- Boite à bébé
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Tour d'abandon
Un tour d'abandon est un lieu où les mères peuvent laisser de manière anonyme leurs bébés, généralement nouveau-nés, pour qu'ils y soient trouvés et pris en charge. Ce genre d'arrangement était courant en Europe lors du Moyen Âge et dans les XVIIIe et XIXe siècles. Ils disparaissent vers la fin du XIXe siècle mais réaparaissent dans une forme plus moderne depuis 1996, particulièrement en Allemagne, où il y en a environ 80.
Dans les pays anglophones le tour d'abandon s'appelle baby hatch (« guichet pour bébé », anciennement foundling wheel, soit « roue de l'enfant trouvé »), dans les pays germanophones « Babyklappe » (« guichet pour bébé ») ou Babyfenster (« fenêtre pour bébé »), en Italie culle per la vita (« berceau pour la vie »), au Japon こうのとりのゆりかご (« berceau de la cigogne ») ou 赤ちゃんポスト (« boîte à bébé »).
Les tours d'abandon sont généralement dans les hôpitaux ou des centres sociaux, et consistent en une porte ou pan dans un mur extérieur qui s'ouvre sur un petit lit, chauffé ou au moins isolé. Quand un bébé y est mis, des détecteurs dans le lit alertent les personnes soignantes pour qu'elles viennent chercher le bébé et s'en occuper. En Allemagne les bébés sont soignés huit semaines, pendant lesquelles la mère peut retourner récupérer son enfant sans retombées légales. Dans le cas contraire, l'enfant est mis en adoption.
Sommaire
Histoire
Les tours d'abandon ont existé dans une forme ou autre depuis des centaines d'années. Le système était assez courant lors du Moyen Âge en Europe. En Italie on trouve les premiers ruote dei trovatelli (« roues pour enfants trouvés ») en 1198 ; le pape Innocent III déclare qu'ils doivent être installés dans les orphelinats pour que les femmes puissent y laisser leurs enfants et non les tuer. L'infanticide était alors clairement en évidence sur les rives du Tibre. Ces tours d'abandon consistaient en un cylindre mis debout sur l'extérieur d'un bâtiment, comme un tambour de porte. Les mères mettaient l'enfant dans le cylindre et tournaient celui-ci pour que l'enfant soit dans l'édifice (généralement une église), puis sonnaient une cloche pour que les personnes à l'intérieur en soient avertis. Un exemple de tour d'abandon datant de cette époque peut encore se voir à l'hôpital Santo Spirito du Vatican ; il y fut installé au Moyen Âge et utilisé jusqu'au XIXe siècle.
À Hambourg, en Allemagne, un marchand néerlandais installe un tour d'abandon (qu'il appelle « Drehladen »), dans un orphelinat en 1709. Il sera fermé cinq années plus tard, en 1714, parce que le nombre de bébés y abandonnés était trop élevé pour les ressources financières de l'orphelinat. D'autres tours d'abandon seront installés à Cassel (Hesse) (1764) et à Mayence (1811 sur l'ancien couvent de pauvres Clarisses).
En France les tours d'abandon sont introduits par saint Vincent de Paul, qui fera construire le premier à Paris en 1638. Ils seront officiellement légalisés lors d'un décret impérial le 19 janvier 1811, et à leur apogée ils étaient au nombre de 251 dans toute la France[1]. On en trouvait dans les hôpitaux, dont l'Hôpital des Enfants-Trouvés de Paris, aujourd'hui disparu. Toutefois, le nombre d'enfants y abandonnés s'élevant aux dizaines de milliers par année dû à la situation économique difficile, les tours d'abandon furent fermés en 1863 et remplacées par des « bureaux d'admission » où les mères pouvaient laisser leurs enfants de manière anonyme mais étaient également conseillées. Les tours d'abandon furent officiellement abolis dans la loi du 27 juin 1904. Aujourd'hui les femmes peuvent accoucher anonymement dans les hôpitaux et y laisser leurs bébés (« accouchement sous X »).
Au Brésil et au Portugal les « rodas dos expostos » (littéralement « roues pour les exposés ») seront utilisés depuis le décret de la reine Marie Ire, le 24 mai 1783, où elle commande la création d'un orphelinat par commune. Un exemple en est le tour d'abandon de l'hôpital Santa Casa de Misericordia de São Paulo, installé le 2 juillet 1825 et fermé le 5 juin 1949 quand les tours d'abandon sont déclarées incompatibles avec le système social moderne, après un débat durant cinq années[2].
Au Royaume-Uni et en Irlande les enfants abandonnés sont élevés dans les orphelinats financés par le Poor Tax. Il y avait également des maisons d'enfants abandonnés à Londres et Dublin. Le Dublin Foundling Hospital and Workhouse installera un tour d'abandon en 1730[3]. La tour d'abandon de Dublin sera fermée en 1826 avec l'hôpital dû taux élevé de morts parmi les enfants y laissés.
Le premier tour d'abandon moderne verra le jour dans le district d'Altona de Hambourg le 11 avril 2000 après une série de cas où des bébés abandonnés furent trouvés morts d'hypothermie en 1999. Elle consista en un lit chaud où le bébé pouvait être placé depuis l'extérieur de l'édifice. Après un court délai pour laisser partir anonymement la personne l'y ayant laissé, une alarme silencieuse serait déclenchée pour avertir les employés. En 2005, 22 bébés furent laissés dans les tours d'abandon de Hambourg, dont sept qui seront finalement récupérés par leurs mères.
Raisons pour son utilisation
Une des raisons les plus courantes pour l'abandon des bébés dans le passé est le fait qu'ils soient conçus hors mariage. Aujourd'hui les tours d'abandon sont le plus souvent utilisés par des mères ne pouvant pas prendre en charge l'enfant et ne souhaitant pas dévoiler leur identité. Dans certains pays, dont l'Allemagne, il n'est pas permis aux mères d'accoucher anonymement dans un hôpital ; les Babyklappe ou Babyfenster sont donc les seuls endroits où elles peuvent laisser leur enfant pour que d'autres le soignent. En Inde les tours d'abandon sont une alternative à l'infanticide ou foéticide des enfants filles dû à des facteurs socio-économiques.
Aspects légaux
Il y a certains problèmes légaux avec les tours d'abandon, liés au droit des enfants de connaître leur propre identité, comme garanti dans l'article VIII de la Convention internationale des droits de l'enfant. Les tours d'abandon privent également le père de connaître le sort de son enfant.
En Autriche la loi voit les bébés trouvés dans les tours d'abandon comme enfants abandonnés. Les services sociaux locaux pour les enfants et jeunes (« Jugendwohlfahrt ») prend en charge l'enfant pendant les six premiers mois, suite à quoi il est mis en adoption. Les femmes n'ont pas le droit d'accoucher anonymement.
Dans la République tchèque le Ministère d'affaires sociales confirme en 2006 que les tours d'abandon sont légaux aux yeux de la loi tchèque. Contredisant cette déclaration, en mars 2006 la colonel Anna Piskova, policière, dira à la télévision tchèque que la police chercherait les mères d'enfants abandonnés. Le chef de Statim, l'organisation chargée des tours d'abandon, Ludvik Hess, s'en plaindra et obtiendra l'appui de Save the Children.
En France le régime de Vichy adopte, le 2 septembre 1941, le decret législatif pour la protection des naissances, permettant l'accouchement anonyme. Cette loi, modifiée depuis, sera à l'origine du droit moderne à l'accouchement anonyme (accouchement sous X), comme souligné par le Code d'action sociale et des familles (art. 222-6). Il couvre les enfants jusqu'à l'âge d'un an. En 2003 la Cour européenne des droits de l'homme soutiendra cette loi[4], déclarant qu'elle ne viole pas la Convention européenne des droits de l'homme.
En Allemagne le système de Babyklappe est à la limite du légal ; normalement une mère qui abandonne son enfant commet un crime. Toutefois, sous les lois sociales allemandes les parents sont autorisés de laisser leur enfant à charge d'une troisième partie jusqu'à huit semaines, par exemple s'ils doivent rester à l'hôpital. Passé le délai de ces huit semaines, un employé du bureau du bien-être de l'enfant doit être appelé. La loi allemande considère les bébés laissés dans les Babyklappe comme laissés à charge d'une troisième partie. Cette lacune dans la loi est extrêmement controversée du fait qu'on a trouvé abandonnés des bébés handicapés ou de plus de trois mois d'âge. Plusieurs essais ont été faits pour éclaircir la base légale pour les Babyklappe et pour la prise en charge des bébés y laissés, mais la situation est encore assez mal régulée.
Au Japon l'abandon d'un bébé est normalement puni avec jusqu'à cinq ans de prison. En 2006 l'Hôpital Jikei fit une demande auprès de la préfecture de Kumamoto et de la ville de Kumamoto ainsi que d'autres autorités pour ouvrir un tour d'abandon. On lui dit que cela ne compterait pas comme un abandon puisque le bébé serait sous la protection de l'hôpital. Toutefois, le ministère japonais de la santé ne fera pas de déclaration dessus, à part pour dire qu'il n'y avait aucun précédent.
Dans le Royaume-Uni il n'y a pas de tours d'abandon puisque ceux-ci son illégaux : la loi déclare toute mère abandonnant son enfant de moins de deux ans criminelle et la condamne à cinq ans de prison. En pratique, ces poursuites sont extrêmement rares et n'auraient lieu que si les circonstances prouvaient une réelle intention maligne, i.e. l'abandon devait se solder par la mort de l'enfant. Une mère souhaitant faire adopter son enfant peut ce faire, mais uniquement après un cours d'orientation intensif ayant pour but s'assurer qu'elle veut vraiment renoncer à l'enfant.
Situation internationale
- Afrique du Sud : L'ONG Door of Hope construit « un trou dans le mur » en août 2000 à la Mission Church de Johannesburg. En juin 2004 on comptait 30 bébés y abandonnés[5].
- Allemagne : Le premier Babyklappe moderne sera installé en 2000 ; en 2005 il y en avait 80 dans tout le pays[6].
- Autriche : Six communes possèdent des Babyklappe.
- Belgique : L'association Moeder voor Moeder (« Mères pour mères ») installe le premier babyschuif dans le district de Borgerhout d'Anvers en 2000. Il est communément appelé « Moeder Mozes Mandje », ou « Panier de Moïse des mères ». Aucun enfant n'y sera laissé dans les premières années de son existence avant d'accueillir un bébé de 5 jours en 2007 et un autre de 2 jours en juillet 2009[7].
- République tchèque : La première tour d'abandon est installée à Prague en 2002 par Babybox - Statim[8]. En mars 2006 on y avait vu passer trois enfants.
- États-Unis : Les tours d'abandon n'existent pas, mais 47 États ont introduit les safe haven laws, commençant par Texas le 1er septembre 1999. Ces lois permettent aux parents d'abandonner légalement leur nouveau-né (de moins de 72 heures) anonymement dans certains endroits appelés « safe havens » (« refuges »), dont les hôpitaux et les casernes de pompiers. Cette loi a un nom différent selon l'État, dont en Californie, où il est appelé Safely Surrendered Baby Law[9].
- Hongrie : Il y en a environ douze, généralement dans les hôpitaux, la première étant ouverte en 1996 dans l'hôpital Schopf-Merei Agost de Budapest.
- Inde : Dans l'état de Tamil Nadu on en installa un en 1994, sur les ordres du ministre J. Jayalalithaa, pour éviter l'infanticide des petites filles. Ces bébés sont appelés Thottil Kuzhanthai (« bébés berceaux »), et sont pris en charge par le gouvernement et garantis une éducation gratuite.
- Italie : Il y en a environ huit. En décembre 2006 on en installa un au Policlinico Casilino de Rome ; en février 2007 elle reçoit son premier enfant abandonné. Il y a également un projet d'en installer un à l'hôpital Santo Spirito du Vatican, qui abritait autrefois l'un des premiers culle per la vita.
- Japon : Un こうのとりのゆりかご (« berceau de la cigogne ») à l'hôpital Jikei de la préfecture de Kumamoto, pour essayer de réduire le nombre de bébés abandonnés et les avortements.
- Pays-Bas : En 2003 le projet d'ouverture d'un « babyluik » à Amsterdam sera annulé après de vives protestations. La ministre de la santé, Clémence Ross, suggère que les tours d'abandon soient illégales.
- Pakistan : La Edhi Foundation gère environ 250 centres offrant un service de jhoola. Le jhoola est un berceau suspendu en métal blanc avec matelas où le bébé peut être déposé, à l'extérieur du centre. Une cloche peut être sonnée pour avertir les employés, qui vont voir le jhoola toutes les heures.
- Philippines : Le Hospicio de San José de Manille, fondé en 1810 et géré par les Filles de la Charité, possède un « berceau tournant » marqué d'un panneau disant « Bébés abandonnés reçus ici ».
- Suisse : Un tour d'abandon est installé à l'hôpital d'Einsiedeln le 9 mai 2001.
Annexes
Notes et références
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article en anglais intitulé « Baby hatch ».
- ↑ Selon Anne Martin-Fugier, écrivaine.
- ↑ Un film à ce sujet, Roda Dos Expostos, réalisé par Maria Emília de Azevedo, gagnera le prix de meilleure photographie au Festival de Gramado en 2001.
- ↑ (en) Minute Book of the Court of Governors : « Hu (Boulter) Armach, Primate of All-Ireland, being in the chair, ordered that a turning-wheel, or conveniency for taking in children, be provided near the gate of the workhouse; that at any time, by day or by night, a child may be layd in it, to be taken in by the officers of the said house. »
- ↑ (en) Case of Odièvre v. France ; 13 février 2003
- ↑ (en) Door of Hope
- ↑ (de) Liste des Babyklappe en Allemagne
- ↑ Un nourrisson abandonné dans une boite à bébé à Anvers sur tempsreel.nouvelobs.com, 2007, Nouvel Observateur. Consulté le 19 juillet 2007
- ↑ (cs) Babybox Statim
- ↑ (en) County of Los Angeles: Safely Surrendered Baby Law
- (en) « Tour d'abandon », dans Encyclopædia Britannica, 1911 [détail de l’édition] [lire en ligne]
- (de) Meyers Konversations-Lexikon, 1888
Liens externes
- (en) Germany Still Divided over the Idea of Baby Hatches ; Deutsche Welle ; 21 décembre 2002
- (en) Richard Owen ; Hospital to bring back abandoned baby wheel ; The Times ; 7 septembre 2005
- (de) Site officiel d'un producteur de Babyklappe
- (fr) L'évolution des modes d'abandon ; Histoire et Patrimoine des hôpitaux de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris
- (en) Cradles plan for unwanted girls ; BBC News ; 18 février 2007
- (en) Articles sur les こうのとりのゆりかご
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