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Lachès
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Le dialogue, dont l’authenticité ne fait aucun doute, est censé se dérouler pendant la guerre du Péloponnèse, sans doute peu après la bataille de Délion en 424 av. J.-C.
Sommaire
Personnages
- Socrate ;
- Lysimaque : Lysimaque est surtout connu pour être le fils d’Aristide le Juste, le grand homme d’État. Il a baptisé son propre fils du nom d’Aristide, dans l’espoir que le jeune homme connaisse un aussi glorieux destin que son grand-père. Se présentant dans le dialogue comme un vieil ami du défunt Sophronisque, le père de Socrate, il prie ce dernier de bien vouloir l’aider à perfectionner l’éducation de son fils ;
- Mélèsias : Mélèsias ne joue qu’un rôle marginal dans le dialogue, et sert surtout de pendant à son ami Lysimaque. Lui aussi est le fils obscur d’un personnage très célèbre, l’orateur Thucydide, et lui aussi a baptisé son fils du nom de son grand-père ;
- Nicias : Nicias est un célèbre général athénien ayant œuvré pendant la guerre du Péloponnèse. Il devient, après la mort de Périclès, la personnalité la plus en vogue à Athènes. Dépeint dans le dialogue comme un interlocuteur sage, cultivé et modéré, il s’oppose sans succès au projet d’expédition en Sicile, qui tourne au fiasco et détruit sa réputation ;
- Lachès : Lachès, fils de Mélanopos, est un autre général athénien, un peu moins illustre que Nicias et doté par la plume de Platon d’un tempérament plus sanguin et néanmoins très sympathique. Il a notamment commandé, en 427 av. J.-C., l’expédition que les Athéniens ont envoyé au secours des Léontins. En 424, il participe à la bataille de Délion et doit battre en retraite aux côtés de Socrate, dont il loue la grande vaillance. Il est l’instigateur de la trêve d’un an en 423, puis meurt à Mantinée en 418.
Le dialogue : définir le courage
Le Lachès traite de la nature du courage et, à l’exemple du Lysis et du Charmide, n’offre en apparence aucune conclusion satisfaisante au lecteur.
Le sujet de ce dialogue est sujet à débat, étant donné que la question du courage n'intervient que vers la moitié de l'ouvrage. Un thème qui, en revanche, est traité du début à la fin, c'est l'opposition ou la conciliation entre l'action (erga) et la parole (logos) relativement à ce que l'on prétend savoir des qualités de ses propres actes.
Scène introductive
Lysimaque et Mélèsias viennent d’assister, au gymnase, à une séance d’entraînement donné par un maître d’armes, en compagnie de Nicias et de Lachès, deux généraux très réputés.
Soucieux d’assurer une excellente éducation à leurs enfants, afin que leur gloire puisse un jour rayonner autant que celle de leurs illustres grands-pères Aristide le Juste et Thucydide, les deux amis demandent aux généraux leur avis sur l’utilité d’un tel entraînement pour la jeunesse. Socrate, présent sur les lieux, s’intéresse à la conversation et encourage les deux militaires à répondre.
L’entraînement aux armes est-il bon pour la jeunesse ?
La réponse positive de Nicias
L’utilité de l’entraînement aux armes pour les jeunes garçons ne fait, selon Nicias, aucun doute, et pour de nombreuses raisons. Il est toujours préférable de s’adonner à ce genre d’exercice plutôt qu’aux autres occupations stériles tant prisées par les adolescents. Outre que ce loisir convient parfaitement à un homme libre, il donne à celui qui le pratique le goût d’autres sciences connexes, comme la tactique. Enfin, il va de soi que les jeunes gens éduqués de la sorte montreront plus tard une bien plus grande vaillance au combat.
La réponse négative de Lachès
Lachès, lorsque vient son tour d’exprimer un avis, se montre beaucoup plus réservé que Nicias. Certes, il est toujours plus souhaitable de connaître une science que de l’ignorer, mais en l’occurrence a-t-on affaire à une véritable science ? Si tous ces maîtres d’armes avaient une telle utilité, alors les Spartiates, en grands connaisseurs de la guerre, se seraient intéressés à eux depuis longtemps. Or il n’en est rien. Lachès rapporte ensuite une histoire burlesque où l’un de ces maîtres d’armes s’est retrouvé au cœur d’une bataille réelle et s’est ridiculisé par sa lâcheté.
Socrate réoriente le débat sur la notion de courage
Déroutés par les conclusions contradictoires de ces deux personnes pourtant expertes en la matière, Mélèsias et Lysimaque font appel à l’arbitrage de Socrate.
Ce dernier fait valoir qu’étant donné son manque de connaissances à ce sujet, son jugement ne saurait faire emporter l’une ou l’autre des deux thèses. Il ne s’agit pas ici de décider à la majorité des suffrages mais de trouver un maître compétent qui puisse tous les éclairer. Lachès ou Nicias ont-ils connaissance d’un tel homme ?
Personne ne pouvant être évoqué, Socrate propose une autre méthode : le souci de Mélèsias et Lysimaque est de bien éduquer leurs fils. Or l’objet de l’éducation n’est-il pas d’inculquer la vertu ? Socrate réoriente donc le débat en mettant en avant la véritable finalité de toute éducation : l'âme. Pour déterminer si l’entraînement aux armes peut être utile ou pas à leur éducation, il convient donc avant tout de définir ce qu’est la vertu, ou plus particulièrement la partie de la vertu à laquelle se rapporte l’apprentissage des armes, à savoir le courage.
Insistant encore une fois sur leur expérience en la matière, Socrate demande aux deux généraux de lui donner, chacun leur tour, leur définition du courage.
Qu’est-ce que le courage ?
Première réponse de Lachès : c’est faire tête à l’ennemi dans la bataille
Pour le bouillonnant Lachès, homme d’action, la réponse semble aller de soi : le courage, affirme-t-il, c’est « quand un homme est déterminé à faire tête à l’ennemi en gardant son rang, sans prendre la fuite ».
Avec diplomatie, Socrate montre au général en quoi cette définition est beaucoup trop étroite. Rien que dans le domaine militaire, les cavaliers scythes sont par exemple réputés pour combattre l’ennemi en fuyant, puis en menant des contre-offensives. Ils n’en sont pas moins courageux pour autant. Mais surtout, la définition donnée par Lachès ignore les nombreuses autres occasions, hors du champ de bataille, où un homme peut montrer du courage : contre la maladie, contre la pauvreté, contre les périls de la politique, ou même contre les plaisirs et les passions.
Deuxième réponse de Lachès : c’est une sorte de fermeté d’âme
Ayant compris où Socrate voulait en venir, Lachès s’essaie à une nouvelle définition, de portée plus générale : « s’il faut en déterminer la nature dans tous les cas, il me semble que c’est une sorte de fermeté d’âme ».
Cette fermeté d’âme, s’enquiert Socrate, est sans doute une très belle chose ? C’est même une des plus belles choses qui soient, renchérit Lachès.
Or la fermeté d’âme peut naître tout aussi bien de l’intelligence que de l’ignorance ou la folie, et dans ce dernier cas c’est une chose fort laide. Le courage, puisqu’il est beau, ne peut alors s’entendre que dans les cas où la fermeté d’âme est intelligente.
D’un autre côté, on ne peut nier qu’un homme s’attelant à une tâche dont il ignore tout est plus courageux que celui qui y excelle déjà, comme lors d’un combat équestre où l’un des cavaliers est expérimenté et où l’autre monte pour la première fois sur un cheval.
Au final, le courage prend-il donc sa source dans l’intelligence ou dans l’ignorance ? Le dialogue aboutit à une contradiction.
Réponse de Nicias : c’est la science des choses qu’il faut craindre et des choses qu’il faut oser
Socrate, feignant l’embarras, fait alors appel à Nicias, qui jusque là ne s’était pas impliqué dans la conversation. Cela lui a donné le temps de préparer une réponse, qu’il dit tenir de Socrate lui-même lors d’une précédente conversation : le courage est une science, « celle des choses qu’il faut craindre et des choses qu’il faut oser ».
C’est cette connaissance qui distingue les hommes réellement courageux des hommes téméraires, des enfants et des animaux, qui tous ne méprisent le danger que par ignorance.
Lachès a peine à cacher son mépris pour une réponse identifiant le courage à une science, ce qu’il juge absurde. Dans ce cas, s’insurge-t-il, peut-on dire aussi des médecins, des agriculteurs ou des artisans, qui tous connaissent les risques de leurs métiers, que ce sont des gens courageux ? Et faut-il également y inclure les devins, qui voient à l’avance les mauvais présages ?
Les médecins, réplique Nicias, n’ont pas entièrement cette science des choses à craindre ou à oser, car ils se refusent par exemple à décider si la mort ne vaut parfois pas mieux pour certains patients, plutôt que leur rétablissement. Quant aux devins, ils se contentent de révéler ce qui arrivera, sans savoir s’il est préférable de le souffrir ou non.
La conclusion indécise de Socrate
Le lecteur est alors en droit de se sentir convaincu par la définition de Nicias, à l’allure très platonicienne. Socrate oppose pourtant une objection : Nicias a défini le courage comme la science des choses à craindre. Or on ne peut que craindre des choses appartenant à l’avenir, et non pas au passé ou au présent.
La science, au contraire, est une notion absolue se rapportant aux choses de tous les temps. Il en résulte que le courage, si c’est une science, est la science de tous les biens et de tous les maux, ce qui n’est autre chose que la définition de la vertu en général et non pas du courage en particulier.
Socrate en tire la conclusion que sa méthode a échoué, et revient à sa proposition initiale de trouver un maître compétent pour leur enseigner la véritable nature du courage.
Portée philosophique
Les commentateurs du Lachès n’ont cessé de se demander pourquoi Platon n’a pas confirmé la définition donnée par Nicias, a priori conforme à la doctrine socratique : chacun étant bon dans les choses qu’il sait et mauvais dans les choses qu’il ne sait pas, le courage ne peut aller sans la science de ce qui est à craindre. Cette idée est reprise par Xénophon dans Les Mémorables (IV, 6, 10) et par Platon lui-même dans le Protagoras (350 a-c).
Cette interrogation est d’autant plus pertinente que les arguments utilisés par Socrate pour réfuter la théorie de Nicias sont assez peu satisfaisants. L’assimilation de la science du courage, uniquement tournée vers l’avenir, à la science en général, intemporelle, apparaît contestable. On ne peut être courageux ou lâche à l’égard de choses passées, mais seulement à l’égard de choses présentes ou à venir.
Malgré ces légères inconséquences, pouvant s’expliquer par la précocité du texte dans le cheminement intellectuel de l’auteur, le Lachès est remarquable d’un point de vue formel et littéraire, mêlant avec succès une intrigue attrayante, un style rafraîchissant et des protagonistes dotés de personnalités fouillées.
Voir aussi
Bibliographie
Texte
- Lachès commenté et traduit par Louis-André Dorion, GF-Flammarion n° 652, 1998, ISBN 2-08-070652-7
- Premiers dialogues, GF-Flammarion n° 129, 1993, ISBN 2-08-070129-0
- Platon : Œuvres complètes, Tome 1, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1940, ISBN 2-07-010450-8
Commentaires
- Alain, Platon, Champs-Flammarion, 2005, ISBN 2-08-080134-1
- François Châtelet, Platon, Folio, Gallimard, 1989, ISBN 2-07-032506-7
- Jean-François Pradeau, Les mythes de Platon, GF-Flammarion, 2004, ISBN 2-08-071185-7
- Jean-François Pradeau, Le vocabulaire de Platon, Ellipses Marketing, 1998, ISBN 2-7298-5809-1
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Catégorie : Œuvre de Platon
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