Mythes ou falsifications historiques

Mythes ou falsifications historiques

La mémoire collective d'un peuple fonde son identité. Les conflits et crises successifs forgent les contours et le destin d'une nation. Qu'ils soient magnifiés, sublimés et la fierté nationale, le sentiment d'appartenance n'en seront que renforcés…

C'est ainsi que le traitement des faits historiques par les chroniqueurs d'époque est souvent arrangé dans un sens flatteur. De vrais mensonges peuvent servir de prétexte. Enfin les faits sont souvent embellis par des mythographes en mal de sensationnel.

Cette page présente les principaux mythes ou falsifications de l'histoire.

Sommaire

Les ancêtres gaulois des français

La Gaule et ses peuples d'après César

Les manuels d'histoire de France ont longtemps fait référence à « Nos ancêtres les Gaulois ».

Cette assertion fait sourire dans les Antilles et pour les Français d'origine non européenne en général ; mais elle est également abusive pour la protohistoire de la France métropolitaine : Jules César distinguait clairement les Aquitains (Aquitani) des Celtes (Celtae) et autres Belges (Belgae)[1] ; les mêmes réserves prévalent du Roussillon ibère à la Provence des Ligures[2]… Pourtant la République, plutôt que de cultiver ses valeurs propres et comme si elle était en mal d'un fondement ethnique univoque, se construisit avec les gaulois le mythe d'un ancêtre commun aux français. On peut aussi y voir un moyen de se démarquer de la monarchie et de la noblesse, d'origine germanique, par l'affirmation d'une antériorité du peuple, et ainsi de sa légitimité historique[3].

Il ne faut toutefois pas oublier que le peuplement du pays remonte à 35 000 ans[4] alors que les Gaulois (civilisation de la Tène), ne sont qu'une ne contribution à ce peuplement. Ce peuple guerrier n'a envahi la Gaule (entre France et Italie) que quatre siècles avant les Romains, mêlant inévitablement son sang à celui des villageois d'alors. Il a d'ailleurs préparé la romanisation du pays tant les langues gauloise et latine, toutes deux italo-celtiques, étaient voisines.

C'est un travers courant que de vouloir expliquer des phénomènes anciens par des évènements récents du seul fait qu'on sait en parler. C'est ainsi que les Gaulois permettent de donner un nom et un visage familier aux prédécesseurs des français sans avoir à se perdre dans les profondeurs vertigineuses du Néolithique puis du Paléolithique ; ceci renverrait inévitablement à l'homme de Cro-Magnon[5], auquel il est moins confortable de s'identifier. De ce fait, beaucoup d'abus sont constatés : certains n'hésitent pas à assimiler le mégalithisme aux Celtes (d'où le personnage d'Obélix en livreur de menhirs), les mots français ou toponymes prélatins sont facilement qualifiés de « gaulois » alors que beaucoup d'entre eux sont en fait antérieurs aux Gaulois ou même aux Indo-Européens, etc.

Jules Michelet n'avait pas une fière idée de nos prédécesseurs protohistoriques : « Le caractère commun de toute la race[6] gallique, dit Strabon d'après le philosophe Posidonius, c'est qu'elle est irritable et folle de guerre, prompte au combat ; du reste, simple et sans malignité. Si on les irrite, ils marchent ensemble droit à l'ennemi, et l'attaquent de front sans s'occuper d'autre chose. Aussi, par la ruse, on en vient aisément à bout (…) Une autre race, celle des Ibères, paraît de bonne heure dans le midi de la Gaule à côté des Galls, et même avant eux. (…) Ces Ibères, dont le type et la langue se sont conservés dans les montagnes Basques étaient un peuple d'un génie médiocre, laborieux, agriculteur, mineur, attaché à la terre, pour en tirer les métaux et le blé. »[7] Ces préjugés de valeur sont communs, de la part de lettrés à l'égard de peuples de tradition orale, non retranscrite, dont on présume que faute d'écrits, ils étaient démunis de « génie », « culture » ou « civilisation » ; des traits que Michelet réservait aux Phéniciens, Grecs et Romains.

Vercingétorix

Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César, de Lionel Royer, 1899, Musée Crozatier du Puy-en-Velay

Vercingétorix est un chef arverne qui s'est fait connaître en tentant de lever une armée gauloise contre l'occupant romain. En 52 av. J.-C., il repousse les assauts romains contre une butte stratégique à Gergovie. Mais le siège d'Alésia le contraint vite à se rendre. Le prisonnier fut exhibé à Rome lors du triomphe de César en 46 av. J.-C. et aussitôt exécuté. L'évènement tomba dans l'oubli... jusqu'à un formidable come-back ébauché dans les années 1820 mais prenant toute son ampleur après la défaite de Sedan.

La IIIème République française avait besoin d'un héros gaulois (cf. ci-dessus), fut-il vaincu. C'est ainsi que de nombreuses œuvres vont s'évertuer à magnifier la reddition du chef de guerre arverne. La célèbre toile de Lionel Royer Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César le présente tête haute, dominant, du haut de son noble destrier, un César incrédule et admiratif.

Le seul témoin oculaire écrit laconiquement : « Vercingétorix lui est livré ; les armes sont jetées devant lui »[8].
Déjà un siècle plus tard Plutarque théâtralise la scène : « Vercingétorix prit ses plus belles armes, para son cheval et franchit ainsi les portes de la ville. Il vint caracoler autour de César qui était assis, puis, sautant à bas de sa monture, il jeta toutes ses armes et s'assit lui-même aux pieds de César, où il ne bougea plus. »

Voilà comment on fit naître de la déroute gauloise, un véritable héros fauché en pleine gloire.

Jules Michelet lui-même prendra cette version pour argent comptant : « Le vercingétorix conservant seul une âme ferme au milieu du désespoir des siens, se résigna et se livra comme l'auteur de toute la guerre. Il monta sur son cheval de bataille, revêtu de sa plus riche armure, et, après avoir tourné en cercle autour du tribunal de César, il jeta son épée, son javelot et son casque aux pieds du Romain, sans dire un seul mot. »[7]

La donation de Constantin

La donation de Constantin (Constitutum Constantini) est un document produit par le pape Adrien Ier au futur Charlemagne en 774 selon lequel le premier empereur chrétien Constantin aurait cédé le 30 mars 307 au pape Sylvestre Ier la souveraineté sur toute la partie occidentale de l'Empire romain. Le pape était donc autorisé à porter les insignes impériaux.

Ce texte était un faux dénoncé dès 1001 par Otton III. Il permit au pape de défendre son pouvoir temporel notamment face au nouvel empereur d'Occident couronné à Rome à la Noël 800. Il fut aussi invoqué lors du grand schisme de 1054 et permit la destitution de Frédéric II de Hohenstaufen par Innocent IV en 1245[9].

La bataille de Roncevaux

La mort de Roland

Roland (Hruotland), soi-disant neveu de Charlemagne, trouva la mort à Roncevaux en combattant les Sarrasins de son indestructible épée Durandal, trahi par son beau-père Ganelon (Wenilo). Voilà ce qu'enseigne la chanson de Roland, le plus célèbre récit médiéval. Mais cette légende n'était que l'habillage complaisant d'un fait de guerre bien moins glorieux.

Le futur Charlemagne envoya son armée prêter main forte au wāli de Saragosse dont il voulait se faire un allié. Mais quand elle se présente, l'armée franque trouva les portes de la ville closes. De dépit, l'aile occidentale conduite par le roi, rasa les défenses de la ville navarraise de Pampelune, qui avait pourtant résisté à la pression musulmane[10]. Les fiers basques n'allaient pas laisser l'affront impuni. Ils se regroupèrent dans la montagne et tirant profit de la topologie, ils décimèrent le 15 août 778 l'arrière garde de l'armée, lourdement armée, alors qu'elle gravissait péniblement une vallée encaissée. Hruotland, comte des Marches de Bretagne[11], y trouva la mort ainsi que le sénéchal Eginhard ("Eggihard") et le comte du palais Anselme.

Voilà comment un revers diplomatique suivi d'une défaite honteuse est retourné en affrontement héroïque avec l'ennemi et que l'obscur Roland est érigé en martyr national.

Jeanne d'Arc

S'il est un personnage emblématique de l'histoire de France, c'est bien Jeanne d'Arc, cette bergère de Lorraine, levée par commandement divin contre les anglo-bourguignons et qui périt au bûcher le 30 mai 1431.

Il n'est guère vraisemblable qu'une simple bergère montât des destriers et ait été promue capitaine d'armée par le roi Charles VII. D'après Colette Beaune, « ses parents [cultivateurs] forment l'élite économique et politique de Domrémy. »[12],[13].

Deux courants mythographiques se sont développés autour de son histoire :

  • les bâtardisants, exploitant les faiblesses de la version « officielle », ont émis l'hypothèse selon laquelle elle aurait été une « bâtarde » de sang noble ; le sous-préfet Pierre Caze l'imagine fille naturelle de Louis Ier d'Orléans ce qui n'est pas compatible avec sa naissance présumée en 1412.
  • les survivalistes, exploitent le témoignage de la dame des Armoises qui prétendait être Jeanne-d'Arc, pour soutenir qu'on lui aurait épargné le bûcher.

Les déséquilibrés

L'assassinat d'Henri IV, rue de la Ferronnerie à Paris

Le 14 mai 1610, le roi Henri IV de France, connu pour sa tolérance religieuse, est assassiné par Ravaillac, un fanatique catholique. L'enquête conclut vite à l'acte isolé d'un déséquilibré.

Pourtant, des éléments d'enquête laissent penser que Ravaillac n'était pas seul sur place, que l'attentat a été organisé. Il aurait été commandité depuis les Flandres par Albert de Habsbourg, souverain des Pays-Bas espagnols, qu'Henri IV allait traverser pour faire le siège de Juliers[14]. Mais on préféra étouffer l'affaire.

Les armes de destruction massive irakiennes

Une des principales falsifications historiques récentes est l'affirmation selon laquelle le régime irakien (qui a déjà utilisé des armes chimiques contre sa propre population) développait des armes de destruction massive. Cette thèse n'était à l'évidence qu'un prétexte pour justifier la guerre d'Irak.

Notes et références

  1. Jules César, De Bello Gallico.
  2. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bspf_0249-7638_1993_num_90_6_10470 D. Garcia Entre Ibères et Ligures. Lodévois et moyenne vallée de l'Hérault protohistoriques. 1993.
  3. Christian Goudineau Le dossier Vercingétorix. 2001
  4. J.-P. Bocquet-Apple Démographie du paléolithique supérieur en Europe.
  5. Mathias Currat Effet des expansions des populations humaines en Europe sur leur diversité génétique. 2004.
  6. ce terme impropre s'utilisait en son temps dans le sens d'ethnie.
  7. a et b Jules Michelet, Histoire de France, 1841.
  8. Jules César, Commentaires sur la Guerre des Gaules.
  9. Pierre Cosme, La donation de Constantin, Faux et usage de faux, Marianne n° 661-662, 19 décembre 2009.
  10. La légende de Roland. thèse d'Aline Soulis-Laradji, 2008, Montpellier 3 p 27.
  11. Passage extrait de la Vita Karoli Magni qui parle de Roland, préfet des Marches de Bretagne (Hruodlandus Brittannici limitis praefectus)
  12. L'Express n° 3051-3052 du 24 décembre 2009.
  13. Colette Beaune, Jeanne d'Arc. Vérités et légendes. 2008. (ISBN 2262029512)
  14. Jean-Christian Petitfils, L'assassinat d'Henri IV, Mystères d'un crime. 2009. (ISBN 2262029873)

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