- Djemâa Saharidj
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Djemâa Saharidj Ajouter une image
Administration Pays Algérie Wilaya Tizi-Ouzou Commune Mekla Statut village Culture et démographie Population Géographie Coordonnées Djemâa Saharidj (en kabyle Ldjemâa-n-Saridj, Lǧemɛa-n-sariǧ) est un village kabyle de la commune algérienne de Mekla, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Centre traditionnel de la tribu des Aït Fraoussen, il est connu pour l'abondance de ses sources, l'étendue de ses quartiers, l'antiquité de son passé et le rôle qui lui est attribué dans l'histoire de la région.
Sommaire
Géographie
Situation
Le village de Djemâa Saharidj est situé à environ 3 km au sud-est de Mekla, sur la route W250, et à 28 km à l'est de Tizi-Ouzou.
Relief et hydrographie
Djemâa Saharidj s'étend sur un site de collines qui descendent des escarpements du mont Fiouane (sur lequel se trouve « le Rocher aux Oiseaux »[1]) et d’Ighil, au sud, jusqu'au cours de l'oued Sebaou qui borne au nord les terres agricoles d'Azaghar. Son relief très accidenté[2] abrite de nombreuses sources (jadis quatre-vingt-dix-neuf, d'après la tradition locale) qui ont permis la multiplication des fontaines et favorisé la mise en valeur des jardins du village[1].
Hameaux et quartiers
Une autre caractéristique de Djemâa Saharidj tient à la configuration de ses quartiers : la superficie de l'ensemble fait de chacun d'eux l'équivalent d'un petit village, mais ils sont tous suffisamment proches les uns des autres pour que l'unité de l'agglomération soit préservée. À côté des quatre quartiers principaux, Mahsser, Madhel, Tadhekkart et Hlawa[3], se sont développés ceux de Lejnane, Amizab et El Hara auxquels s'ajoute le site de Ouanech[2].
Toponymie
Le nom du village (transcrit en alphabet latin avec plusieurs variantes : Djemaa Saharidj, Djemaa N'Sahridj etc.) peut se traduire par « le vendredi (ou « l'assemblée ») du bassin » : il évoque le marché qui se tenait autrefois le vendredi sur une grande place ornée d'une fontaine à bassin et restée nommée Ssuq Aqdim, « le Vieux Marché »[4].
Histoire
Antiquité
À l'époque romaine existait à l'emplacement de Djemâa Saharidj une cité que Ptolémée mentionne sous le nom de Bida (respectivement Syda et Bidil pour la Table de Peutinger et l’Itinéraire d'Antonin). Qualifiée dans les documents anciens d'oppidum ou, plus souvent, de municipe (Bida Municipium) et même de colonie par Ptolémée[5], c'était, conclut Jacques Martin (1969), « un relais nécessaire sur la route intérieure reliant Dellys à Bédjaïa, mais un relais où vivait une population romaine et autochtone, relativement nombreuse et prospère, sous la protection d'une garnison permanente, sans doute à l'abri de défenses[6]. » Signe de l'implantation du christianisme, parmi les évêques convoqués en 484 à Carthage par le roi vandale Hunéric apparaît un nommé Campanus, évêque de Bida[5].
Des fouilles archéologiques menées en 1868 ont retrouvé des vestiges importants mais en très mauvais état[7]. Cependant le nom de Bida s'est conservé jusqu'à nos jours, dans celui d'un terrain des environs, Tibhirt Ibudah, « le jardin des Iboudah », et dans le patronyme Ibidah que porte encore une famille des Aït Fraoussen (la rixe sanglante qui les opposa à leurs rivaux à l'occasion d'un mariage serait à l'origine de la suppression du cortège nuptial en Grande Kabylie)[8].
Islamisation
C'est au processus d'islamisation et plus particulièrement au développement de l'islam maraboutique que renvoient les origines d'autres familles du village. Ainsi celle des Issehnounen se rattache-t-elle à Sidi Sahnoun, dont Djemâa Saharidj revendique la sépulture. Ce juriste des VIIIe - IXe siècles est pourtant enterré à Kairouan où il a exercé. Mais il pourrait s'agir ici d'un descendant homonyme arrivé quelques siècles plus tard, peut-être dans le sillage de Sidi Ahmed Belkadi, venu lui aussi d'Ifriqiya[9] .
Période ottomane
Le XVIe siècle, début de la période ottomane, est en effet marqué dans la région par l'émergence du royaume de Koukou, principauté pratiquemment indépendante que les Belkadi, issus de l'entourage des derniers Hafsides de Tunis[9], parvinrent à bâtir en exploitant les rivalités entre l'Espagne et la Sublime Porte.
À Djemâa Saharidj, l'époque est surtout restée comme celle des exploits de Boukhtouche, « l'homme à la lance », héros populaire historiquement mal cerné et ancêtre éponyme d'une autre famille du village. Probablement apparenté ou lié aux Belkadi (les deux familles sont encore présentes de nos jours à Djemâa Saharidj[10]), il avait réussi au début du XVIIe siècle à imposer son pouvoir personnel sur le village et certaines des tribus voisines. Mais son frère Ourkhou (dont l'une des sources du village porte le nom : Tala Iwurkhuten), à la suite d'une dispute entre eux, quitta Djemâa Saharidj. Leur querelle, endossée par les tribus, pourrait avoir déclenché la formation des deux grandes ligues ou çofs dont l'affrontement divisa la Grande Kabylie pendant plusieurs siècles[11].
Au XVIIIe siècle, selon la tradition, c'est encore un Boukhtouche, descendant du précédent, qui aurait organisé sur la place du Vieux Marché l'assemblée des tribus au cours de laquelle fut décidée l'exhérédation des femmes kabyles. Une « pierre salique » dressée sur la place porta longtemps le témoignage de cette mesure, qui aurait eu pour origine l'expérience vécue par les captifs libérés à la suite d'un traité passé avec l'Espagne en 1767 : de retour chez eux où on les avait cru morts, ils y auraient trouvé femmes remariées et biens dispersés, situation grosse de conflits dont il se serait agi d'éviter la réapparition[12].
Colonisation française
Pendant la conquête française, le village de Djemâa Saharidj s'est trouvé plusieurs fois directement menaçé par les opérations militaires. En septembre 1844, une expédition partie de Dellys et menée par le général Coman remonte pour la première fois la vallée du Sebaou, dépasse Tizi Ouzou, détruit le village de Tamda abandonné par ses habitants, rase une orangeraie proche et poursuit en direction de Djemâa Saharidj. Une délégation d'habitants vient parlementer pour éviter la destruction du village, au prix d'un semblant de soumission : estimant sa mission remplie, le général rentre à Dellys[13]. En mai 1871, lors de la répression de la révolte des Mokrani, apprenant que des forces importantes sont rassemblées à Djemâa Saharidj, le général Lallemand décide d'« aller donner une leçon aux rebelles » et conduit une colonne à l'attaque du village : c'est un sérieux revers pour les assaillants qui sont repoussés et doivent se replier en hâte devant leurs poursuivants[14].
Une fois le pays soumis, Djemâa Saharidj devint l'un des terrains d'expérimentation des fonctionnaires « kabylophiles » : en 1881 il est avec Tamazirt, Tizi Rached, Taourirt Mimoun et Mira, l'un des cinq villages de Grande Kabylie où le gouvernement Jules Ferry décide d'implanter une école laïque, dite « école ministérielle ». Après avoir suscité dans la population une curiosité mêlée de méfiance, l'entreprise se heurte à l'indignation soulevée par la fermeture, à l'initiative des autorités locales, des écoles coraniques et des zaouïas. L'hostilité des élus colonialistes à toute idée d'instruction des « indigènes » finit de condamner l'expérience dont les principaux animateurs sont écartés dès 1884[15].
Algérie indépendante
Le 29 septembre 1963, c'est sur la grande place du village, Issefsafen (aujourd'hui place Aïssat Idir), que ses fondateurs annoncent la naissance du Front des forces socialistes (FFS) devant la population assemblée[16].
Infrastructures
Économie
Le village est un centre réputé de l'artisanat du bois et de la vannerie[17].
Vie quotidienne
Sports
Djemâa Saharidj dispose d'un club de football : l'Union Sportive Djemaa Saharidj (USDS). Au cours de la saison 2010/2011, le club évolue dans la division Pré-Honneur de la wilaya de Tizi Ouzou.
Personnalités liées au village
- Sidi Sahnoun (v.776-v.854), marabout, y a un mausolée[9].
- Salah Benacer (1900-1961), maire de Mekla et sénateur de Tizi-Ouzou (1959-1961) sous la colonisation française, y est né.
- Aïssat Idir (1915-1959), militant nationaliste et syndicaliste, fondateur de l'UGTA, y est né.
- Cheikh Arab Bouzgarene (1917-1988), chanteur de musique kabyle, y est né.
- Ouali Bennaï (v.1920-1957), militant nationaliste, défenseur au sein du PPA/MTLD de la thèse de l'Algérie algérienne, y est né et y est mort assassiné.
- Hachimi Nait-Djoudi (1946-2001), secrétaire général du FFS, puis ministre sous la présidence de Mohamed Boudiaf, y est né.
- Alain Rémond (né en 1946), chroniqueur, y a enseigné[18].
Notes et références
- Genevoix 1958, p. 3.
- Géographie de Djemâa Saharidj sur jedecouvrelalgerie.com. Consulté le 12 avril 2011.
- Genevoix 1958, p. 2 et 4.
- Genevoix 1958, p. 4.
- Genevoix 1958, p. 7.
- Martin 1969, p. 44, cité par Feredj 2002, p. 15.
- Feredj 2002, p. 15.
- Genevoix 1958, p. 7-8.
- Genevoix 1958, p. 8.
- Feredj 2002, p. 28.
- Genevoix 1958, p. 8-9.
- Genevoix 1958, p. 9.
- Feredj 2002, p. 63.
- Feredj 2002, p. 119.
- Feredj 2002, p. 137-138.
- Mecherri 2008.
- (en)« Kabylie », Encyclopædia Britannica Online, 2011. Consulté le 28 avril 2011.
- B. T., « Comment je ne suis pas devenu prêtre », dans Le Nouvel Observateur, 14 mai 2009 [texte intégral (page consultée le 21 octobre 2011)].
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
Bibliographie
- Mohamed Seghir Feredj, Histoire de Tizi-Ouzou et de sa région (des origines à 1954), Alger, Éditions Hammouda, 2002, 3e éd. (1re éd. 1990) (ISBN 978-9961-890-04-2) [lire en ligne]
- Henri Genevoix, Djemâa-Saharidj : Éléments folkloriques pour servir à une étude monographique des Aït-Fraoussen (Kabylie), Fort-National, C.E.B., 1958 [lire en ligne]
- Jacques Martin, Bida Municipium en Maurétanie césarienne (Djemâa-Saharidj), Fort-National, Fichier de documentation berbère, 1969 [lire en ligne]
- Sofiane Mecherri, « Mekla : Une léthargie hésitant entre le vide et le néant », dans La Dépêche de Kabylie, no 1961, 9 novembre 2008
Catégories :- Village de la commune de Mekla
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