C10Cl10O

C10Cl10O

Chlordécone

Chlordécone
structure et représentation du chlordécone
structure et représentation du chlordécone
Général
Nom IUPAC 1,1a,3,5a,4,5,5a,6-
décachlorooctahydro
-1,3,4-méthéno-2H-
cyclobuta[c,d]pentalen-2-one
Synonymes Képone
Décachlorocétone
No CAS 143-50-0
No EINECS 205-601-3
SMILES
InChI
Apparence cristaux blancs[1].
Propriétés chimiques
Formule brute C10Cl10O  [Isomères]
Masse molaire 490,636 gmol-1
C 24,48 %, Cl 72,26 %, O 3,26 %,
Propriétés physiques
T° ébullition Point de sublimation : 350 °C (décompose)[1]
Solubilité 1-2 mg/L dans l'eau
Masse volumique 1,40 (solide)
Pression de vapeur saturante 3.10-7 kPa à 20 °C
Précautions
Directive 67/548/EEC
Toxique
T
Dangereux pour l`environnement
N
Phrases R : 24/25, 40, 50/53,
Phrases S : 1/2, 22, 36/37, 45, 60, 61, [2]
Transport
-
   2761   
SGH[4]
SGH06 : ToxiqueSGH08 : Sensibilisant, mutagène, cancérogène, reprotoxiqueSGH09 : Danger pour le milieu aquatique
Danger
H301, H311, H351, H410,
Classification du CIRC
Groupe 2B : Peut-être cancérogène pour l'homme[3]
Inhalation toxique
Peau toxique
Yeux toxique
Ingestion toxique
Écotoxicologie
LogP 3.45[1]
Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

Le chlordécone (ou Képone) est un produit phytosanitaire, pesticide organochloré de la famille du DDT.

C'est un polluant organique persistant (POP). Non biodégradable, sa DT50 est évaluée, suivant les conditions, de 3,8 à plus de 46 ans[5] dans les sols.

De fortes suspicions de toxicité, alliées à cette persistance, l'ont fait interdire dans de nombreux pays (dès 1976 aux États-Unis). Les conséquences de son utilisation inconsidérée aux Antilles françaises dans les années 1980 ont fait la une des médias français en septembre 2007.

Sommaire

Toxicité

L'AFSSA[6] rapporte que des ouvriers exposés de manière chronique à ce produit (dont par contact) dans une usine en produisant aux États-Unis, ont été victimes de problèmes neurologiques (irritabilité, tremblements, troubles de la vision, céphalées). Des effets toxiques sur le foie ont été observés, ainsi qu'une action de délétion de la spermatogenèse.
Une néphrotoxicité (atteinte rénale) et une délétion de la spermatogenèse ont été observées en laboratoires chez l'animal. Le chlordécone s'est par ailleurs révélé cancérogène chez l’animal (tumeurs du foie). C'est ce qui a motivé le Centre international de recherche contre le cancer à classer le chlordécone comme « cancérogène possible » pour l’homme.

Effets synergiques

Des études[7] indiquent que le chlordécone amplifie gravement (67 fois) les effets toxiques (hépatiques) des composées comme le tétrachlorure de carbone, le chloroforme et le dichlorométhane.

Pollution aux Antilles françaises

Interdit dès 1976 aux États-Unis, le chlordécone n'a été interdit qu'en 1990 pour la France métropolitaine. Il a été utilisé comme insecticide, notamment contre le charançon du bananier dans les Antilles françaises en Guadeloupe et Martinique) où il n'a été interdit qu'en 1993. Des sols de cultures bananières, contaminés avant d'avoir été rendu à la culture vivrière, sont à l'origine de pollutions graves de nappe, d'aliments animaux et végétaux[6].

Le chlordécone est responsables de séquelles importantes de pollution, suite à son utilisation dans les bananeraies, notamment à la Guadeloupe et à la Martinique

De forts indices de pollutions et des preuves locales de contamination des écosystèmes ou des aliments ont été cités de manière récurrente depuis la fin des années 1970, notamment par les rapports suivants :

  • le rapport Snégaroff (INRA, 1977);
  • le rapport Kermarec, 1979-1980;
  • une étude de l’estuaire du Grand Carbet (UNESCO, 1993);
  • le rapport Balland-Mestres-Faget, mission d’inspection diligentée par les ministères de l’environnement et de l’agriculture (1998);
  • le rapport Bonan-Prime[8] (IGAS-IGE, rendu le 5 juillet 2001 à Mme Dominique Voynet, Ministre de l’environnement, et à Mme Dominique Gillot, Secrétaire d’état à la Santé), faisant en 86 pages un nouvel état de pollution de l'eau et des sols, après une mission sur le terrain (12-17 mars 2001), qui note que « malgré la crise aigüe du printemps 2000, force est de constater que le plan d'amélioration des pratiques agricoles n'est pas véritablement lancé, ce qui est difficilement admissible compte tenu des enjeux.. » (page 3);
  • éléments d'état des lieux collectés pour le SDAGE et les travaux de la MISE (Mission interservice de l'Eau), mais sans moyens d'analyse de pesticides sur place;
  • en octobre 2002, 1,5 tonnes de patates douces importées de la Martinique sont saisies sur le port de Dunkerque, en raison d'une forte teneur en chlordécone, par la DGCCRF;
  • les travaux du Comité national de l’eau (2003);
  • le rapport d'Eric Godard, ingénieur du génie sanitaire à la Direction de la Santé et du Développement social de la Martinique (Forum international environnement santé, mars 2003);
  • mission d’information parlementaire en Martinique et Guadeloupe (début 2005). Elle produit mi-juillet 2005 un rapport qui confirme que le chlordécone pose problème dans ces régions.

Des pistes d'action ont été dessinées, notamment par  :

  • l'installation progressive en 2001 et 2002 de systèmes d'adsorption de pesticides sur charbon actif pour le réseau d'eau potable et meilleure interconnexion (l'eau vient essentiellement de Basse Terre, d'une nappe contaminée, et en saison sèche, l'eau manque);
  • l'installation de matériel de dosage de pesticides dans l'eau, à l'Institut Pasteur de Guadeloupe;
  • un plan d’action, écrit par le Groupe régional phytosanitaire de Martinique, associant les utilisateurs de produits (Grephy, Novembre 2002);
  • la recherche de plantes sélectionnées pour leur résistance aux insectes et non plus uniquement pour leur productivité;
  • la recherche sur la lutte intégrée (ex : des champignons microscopique du genre beauveria (Beauveria bassania) peuvent lutter contre le charançon du bananier, mais à utiliser avec précaution en raison du risque qu'ils s'attaquent à des espèces non-cibles (les risques d'invasion biologique à partir d'espèces volontairement ou involontairement introduites semblent beaucoup plus élevés dans les îles que sur les continents).

Types de pollutions

Il s'agit surtout de pollutions concernant l'eau et les sols qui ont secondairement contaminés certains aliments (légumes, poissons). En effet le chlordécone est très stable à l'abri de l'air et de la lumière mais, heureusement, se décompose très rapidement dans les aérosols.

Depuis 1973, dans les Antilles françaises, son utilisation était destinée à protéger les bananeraies d'un charançon. Son autorisation à la vente avait été retirée en 1990 par le gouvernement français, mais une dérogation[9] en permettra l'usage jusqu'en 1993, suite à la demande pressante des producteurs de banane, relayée par le député de la Martinique, Guy Lordinot. Son usage se poursuivra en réalité jusqu'aux années 2005-2007.

Son utilisation a pollué l'ensemble de l'écosystème antillais et se retrouve à des concentrations supérieures à 100 fois la norme, notamment dans les eaux et les sols. Traité localement depuis 2001[10],[11], ce scandale est resté sans écho en France métropolitaine jusqu'à la création de la commission qui a abouti au rapport parlementaire de 2005 suite à l'action du député de la Martinique, Philippe Edmond-Mariette [12] à l'Assemblée nationale française.

Selon le BRGM du fait des 1 250 tonnes de chlordécone épandues avant que l'usage ne soit définitivement interdit (1993) la pollution ne devrait disparaître que dans 7 000 ans[13].

Des études pour mieux cerner le risque et le danger

Des analyses faites chez des hommes et des femmes enceintes par l'étude HIBISCUS de l’INSERM et une étude sur la fertilité masculine en Guadeloupe, montrent des taux moindres que ceux mesurés chez les ouvriers américains cités ci-dessus, mais on manque de données sur les effets d'une exposition chronique à de faibles doses, ce qui entretient un doute sur le risque encouru par les habitants des zones polluées, cette molécule très rémanente étant encore trouvée dans l'eau et l'alimentation, surtout dans les légumes-racines (patate douce, chou caraïbe (malanga), dachine (madère), igname, carotte, etc…, et à plus faible concentration dans les fruits/légumes poussant près du sol (cucurbitacées tels que concombre, melon, pastèque, giraumon, etc…).

Une bioconcentration dans la viande et le poisson, via la chaîne alimentaire est plausible (c'est un phénomène connu et courant pour d'autres pesticides rémanents, organochlorés notamment), mais non documentée pour le chlordécone aux Antilles.

Une centaine d’échantillons de lait maternel a fait l'objet d'analyses : 40% des échantillons (analysés selon les standards OMS d'évaluation de l’exposition du nourrisson aux polluants organiques via l'allaitement) contenaient du chlordécone, mais à des taux inférieurs selon l'AFSSA, à la limite tolérable d'exposition pour le nourrisson.

(Cette « limite » citée par l'AFSSA n'étant par ailleurs pas encore consensuelle, l'une étant de 0,5 microgrammes/kg en poids corporel et par jour ; en cas d’exposition chronique (elle est basée sur les effets du chlordécone sur le rein observés chez le rat). Mais une autre limite proposée est de 10 microgrammes/kg p.c/jour pour l’exposition aiguë, ce seuil étant basé sur les effets étudiés sur le système nerveux du jeune rat.

En Guadeloupe, une étude « cas – témoin », est conduite par l’INSERM (Étude « Karuprostate ») visant à rechercher les causes des cancer de la prostate (dont le chlordécone le cas échéant) dans la population antillaise.

En Guadeloupe toujours, une autre étude ; de cohorte mère – enfant (Étude TIMOUN) est en cours par l’INSERM pour évaluer les effets d'expositions in utero ou du bébé au chlordécone sur le développement de l’enfant

L’AFSSA mènera en Guadeloupe à l'automne 2007 une étude sur l'exposition au chlordécone des nourrissons et jeunes enfants par l'alimentation, pour éclairer les études de cohorte TIMOUN (INSERM).

En 2005 et 2007, des enquêtes dites « RESO » ont été faite en Martinique et Guadeloupe, par la Cire Antilles-Guyane, l’AFSSA et la Direction de la Santé et du Développement Social de Guadeloupe, dosant notamment les taux de chlordécone dans 1600 échantillons d’aliments commercialisés dans les Antilles françaises, afin de mieux évaluer l'exposition moyenne des consommateurs.

Au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), la sénatrice Catherine Procaccia (UMP, Val-de-Marne) et le député Jean-Yves Le Déaut (PS, Meurthe-et-Moselle) ont présenté le mercredi 24 juin 2009 un rapport dans lequel ils retracent, pour la première fois, le parcours du « chlordécone perdue ». Ils y soulignent certains manquements dans les études antérieures, notamment l'absence de connaissance sur la contamination des eaux fluviales et souterraines dont la cartographie « avance trop lentement » et l'impact dans les milieux marins, et ils incitent à multiplier les analyses toxicologiques sur les produits de la mer, très consommés aux Antilles[14].

Aliments à risque

S'agissant des Antilles, il existe deux types de risque « chlordécone » ;

  1. aliments très contaminés (ex : légumes racines et les produits de la pêche) mais éventuellement peu consommés ;
  2. aliments faiblement contaminés, mais très consommés (ex : concombre, bananes tinain et fruit, fruits type corossol).

L'AFSSA estime, en septembre 2007, qu'il faut considérer comme à risque le madère, la patate douce, l’igname, la carotte, le chou caraïbe (malanga),les produits de la mer, la banane (tinain et fruit), le concombre et les fruits type « corossol ».

Le risque d'exposition aigüe est maximal avec ;

Melon, tomate et viande blanche de poulet, précédemment cités comme étant des contributeurs importants, ne le seraient pas, selon les analyses disponibles à cette date.

Les arrêtés d’interdiction de la pêche sont à respecter en Martinique et en Guadeloupe, rappelle l'AFSSA, de même qu'il faut en zone contaminée éviter de consommer les légumes racines du jardin plus de 2 fois par semaine.

Une difficulté est que d'autres pesticides -encore mal suivis et mesurés- ont été très utilisés sur les cultures intensives aux Antilles françaises, dont certains pourraient agir en synergie avec le chlordécone. Ce dernier produit ne doit donc pas être « l'arbre qui cache la forêt » rappelait le Dr Belpomme dans son rapport de mi-septembre 2007, car ce sont, ajoutait-il, plus de cent pesticides différents qui auraient été déversés durant les dix dernières années, en Guadeloupe notamment. De plus le climat chaud et humide pourrait favoriser des transferts et des bioconcentrations différentes de ce qui a été plus ou moins étudié en Métropole et dans les pays riches.

Précautions

En zone à risque, un traitement de précaution des eaux (non traitées) destinées à la boisson et la cuisson des aliments, par filtration sur charbon actif régulièrement renouvelé, peut diminuer la toxicité dans une faible mesure .

Le lavage et l'épluchage des légumes y contribue aussi, mais pas complètement, loin s'en faut.

Règlementation européenne

Des teneurs maximales en chlordécone dans les produits végétaux et animaux ont été fixées par le règlement 396/2005 modifié. Ces teneurs sont consultables sur le site de la Sanco

http://ec.europa.eu/sanco_pesticides/public/index.cfm

Liens externes

Références

  1. a , b  et c CHLORDECONE, fiche de sécurité du Programme International sur la Sécurité des Substances Chimiques, consultée le 9 mai 2009
  2. ESIS. Consulté le 3 février 2009
  3. IARC Working Group on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans, « Evaluations Globales de la Cancérogénicité pour l'Homme, Groupe 2B : Peut-être cancérogènes pour l'homme » sur http://monographs.iarc.fr, 16 janvier 2009, CIRC. Consulté le 22 août 2009
  4. Numéro index 606-019-00-6 dans le tableau 3.1 de l'annexe VI du règlement CE N° 1272/2008 (16 décembre 2008)
  5. (en) Summary profiles of chemicals... sur le site Environnement de la Communauté européenne
  6. a  et b Note AFSSA(Le chlordécone en Martinique et Guadeloupe, Questions/Réponses, Sept 2007)
  7. (en) Mechanism of the lethal interaction of chlordecone and CCl4 at non-toxic doses
  8. Le rapport sur la présence de pesticides dans les eaux de consommation humaine en Guadeloupe (par le Dr Henri Bonan, Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et Jean-Louis Prime, Inspection générale de l'environnement (IGE)
  9. dérogation du ministre de l'agriculture de l'époque, Henri Nallet,Rapport parlementaire du 30 juin 2005 sur les effets du chlordécone
  10. [pdf] Rapport sur la présence de pesticides dans les eaux de consommation humaine en Guadeloupe
  11. Contamination aux Antilles ...+annexes et rapport - Ministère de l'écologie
  12. Proposition de résolution n° 1288 du 12 décembre 2003
  13. Article de Renaud Lecadre dans Libération du jeudi 30 août 2007
  14. (fr)L'inquiétant parcours du "chlordécone perdu", article du quotidien Le Monde, daté du 24 juin 2009.
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