Charmide

Charmide

Le Charmide (ou Sur la sagesse) est un dialogue de Platon. Il appartient à la série dite des « Premiers Dialogues », composés à lépoque lauteur était encore jeune. La date exacte est cependant incertaine : certains critiques comme Johann Gottfried Stallbaum le font remonter à la période précédant la domination des Trente Tyrans sur Athènes, vers -405, alors que dautres (la majorité) la ramènent bien plus tard, vers -388, après la mort de Socrate.

Le dialogue est censé se dérouler au début de la guerre du Péloponnèse, vers -430.

Sommaire

Personnages

  • Critias : Critias est le neveu de Glaucon, le grand-père de Platon. Il est représenté dans le dialogue sous les traits dun homme fait, dune trentaine dannées. Réputé habile discoureur, auteur de plusieurs traités de morale, il deviendra le plus célèbre des Trente Tyrans, laissant le souvenir dun dirigeant cruel, cupide et sanguinaire. Il mourra lors dune banale bataille de rue contre des démocrates, près du Pirée, en -404. Lune des accusations portées plus tard contre Socrate vient de ses relations avec ce personnage.
  • Charmide : Charmide est loncle de Platon, puisquil est le frère de Périctionè, la mère de lauteur. Platon le dépeint comme le jeune homme le plus beau et le plus sage de sa génération, suscitant ladmiration amoureuse des jeunes et des vieux. Aimé et protégé par son cousin Critias, qui se fait son tuteur puis lui confie la préfecture du Pirée, il mourra avec lui lors du même incident de rue.
  • Chéréphon : Khairéphon est un ami et grand admirateur de Socrate. Résolument démocrate, il sexilera pendant les deux années de règne des Trente Tyrans et rentrera à Athènes par la suite. Dun tempérament notoirement exalté, il ne vivra cependant pas assez vieux pour assister au procès de son ami, et ne joue dans le présent dialogue quun rôle marginal.

Le dialogue : définir la sagesse

Le Charmide traite de la sagesse et sattache à lui trouver une définition précise, sans succès.

Scène introductive

De retour de Potidée il devait remplir ses obligations militaires, Socrate revient à Athènes après apparemment plusieurs années dabsence, et sarrête à la palestre de Tauréas. Il y retrouve entre autres Khairéphon, qui laccueille avec beaucoup de chaleur et senquiert de lissue de la bataille qui vient dêtre livrée.

Après avoir satisfait à la curiosité de ses interlocuteurs, Socrate veut sinformer de ce que devient la philosophie dans la cité athénienne, et savoir sil existe des jeunes gens se faisant remarquer par leur beauté, leur esprit ou les deux à la fois. Critias prend à ce moment la parole pour plaider la cause de son cousin Charmide. Ses qualités physiques et intellectuelles sont si grandes, affirme-t-il, quil nest aucun Athénien qui nen soit amoureux.

Intéressé, Socrate accepte de faire sa connaissance et feint de pouvoir guérir des maux de tête dont Charmide dit souffrir, à laide dune potion quil tient dun médecin thrace. Toutefois, précise Socrate, de même quon ne saurait guérir un œil malade sans se préoccuper de lensemble de la tête, voire du corps, il serait illusoire de vouloir guérir le mal de tête de Charmide sans en même temps soccuper de la santé de son âme. De ce fait, au cas Charmide estimerait manquer de sagesse, Socrate aurait dabord à prononcer une formule dinvocation pour le bien de son âme, avant de lui faire boire la potion.

A la question de savoir sil sestime suffisamment sage ou pas, Charmide hésite à répondre, de peur de paraître ou prétentieux ou pusillanime. Socrate contourne la difficulté : si Charmide est sage, il doit être capable de donner une définition précise de cette vertu qui lhabite. Sil y réussit, sa sagesse ne fera alors plus de doute et il pourra se passer de linvocation.

Première définition : « faire toutes choses avec modération et avec calme »

Dabord hésitant, Charmide suggère que la sagesse soit la faculté de toujours agir avec calme et modération.

Substituant à dessein le concept de lenteur à celui de modération, Socrate réfute cette hypothèse par une série dexemples la vitesse et la vivacité sont préférables à la lenteur : dune part la lecture, lécriture ou la mémoire pour les choses de lesprit, et dautre part les disciplines sportives pour les choses du corps.

Deuxième définition : « la pudeur »

Déconcerté et renonçant à défendre sa première idée, Charmide émet alors lhypothèse que, puisque la sagesse fait rougir de certaines choses, elle « nest autre chose que la pudeur ».

aussi Socrate nest pas satisfait. Il fait valoir qualors que la sagesse est toujours bonne, la pudeur peut ne pas être souhaitable dans certaines circonstances, comme en témoigne un vers dHomère :

« La honte nest pas bonne pour lindigent. »

— Odyssée, XVII, 347

Troisième définition : « faire ses propres affaires »

Pour se sortir dembarras, Charmide a recours à une nouvelle définition, dont on devine quil la tient de son tuteur Critias, qui assiste à lentretien. La sagesse consisterait « pour chacun de nous à faire ce qui nous regarde ».

Socrate, toujours peu convaincu, na aucun mal à faire valoir quune cité chacun confectionnerait ses propres chaussures ou laverait son propre linge ne serait à lévidence pas une cité sage.

Irrité de voir ses idées si mal défendues, Critias intervient alors dans le dialogue et, à partir de , se substitue à Charmide comme interlocuteur de Socrate.

Il opère tout dabord une distinction entre lidée de faire ses propres affaires et celle de fabriquer des choses pour autrui. De fait, soutient-il, on peut tout à fait fabriquer des choses pour autrui tout en étant sage.

Quatrième définition : « la connaissance de soi-même »

Face à de nouvelles objections de Socrate, Critias bat en retraite et formule lidée générale, répandue chez les Grecs, que la sagesse consiste en la « connaissance de soi-même », comme lindique le fronton du temple de Delphes.

La sagesse, ajoute Critias, nest pas une science comme les autres, qui aurait un objet bien précis, comme la santé pour la médecine ou le pair et limpair pour le calcul. La sagesse, affirme-t-il, est à la fois la science delle-même, des autres sciences et de lignorance, cest-à-dire que la sagesse « consiste à savoir ce quon sait et ce quon ne sait pas ».

Selon Socrate, il semble impossible quune telle science existe, et il utilise pour le démontrer des analogies complexes : on ne peut imaginer, par exemple, un sens de la vue qui ne serait pas la vue des choses quaperçoivent les autres vues, mais qui serait la vue delle-même, des autres vues et de ce qui ne serait pas une vue. Socrate renouvelle la méthode avec louïe et bien dautres concepts, bien que son interlocuteur ait visiblement du mal à le suivre.

Par la suite, et de façon toujours obscure, Socrate note que la science de la sagesse, telle que la conçoit Critias, serait non seulement inconcevable mais également inutile, puisquelle ne pourrait pas faire connaître ce que nous savons et ce que nous ne savons pas, mais seulement que nous savons et ne savons pas. Seule létude des sciences particulières peut nous y faire parvenir, en partie.

La science du bien et du mal ?

Enfin, une telle science serait incapable dassurer le bonheur de celui qui la détient. La seule science étant susceptible de le faire est celle du bien et du mal. Contrairement à lattente du lecteur, et de façon peut-être trompeuse, Socrate précise que la sagesse nest pas non plus cette science du bien et du mal quil vient dévoquer, puisque la sagesse selon Critias est la science de la science et delle-même. Se référer ainsi à une thèse quil vient de réfuter est un indice permettant de penser que Socrate, comme il le fait dans dautres dialogues, identifie bien en réalité sagesse et science du bien et du mal.

Conclusion

Incapable en apparence de parvenir à une définition satisfaisante, Socrate saccuse davoir mal conduit lentretien et dêtre un mauvais chercheur de la vérité. Cet aveu dhumilité ne refroidit pas Charmide, qui demande à devenir son disciple et à recevoir lincantation thrace censée le rendre plus sage.

Portée philosophique et historique

Dune très belle construction formelle, le fond du Charmide se révèle cependant assez décevant et superficiel. Le plus grand reproche adressé par les commentateurs vient de ce que le texte semble contredire la doctrine socratique traditionnelle consistant, comme dans le Premier Alcibiade et comme le fait même Critias dans le présent dialogue, à identifier la sagesse et la connaissance de soi-même, cest-à-dire la science du bien et du mal.

Par ailleurs, la méthode utilisée par Socrate pour réfuter les arguments de Charmide, puis de Critias, relève davantage du sophisme que de la philosophie, et davantage également de la volonté de vaincre son interlocuteur que de celle de découvrir la vérité. Substituant sans lexpliquer la lenteur au calme dans la première définition, sans examiner ce que la déclaration de Charmide avait pourtant de pertinent, il rejette ensuite la deuxième par le simple argument dautorité quest Homère.

Les critiques y voient le signe que Platon ne faisait que débuter dans sa quête philosophique, et quil était encore trop occupé à réfuter les diverses thèses existantes pour élaborer de façon constructive son propre système.

Par ailleurs, les historiens ont pu sétonner que Platon, habituellement sans concession avec la vérité des faits et des personnages, présente ses parents Critias et Charmide sous des traits aussi élogieux, malgré le rôle trouble qui fut le leur dans lhistoire athénienne. Au-delà de la volonté compréhensible de réhabiliter les membres de sa famille, Platon voulait peut-être également disculper son maître à propos des relations quil entretenait avec Critias, en montrant que Socrate avait toujours cherché à rendre meilleur le futur tyran.

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