était occupé dun travail important, conservé dans sa famille parmi ses manuscrits, un Traité sur lorigine de la mythologie, il combattait vivement le système dinterprétation historique de la mythologie dAntoine Banier. Les dispositions assez singulières de son testament, établi huit ans auparavant, le 12 mai 1782, léguait cinq cents livres à un de ses neveux et six cents livres, avec sa lampe, à un des fils de Guillaume Debure. Il priait Mme Barrois daccepter tous les vins de sa cave, son chiffonnier et sa table à jouer.

Labbé Pluquet avait un frère, Jean-Jacques-Adrien Pluquet, en 1720 à Bayeux, il exerça, avec distinction, la médecine pendant soixante ans, laissant, à sa mort, survenue le 22 octobre 1807, quarante-deux volumes dObservations in-8o.

Publications

  • Examen du fatalisme, Paris, 1757, 3 vol. in-12.
  • Mémoires pour servir à lHistoire des égarements de lEsprit humain [Dictionnaire des hérésies], Paris, Barrois, 1762, 2 vol. in-8o.
  • De la superstition, et de lenthousiasme, ouvrage posthume, publié par Dominique Ricard, Paris, Adrien Le Clère, 1804, in-12.
  • Lettre à un ami, sur les arrêts du conseil du 30 août 1777, concernant la librairie et imprimerie, anonyme, Londres, 1777, in-8o.
  • Seconde Lettre à un ami sur les affaires actuelles de la librairie, anonyme, Londres, 1777, in-8o.
  • Troisième Lettre à un ami sur les affaires de la librairie, anonyme, 1777, in-8o, 42 p.

Sources

  • Joseph Fr. Michaud, Louis Gabriel Michaud, Biographie universelle, ancienne et moderne, Paris, 1823, vol. 35, p. 100-104

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