Invasions françaises au Portugal

Invasions françaises au Portugal
Page d'aide sur l'homonymie Cet article aborde plus particulièrement les événements concernant le Portugal durant la guerre péninsulaire

La Révolution française et l'avènement de Napoléon Bonaparte en France bouleversent l'histoire de l'Europe provoquant l'union des monarchies contre les idées nouvelles. Si le Portugal de Marie Ire tente au début de rester neutre afin de préserver ses affaires commerciales, sa vieille alliance avec l'Angleterre finira par le contraindre à prendre position dans le conflit opposant la France et l'Angleterre. En représailles, le pays va subir une série d'invasions entre 1801 et 1814, invasions qui vont avoir un impact considérable sur l'histoire du pays et de son empire.

Marie Ière du Portugal

Sommaire

Antécédents : la vieille alliance luso-anglaise

Les liens entre le Portugal et l'Angleterre sont très anciens.

Les premiers contacts diplomatiques entre les deux puissances sont noués en 1373. Une dizaine d'années plus tard, pendant la guerre luso-espagnole de 1383-1385, Jean Ier de Portugal, maître de l'ordre militaire d'Avis, signe une alliance offensive avec Richard II d'Angleterre. Des archers anglais prennent une part décisive dans la bataille d'Aljubarrota, menée contre la Castille (1385). Suite à ce conflit, le roi du Portugal Jean Ier délaisse les traditionnelles alliances matrimoniales espagnoles pour épouser une aristocrate anglaise, Philippa de Lancastre (1360-1415), avec laquelle il fonde l'importante dynastie d'Avis. Un pacte d'assistance et d'entraide entre le Portugal et l'Angleterre est scellé en mai 1386, avec le traité de Windsor. Cette alliance militaire luso-anglaise constitue la plus ancienne alliance militaire au monde en vigueur à ce jour (elle a encore été réactivée tout au long du XXe siècle).

Pendant les 150 ans qui suivent, le Portugal s'élève au rang de première puissance maritime et militaire européenne d'envergure mondiale. Le pays est un modèle d'organisation et de continuité politique, et prend pied sur les cinq continents. Il a les moyens de son indépendance et de ses ambitions : les flottes et les armées portugaises dominent l'Atlantique Sud et l'océan Indien, battent les flottes égyptienne et turque à plusieurs reprises, interviennent contre l'avancée musulmane en Éthiopie et entreprennent la conquête des plus grandes cités-États d'Orient. Le Portugal dispose d'un vaste arsenal et de techniciens hautement qualifiés. Il produit et vend ses propres navires et ses propres armes, qu'il exporte aux quatre coins du globe. Les expéditions vers l'Orient, qui relèvent d'un monopole d’État, rapportent jusqu'à 800% de bénéfices[1]. L'allié anglais n'est jamais sollicité militairement.

L'alliance entre les deux pays n'est réactivée que dans la seconde moitié du XVIe siècle, suite à un problème interne qui dégénère en guerre contre la Castille. Lors de la crise de succession au trône du Portugal de 1580, le roi Antoine Ier entre en conflit avec Philippe II d'Espagne, qui prétend unifier les deux couronnes ibériques. Attaqué frontalement, et abandonné par une partie de sa noblesse, le souverain portugais doit se réfugier aux Açores. Pendant trois ans, il défie l'Espagne et parvient à tenir tête aux armadas envoyées le déloger. En 1583, avec l'envoie massif de troupes espagnoles, il doit quitter l'archipel. Il passe en France, puis il décide de s'exiler en Angleterre sur les conseils de René II de Rohan. Depuis les îles britanniques, il planifie son retour à Lisbonne avec l'aide des Anglais, en échange de privilèges commerciaux au Brésil, aux Açores, et d'une aide dans la lutte anglaise contre la Maison d'Autriche. En 1589, une flotte anglaise commandée par Francis Drake et John Norreys essaye, en vain, de remettre Antoine Ier sur son trône. Le souverain déchu parvient à débarquer à Peniche, mais le pays, occupé militairement est pacifié depuis une dizaine d'années. La population, effrayée, accueille son retour avec indifférence. La flotte commandée par Drake est frappée par la peste et doit se retirer. Et dom Antoine Ier se heurte à des très forts contingents espagnols à Lisbonne. L'expédition est un échec, et le corps d'armée inépendantiste finit par quitter le pays. Antoine Ier fait une dernière tentative de débarquement dans le sud du pays, au large du cap de São Vicente, puis il se retire définitivement en Angleterre, où il meurt désargenté en 1595.

Pendant l'Union des deux couronnes ibériques (1580-1640), le Portugal perd clairement sa place de première puissance maritime européenne au profit de sa vieil alliée. L'Angleterre, qui s'est dotée d'une flotte puissance, prend pied en Amérique, en Asie et en Afrique. Dans le même temps, l'Empire portugais, mal défendu par les souverains castillans, et attaqué de toutes parts, est sur le recul.

Lors de la Restauration de 1640, Jean IV de Portugal s'appuie sur la vieille alliance anglaise, qu'il réactive, pour lutter contre l'Espagne et les Pays-Bas. En 1661, afin de renforcer les liens entre les deux nations, la princesse portugaise Catherine de Bragance épouse le roi Charles II d'Angleterre. " Le contrat de mariage est approuvé par le Conseil d'État portugais le 18 août 1661. Un traité de paix est signé par lequel la ville de Tanger et l'île de Bombaim (dans les Indes orientales) passent aux mains des Anglais.[2] " En contrepartie, la flotte anglaise s'engage à porter secours aux comptoirs portugais des Indes, menacés par la VOC. Les Anglais reçoivent aussi des privilèges au Brésil, qu'ils on dès lors tout intérêt à maintenir sous dépendance portugaise.

En 1703, les deux pays signent un traité d'alliance et de commerce (le Traité de Methuen) qui renforce leurs liens militaires, financiers et commerciaux. Depuis, du fait de la détérioration des infrastructures maritimes portugaises, des investissements peu productifs de la Couronne, et malgré les mesures du marquis de Pombal, le Portugal est quasiment passé sous dépendance économique britannique. À partir du milieu du XVIIIe siècle, les intérêts économiques et géopolitiques des deux pays sont inextricablement liés.

Le Portugal et la Révolution française

Même si les idées de la révolution se sont répandues dans la société portugaise (on parle des "afrancesados" pour désigner ces partisans), on assiste très vite à une réaction de la monarchie pour lutter contre le danger qu'elles représentent (censure, persécution de français...). Le Portugal ne peut donc rester neutre dans le conflit qui va opposer l'Angleterre et la France. C'est tout naturellement qu'il rejoint la coalition anti-française.

L'union des monarchies de la première coalition contre la France révolutionnaire se manifeste notamment dans l'épisode de la Guerre du Roussillon (7 mars 1793-22 juillet 1795) durant lequel le Portugal se joint à l'Espagne et au Royaume-uni pour récupérer une partie de la Catalogne. Le Prince Régent portugais, le futur Jean VI de Portugal y envoie une division renforcée de 5400 hommes sous le commandement du lieutenant-général britannique John Forbes. L'échec de la coalition face aux Français se solde par la signature du Traité de Bâle dont les Portugais sont exclus. La France reste de fait en état de guerre avec le Portugal malgré les tentatives de négociations de ce dernier.

Dès lors, la France exerce des représailles contre les intérêts commerciaux portugais. Son but est de rompre l'alliance anglo-portugaise et ainsi fermer les ports portugais au commerce britannique. La pression sur le Portugal augmente surtout après sa participation à la destruction de l'Armada espagnole durant la bataille du cap Saint Vincent (1797) puis au blocage d'Alexandrie (Egypte) au côté des anglais (juillet 1798).

Des projets d'invasion sont envisagés. La France se rapproche d'abord de l'Espagne pour isoler le pays (Traité de San Ildefonso). Elle fait pression sur l'Espagne pour envahir son voisin. Les deux pays finissent par signer en secret un nouveau Traité de San Ildefonso (1800) à l'issue duquel l'Espagne déclare la guerre au Portugal.

La guerre des Oranges

Article détaillé : Guerre des Oranges.

Après un ultimatum lancé au Portugal avec le soutien français, l'Espagne envahit le Portugal: ce sera la Guerre des Oranges au terme de laquelle l'Espagne sort victorieuse. Elle tentera également de s'attaquer aux intérêts portugais au Brésil mais avec moins de succès.

Nouvel ultimatum

Jean VI de Portugal

Les relations entre la France et le Portugal semblent redevenir normales après la signature du Traité d'Amiens entre la France et l'Angleterre, cela malgré le comportement des ambassadeurs français successifs, Jean Lannes et Jean-Andoche Junot. Lannes tentera de créer un parti favorable aux idées françaises[3].

Les choses se compliquent à nouveau avec la rupture de ce traité et le blocus anglais des côtes françaises. La France exige à nouveau la fermeture des ports portugais aux anglais sous peine de représailles. Elle exige également la somme de 16 millions de francs sous peine d'envahir le pays. Le nouvel ambassadeur, Junot est chargé de veiller à l'application des exigences françaises (1805). Si le régent semble se soumettre, il fait tout son possible pour négocier sa peine et conserver son empire colonial, mettant en avant la ruine que provoquerait une rupture avec l'Angleterre et la famine qu'entraînerait la fin des importations du blé brésilien[4].

Napoléon répond au blocus maritime de la France (16 mai 1806) par le Décret de Berlin (21 novembre 1806) mettant le Portugal au pied du mur: soit il accepte, soit il est envahi et perd ses colonies. C'est alors que naît le projet pour la famille royale de se réfugier au Brésil.

En juillet 1807, le Traité de Tilsit ouvre un nouveau chapitre de la guerre européenne. En août, Napoléon concentre ses troupes à Bayonne afin d'envahir le Portugal. Comme en 1801, des représentants de la France et de l'Espagne sont chargés de faire pression sur Lisbonne remettant au prince-régent portugais, Jean VI, de nouvelles revendications:

  • la participation du Portugal au blocus continental que la France a décrété contre l'Angleterre.
  • la fermeture des ses ports à la navigation britannique.
  • que le Portugal déclare la guerre aux anglais.
  • la confiscation de leurs biens au Portugal.
  • l'emprisonnement de tous les ressortissants anglais.

Le 5 septembre 1807, le général Andoche Junot finalise déjà les préparatifs des troupes qui doivent envahir le Portugal, alors que celui-ci n'a pas encore donné sa réponse et que Napoléon tente d'obtenir l'autorisation de traverser le territoire espagnol. Il l'obtient le 27 octobre 1807 avec la signature du Traité de Fontainebleau. Ce traité contiendrait en outre un projet de répartition du territoire portugais en trois nouvelles unités politiques:

  • Lusitanie Septentrionale – territoire compris entre le Minho et le Douro- qui serait gouvernée par le souverain de l'ancien royaume d'Etrurie (Marie-Louise, fille de Charles IV d'Espagne) en échange de la Toscane rattachée à la France.
  • Algarve – région située au sud du Tage- qui serait gouvernée par Manuel de Godoy, le Prince de la paix comme on l'appelle, premier ministre de Charles IV, qui porterait alors le titre de roi.
  • Le reste du Portugal – territoire situé entre le Douro et le Tage, région stratégique par le nombre de ses ports- qui serait administré directement par la France en attendant[5].

Ne voulant laisser aucun doute à l'Espagne sur ses intentions à propos du traité de Fontainebleau, Napoléon ordonne l'invasion du Portugal, invasion qui n'est en réalité que le début de ce que l'on appellera la Guerre péninsulaire (1807–1814).

La première invasion napoléonienne

La deuxième invasion napoléonienne

Voir Prise de Chaves, bataille de Braga, Bataille de Porto et Seconde bataille de Porto

La troisième invasion napoléonienne

Les conséquences de ces invasions

  • Comme l'avouera Napoléon lui-même, ces guerres péninsulaires fragilisèrent terriblement la France en mobilisant jusqu'à 300 000 soldats et en mettant un frein à la politique expansionniste de l’empereur.
  • A contrario, l'Angleterre affirme son hégémonie. C'est sous le commandement du même Wellington que la Grande-Bretagne remportera la bataille de Waterloo.
  • En mettant fin au règne de Charles IV de Bourbon, Napoléon ouvre les portes qui vont conduire à l'indépendance de l'Amérique espagnole.
  • L'exil de la famille royale portugaise au Brésil a ouvert là aussi la voie à l'indépendance de l'Amérique portugaise: le Prince Régent décidant d'ouvrir les ports brésiliens aux nations amies, met fin au monopole portugais, favorisant une fois encore l'Angleterre.

La crise économique et institutionnelle qui mine le pays depuis le début de ces invasions s'aggrave encore avec la permanence de la cour portugaise au Brésil. La tentative de reprendre le contrôle du Brésil ne fera que précipiter la proclamation de son indépendance en 1822. Tout cela va donner du poids aux idées libérales et conduire à la Guerre civile portugaise. Malgré le retour du roi, l'opposition entre absolutistes et libéraux va largement retarder le développement du pays.

Références

  1. Espínola, Rodolfo. Vicente Pinzón e a descoberta do Brasil. Rio de Janeiro: Topbooks, 2001, p.234.
  2. http://fr.wikipedia.org/wiki/Catherine_de_Bragance
  3. Histoire du Portugal, François Labourdette, Fayard, p.481
  4. Histoire du Portugal, François Labourdette, Fayard, p.482
  5. Histoire du Portugal, François Labourdette, Fayard, p.483

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Invasions françaises au Portugal de Wikipédia en français (auteurs)

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