Lettre VII

Lettre VII

La rédaction de cette lettre est attribuée à Platon.

Sommaire

Plan de lœuvre

  • Préambule.
  • I. Genèse des conceptions philosophico-politiques de Platon.
  • II. Premier séjour à Syracuse.
    • Avènement de Denys II le jeune et les espoirs de Dion.
  • III. Deuxième séjour à Syracuse.
    • Attitude ambiguë de Denys.
  • IV. Quelle doit être lattitude du Sage en face dun mauvais gouvernement ?
    • Conseils à Denys.
  • V. Retour au récit des faits.
    • Lacadémie nest pas responsable du meurtre de Dion.
  • VI. Conseils aux parents et amis de Dion.
  • VII. Nouveau retour au récit des faits.
    1. La fin du second séjour en Sicile.
    2. Préliminaires du troisième voyage.
    3. La leçon du dernier séjour.
  • VIII. Intermède dogmatique.
    1. La philosophie doit être vécue et non pas consignée dans des livres.
    2. Les cinq facteurs de la connaissance.
    3. Lexpression verbale, obstacle à la pensée pure.
    4. Conditions morales du véritable savoir.
    5. Condamnation de lécrit.
  • IX. Application de ces points de vue au cas des écrits de Denys.
  • X. La fin du dernier séjour à Syracuse.
  • XI. Entrevue avec Dion à Olympie.
  • Conclusion.

Contexte historique

Parmi les écrits de Platon dont l'authenticité n'est pas unanimement admise, la Septième lettre mérite une attention particulière. Si la paternité de cette lettre nest pas établie, quoique généralement reconnue, elle reflète en tous cas la pensée du milieu platonicien de lépoque. Elle est destinée aux parents et aux amis de Dion de Syracuse, ce disciple sicilien dont Platon espérait qu'il pourrait un jour mettre fin à la tyrannie de Denys et instaurer une véritable république.

De 388 à 387, Platon se rend en Sicile. règne à Syracuse un Grec de modeste origine, Denys 1er lancien ; il tient les Carthaginois en échec et est devenu le maître absolu de la Sicile. Platon pense quil pourra convertir le tyran à ses idées politico-philosophiques. Pendant son séjour, il se lie damitié avec Dion, le beau-frère de Denys, qui se pique de philosophie et admire les philosophes socratiques. Le philosophe se brouille assez vite avec le tyran qui embarque Platon de force sur un bateau spartiate. Celui-ci doit faire escale à Egine, alors en guerre contre Athènes, et Platon est vendu comme esclave. Heureusement, Annicéris, quil avait rencontré à Cyrène, le reconnaît, le rachète et le libère. Platon rentre à Athènes.

En 367, Denys 1er lancien meurt et son fils aîné, Denys II le jeune, monte sur le trône. Il a trente ans et très peu dexpérience dans les affaires publiques. Dion rappelle aussitôt Platon en lui représentant les possibilités qui soffrent à lui de réaliser des réformes politiques en appliquant les idées qui lui sont chères. Platon accourt immédiatement. Denys laccueille fort bien et semble se montrer un élève docile, mais, très vite, il voit en Dion et Platon des rivaux possibles. Il exile Dion puis Platon quil avait retenu quelque temps prisonnier, mais promet de les rappeler.

En 361, Platon est, à nouveau, invité par Denys. Il se rend à Syracuse pour la troisième fois. Une nouvelle brouille éclate rapidement. Il est probable que Platon plaida la cause de Dion auprès de Denys, mais celui-ci, loin de rappeler Dion, confisque ses biens, contraint la femme de ce dernier à épouser le gouverneur de Syracuse. Platon, pour sa part, est assigné à résidence puis relâché et autorisé à rentrer à Athènes.

Vers 357, Dion a levé une armée et sembarque avec des amis de Platon pour prendre Syracuse par surprise. Il y parvient et instaure une dictature, mais ne réussit pas à réaliser le rêve de Platon. Il est assassiné en 354.

Cet échec devait être pour Platon une cause de tristesse comparable à la mort de Socrate. Sa lettre aux parents et amis de Dion est pour lui une occasion d'évoquer les limites de l'écrit pour ce qui est de la transmission du savoir essentiel quest la philosophie qui nest pas une matière comme les autres dont on transmettrait un contenu, et de préciser ce quil pense des rapports entre la science et lopinion. Cest aussi loccasion pour lui de rappeler ce quil a affirmé dans la république et quil dit à nouveau dans cette lettre : « les maux ne cesseront pas pour les humains avant que la race des purs et authentiques philosophes n'arrive au pouvoir ou que les chefs des cités, par une grâce divine, ne se mettent à philosopher réellement. »

Le roi philosophe

Article détaillé : roi philosophe.

Platon a rêvé dune société utopique dans laquelle la cité serait gouvernée par un roi philosophe assisté de sages désintéressés, détachés des biens matériels et dévoués à la multitude à laquelle ils ne veulent que du bien.

Après tout, pourquoi ne pas donner le pouvoir aux philosophes? Rien de mieux qu'une société gouvernée par les meilleurs, par ceux qui ont accédé à la sagesse, laquelle permet d'agir d'une manière droite et juste conduisant au bien de tous. Seuls les philosophes savent ce quil convient de faire «pour quun État soit éminemment bien gouverné ». Selon Platon, lharmonie de lensemble social ne peut être réalisé que par un philosophe. Comme il le précise dans La République : au bas de léchelle sociale, la classe des producteurs constitué par des «caractères de bronze» : des hommes à qui la nature na donné quun courage et un intellect restreints. À léchelon intermédiaire «les caractères dargent», gardiens voués à la défense de la cité. Au sommet «les caractères dor», les philosophes capables dassurer lharmonie de lensemble. Les philosophes doivent être les rois à moins que les rois soient philosophes. Par létude ils ont prouvé quils avaient dépassé les désirs corporels que connaissent les travailleurs et les excès daffectivité qui sont le lot des gardiens. Ils peuvent donc grâce à lorganisation dune égalité géométrique et harmonique qui assigne chacun à sa place, sauvegarder lunité de la cité et lui éviter larbitraire de la domination. La mission du philosophe est de connaître le Juste en soi. Pour préserver la cité de la décadence il faut connaître le juste. Le philosophe doit donc gouverner la cité pour quelle soit harmonieuse.

Le plus grand paradoxe vient du fait que lÉtat parfait doit être constitué par le sage parfait et que le sage parfait ne peut exister que dans lÉtat parfait. On ne peut définir la justice à lintérieur de lindividu quen se référant à la justice de létat, et on ne peut définir la justice de létat que par rapport à la justice dans lindividu. Ainsi, la question générale de la justice est abordée de façon telle que lon définisse à la fois linjustice dans létat et linjustice dans lâme. Des deux façons nous voyons que linjustice est une maladie. Morale et politique sont donc fondées en même temps parce que « nous sommes en droit de convenir que les mêmes catégories qui sont dans létat existent, identiques, à lintérieur de lâme de chaque individu» (La République Livre IV 441d). Cest sans doute pour cette raison que celui qui est apte à se gouverner lui même est apte à gouverner la société.

Toutefois, en vieillissant, et après avoir connu bien des déboires dans le domaine politique Platon a revu sa copie et, dans Les Lois, ouvrage quil écrit postérieurement à la lettre 7, il nous propose non plus une cité idéale mais une cité, qui selon lui, éviterait le pire. Marqué par l'expérience de Sparte, cité militaire, Platon en arrive à une organisation très autoritaire de la société avec des enfants précocement soustraits à l'influence de leurs parents et à une stratification sociale rigoureuse: gouvernants, guerriers et producteurs avec cependant une certaine évolution possible au niveau individuel puisque les enfants doués, pris en charge par l'État, peuvent être sélectionnés et intégrer la classe des gouvernants. Il n'est pas étonnant que certains aient vu en Platon un ancêtre des totalitarismes.

Science et opinion

Lopinion est un genre de connaissance peu fiable, fondée sur des impressions, des sentiments, des croyances ou des jugements de valeur subjectifs, et pour cela, elle est a priori douteuse, illusoire ou fausse, voire dangereuse, lorsquelle cherche à simposer en dissimulant la faiblesse de ses fondements sous les apparences de la plus claire certitude. Cependant, Platon reconnaît aux « opinions droites » la faculté déclairer laction humaine. À défaut de vérités certaines, des intuitions justes relatives au bien peuvent guider efficacement laction en lui fixant pour but la satisfaction dintérêts conformes aux exigences de la réflexion. Pour Platon, la question est alors de savoir quel statut donner à « lopinion droite ». Doit-elle, parce quelle est opinion, être mise du côté de lopinion par nature étrangère à la science ou, parce quelle est droite, doit-elle être mise du côté de la science ? Dans cet écrit, il semble bien que Platon tende à mettre lopinion droite du côté de la science parce que ce qui caractérise la science et lopinion droite, cest quelles ne sont ni dans les phénomènes ni dans les images, mais quelles sont immanentes aux âmes. De chacun des êtres, il y a cinq approches possibles : le nom, la définition, limage, lopinion droite et enfin ce qui est connaissable et vraiment est, cest-à-dire la science parfaitement science. Le nom na rien de ferme (sinscrivant en faux contre lenseignement de Cratyle, Platon affirme le caractère arbitraire du signe linguistique). La définition ne lest pas non plus dans la mesure , comme le dit le sophiste, elle nest faite que de noms et de verbes. Limage nest quobscurité et tout homme est dans une aporie quand il sen contente. Lopinion droite, elle, semble relever de lesprit qui est « parent des choses en soi et qui leur est semblable », mais quelquun qui est raisonnable ne se hasardera jamais à poser dans la chose même les choses pensées par lui. Ainsi, pour arriver au juste et au beau, pour sharmoniser avec eux, il faut que lâme présente avec eux une certaine parenté. Il ne suffira donc pas au philosophe davoir une intelligence rapide ou une bonne mémoire qui ne le conduiraient quà lopinion droite, il lui faudra une âme dune nature bonne car si son âme est dune nature mauvaise, il pourra seulement prétendre faire de la philosophie, il ne sera pas un vrai philosophe. Narriveront au savoir que ceux qui seront capables de monter et descendre. Il faut « apprendre les deux à la fois, le faux ainsi que le vrai », ainsi lon connaîtra lessence dans sa totalité. « Il faut frotter les uns contre les autres, les noms, les définitions, les images, les points de vue » et atteindre ainsi lintelligence de chaque chose. Mais tout homme sérieux se gardera des écrits et évitera de lancer ainsi ses pensées vers la foule. Cest pourquoi Platon donne libre cours à sa colère contre ce divulgateur des doctrines que fut Denys de Syracuse et, à la fin de la lettre oppose Dion à Denys. Dion recherchait une législation vraiment juste et bonne, et conformément au précepte socratique, il a préféré subir linjustice que la commettre.

La conclusion est pessimiste. Dion a souffert « ce que souffre le pilote qui est bon et qui, sans ignorer la tempête qui va venir, ne peut pas ne pas être submergé par sa violence ». Il savait que ceux qui lont fait échouer étaient des méchants, mais il ne soupçonnait pas leur sottise, leur perversité et leur rapacité : il en est mort.

Bibliographie

Sur les autres projets Wikimedia :

  • Brisson, Luc, « La lettre VII de Platon, une autobiographie ? » L'Invention de l'autobiographie (congrès), 1993, pp. 37-46

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Lettre VII de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужна курсовая?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Lettre 7 — Lettre VII La rédaction de cette lettre est attribuée à Platon. Dialogues de Platon Second Alcibiade Hippias mineur …   Wikipédia en Français

  • lettre — [ lɛtr ] n. f. • Xe; lat. littera I ♦ 1 ♦ (XIIe) Signe graphique qui, employé seul ou combiné avec d autres, représente, dans la langue écrite (écriture alphabétique, syllabique), un phonème ou un groupe de phonèmes. ⇒ caractère, graphème . Les… …   Encyclopédie Universelle

  • lettré — lettre [ lɛtr ] n. f. • Xe; lat. littera I ♦ 1 ♦ (XIIe) Signe graphique qui, employé seul ou combiné avec d autres, représente, dans la langue écrite (écriture alphabétique, syllabique), un phonème ou un groupe de phonèmes. ⇒ caractère, graphème …   Encyclopédie Universelle

  • VII (rappeur) — VII est un rappeur français. Il fait partie du collectif Sonatine Musique avec Littledemo, Dajoan Mélancolia, 2FCH, Fayçal, 16… Il vit à Bordeaux. Son style plutôt noir très influencé par le cinéma bis se rapproche du horror core. En 2007 il sort …   Wikipédia en Français

  • Lettre Morte — est le premier album du rappeur VII. Il est sorti en 2007. Références L’auteur fait souvent référence à des films dans ses paroles : Seul avec le diable : Ce morceau débute avec un sample du film The Manson Family de Jim Van Bebber. Il… …   Wikipédia en Français

  • lettre — (lè tr ) s. f. 1°   Chaque caractère de l alphabet. 2°   Chaque caractère de l alphabet quant à sa forme, sa grandeur, sa couleur, etc. 3°   La manière d écrire, la main d une personne. 4°   Caractère de fonte représentant en relief une des… …   Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré

  • Lettre aux Hébreux — Épître aux Hébreux Nouveau Testament Matthieu Marc Luc Jean Actes des Apôtres Romains 1 Corinthiens 2 …   Wikipédia en Français

  • Lettre des Témoins de Jéhovah au Chancelier du Reich — Témoins de Jéhovah sous le IIIe Reich Demande de traduction Zeugen Jehovas im Nationalsozialismus → …   Wikipédia en Français

  • Pie VII — Pour les articles homonymes, voir Chiaramonti (homonymie).  Pour l’article homophone, voir Pissette. Pie VII Pape de l’Église catholique …   Wikipédia en Français

  • Crisis Core: Final Fantasy VII — Crisis Core Final Fantasy VII Éditeur Square Enix Développeur Square Enix Date de sortie …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/1018447 Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”