Esclavage au Moyen Âge

Esclavage au Moyen Âge

L'esclavage survit de différentes manières au passage de l'Antiquité au Moyen Âge. Alors qu'en Occident le servage remplace progressivement l'esclavage, le monde arabo-musulman connaît l'apogée de son réseau de traite des noirs, et de traite en général, le corso fournissant des esclaves chrétiens de tous les pays d'Europe.

Sommaire

Aperçu géographique

Amériques précolombiennes

Empire aztèque

L'esclavage existait chez les Aztèques au XVe siècle : ils appartenaient à un maître et n'avaient pas de droits civiques. Certains esclaves, capturés à la guerre, étaient destinés à être sacrifiés. Les autres, appelés tlatlacotin, pouvaient le devenir pour des raisons diverses : pour avoir commis un délit, ou encore parce qu'ils s'étaient vendus eux-mêmes ou avaient été vendus par leurs parents, lors d'une famine par exemple[1]. Ils semblent avoir été bien traités, certains possédaient des biens, des terres et même d'autres esclaves[2]. Ils pouvaient se marier et leurs enfants étaient libres. Ils pouvaient acheter leur affranchissement ou être libéré à la mort de leur maître. Les empereurs pouvaient décider d’affranchissements massifs[2]. Au moment de la vente d'esclaves si certains fuyaient aucun garde n'avait le droit de les rattraper. S'ils franchissaient la porte du palais ils étaient libres.

Orient byzantin

Entre 529 et 533, l'empereur d'Orient Justinien Ier fait publier une mise à jour complète des lois romaines, connue sous l'appellation de Code Justinien. Dans les divers statuts sociaux réglementés, l'esclavage continue d'avoir sa place, malgré le contexte chrétien. Le traitement de l'esclave est néanmoins amélioré, et l'affranchissement est facilité, voire recommandé. Durant tout le Moyen Âge, Constantinople demeure un grand marché d'esclaves[3].

Malgré la condamnation formelle de l'Église, se maintient et se développe la pratique de la castration de jeunes esclaves pour en faire des eunuques, candidats potentiels à de hautes positions dans l'administration.

On est esclave par la naissance si l’on est enfant d’esclave ; on le devient si l’on est prisonnier de guerre ou citoyen déchu de ses droits. Les esclaves sont aussi des criminels ou des enfants abandonnés très jeunes. Les Romains endettées envers une personne deviennent esclave de cette dernière.

On vend et achète les esclaves dans un marché comme une chose ou un animal. Un esclave ne possède pas de biens, ne peut pas se marier (jusqu'au XIe siècle[3]), n'a pas accès aux tribunaux et ne peut pas devenir soldat ; le maître a tous les droits sur son esclave, il peut le revendre ou même le léguer en héritage.

En mettant de l’argent de côté (quand les maîtres veulent bien) les esclaves peuvent économiser le pécule qui leur permet de racheter eux-mêmes leur liberté et devenir affranchis ; ou alors, les maîtres peuvent affranchir leurs esclaves. Un esclave doit exécuter sans retard ni mauvaise humeur les ordres de son maître et faire en sorte que le maître soit content de son service.

Quelquefois, les filles sont achetées pour servir la maîtresse de maison. À la campagne, les esclaves aident dans le domaine agricole. En ville, ils peuvent être employés aux travaux domestiques ou faire fonction de nourrices, valets, jardiniers… D’autres, reconnus pour leurs compétences professionnelles occupent les postes de secrétaires, médecin particulier ou percepteur.

Certains esclaves condamnés par jugement deviennent gladiateurs. D'autres appartiennent à l’État, ce sont eux qui construisent les routes, les entretiennent, s'occupent de tous les bâtiments publics, travaillent à l’administration.

Monde arabo-musulman

Comme le christianisme, l’islam s’étend dans un monde dont l’esclavage est une composante, et comme lui, il s’y adapte sans révolution sociale. En principe, le Coran interdit seulement l'esclavage des musulmans, car il fait la différence entre les pays des « infidèles » et les pays de l'islam.

  • Cela explique partiellement le fait que jusqu'au début du XXIe siècle, des pays musulmans comme l'Arabie saoudite, le Soudan ou la Mauritanie acceptent l'esclavage des Noirs chrétiens et animistes.
  • Malgré les interdictions formelles concernant les musulmans, les califes et les sultans n'hésitent pas à réduire en esclavage les rebelles ou les « mauvais musulmans », notamment en Espagne. Au IXe siècle, al-Andalus importait des esclaves d’Europe orientale qui avaient été capturés et vendus à des trafiquants[4].
  • En Égypte les esclaves venus de la mer Noire et amenés en grande partie par des marchands italiens constituent une ressource indispensable pour le recrutement des armées égyptiennes.

Europe médiévale

Tout au long du Moyen Âge, le nombre d'esclaves diminue en Europe occidentale. D'autres rapports de dépendance, distincts de l'esclavage, se mettent en place comme le servage.
En Russie, l'esclavage existait déjà dans la principauté kiévienne (IX-XIIe s.). Des esclaves (kholopy) participèrent aux révoltes des faux Dimitri à la fin du XVe siècle.
Une forme originale d'esclavage fiscal, le zakladnitchestvo, exista du début des années 1260 au XVIIIe siècle. En raison de la pression fiscale accrue liée notamment à la guerre de Livonie, une partie des roturiers taillables, citadins et ruraux, se "nantissaient", c'est-à-dire se plaçaient sous la protection de nobles (auxquels ils devaient des impôts moins écrasants) en renonçant pas là-même à leur liberté personnelle. Préoccupés par la baisse de leurs recettes fiscales, les tsars s'efforcèrent d'interdire cette pratique, mais celle-ci ne disparut qu'au début du XVIIIe siècle[5].
L'esclavage à titre personnel fut peu à peu remplacé par le servage, qui était à l'origine lié à la terre et qui fut aboli en 1861 par Alexandre II.

Royaume des Francs

Le mot « Slave » a donné celui d'« esclave » (ainsi que slave en anglais) car les peuples slaves du Haut Moyen Âge ne sont pas très organisés et il est facile pour les régions avoisinantes de s'y ravitailler en esclaves. De plus, il est difficile aux chrétiens de réduire en esclavage d'autres chrétiens, car l'Église proclame que tous les hommes sont égaux. Le Concile de Lyon (524) interdit ainsi de réduire en esclavage un homme libre. Ainsi, les esclaves sont uniquement importés dans le Royaume des Francs et son principal marché aux esclaves se situe à Verdun (IXe siècle)[6]. À noter qu'à l'époque mérovingienne plusieurs esclaves deviennent reines : la plus célèbre étant Frédégonde. Un esclave, Leudaste, devient connétable et comte de Tours au VIe siècle.

Dans les années 780, Charlemagne combat les Saxons et réduit une partie de la population en esclavage. Il existe alors plusieurs types d'esclaves : les esclaves chasés, attachés à une parcelle de terre attribuée par son maître ; les esclaves domestiques sont des serviteurs ; les esclaves travaillant sur la réserve, appelés mancipia dans les polyptyques carolingiens, ne possèdent pas de terre. Plus de 8000 esclaves travaillent sur les terres de l'abbaye de Saint-Germain des Prés[7]. Les esclaves carolingiens subissent de nombreuses incapacités : ils sont exclus de l'armée, des tribunaux et de la prêtrise.

Pourtant, dans l'Europe carolingienne, l'esclavage se réduit fortement à cause de plusieurs facteurs : la fin des conquêtes à partir du règne de Louis le Pieux, l'interdiction de l'Église de réduire en esclavage des chrétiens, la multiplication des affranchissements par testament et le chasement des esclaves sur une terre.

Le servage remplace progressivement l'esclavage et les statuts sociaux se brouillent. À la différence de l'esclave, le serf est considéré comme une personne qui dispose de droits et qui est intégré à la société[4]. Baptisé et chrétien, le serf de distingue de l’esclave païen fait prisonnier en Europe centrale et orientale et vendu à des maîtres[4]. Le serf carolingien possède une petite parcelle de terre dont il peut vendre les productions. Contrairement à l'esclave qui est bien meuble, le serf jouit d'une personnalité juridique. Il n'appartient pas à son seigneur et il possède des biens, peut ester et témoigner en justice, peut contracter (mariages, contrats de vente) plus ou moins librement. Sa condition de servage peut elle-même faire l'objet d'un contrat. Mais ce qui lie avant tout le serf à son seigneur c'est une obligation de stricte obéissance : il la lui doit comme dernier étage de la pyramide féodale. Ce devoir, comme tout lien féodal, a une contrepartie : le seigneur lui doit protection.

Au début de l'époque féodale, des millions de paysans vivent dans la dépendance d'un seigneur, sans être des esclaves.

L'esclavage domestique demeure présent dans les régions méditerranéennes jusqu'au XVIe siècle[8] : plus ou moins disparus au nord des Alpes, le nombre d'esclaves augmente en Catalogne et en Italie entre XIIIe et XVe siècle. Sont réduits en esclavage surtout des individus capturés au nord de la mer Noire, où la colonie génoise de Caffa représente la plaque tournante du trafic d'esclaves. De nombreuses femmes esclaves sont amenées en majorité en Italie et sur les grandes îles méditerranéennes (Crète, Sicile, Majorque, Chypre), où elles trouvent leur place dans le service domestique[9].

Autres royaumes

Les Wisigoths installés en Espagne au Ve siècle réduisent les juifs à l'état d'esclaves[10]. L'esclavage dure en Scandinavie jusqu'au XIIe siècle[8]. Lors de leurs raids en Europe, les pirates vikings capturent des esclaves et les ramènent dans leur région d'origine[11]. Hedeby au Danemark est le comptoir le plus important de ce trafic humain, essentiellement à destination de Constantinople[11]. Les sagas scandinaves du XIIIe siècle mettent en scène des esclaves.

L'Empire germanique des Xe-XIIIe siècles développe même une classe de nobles d'origines serviles, les ministériaux.

La traite en Méditerranée

Au XIe siècle l'esclavage disparaît légalement en France mais continue dans le bassin méditerranéen. Les Français, au même titre que tous les autres riverains de la Méditerranée, sont victimes d'enlèvements et sont réduits en esclavage. Les « Barbaresques » n'hésitent pas à mener des razzias dans les villages côtiers. On recense plus de 20 000 esclaves français à Alger en 1350. Les autorités françaises ne peuvent réagir militairement car le contrôle complet du littoral n'est alors qu'illusoire, et se contentent de multiplier les missions à Alger afin de racheter les esclaves chrétiens. Ces esclaves libérés effectuent une véritable procession, à pied, des ports méditerranéens où ils débarquent, jusqu'à Paris.

Le trafic prend une dimension considérable après la Reconquista ; les enlèvements sont le fait d'une piraterie institutionnalisée sous le nom de corso, qui dure jusqu'à la conquête de l'Algérie en 1830.

Le trafic des esclaves avec le monde arabo-musulman fait en partie la richesse des Républiques maritimes italiennes comme celles de Gênes et de Venise. Les « négrillons » vendus dans les cours d'Europe, les odalisques et autres servantes mauresques proviennent de ce trafic. Mais la route la plus importante de la traite d'esclaves médiévale à part celle vers l'Égypte musulmane est celle qui amène des esclaves de la mer Noire vers l'Italie voire la Catalogne. Il s'agit pour la plupart de femmes destinées au service domestique. Peu de ces esclaves domestiques restent dans leur statut après leur trentaine, mais leur affranchissement ou rachat par elles-mêmes est souvent soumis à des conditions assurant le prolongement de leurs services pour au moins quelques années.

Notes et références

  1. Jacques Soustelle, Les Aztèques, Paris, Presses universitaires de France, 2003, (ISBN 2-13-053713-8), p.34
  2. a et b Jacques Soustelle, Les Aztèques, Paris, Presses universitaires de France, 2003, (ISBN 2-13-053713-8), p.35
  3. a et b Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Paris, Le livre de poche, 2002, 3e éd. (ISBN 978-2-253-90593-6) , p.108
  4. a, b et c Dominique Barthélémy, article « serf » dans Claude Gauvard, Alain de Libera, Michel Zink (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, PUF, 1re édition, 2002, (ISBN 2-13-053057-5), p.1325
  5. Grande encyclopédie soviétique
  6. Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Paris, Le livre de poche, 2002, 3e éd. (ISBN 978-2-253-90593-6) , p.99
  7. Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Paris, Le livre de poche, 2002, 3e éd. (ISBN 978-2-253-90593-6) , p.107
  8. a et b Michel Kaplan (dir.), Le Moyen Âge. XIe-XVe siècle, Rosny, Bréal, coll. « Grand amphi », 1994 (ISBN 978-2-85394-732-9) , p.57
  9. voir à ce sujet les divers articles et livres de Charles Verlinden, Michel Balard, Robert Delort, Jacques Heers etc.
  10. Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Paris, Le livre de poche, 2002, 3e éd. (ISBN 978-2-253-90593-6) , p.98
  11. a et b Régis Boyer, La vie quotidienne des Vikings (800-1050), Paris, Hachette, 1992 (ISBN 978-2-01-016324-1) , p.65

Voir aussi

- Abolition de l'esclavage
- Chronologie de l'esclavage
- Esclavage
- Histoire de l'esclavage
- Servage en Russie

Bibliographie

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Esclavage au Moyen Âge de Wikipédia en français (auteurs)

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