Emily Dickinson

Emily Dickinson
Emily Dickinson
Daguerréotype de 1846-47 (Amherst College).
Daguerréotype de 1846-47 (Amherst College).

Activités Poétesse
Naissance 10 décembre 1830
Amherst, Massachusetts, États-Unis
Décès 15 mai 1886 (à 55 ans)
Amherst, Massachusetts, États-Unis
Langue d'écriture anglais

Emily Elizabeth Dickinson, née le 10 décembre 1830 et morte le 15 mai 1886, est une poétesse américaine. Née à Amherst dans le Massachusetts, dans une famille aisée ayant des liens communautaires forts, elle a vécu une vie introvertie et recluse. Après avoir étudié dans sa jeunesse, durant sept ans à l'académie dAmherst, elle vit un moment au séminaire féminin du mont Holyoke avant de retourner dans la maison familiale à Amherst. Considérée comme une excentrique par le voisinage, on la connaît pour son penchant pour les vêtements blancs et pour sa répugnance à recevoir des visiteurs voire, plus tard, à sortir de sa chambre. La plupart de ses amitiés seront donc entretenues par correspondance.

Bien quayant été un auteur prolifique, moins dune douzaine de ses presque mille huit cent poèmes ont été publiés de son vivant[N 1]. Ceux qui furent publiés étaient généralement modifiés par les éditeurs afin de se conformer aux règles poétiques de lépoque. Les poèmes dEmily sont uniques pour leur époque, ils sont constitués de vers très courts, nont pas de titres et utilisent fréquemment des rimes imparfaites et des majuscules et ponctuations non conventionnelles[1]. Un grand nombre de ses poèmes traitent de la mort et de limmortalité, des sujets récurrents dans sa correspondance avec ses amis.

Même si la plupart de ses connaissances devaient savoir quEmily Dickinson écrivait, létendue de son œuvre ne fut connue quaprès sa mort, en 1886, quand Lavinia, sa plus jeune sœur, découvre sa cachette de poèmes. Son premier recueil est publié en 1890 par des relations personnelles, Thomas Wentworth Higginson et Mabel Loomis Todd, qui en altèreront fortement le contenu. Ce nest quavec lédition de Thomas H. Johnson en 1955, Les poèmes dEmily Dickinson (The Poems of Emily Dickinson), que parait pour la première fois un recueil complet et pratiquement intact de son travail. Malgré des critiques défavorables et un grand scepticisme vis-à-vis de ses performances littéraires de la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle, les critiques considèrent à présent Emily Dickinson comme un poète américain majeur[2],[3].

Sommaire

Biographie

Environnement familial et enfance

Dessin représentant Emily à 9 ans. D'après un portrait d'Emily, Austin et Lavinia enfants.

Emily Elizabeth Dickinson est née à Amherst, le 10 décembre 1830, dans une famille qui, sans être très riche, est socialement en vue dans la Nouvelle-Angleterre[4]. Deux-cents ans plus tôt, avec la première vague migratoire puritaine, ses ancêtres avaient rejoint le Nouveau Monde ils prospéreront[5]. Avocats, éducateurs et fonctionnaires politiques figurent dans larbre généalogique dEmily : lun de ses ancêtres a été secrétaire de la mairie de Wethersfield (Connecticut) en 1659.

Samuel Fowler Dickinson, le grand-père dEmily, bâtit pratiquement à lui seul l'Amherst College[6],[7]. En 1813, il construit la propriété familiale, une grande maison dans la rue principale de la ville, qui deviendra le centre de la vie de famille des Dickinson durant une grande partie du siècle[8]. Il est, pendant quarante ans, juge du comté de Hampton (Massachusetts), secrétaire de la mairie, représentant à la Cour générale et sénateur au Sénat dÉtat.

Daguerréotype panoramique dAmherst, la ville natale dEmily, prise lannée de sa mort.

Le fils aîné de Samuel Dickinson, Edward, avocat de luniversité Yale, est juge à Amherst, représentant à la Chambre des députés du Massachusetts, sénateur à la capitale de lÉtat et, pour finir, représentant pour lÉtat du Massachusetts au Congrès de Washington. Pendant près de quarante ans, il est le trésorier d'Amherst College, et fonde la ligne ferroviaire Massachusetts Central Railroad. Le 6 mai 1828, il épouse Emily Norcross de Monson dans le Massachusetts. Ils ont trois enfants : William Austin Dickinson (18291895), que lon appelle Austin, Aust ou Awe, Emily Elizabeth et Lavinia Norcross Dickinson (18331899), que lon appelle Lavinia ou Vinnie[9]. Lépouse dEdward reste clouée au lit à la fin de sa vie et est à la charge de ses filles.

Tout laisse penser quEmily est une petite fille sage. Lors dune longue visite à Monson, alors quelle a deux ans, Lavinia, la tante dEmily, la décrit comme « parfaite et contente - Elle est une enfant charmante et facile »[10]. Elle note également lattirance de lenfant pour la musique et son talent particulier pour le piano, quelle appelle « la moosic »[11].

Emily suit lécole primaire dans un bâtiment de deux étages sur Pleasant Street[6]. Son éducation est « ambitieusement classique pour une enfant de lépoque victorienne »[12]. Son père tient à ce que ses enfants soient bien éduqués et suit leurs progrès même lorsquil est au loin pour son travail. Quand Emily a sept ans, il écrit à la maison, rappelant à ses enfants de « continuer lécole, et dapprendre, afin de me raconter, quand je reviendrai à la maison, combien de nouvelles choses vous avez apprises » [13]. Alors quEmily décrit constamment son père de manière chaleureuse, sa correspondance suggère que sa mère est souvent froide et distante. Dans une lettre à une de ses confidentes, elle écrit : « si quelque chose marrivait, je courais toujours à la maison vers Awe [Austin]. Il était une mère épouvantable, mais il était mieux que rien »[14].

Le 7 septembre 1840, Emily et sa sœur Lavinia commencent ensemble au collège d'Amherst, une ancienne école de garçons qui avaient ouvert ses portes aux filles deux ans plus tôt[6]. À la même époque, son père acquiert une maison sur North Pleasant Street[15]. Austin, le frère dEmily, décrira plus tard cette immense maison comme le « château » sur lequel il régnait avec Emily quand leurs parents étaient absents[16]. La maison donne sur le cimetière d'Amherst, un cimetière sans arbre et « menaçant » selon le pasteur[15].

Contexte historique

Chapelle et résidences universitaires dAmherst College (illustration dun annuaire de linstitution).

Emily Dickinson naît dans la période précédant la guerre de Sécession, à un moment de forts courants idéologiques et politiques saffrontaient dans la haute et moyenne bourgeoisie américaine.

Même les familles les plus aisées n'ont alors ni eau chaude ni salle de bains. Les tâches ménagères représentent une charge énorme pour les femmes (même dans la famille Dickinson qui, en raison de sa position économique confortable, dispose dune servante irlandaise). De ce fait la préoccupation dEmily dobtenir une bonne éducation constitue une exception dans la société rurale de la Nouvelle-Angleterre de son époque.

La chorale de léglise est pratiquement la seule expression artistique acceptée par la sévère religion puritaine partout présente. Lorthodoxie protestante de 1830 considère les romans comme une « littérature dissipée » et interdit les jeux de cartes et la danse. Il nexiste pas plus de concerts de musique classique que de représentations théâtrales. Pâques et Noël ne sont pas célébrés jusqu'en 1864, année la première Église épiscopale, qui y introduit ses coutumes, est établie à Amherst. Les réunions de femmes seules, autres que le thé quotidien entre voisines, ne sont pas tolérées non plus.

Une fois lAmherst College fondé par le grand-père et le père dEmily, lunion entre celui-ci et léglise commence à former des missionnaires qui partent dAmherst pour propager les idéaux protestants dans les recoins les plus reculés du monde. Le retour occasionnel de certains de ces religieux aboutit à lintroduction de concepts, didées et de visions nouvelles dans la société conservatrice du village qui commence alors à établir un contact avec le monde extérieur et tend à abandonner les coutumes et croyances dantan plus rapidement que dans les autres endroits de la région.

Adolescence

They shut me up in Prose
As when a little Girl
They put me in the Closet
Because they liked me "still" –

Still! Could themselves have peeped
And seen my Braingo round
They might as wise have lodged a Bird
For Treasonin the Pound

Ils mont enfermée dans la Prose
Comme lorsque jétais une Petite Fille
Ils menfermaient dans le Placard-
Parce quils me voulaient « calme » -

Calme ! Sils avaient pu jeter un œil
Et espionner dans mon espritle visiter
Ils auraient aussi bien pu enfermer un Oiseau
Pour trahisonà la fourrière -

.

Emily passe plusieurs années à lAmherst Academy et suit les cours dAnglais, littérature classique, latin, botanique, géologie, histoire, « philosophie mentale » et arithmétique[17]. Elle sabsente quelques trimestres pour cause de maladie ; sa plus longue absence a lieu entre 1845 et 1846, quand elle ne suivra les cours que pendant onze semaines[18].

Dès son plus jeune âge, Emily est perturbée par la « menace grandissante » de la mort, et plus spécialement de celle de ses proches. Quand Sophia Holland, son amie proche et sa cousine au second degré, attrape le typhus et meurt en avril 1844, Emily est traumatisée[19]. Deux ans plus tard, se remémorant lévènement, Emily écrit : « Il me semblait que je devais mourir aussi sil ne métait pas permis de veiller sur elle ni même de regarder son visage. »[20]. Elle devient si mélancolique que ses parents lenvoient faire un séjour dans de la famille à Boston afin de se rétablir[21]. Elle en revient guérie, physiquement et moralement, et retourne à ses études à lAmherst Academy[22]. Elle rencontre alors ceux qui deviendront des amis de toute une vie, comme Abiah Root, Abby Wood, Jane Humphrey et Susan Huntington Gilbert (qui épousera plus tard Austin, le frère dEmily).

En 1845, un second Grand réveil (Second Great Awakening) a lieu à Amherst et entraine quarante-six confessions de foi parmi les proches dEmily[23]. Lannée suivante, elle écrit à un ami : « Je nai jamais connu une paix et un bonheur aussi parfaits que pendant la courte période je pensais avoir trouvé mon sauveur». Elle poursuit en précisant que cétait son « plus grand plaisir de communier avec Dieu le très haut et de sentir quil écoutait mes prières. »[24]. Ce sentiment ne dure pas : Emily Dickinson ne fit jamais de déclaration de foi formelle et nassistera aux services religieux que quelques années[25]. Vers 1852, après sa phase religieuse, elle écrit un poème qui commence par : « Certains suivent le Sabbat en allant à léglise - / Je le suis, en restant à la Maison » [26].

Durant sa dernière année à lAmherst Academy, Emily se lie damitié avec Leonard Humphrey, le jeune et populaire nouveau principal. Après avoir terminé son dernier trimestre scolaire le 10 août 1847, elle sinscrit au séminaire du Mont Holyoke (The Mount Holyoke Female Seminary), fondé par Mary Lyon (létablissement deviendra plus tard le Mount Holyoke College) et situé à South Hadley, à 16 km d'Amherst[27]. Elle reste au séminaire seulement dix mois. Et même si elle apprécie ses consœurs de Holyoke, Emily nen conservera aucune amitié durable[28]. Les explications concernant la courte durée de son séjour diffèrent considérablement : sa santé fragile, la volonté de son père de lavoir auprès de lui, sa rébellion contre la ferveur évangélique de lécole, la discipline de ses professeurs ou, plus simplement, le mal du pays[29]. Quelle que soit la raison de son départ, son frère Austin vient la chercher le 25 mars 1848 pour la ramener à la maison[30]. De retour chez elle, Emily Dickinson se consacre aux activités domestiques[31]. Elle se met à faire la cuisine pour sa famille et participe aux manifestations locales et aux activités de la ville universitaire naissante[32].

Premières influences et premiers écrits

Alors quEmily a dix-huit ans, la famille Dickinson se lie damitié à un jeune avoué, Benjamin Franklin Newton. Daprès une lettre quécrira Emily après la mort de Newton, il a été « avec mon père pendant deux ans, avant de partir pour Worcesterpoursuivre ses études, et il demeurait beaucoup avec notre famille »[33]. Même si leur relation nétait probablement pas dordre sentimental, Newton eu une influence formatrice et deviendra le deuxième (après Humphrey) dune longue série dhommes plus âgés auquel Emily Dickinson fera référence en tant que tuteur, précepteur ou maître[34].

Newton lui fait probablement découvrir les écrits de William Wordsworth et lui offre son premier livre de Ralph Waldo Emerson qui aura sur elle un effet libératoire. Elle écrira plus tard que celui « dont le nom me fut révélé par létudiant en droit de mon père, toucha un ressort secret »[35]. Newton la tient en haute estime et reconnaît en elle une poétesse. Alors quil est en train de mourir de la tuberculose, il lui écrit quil aimerait vivre jusquà ce quelle atteigne la grandeur quil perçoit[35]. Les biographes dEmily Dickinson pensent que cette déclaration de 1862 fait référence à Newton : « Lorsque jétais petite Fille, javais un ami, qui mappris lImmortalitémais sen approchant trop près lui-même, il ne revint jamais »[36].

Emily Dickinson connait non seulement la Bible mais également la littérature populaire contemporaine[37]. Elle est probablement influencée par les Lettres de New York de Lydia Maria Child, un autre cadeau de Newton (après lavoir lu, elle senthousiasme : « Ça cest un livre ! Et il y en a plein dautres ! »[19]). Son frère lui apporte en secret, car son père risque de désapprouver, une copie de « Kavanagh » de Henry Wadsworth Longfellow[38] et, fin 1849, un ami lui prête Jane Eyre de Charlotte Brontë. Linfluence de Jane Eyre ne peut être mesurée mais quand Emily Dickinson adopte son premier et unique chien, un Terre-neuve, elle lappelle Carlo daprès le chien du personnage St. John River[39]. William Shakespeare a également une forte influence sur sa vie. Se référant à ses pièces de théâtre, elle écrit à un ami : « Pourquoi serrer dautres mains que celle-ci ? » et à un autre : « Pourquoi aurait-on besoin dun autre livre ? » [40].

Âge adulte et réclusion

Début 1850, Emily Dickinson écrit que « Amherst est vivant et amusant cet hiverOh, cest une magnifique ville ! »[31]. Mais sa bonne humeur se transforme rapidement en mélancolie après un nouveau décès. Le principal de lAmherst Academy, Leonard Humphrey, meurt brusquement à lâge de 25 ans dune « congestion du cerveau »[41]. Deux ans après sa mort, elle révèle à son ami, Abiah Root, létendue de sa dépression : « … certains de mes amis sont partis, et certains de mes amis sont endormisendormis du sommeil du cimetièrelheure du soir est tristecétait jadis mon heure détudemon maître a trouvé le repos, et les pages ouvertes du livre, et létudiant « seul » à lécole, me fait monter les larmes aux yeux, et je ne peux pas les balayer ; je ne le ferai pas si je le pouvais, car elles sont le seul hommage que je puisse rendre au défunt Humphrey »[41].

Durant les années 1850, Emily Dickinson entretient une relation intense et affectueuse avec Susan Gilbert. Jusquà la fin de leur relation, Emily lui enverra plus de trois cents lettres, plus quà la plupart de ses correspondants. En général, ses missives quémandent laffection de Sue et seffraient de la non-réciprocité de son admiration, mais comme Susan est souvent distante et désagréable, Emily est continuellement blessée par cette amitié tempétueuse[42]. Cependant, Susan soutient la poétesse, jouant le rôle de « meilleure amie, autorité, muse et conseillère, dont Emily suit parfois les suggestions rédactionnelles ; elle joue un rôle fondamental dans le processus créatif dEmily »[43]. Susan épouse Austin en 1856, après une cour de quatre ans, mais leur mariage nest pas heureux. Edward Dickinson leur construisit une maison,the Evergreen, sur la partie ouest de la propriété familiale[44].

Portrait supposé dEmily Dickinson, lune des deux photographies connues. Prise dans les années 1850 et découverte en 2000 sur eBay par Philip F. Gura, son authenticité nest pas prouvée[45].

Jusquen 1855, Emily ne sest jamais beaucoup éloignée dAmherst. Au printemps de cette année-, avec sa mère et sa sœur, elle entreprend ce qui sera son voyage le plus long et le plus lointain[46]. Elles passent dabord trois semaines à Washington, son père représente le Massachusetts au Congrès. Les deux semaines suivantes, elles visitent de la famille à Philadelphie. , Emily rencontre Charles Wadsworth, un célèbre pasteur de léglise presbytérienne d'Arch Street (The Arch Street Presbyterian Church), avec lequel elle liera une amitié solide qui durera jusquà sa mort en 1882[47]. Après 1855, elle ne le reverra que deux fois (il déménagea à San Francisco en 1862), mais elle se réfère à lui comme « mon Philadelphie », « mon Pasteur », « mon plus cher ami sur terre » et « mon Berger de la Jeunesse » [48].

Dès le milieu des années 1850 et jusquà sa mort en 1858, la mère dEmily est clouée au lit par de nombreuses maladies chroniques[49]. Écrivant à un ami durant lété 1858, Emily dit quelle lui aurait rendu visite si elle pouvait quitter « la maison, ou mère. Je ne sors pas du tout, de peur que père puisse venir et que je le manque, ou que je manque quelque petit évènement que je pourrais oublier, si je venais à fuirMère est comme dhabitude. Jignore quespérer pour elle »[50]. Alors que sa mère dépérit, les responsabilités domestiques dEmily deviennent de plus en plus lourdes et elle se confine à lintérieur de la propriété familiale. Emily fait sien ce rôle et « trouvant agréable cette vie avec ses livres et dans la nature, continue à la vivre »[50].

Se retirant de plus en plus du monde extérieur, Emily commence en été 1858 ce qui sera son héritage. Révisant des poèmes quelle avait écrit auparavant, elle commence à recopier son travail au propre et assemble ainsi avec soin des livres manuscrits. Les quarante fascicules quelle crée de 1858 à 1865 contiendront finalement près de huit cent poèmes[51]. Nul ne connaissait lexistence de ces livres, jusquà sa mort.

À la fin des années 1850, les Dickinson se lient damitié à Samuel Bowles, le propriétaire et éditeur en chef du Springfield Republican, et à sa femme, Mary[52]. Ils rendront régulièrement visite aux Dickinson durant les années suivantes. Pendant cette période, Emily enverra à Samuel plus de trois douzaines de lettres et près de cinquante poèmes[53]. Leur amitié sera le terreau de certains de ses écrits les plus intenses et Samuel Bowles publiera quelques uns de ces poèmes dans son journal[54],[55]. On pense que cest entre 1858 et 1861 quEmily écrivit Les Lettres du Maître (The Master Letters). Ces trois lettres, adressées à un inconnu simplement appelé « Maître », continuent de faire lobjet de spéculations et de conflits parmi les spécialistes[56].

Les premières années de 1860, après quEmily se sera largement retirée de toute vie sociale, seront ses plus productives en tant quécrivain[57].

« Mes Vers sont-ils vivants ? »

En avril 1862, Thomas Wentworth Higginson, un critique littéraire, abolitionniste radical et ancien pasteur, écrit à la Une du The Atlantic Monthly un article intitulé : Lettre à un Jeune Journaliste (Letter to a Young Contributor). Dans cet essai, il exhorte les aspirants écrivains à « emplir leur style de vie », prodigue des conseils pratiques à ceux qui veulent être publiés[58]. Recherchant un mentorat littéraire que personne près delle ne peut lui fournir, Emily lui envoie une lettre[59].

« M. Higginson,
êtes-vous trop occupés pour me dire si mes Vers sont vivants ?
LEsprit est si proche lui-mêmeil ne peut voir, distinctementet je nai personne à qui demander
Si vous pensez quils respirentet que vous ayez le loisir de me le dire, jen ressentirais une prompte gratitude
Si je suis dans lerreuret que vous osiez me le direvous me feriez un honneur sincère
Jinclus mon nomvous priant, sil vous plaitMonsieurde me dire ce qui est vrai
Il nest pas nécessaire de vous demanderde ne pas me trahircar lHonneur est son propre garant - »

La lettre nest pas signée, mais Emily joint dans lenveloppe son nom sur une carte et quatre de ses poèmes[60]. Higginson rend hommage à son travail mais lui suggère den retarder la publication jusquà ce quelle en ait écrit plus. Elle lui assure que publier lui est aussi étranger mais elle suggère que « Si la gloire mappelle, je ne peux lui échapper »[61].

Dans ses lettres à Higginson, Emily Dickinson se complaît dans des auto-descriptions théâtrales et mystérieuses[62]. Elle dit delle-même : « Je suis petite, comme le roitelet, et mes cheveux sont épais, comme la bogue du châtaignier, et mes yeux sont comme le sherry que laissent les invités au fond du verre »[63]. Elle accentue sa nature solitaire, affirmant que ses seuls compagnons sont les collines, le coucher du soleil et son chien, Carlo. Elle mentionne également que si sa mère « ne sintéresse pas à la Pensée », son père lui amène des livres, mais la supplie « de ne pas les lirecar il a peur quils perturbent lEsprit » [64]. Emily apprécie ses conseils, elle lappelle « M. Higginson » ou « Cher ami » et signe ses lettres : « Votre Gnome » et « Votre disciple » [65]. Lintérêt quil porte à son travail lui apporta certainement un important soutien moral. Des années plus tard, Emily dira à Higginson quil lui a sauvé la vie en 1862[66]. Ils correspondront jusquà sa mort[67].

La femme en blanc

Après avoir fait preuve dune intense productivité au début des années 1860, Emily Dickinson écrit beaucoup moins de poèmes en 1866[68]. En proie à ses deuils personnels, manquant daide dans les travaux domestiques, il est possible quelle ait trop à surmonter pour maintenir son niveau précédent décriture[69]. Après lavoir accompagné pendant seize ans, son chien Carlo meurt ; Emily ne le remplacera jamais. Malgré le départ de la domestique, partie pour se marier après neuf ans au service de la famille, il faudra attendre 1869 pour que les Dickinson la remplacent[70]. Une fois encore, Emily hérite des corvées, cuisine comprise, activité dans laquelle elle excelle.

A solemn thingit wasI said
A WomanWhiteto be
And wearif God should count me fit
Her blameless mystery

Une chose solennellecétaitje vous le dis
Une FemmeBlanchequi est -
et qui portesi Dieu me le permet
Son mystère irréprochable -

À cette époque, le comportement dEmily commence à changer. Elle ne quitte plus la propriété quen cas de nécessité absolue et, dès 1867, elle commence à parler à ses visiteurs à travers une porte plutôt que face à face[71]. Elle acquiert une notoriété locale ; on la voit rarement, et quand on la voit, elle est généralement vêtue de blanc. La pièce de sa garde-robe qui lui a survécu est une robe blanche en coton, probablement cousue aux environs de 1878-1882[72]. Peu dautochtones, qui échangèrent des messages avec elle durant les quinze dernières années de sa vie, la virent en personne[73]. Austin et sa famille commencent à protéger la solitude dEmily, décidant de ne pas en faire un sujet de discussion avec des étrangers[74]. Malgré sa réclusion physique, Emily est socialement active et sexprime à travers ce qui constitue deux-tiers des notes et lettres qui nous sont parvenues. Lorsque des invités viennent à la propriété familiale ou à Evergreens, elle se retire souvent et envoie des petits cadeaux sous forme de fleurs ou de poèmes[75]. Toute sa vie, elle entretient dexcellents rapports avec les enfants. Mattie Dickinson, le deuxième enfant dAustin et Sue, dira plus tard que « Tante Emily représente « lindulgence » »[76]. MacGregor (Mac) Jenkins, le fils damis de la famille qui écrira en 1891 un court article appelé Un souvenir denfance dEmily Dickinson (A Child's Recollection of Emily Dickinson), se rappelle quelle offrait toujours son aide aux enfants du voisinage[76].

Quand Higginson la presse daller à Boston en 1868 afin de pouvoir enfin la rencontrer, elle décline linvitation et écrit : « Je serais très heureuse sil venait à votre convenance de voyager aussi loin quAmherst, mais, moi, je ne traverserai pas les terres de mon Père pour me rendre dans quelque Maison ou ville que ce soit » [77]. Ils ne se rencontreront quen 1870, lorsquil se rendra à Amherst. Plus tard, dans ce qui est la description la plus détaillée et la plus vivante que nous ayons dEmily, il parle delle comme « une petite femme ordinaire avec deux bandeaux lisses de cheveux rouxdans un piqué blanc clair et exquis et un châle bleu ouvragé en laine peignée » [78]. Il dit également quil na jamais été « avec quiconque qui épuise autant mes nerfs. Sans la toucher, elle puise en moi. Je suis content de ne pas vivre auprès delle » [79].

Bouquets de fleurs et poésies

Le professeur Judith Farr note que, de son vivant, Emily « est peut-être plus connue comme jardinière que comme poète ». Elle prend des cours de botanique dès lâge de neuf ans et, avec ses sœurs, entretient le jardin de Homestead[80]. Tout au long de sa vie, elle rassemble une collection de plantes séchées dans un herbier relié en cuir de soixante six pages. Il contient 424 spécimens de fleurs séchées quelle a cueillies, classées et étiquetées en utilisant le système de la nomenclature binominale[81]. De son temps, le jardin de Homestead est connu et admiré. Mais il na pas survécu et Emily navait conservé aucun calepin de jardinage, ni liste de plantes. Cependant, on peut en avoir une bonne impression à travers les lettres et les souvenirs de sa famille et de ses amis. Sa nièce, Martha Dickinson Bianchi, se souvient de « tapis de muguet et de pensées, de rangs de pois de senteur et de jacinthes, il y en avait suffisamment en mai pour donner la dyspepsie à toutes les abeilles de lété. Il y avait des rubans de haies de pivoines et des amoncellements de jonquilles, des soucis à foisonun vrai rêve de papillon ». Emily cultive notamment des fleurs exotiques parfumées, et écrit quelle « peut vivre aux îles des épices simplement en traversant la salle à manger vers la serre, les plantes sont accrochées dans des paniers ». Elle envoie fréquemment à ses amis des bouquets de fleurs auxquels sont attachés des poèmes, et « ils appréciaient les bouquets plus que la poésie »[82].

Décès des êtres chers

Le 16 juin 1874, à Boston, le père dEmily subit une attaque cérébrale et meurt. Pendant les obsèques qui se tiennent dans lentrée de Homestead, Emily se cantonne dans sa chambre, la porte légèrement ouverte. Elle ne participe pas non plus à la cérémonie funèbre du 28 juin[83]. Elle écrit à Higginson que le cœur de son père « était pur et terrible et je crois quaucun autre comme lui nexiste »[84]. Un an plus tard, le 15 juin 1875, la mère dEmily subit également une attaque qui la laisse paralysée dun côté du corps et la fait souffrir de pertes de mémoire. Se plaignant des besoins croissant de sa mère, aussi bien sur le plan physique que mental, elle écrit : « La Maison est si loin de la Maison »[85].

Though the great Waters sleep,
That they are still the Deep,
We cannot doubt
No vacillating God
Ignited this Abode
To put it out

Bien que les grandes Eaux sommeillent,
Et soient encore Profondes
On ne peut douter
Quaucun Dieu vacillant
Na enflammé cette Demeure
Pour léteindre -

Otis Phillips Lord, un vieux juge siégeant à la Cour suprême judiciaire du Massachusetts à Salem, fait la connaissance dEmily Dickinson en 1872 ou 1873. Après la mort de sa femme, en 1877, son amitié avec Emily devint probablement une romance de vieillesse, mais ceci nest quune supposition, la plupart de leurs lettres ayant été détruites[86],[87]. Emily trouve en Lord une âme sœur, notamment en termes dintérêts littéraires communs, les lettres qui nous sont parvenues citent les œuvres de William Shakespeare comme Othello, Antoine et Cléopâtre, Hamlet et Le Roi Lear. En 1880, il lui offre Complete Concordance to Shakespeare de Cowden Clarke (1877)[88]. Emily écrit : « Alors que dautres vont à lÉglise, je vais à la mienne, car nêtes-vous pas mon Église, et navons-nous pas un cantique que seul nous connaissons ? »[88]. Elle lappelle « Mon beau Salem »[89],[90] et ils sécrivent religieusement tous les dimanches. Emily attend ce jour avec impatience ; un fragment dune de ses lettres fait état que « Mardi est un jour profondément déprimant »[91].

Après avoir été gravement malade pendant de longues années, le juge Lord séteint en mars 1884. Emily se réfère à lui comme « notre dernière Perte »[92]. Deux années auparavant, le 1er avril 1882, Charles Wadsworth, le « Berger de la Jeunesse » dEmily, étaient également mort après une longue maladie.

Déclin et mort

Même si elle continue à écrire durant ses dernières années, Emily Dickinson arrête dorganiser ses poèmes et oblige sa sœur Lavinia à lui promettre de bruler ses papiers[93]. Cette dernière ne se mariera pas et demeurera à Homestead jusquà sa mort en 1899.

Pierre tombale dEmily Dickinson dans le carré familial

Les années 1880 sont difficiles pour les Dickinsons. Se détachant irrémédiablement de sa femme, Austin tombe amoureux en 1882 de Mabel Loomis Todd, qui vient demménager récemment dans la région. Mabel na jamais rencontré Emily mais, intriguée, elle se réfère à elle comme « la femme que lon appelle « le Mythe » »[94]. Austin se distancie de sa famille, faisant fructifier ses affaires, et sa femme en tombe malade de chagrin[95]. La mère dEmily meurt le 14 novembre 1882. Cinq semaines plus tard, Emily écrit : « Nous navons jamais été prochesmême si elle était notre Mèremais les Mines dune même Terre se rencontrent en creusant un tunnel et quand elle devint notre Enfant, laffection survint » [96]. Lannée suivante, Gilbert, le troisième et plus jeune enfant dAustin et Suele préféré dEmilymeurt de la fièvre typhoïde[97].

Alors que les morts se succèdent, Emily Dickinson voit son monde deffondrer. A lautomne 1884, elle écrit que « les Décès ont été trop importants pour moi, et avant que mon cœur ait pu se remettre de lun, un autre survenait »[98]. Cet été , elle voit « une grande obscurité arriver » et sévanouit en faisant la cuisine. Elle reste inconsciente jusque tard dans la nuit et tombe malade des semaines durant. Le 30 novembre 1885, sa faiblesse et ses autres symptômes sont si alarmants quAustin annule un voyage à Boston[99]. Elle reste clouée au lit pendant quelques mois, mais parvient à envoyer quelques lettres au printemps. Ce quon pense être sa dernière lettre a été envoyée à ses cousines, Louise et Frances Norcross, et dit simplement « Petites Cousines, jai été rappelée. Emily »[100]. Le 15 mai 1886, après plusieurs jours daggravation, Emily meurt à lâge de 55 ans. Austin écrit dans son journal que « la journée a été terribleelle a cessé cette horrible respiration juste avant que la cloche de laprès-midi ne sonne six heures » [101]. Le médecin dEmily attribue son décès au Mal de Bright qui aurait duré deux ans et demi[102].

Emily Dickinson est enterrée dans un cercueil blanc, avec des héliotropes vanillées, des orchidées Calceolaria biflora et un « bouquet de violettes[82],[103]. La cérémonie funéraire, qui se tient dans la bibliothèque de Hamstead, est simple et courte ; Higginson, qui ne la rencontré que deux fois, lit : No Coward Soul Is Mine (Mon âme nest pas lâche), le poème dEmily Brontë que préférait Emily Dickinson[101]. A la demande dEmily, son « cercueil ne fut pas conduit, mais porté à travers un champ de renoncules », jusquau carré familial à louest du Cimetière sur Triangle Street[80].

Publications

De son vivant

Malgré lécriture prolifique dEmily Dickinson, moins dune douzaine de ses poèmes fût publié de son vivant. Entre 1858 et 1868, quelques poèmes sont imprimés dans le Springfield Republican de Samuel Bowles. Ils sont publiés anonymement et fortement altérés, notamment avec une ponctuation plus conventionnelle et des titres formels[104].Le premier poème, Personne ne connaît la petite rose, a probablement été publié sans la permission dEmily[105]. Le Republican diffuse Un étroit Personnage dans lHerbe sous le titre Le Serpent, En sécurité dans leurs chambres dalbâtre sous le titre Le Sommeil et Flamboyant dor et apaisé de violet sous le titre Coucher de soleil[106],[107]. Le poème Jai gouté une liqueur jamais distillée est un des exemples de version modifiée ; les deux dernières lignes de la première strophe ont été complètement réécrites pour correspondre aux rimes conventionnelles

Texte original
I taste a liquor never brewed
From Tankards scooped in Pearl
Not all the Frankfort Berries
Yield such an Alcohol!

Version du Republican
I taste a liquor never brewed
From Tankards scooped in Pearl
Not Frankfort Berries yield the sense
Such a delirious whirl!

En sécurité dans leurs chambres dalbâtre - titré Le Sommeil, tel quil a été publié dans le Springfield Republican en 1862.

En 1864, plusieurs poèmes sont modifiés et publiés dans Drum Beat, afin de lever des fonds pour les soins médicaux des soldats de lUnion. Un autre poème parait en avril 1864 dans le Brooklyn Daily Union[108].

En 1870, Higginson montre les poèmes dEmily à Helen Hunt Jackson, qui était à l'Amherst Academy à la même période quelle[109]. Helen était très introduite dans le monde de lédition et réussit à convaincre Emily de publier anonymement son poème Success is counted sweetest dans A Masque of Poets[110]. Mais le poème est, encore une fois, modifié pour saccorder aux goûts contemporains. Ce fut le dernier publié du vivant dEmily Dickinson.

Après que sa sœur, Lavinia, a découvert les recueils de près de huit cents poèmes, le premier volume de ses œuvres est publié quatre ans après sa mort. Jusquà la parution en 1955 de Complete Poems (Poèmes complets) de Thomas H. Johnson, sa poésie était considérablement révisée et modifiée par rapport à la version originale. Depuis 1890, Emily Dickinson na pas cessé dêtre éditée.

Posthume

Après la mort dEmily, Lavinia tient sa promesse et brule une grande partie de sa correspondance. Cependant, elle navait laissé aucune instruction au sujet des quarante livrets et feuilles volantes rassemblés dans un coffre fermé à clé[111]. Lavinia reconnait la valeur des poèmes et devient obsédée par leur publication[112]. Elle demande alors de laide à la femme de son frère, Susan, puis à sa maîtresse, Mabel Loomis Todd[103]. Une querelle s'ensuit, divisant les manuscrits entre les maison de Mabel et de Sue, et empêchant la publication des œuvres complètes dEmily pendant plus dun demi siècle[113].

Couverture de la première édition de Poèmes, publié en 1890

Le premier volume des Poèmes dEmily Dickinson, édité conjointement par Mabel Loomis Todd et T. W. Higginson, parait en novembre 1890[114]. Même si Mabel Todd prétend que seuls des changements essentiels ont été faits, les poèmes ont été largement modifiés pour convenir aux standards de ponctuation et de majuscule de la fin du XIXe siècle, se permettant des réécritures occasionnelles pour diminuer les circonvolutions dEmily[115],[116]. Le premier volume, rassemblant 115 poèmes, est un succès critique et financier, et sera réédité onze fois pendant deux ans[114]. Poems: Second Series suit en 1891, déjà réédité cinq fois en 1893; une troisième série parait en 1896. En 1892, un critique écrit : « Le monde ne sera pas satisfait tant que la moindre bribe de ses écrits, lettre ou œuvre littéraire naura pas été publié »[117]. Deux ans plus tard, deux volumes paraissent rassemblant des lettres dEmily Dickinson fortement modifiées. En parallèle, Susan Dickinson place quelques poèmes dEmily dans des magazines littéraires comme Scribner's Magazine ou The Independent.

Entre 1914 et 1929, la nièce dEmily, Martha Dickinson Bianchi, publie une nouvelle série de recueils, incluant de nombreux poèmes inédits, mais toujours avec une ponctuation et des majuscules normalisées. Dautres volumes suivront dans les années trente, édités par Mabel Todd et Martha Dickinson, rendant progressivement disponibles des poèmes inconnus jusque .

La première publication critique a lieu en 1955 sous la forme de trois nouveaux volumes publiés par Thomas H. Johnson. Ils seront la base de toute étude ultérieure de lœuvre dEmily Dickinson. Pour la première fois, les poèmes sont imprimés quasiment sous leur forme originale[118]. Ils nont pas de titre, sont classés dans un ordre chronologique approximatif, parsemés de tirets et de majuscules irrégulières, et souvent extrêmement elliptiques[119]. Trois ans plus tard, Thomas Johnson et Theodora Ward éditent et publient un recueil complet des lettres dEmily.

Poésie

On peut diviser en trois périodes distinctes lœuvre poétique dEmily Dickinson.

  • Avant 1861. Des poèmes conventionnels et sentimentaux[120]. Thomas H. Johnson, qui publia The Poems of Emily Dickinson, parvient à dater cinq poèmes avant 1858[121]. Deux dentre eux sont de faux billets de la Saint-Valentin écrits dans un style très alambiqué et humoristique et deux autres sont des poèmes conventionnels dont lun parle de son frère, Austin, qui lui manque. Le cinquième poème, qui commence par I have a Bird in spring (Jai un oiseau au printemps), parle de son chagrin de perdre une amitié et a été envoyé à son amie Sue Gilbert[121].
  • 18611865. Sa période la plus créative, ses poèmes sont plus énergiques et émotionnels. Johnson estime quelle a écrit 86 poèmes en 1861, 366 en 1862, 141 en 1863 et 174 en 1864. Il pense également que cest à cette époque quelle développe pleinement les thèmes de la vie et de la mort[61].
  • Après 1866. On estime que les deux-tiers de son œuvre poétique ont été écrits avant cette date[61].

Principaux thèmes

Comme Emily Dickinson na laissé aucun écrit quant à ses objectifs esthétiques et que ses thèmes étaient très éclectiques, son travail est difficile à attribuer à un genre quelconque. On la considère parfois comme une transcendentaliste proche de Ralph Waldo Emerson (dont Emily admirait les poèmes)[122]. Cependant, Judith Farr rejette cette analyse en avançant que la poétesse a un « esprit scrutant sans cessece qui ne peut que dégonfler lélévation aérienne des Transcendantaux »[123]. Elle utilise aussi souvent lhumour, les jeux de mots, lironie et la satire[124].

Les thèmes principaux de lœuvre dEmily Dickinson sont les suivants :

  • Fleurs et jardins. Judith Farr note que ses « poèmes et ses lettres concernent pratiquement toujours les fleurs » et que les allusions aux jardins font référence à un « royaume imaginairedans lequel les fleurs font office demblèmes pour les actions et les émotions ». Elle associe les fleurs comme la gentiane et lanémone avec la jeunesse et lhumilité ; dautres avec la prudence et perspicacité. Quand elle envoie ses poèmes à ses amis, ils sont souvent accompagnés de lettres et de petits bouquets. On remarque que lun de ses premiers poèmes, écrit en 1859, « assimile la poésie elle-même avec les bouquets » :

My nosegays are for Captives
Dimlong expectant eyes
Fingers denied the plucking,
Patient till Paradise
To such, if they sh'd whisper
Of morning and the moor
They bear no other errand,
And I, no other prayer

Mes bouquets sont pour des yeux Captifs -
Incertainset attendant depuis longtemps -
Les Doigts refusent de cueillir,
Patientent jusquau Paradis -
Pour euxsils doivent chuchoter
Du matin et de la terre -
Ils ne portent aucun autre message,
Et moi, aucune autre prière

[125].

  • Les poèmes au Maître. Emily Dickinson laisse un grand nombre de poèmes adressé à Signor, Sir et Master (Seigneur, Monsieur, Maître) qui est « lamoureux (dEmily) pour toute léternité ». Ses confessions poétiques sont souvent « brûlantes dans leur introspection », « poignantes pour le lecteur » et empruntent leurs métaphores aux textes et peintures contemporains dEmily. La famille Dickinson pensait que ces textes sadressaient à des personnes réelles, mais beaucoup de spécialistes ont rejeté depuis cette analyse. Judith Farr, par exemple, prétend que le Maître est une personne composite inatteignable, « humaine, avec des caractéristiques spécifiques, mais divine » et spécule que le Maître est une « sorte de muse chrétienne »[126].
  • Le Macabre. Les poèmes dEmily Dickinson reflètent sa « fascination précoce et permanente » pour la maladie, lagonie et la mort. Surprenant pour une célibataire de Nouvelle-Angleterre, ses poèmes font allusion à la mort par de nombreuses méthodes : « crucifixion, noyade, pendaison, asphyxie, froid, ensevelissement vif, arme à feu, poignard et guillotine ». Ses idées les plus fortes sont réservées au « coup mortel porté par Dieu » et à « lenterrement intellectuel »; elles sont souvent renforcées par des images de soif et de faim. Vivian Pollak, spécialiste dEmily Dickinson, considère que ses références sont un reflet autobiographique de la « persona assoiffée et affamée » dEmily, une expression externe de son image indigente delle-même : petite, mince et frêle. Ses poèmes les plus complexes psychologiquement explorent le thème de la perte de l'appétit pour la vie qui provoque la mort du soi et le considère comme « un intermédiaire au meurtre et au suicide »[127].
  • Poèmes évangéliques. Tout au long de sa vie, Emily écrit des poèmes reflétant sa préoccupation pour les enseignements de Jésus Christ et beaucoup lui sont même adressés. Elle souligne la pertinence des Évangiles contemporains et les recrée, avec souvent « de lesprit et dans un langage plus familier ». Lexpert Dorothy Oberhaus pense que « le trait saillant unissant les poètes chrétiensest leur attention révérencieuse pour la vie de Jésus Christ » et soutient que les structures profondes dEmily la placent dans « la tradition poétique de la dévotion chrétienne » aux côtés de Gerard Manley Hopkins, T. S. Eliot et W. H. Auden. Dans un poème sur la Nativité, Emily combine légèreté et esprit pour revisiter un ancien thème :

The Savior must have been
A docile Gentleman
To come so far so cold a Day
For little Fellowmen
The Road to Bethlehem
Since He and I were Boys
Was leveled, but for that would be
A rugged billion Miles

Le Sauveur devait être ;
Un Gentleman bien docile
Pour venir si loin en un jour si froid
Pour de petits Semblables
La Route de Bethléem
Depuis que Lui et moi étions enfants
A été aplanie, mais pour que cela soit il fallu
Un milliard de rudes Miles

[128].

  • Le Continent Inexploré. Luniversitaire Suzanne Juhasz considère quEmily Dickinson voit lintellect et lesprit comme des endroits tangibles que lon peut visiter et elle y vécut la plus grande partie de sa vie. Souvent, elle se réfère à cet endroit intensément privé comme « le continent inexploré » et elle lembellit avec une imagerie de la nature. A dautres moments, limagerie est plus sombre et menaçantechâteaux et prisons, avec leurs corridors et salles -, créant une demeure pour le « soi » on peut habiter avec tous les autres soi-même. Le poème suivant met en exergue plusieurs de ces idées :

Me from Myselfto banish
Had I Art
Impregnable my Fortress
Unto All Heart
But since myselfassault Me
Except by subjugating
Consciousness
And since We're mutual Monarch
How this be
Except by Abdication
Meof Me?

De Moi-mêmeme bannir -
Si jen avais lArt -
Imprenable ma forteresse
De Tout Cœur -
Mais puisque moi-mêmeje Magresse -
Sauf en soumettant
La Conscience
Et puisque Nous sommes notre Monarque mutuel
Comment cela est-il possible
Excepté par Abdication -
par Moide Moi-même ?

[129].

Extraits

This is my letter to the World
    That never wrote to Me
The simple News that Nature told -
    With tender Majesty
Her Message is committed
    To Hands I cannot see -
For love of Her - Sweet - countrymen -
    Judge tenderly - of Me
Im nobody! Who are you ?
Are you nobody, too ?
Then theres a pair of usdont tell !
Theyd banish us, you know.
How dreary to be somebody !
How public, like a frog
To tell your name the livelong day
To an admiring bog !

Œuvre

Éditions anglaises
  • (en) Thomas H. Johnson (ed), The Complete Poems of Emily Dickinson, Boston: Little, Brown & Co., 1960 (ISBN 0316184136) 
  • The Poems of Emily Dickinson, présenté par R. W. Franklin, Cambridge: Belknap Press. (ISBN 0674676246), 1999
Éditions françaises
  • Vingt poèmes, Minard, 1963
  • Quarante-sept poèmes, traduction de Philippe Denis, Genève, La Dogana, 1987
  • Poèmes, Belin, 1989
  • Vivre avant l'éveil, Arfuyen, 1989
  • Une âme en incandescence, traduction et présentation de Claire Malroux, collection « Domaine romantique», José Corti, 1998
  • Autoportrait au roitelet, Hatier, 1990
  • Lettre au monde, Limon, 1991
  • Escarmouches, La Différence, 1992
  • Lettres au maître, à l'ami, au précepteur, à l'amant, traduction et présentation de Claire Malroux, collection « Domaine romantique », José Corti, 1999
  • Avec amour, Emily, traduction et présentation de Claire Malroux, collection « Domaine romantique », José Corti, 2001
  • Y aura-t-il pour de vrai un matin, traduction et présentation de Claire Malroux, collection « Domaine romantique », José Corti, 2008
  • Quatrains et autres poèmes brefs, traduction et présentation de Claire Malroux, édition bilingue, Gallimard, coll. poésie, 2000
  • Car l'adieu, c'est la nuit, édition bilingue français-anglais, traduction et présentation de Claire Malroux, collection NRF, Gallimard, 2007
  • Lieu-dit, l'éternité : Poèmes choisis, édition bilingue français-anglais, traduction et présentation de Patrick Remaux, collection Points, Seuil, 2007
  • Poésies complètes, édition bilingue, traduction de Françoise Delphy, Flammarion, 2009

Annexes

Notes

  1. . Les sources diffèrent quant au nombre de ces poèmes, mais la plupart lévaluent entre sept et dix

Références

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Bibliographie

Sources primaires

Sources secondaires

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  • (en) R. W. Franklin, The Master Letters of Emily Dickinson, University of Massachusetts Press, 1998 (ISBN 1558491554) 
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  • (en) Caesar R. Blake, The Recognition of Emily Dickinson: Selected Criticism Since 1890, Caesar R. Blake. Ann Arbor: University of Michigan Press, 1964 (OCLC 18849140) 
  • (en) Willis J. Buckingham, Emily Dickinson's Reception in the 1890s: A Documentary History, Pittsburgh: University of Pittsburgh Press, 1989 (ISBN 0822936046) 
  • (en) Vivian R. Pollak, Thirst and Starvation in Emily Dickinson's Poetry, dans Judith Farr (dir.), Emily Dickinson: A Collection of Critical Essays, Prentice Hall International Paperback Editions, 1996 (ISBN 978-0130335241) 
  • (en) Judith Farr (dir.), Emily Dickinson: A Collection of Critical Essays, Prentice Hall International Paperback Editions, 1996 (ISBN 978-0130335241) 
  • (en) Dorothy Huff Oberhaus, « Tender pioneer »: Emily Dickinson's Poems on the Life of Christ, dans Judith Farr (dir.), Emily Dickinson: A Collection of Critical Essays, Prentice Hall International Paperback Editions, 1996 (ISBN 978-0130335241) 
  • (en) Suzanne Juhasz, The Landscape of the Spirit, dans Judith Farr (dir.), Emily Dickinson: A Collection of Critical Essays, Prentice Hall International Paperback Editions, 1996 (ISBN 978-0130335241) 

Liens externes

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