Dialogues de Platon

Dialogues de Platon

Le terme Dialogues de Platon renvoie à l'ensemble des différents ouvrages que Platon aurait rédigés. Ils se présentent sous la forme de dialogues philosophiques entre différents personnages.

Sommaire

Le dialogue chez Platon

Article détaillé : Dialogue socratique.

Tous les textes de Platon sont, à un degré ou un autre, rédigés sous forme dialoguée[1]. La question de savoir comment interpréter philosophiquement cette forme est discutée depuis l'Antiquité et se trouve également liée à la question de la chronologie des dialogues. Trois groupes d'approches peuvent être distingués, groupes qui contiennent eux-mêmes des variantes plus ou moins importantes. Ces groupes sont l'interprétation unitariste, l'interprétation ésotérique et l'interprétation maïeutique[2].

La première approche considère que la forme dialoguée est un moyen d'exposition explicite de la pensée de Platon et qu'elles ne constituent pas un simple procédé littéraire : le personnage qui conduit la discussion, Socrate le plus souvent, est le porte-parole de l'auteur. Dans cette approche, les commentateurs étudient les idées contenues dans les dialogues en les considérant comme parties d'un tout cohérent, soit relativement à l'ensemble des textes, soit relativement à un groupe de dialogues. C'est l'approche la plus répandue, et elle a été soutenue par Shorey et Cherniss, et, en France, aujourd'hui, par Luc Brisson, Jean-François Pradeau. Ce genre de lecture est également illustrée par la philosophie analytique qui s'attache à l'examen et l'évaluation des méthodes argumentatives, en particulier la méthode socratique de la réfutation et la validité de la réfutation de la Théorie des Idées dans le Parménide. Cette dernière approche est celle de G.E.L. Owen et de Gregory Vlastos.

La deuxième approche affirme qu'il ne s'agit que d'une caractéristique extérieure et sans importance sur les conceptions platoniciennes : on ne trouve dans les dialogues que des indications allusives à un enseignement oral donné au sein de l'Académie. Les dialogues sont donc seulement provisoires et inachevés sous le rapport de leur contenu doctrinal. Cette approche a été systématisée et défendue depuis le XIXe à la suite des travaux et des traductions de l'érudit allemand Schleiermacher. Cette approche se retrouve par exemple chez Robin en France ou Natorp en Allemagne. Elle est encore de nos jours défendue par beaucoup dont par l'École de Tübingen (Tübinger Schule) présente en Allemagne (avec Krämer par exemple) et en Italie (avec Reale).

Pour l'approche maïeutique, soutenue par exemple par Leo Strauss et Bloom, il n'est pas certain que le point de vue proprement platonicien s'exprime dans la bouche de l'un ou l'autre personnage du dialogue, fût-ce Socrate lui-même. Ce serait alors au lecteur lui-même de former son propre jugement, suggéré par l'échange entre les personnages du dialogue. Cette approche se divise elle-même en deux grands groupes : une approche qui considère que Platon écrit pour que le lecteur parvienne à une idée déterminée, et une approche qui considère, au contraire, que Platon n'impose pas une issue prédéterminée.

Le problème de la chronologie des dialogues

Platon. Copie du portrait exécuté pour l'Académie vers 370 av. J.-C..

Les spécialistes de stylistique, de statistique lexicale[3] et d'histoire des idées ont classé les 35 dialogues attribués à Platon en grands « groupes », sans toujours s'entendre sur la stricte succession de chacun ou sur la périodisation par groupes[4]. Ce classement en groupes par le moyen de la stylométrie, se résume fondamentalement au trois groupes suivants[5] :

  1. jeunesse : tous les dialogues qui ne sont pas dans les deux suivants ;
  2. maturité : Phèdre, Parménide, République, Théétète ;
  3. vieillesse : Lois, Philèbe, Sophiste, Politique, Timée, Critias.

Un tel groupement ne peut être cependant considéré de manière absolue : il existe en effet quelques variantes dont la succession proposée par L. Brisson.

Cette méthode ne permet pas de parvenir à des conclusions sur la périodisation des dialogues ; la raison en est que, selon la critique de C.H. Kahn, les résultats de la stylométrie nous renseignent sur des groupes stylistiques, et non sur des rapports chronologiques[6]. De plus, le détail de ce classement dépend également de la fonction que l'on attribue à chaque « période » (reconstitution du discours de Socrate, exposition explicite des idées, auto-critique), ainsi que de l'idée que l'on se fait du développement intellectuel de Platon. Par exemple, si l'on défend une approche de type unitariste, décrite plus haut, on pourra considérer qu'un dialogue comme l'Hippias mineur n'est pas une ébauche de textes ultérieurs, mais constitue une propédeutique présentée sur le mode aporétique, propédeutique qui contient des principes philosophiques identiques aux dialogues supposés plus tardifs[7].

Il n'y a donc aucun accord des spécialistes sur la périodisation des dialogues de Platon, aucun critère n'apparaissant suffisamment probant, et les classifications sont ainsi toutes plus ou moins spéculatives. De telles incertitudes peuvent alors conduire à estimer que toutes ces hypothèses de regroupement et/ou de périodisation sont d'une grande faiblesse, et un éditeur a récemment choisi pour cette raison de revenir au classement de Thrasylle, établi au Ier siècle avant J.-C.[8].

Voici, à titre d'exemple, une manière de détailler cette succession (mais non la périodisation), proposée par Luc Brisson[9].

  1. Période de jeunesse (-399/-390). Hippias mineur (Petit Hippias) (sur le faux), Ion (sur la poésie), Lachès (sur le courage), Charmide (sur la sagesse morale), Protagoras (sur les sophistes), Euthyphron (sur la piété). Durant cette période, Platon s'efforce de reproduire la pensée de Socrate.
  2. Période de transition (-390/-385 ?). Gorgias (sur la rhétorique), Ménon (sur la vertu), Apologie de Socrate, Criton (sur le devoir), Euthydème (sur l'éristique), Lysis (sur l'amitié), Ménexène (sur l'oraison funèbre), Cratyle (sur le langage) ; le premier livre de La République (Thrasymaque ?) date de cette période
  3. Période de maturité (-385/-370). Phédon (sur l'âme), Le Banquet (sur l'amour), La République (sur le Juste), Phèdre (sur le Beau). Durant cette période Platon arrive à la maîtrise de sa propre pensée, en particulier avec les notions d'Idées, de réminiscence, de philosophe-roi.
  4. Période d'auto-critique (-370/-358). Théétète (sur la science), Parménide (sur les Idées), Le Sophiste (sur l'Être), Le Politique (sur la royauté). Dans le Parménide, Platon conteste ses propres postulats philosophiques, en montrant l'échec de la dialectique comme tentative pour établir l'Un-Bien comme fondement[10]. Durant cette période, Platon change son ontologie : tout ce qui existe est combinaison des mêmes principes : Être et Non-Être, Limite et Illimitation, Un et Infini, Même et Autre[11].
  5. Période de vieillesse (-358/-346). Timée (sur la Nature), Critias (sur l'Atlantide), Philèbe (sur le plaisir), Les Lois (sur la législation). "Trois considérations ont amené Platon à modifier ses vues. D'une part, une nouvelle théorie de l'âme, selon laquelle celle-ci n'est plus regardée comme l'ennemie du corps, mais comme son principe moteur. D'autre part, la reconnaissance de la régularité et de l'ordre que manifestent les mouvements des planètes. Enfin le sentiment que l'homme a sa place marquée dans le monde conçu maintenant comme un ordre, et qu'il doit tendre, dès lors, non plus à se séparer du monde, mais à imiter le bel ordre cosmique."[12]
  6. Les lettres, dont les VII (-354), VIII (-353), considérées comme authentiques par la majorité des savants. Selon P. T. Keyser (1998), la lettre II, avec ses trois Rois, releverait de la philosophie du néoplatonicien Eudore d'Alexandrie.
  7. "L'enseignement oral" (-350 ?), appelé "enseignements non écrits" (άγραφα δόγματα) ou "leçons non écrites" (άγραφοι συνυσίαι), dont une célèbre leçon Sur le Bien, mathématique[p. 1],[13]
  8. Dialogues suspects ou apocryphes. Alcibiade majeur (Premier Alcibiade) (sur l'Homme), Alcibiade mineur (Second Alcibiade) (sur la prière), Axiochos (sur la mort), Épinomis (sur les astres : attribué généralement à Philippe d'Oponte, disciple de Platon ; vers -340 ?), Hipparque (sur l'amour du gain), Hippias majeur (Grand Hippias) (sur le beau), Théagès (sur le savoir). Alcibiade I est considéré comme authentique par R. Adam, M. Croiset, etc., pas par C. Ritter, A. Taylor, etc. Hippias majeur est considéré comme authentique par V. Goldschmidt, A. Capelle, etc., pas par E. Horneffer, U. von Wilamowitz, etc.

Pagination

Le Timée (p. 32-33), dans l'édition Estienne.

La manière dont on renvoie aujourd'hui aux textes de Platon vient de l'édition, en 1578, par Henri Estienne, des œuvres de Platon accompagnées d'une traduction latine[14]. Le texte est disposé en deux colonnes sur une même page, chaque colonne étant divisée en cinq paragraphes notés de a à e. Toute référence à une œuvre de Platon est donc de la forme titre, page, paragraphe. Ainsi, Théétète, 145d, renvoie, dans le texte du Théétète, à la page 145, paragraphe d.

Notes et références

Les passages cités en grec ancien sont tirés de l'édition John Burnet.

Œuvres citées
  1. Lettre VII. 341.
Références anciennes et contemporaines
  1. Hormis la Lettre VII, si on la tient pour authentique.
  2. On adopte ici la classification donnée par Christopher Gill, « Le dialogue platonicien », in Lire Platon, 2006.
  3. Dès Dittenberger, pour les critères stylistiques, dans la revue Hermès, 1881, p. 321-345. Leonard Brandwood, Word-Index to Plato, Leeds (G.-B.), Maney Publishing, 1976, 1036 p.
  4. R. Simeterre, La chronologie des œuvres de Platon, Revue des études grecques, 1945, p. 146-162.
  5. C. Gill, « Le dialogue platonicien », in Brisson, 2006, p. 61.
  6. Plato and the Socratic Dialogue, Cambridge, 1996.
  7. Francesco Fronterotta, « Introduction » à l'Hippias mineur, pp. 159-160, GF, 2005.
  8. J. Copper, Plato : Complete Works, Hackett, Indianapolis, 1997.
  9. Luc Brisson, "chronologie" à ses traductions dans la collection Garnier-Flammarion : Lettres, Phèdre, Timée/Critias).
  10. F. W. Niewöhner, Dialog und Dialektik in Platons Parmenides, Meisenheim-am-Glan, 1971, p. 343-344.
  11. Léon Robin, La théorie platonicienne des Idées et des Nombres, 1908.
  12. André-Jean Festugière, Études de philosophie grecque, Vrin, 1971, p. 24.
  13. Léon Robin, La théorie des Idées et des Nombres d'après Aristote (1908), Hildesheim, 1963. Marie-Dominique Richard, L'enseignement oral de Platon, Paris, Cerf, 1986, 413 p. : témoignages complexes et commentaires savants.
  14. Pour une explication détaillée, voir Citer Platon : les références « Estienne ».

Articles connexes

Lien externe


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