Affaire Elizabeth Canning

Affaire Elizabeth Canning
Portrait monochrome d'Elizabeth Canning en robe vers 1820.

Elizabeth Canning, née le 17 septembre 1734 et décédée en juin 1773, est une servante anglaise, qui fut au centre d'une affaire judiciaire qui compte parmi les plus célèbres débats criminels du XVIIIe siècle en Angleterre. Elle aurait été enlevée et retenue contre son gré dans un grenier à foin, avant de s'en échapper après environ un mois de captivité. Des personnes soupçonnées d'être ses agresseurs ont été jugées et reconnues coupables, mais ont ensuite été libérées à la lumière d'éléments nouveaux. Elizabeth Canning, qui a finalement été reconnue coupable de parjure, a été condamnée à la déportation pénale.

Canning disparaît le 1er janvier 1753 pendant presque un mois. Lorsqu'elle revient à la maison de sa mère, qui demeure dans la Cité de Londres, elle est amaigrie et dans un « état déplorable ». Après avoir été questionnée par des amis et des voisins, elle est interrogée par le conseiller municipal, qui émet alors un mandat d'arrestation contre Susannah Wells, la femme qui occupait la maison dans laquelle Elizabeth Canning était séquestrée. Elle se joint ensuite à un groupe de voisins et d'amis qui se dirigent vers la maison de Susannah Wells dans Enfield Wash, où elle identifie Mary Squires comme l'un de ses ravisseurs. Magistrat local et écrivain connu à l'époque, Henry Fielding s'implique dans l'affaire et prend parti pour Elizabeth Canning. D'autres arrestations sont effectuées et plusieurs dépositions enregistrées. Susannah Wells et Mary Squires sont déclarées coupables ; Mary Squires est inculpée de vol, crime passible de la peine de mort.

Le juge de première instance et lord-maire de Londres Crisp Gascoyne, mécontent du verdict, entame ses investigations. Gascoyne rencontre les témoins ayant déclaré que Mary Squires et sa famille n'avaient pas pu enlever Elizabeth Canning, et interroge plusieurs témoins à charge, dont certains se rétractent. Le lord-maire ordonne l'arrestation d'Elizabeth Canning, qui est alors jugée coupable de parjure. Mary Squires est relaxée, tandis qu'Elizabeth Canning est condamnée à un mois d'emprisonnement et à sept années de déportation pénale.

Le cas fait aussi s'opposer violemment deux groupes, les Canningites (« pro-Canning ») et les Egyptians (« pro-Squires »)[note 1]. Pendant et après le procès d'Elizabeth Canning, Crisp Gascoyne est injurié et agressé en pleine rue, tandis que les médias intéressés par l'affaire mènent une guerre des mots féroce sur le sort des jeunes femmes de chambre. Elizabeth Canning décède en Amérique britannique en 1773, mais le mystère de sa disparition reste irrésolu.

Sommaire

Histoire

Contexte

Elizabeth Canning, l'aînée des cinq enfants de William et Elizabeth Canning, est née le 17 septembre 1734 à Londres. Son père est menuisier et sa famille demeure dans un deux-pièces à Aldermanbury Postern[note 2] à Londres[1],[2].

Son père décède en 1751. Sa mère et ses quatre frères et sœurs occupent alors la pièce arrière du deux-pièces, laissant la pièce avant à James Lord, un apprenti-menuisier[3]. L'éducation d'Elizabeth se limite à quelques mois d'apprentissage dans une école d'écriture. À 15 ou 16 ans, elle travaille comme servante dans la maison de John Wintlebury, un tavernier, qui la voit comme une fille honnête mais timide. À partir d'octobre 1752, elle vit au domicile d'Edward Lyon, un menuisier voisin de sa mère, qui partage la même opinion que Wintlebury à propos d'Elizabeth[2],[4]. Elle est décrite comme étant une femme grassouillette de 18 ans qui mesure 5 pieds de haut. Son visage, marqué par la variole, présente un long nez droit et des yeux écartés[5].

Disparition

Elizabeth Canning disparaît le 1er janvier 1753. Ne travaillant pas ce jour-là, elle passe du temps avec sa famille. Elle souhaite aller faire des courses avec sa mère, après avoir rendu visite à sa tante et à son oncle, Alice et Thomas Colley, mais change d'avis et reste avec eux pendant la soirée[6]. Elle part en direction d'Aldermanbury vers 21 heures, accompagnée de sa tante et son oncle pendant les deux premiers tiers du chemin entre leur domicile et chez elle[7].

Elizabeth n'étant pas parvenue au domicile d'Edward Lyon comme prévu, son employeur, inquiet, se rend deux fois à la maison de la mère d'Elizabeth pour s'informer. La mère envoie ses trois autres enfants à Moorfields pour retrouver sa fille[8]. James Lord rend visite aux Colley, qui lui disent avoir quitté Elizabeth près de l'église d'Aldgate, sise sur la rue Houndsditch, vers 21h30[9]. La mère d'Elizabeth se rend à la maison des Colley le lendemain matin, mais n'apprend rien de plus. Les voisins sont questionnés sur les allées et venues d'Elizabeth, en vain. Alors que les semaines passent, sa mère fouille les environs et des parents inspectent la ville. Une annonce est publiée dans les journaux et des prières sont récitées à haute voix dans les églises. Excepté la mention du cri d'une femme en provenance d'un coche couvert le 1er janvier, aucune information pertinente n'est apportée[8],[10].

Réapparition

Elizabeth réapparaît vers 22 heures le 29 janvier 1753. En voyant sa fille, disparue depuis le 1er janvier, sa mère s'évanouit. Une fois qu'elle a repris ses esprits, elle envoie l'apprenti chercher plusieurs voisins et, en quelques minutes, la maison est remplie de monde. Elizabeth est décrite comme étant dans un « état déplorable »[11], son visage et ses mains sont noirs, elle porte seulement une robe-chemisier et un jupon. Sa tête est entourée d'un chiffon sale taché du sang d'une oreille blessée[12].

Elizabeth raconte avoir été attaquée par deux hommes près du Bethlem Royal Hospital. Ils l'ont déshabillée en partie, volée, puis frappée à la tempe, la rendant ainsi inconsciente. Elle a repris connaissance « sur une grande route, près d'un cours d'eau, en compagnie des deux hommes qui l'avaient enlevée »[13]. Elle a été contrainte de marcher vers une maison, où une vieille femme lui a demandé si « elle [allait suivre] leurs pas » (c'est-à-dire devenir prostituée). Elizabeth Canning a refusé et la femme a coupé son corset, l'a giflée puis poussée dans un escalier qui menait à l'étage plus haut. Elle est demeurée seule dans le grenier pendant plusieurs semaines, se nourrissant de pain et buvant de l'eau. Elle avait découvert les vêtements qu'elle porte dans un foyer. Elle est parvenue à arracher quelques pièces de bois d'une fenêtre par laquelle elle s'est enfuie de la maison, avant d'entamer une marche de cinq heures qui l'a ramenée à la maison familiale[14]. Elizabeth s'est souvenue avoir entendu les mots « Wills ou Wells » et avoir reconnu un cocher à travers une fenêtre. Elle croit également avoir été retenue dans une maison sur Hertford Road. En se basant sur ces informations, John Wintlebury et un journalier, Robert Scarrat, reconnaissent la maison comme étant celle de Susannah Wells sur Enfield Wash, à environ 10 miles de là[14],[15].

Sa réapparition et ses explications (y compris l'hypothèse qu'elle était retenue à la maison de Susannah Wells) sont publiées le lendemain dans le London Daily Advertiser[note 3]. Le même jour, l'apothicaire lui rend visite. Elizabeth est si faible qu'elle peut à peine parler et vomit les médicaments qu'il lui a prescrits. Par l'administration de plusieurs suppositoires, il parvient à rétablir la jeune femme. Elizabeth est ensuite emmenée par des amis et des voisins au Guildhall pour voir le conseiller municipal, Alderman Thomas Chitty, dans le but d'obtenir un mandat d'arrêt contre Susannah Wells[16].

Accusations contre les « tortionnaires » d'Elizabeth

Enfield Wash

Chitty émet un mandat d'arrêt et, le 1er février, les amis d'Elizabeth Canning emmènent la supposée victime à Enfield Wash. Elizabeth est encore très faible, mais ses partisans prennent le risque de la faire sortir de chez elle pour qu'elle identifie ses tortionnaires ainsi que la pièce dans laquelle elle a été retenue. Wintlebury, Scarrat et Joseph Adamson (un voisin) sont les premiers à arriver, à cheval. Ils rencontrent l'adjudant et plusieurs gardiens de la paix, et attendent Susannah Wells[17]. La demeure de cette dernière possède plusieurs dépendances : en plus de ses parties résidentielles, elle comprend une ébénisterie, une boucherie et un cabaret. Un vieil homme y garde des animaux et accueille occasionnellement des locataires. Susannah Wells est veuve par deux fois ; son premier mari était charpentier et son second mari a été pendu pour vol. Elle-même a été condamnée en 1736 pour parjure. La fille de son premier mari, Sarah Howit, avait vécu dans cette demeure deux ans avant l'arrestation de Susannah Wells. Le frère de Sarah Howit est charpentier comme son père, et vit à côté de la demeure[18].

Quand Susannah Wells apparaît vers 9 heures, les officiers de police encerclent la maison et l'interpellent, ainsi qu'une vieille femme nommée Mary Squires, son enfant, Virtue Hall, et une jeune fille qu'ils pensent être la fille de Susannah Wells. Une autre femme nommée Judith Natus présente dans la maison est aussi arrêtée pour être interrogée avec les autres. L'adjudant qui effectue l'interpellation est intrigué car la pièce dans laquelle Elizabeth indique avoir été retenue ne correspond pas à sa description initiale. Il ne trouve pas non plus d'indice d'une personne ayant brisé ou arraché des pièces de bois à la fenêtre pour sortir. L'adjudant rejoint les amis d'Elizabeth, qui, après avoir inspecté la demeure, sont aussi étonnés que le gardien de la paix de l'absence de preuve d'une détention[17].

Elizabeth Canning, en compagnie de sa mère et de deux autres personnes, est emmenée dans la maison par Adamson. Elle reconnaît alors Mary Squires comme la femme ayant coupé son corset, et indique que la fille de Mary Squires, Virtue Hall, était présente lorsque c'est arrivé. Elizabeth monte ensuite à l'étage et identifie la pièce comme étant celle dans laquelle elle a été retenue[19]. À y regarder de plus près, les boiseries du bord de la fenêtre, comme indiqué par Elizabeth, ont effectivement été refaites très peu de temps avant l'arrivée de la police[20]. Les preuves sont accablantes pour les accusés. Ils sont conduits au juge de paix le plus proche, Merry Tyshemaker, qui interroge Elizabeth seule, puis les résidents de la maison des Wells. Mary Squires et Susannah Wells sont sommées de s'expliquer, la première sur l'effacement des traces du passage d'Elizabeth Canning, la seconde sur le fait de « s'occuper d'une maison en désordre ». George Squires et Virtue Hall, qui nient une quelconque implication dans l'enlèvement, sont libérés. Elizabeth Canning et ses amis sont autorisés à rentrer chez eux[21].

Investigations d'Henry Fielding

Portrait monochrome, de profil, d'Henry Fielding âgé, portant une longue perruque
Henry Fielding mène l'enquête sur les accusations d'Elizabeth Canning

En vertu des lois anglaises du XVIIIe siècle, il est de la responsabilité d'Elizabeth Canning de porter plainte contre les personnes qu'elle accuse d'enlèvement ; elle peut aussi se désigner chargée de l'enquête sur le crime supposé. Ce type de démarche est coûteux et Elizabeth, si elle choisissait cette option, aurait alors besoin de l'aide de ses amis et voisins pour porter plainte dans le cadre de son agression. Porter plainte est d'autant plus complexe que la justice préfère généralement une conciliation à l'amiable entre les parties à une confrontation au tribunal. Enfin, bien que l'état dans lequel est rentrée Elizabeth le 29 janvier soit le fait le plus répréhensible aux yeux de ses amis, c'est la dégradation du corset – d'une valeur évaluée à 10 shillings – qui est la preuve la plus concluante de la véracité de l'affaire. Cette dégradation de bien pourrait alors être jugée en vertu d'une loi capitale, rendant la plainte pour enlèvement plus digne d'intérêt pour la justice[22].

Tandis qu'Elizabeth Canning continue son traitement médicamenteux, ses défendeurs, parmi lesquels beaucoup d'hommes, préparent le procès contre Mary Squires et Susannah Wells. Celles-ci prennent notamment des conseils juridiques auprès d'un avocat nommé Maître Salt, qui leur conseille de consulter l'écrivain et magistrat Henry Fielding[note 4]. Fielding, alors âgé de 45 ans, a des penchants pour l'alcool et un état de santé vacillant. Depuis qu'il a pris ses fonctions, quatre années auparavant, comme juge de paix dans le Middlesex et à Westminster, il s'est intéressé – avec une énergie qualifiée de « volcanique » – aux affaires criminelles. En décembre 1751, il a publié Amelia, histoire d'une jeune femme menée au vice et à la folie par son mari. Bien que la critique du livre ait été mauvaise, Fielding pense que son expérience en criminologie peut lui permettre de comprendre les noirceurs dans lesquelles l'esprit humain peut s'enfoncer[23].

Quand Maître Salt évoque le cas d'Elizabeth Canning devant Henry Fielding, la curiosité de l'écrivain-magistrat prend le dessus[note 5],[24]. Il accepte de prendre le témoignage sous serment d'Elizabeth dès le lendemain. Bien que Fielding ne soit pas prédisposé à croire l'histoire d'une servante, il est impressionné par la modestie et les bonnes manières de la jeune femme, et adresse un avertissement aux résidents de la maison des Wells : « ils pourraient comparaître devant moi, [et] devraient donner des gages de bonne conduite[25] ». Virtue Hall et Judith Natus sont interpellées, mais George Squires, ses sœurs et la fille des Wells, Sarah Howit, ont depuis quitté la maison et sont en fuite[26],[27],[28].

Premiers échos dans la presse

Le London Daily Advertiser, dont les bureaux sont sur Grub Street, relaie l'affaire le 10 février, qui passe rapidement au premier plan :

« La maison d'une femme de mauvaise réputation bien connue sous le nom de Mère Wells, entre Enfield Wash et Waltham Cross, fut immédiatement suspectée ; et de nombreuses circonstances tendent à penser que cette maison a été la triste prison d'une malheureuse victime, dont la situation depuis sa miraculeuse évasion est digne de compassion et de contributions charitables de la part de toute personne animée de civisme, et de quiconque ayant un œil sur la sécurité de ses enfants et amis, qui seraient livrés à la même situation inhumaine et cruelle... toutes ces circonstances étant dûment prises en considération, il n'y a pas de doute sur le fait qu'une souscription ou contribution sera prochainement demandée, pour permettre aux personnes qui ont entrepris de retrouver ce gang notoire de poursuivre leurs bonnes intentions avec la plus grande vigueur, étant donné qu'un nid de vilains est le plus grand danger pour la sécurité des bons sujets de sa Majesté. »

— London Daily Advertiser, no du 10 février 1753[29]

Le même jour, les partisans d'Elizabeth Canning sont incités à donner. Le pamphlet Case of Elizabeth Canning est imprimé de façon indépendante en vue d'accroître le soutien pour la poursuite des ravisseurs. Dans le Case of, Susannah Wells est qualifiée de « femme monstrueuse » et, dans une version non éditée qui paraît une semaine plus tard dans le Public Advertiser, il est révélé qu'Elizabeth Canning a subi une intervention médicale après avoir été frappée à la tête. Mary Squires est surnommée la « vieille Femme Gitane », qui « enlève la fille sur son passage ; et puis dans une condition de dénuement des plus misérables, parce qu'elle ne voulait pas devenir une prostituée parmi d'autres, elle l'a enfermée dans une vieille pièce sombre »[note 6],[31] et une déposition rédigée de la main des partisans d'Elizabeth Canning, en vue de son procès, rapporte l'histoire d'un ouvrier nommé Barrison. Celui-ci déclare que sa fille a demandé à rester à la maison des Wells lors d'une nuit de 1752, mais elle n'avait pas d'argent. Susannah Wells lui aurait alors donné de la nourriture et un lieu de repos sans la faire payer, mais l'aurait ensuite présentée à « un gentleman avec un gilet lacé » qui l'aurait prise pour une prostituée. La jeune fille refusa les avances et fut enfermée par les Wells dans la pièce, avant d'être délivrée le lendemain matin par un ami qui avait entendu ses appels au secours. Les propos rapportés par Barrison sont toutefois impossibles à prouver[32],[33]. Bien que Mary Squires soit souvent associée à une gitane, cette identification a été, de temps à autre, mise en cause par certains journalistes. Moore, dans l'un de ses ouvrages de 1994, décrit Mary Squires comme « brune, grande, mais courbée, une femme âgée, avec un âge estimé entre 60 et 80 ans, parfois décrite comme exceptionnellement gentille », et « toutes les descriptions convergent sur le fait qu'elle était une femme très laide, avec un nez très large et une partie du visage enflé et défiguré par des scrofules[34] ».

Pendant cette période, le public soutient largement Elizabeth Canning. Elle est en effet présentée comme une jeune servante de 18 ans, menacée par le milieu de la prostitution et retenue captive par une méchante vieille femme gitane, avant de s'échapper et de retourner dans des conditions épouvantables chez sa mère aimante. C'est l'histoire généralement acceptée par le grand public et la gentry[35].

Aveux de Virtue Hall

« Madame Wells s'est exprimée avec tout l'art et l'innocence affectée de ces méchantes personnes misérables, qui ont délibérément et méthodiquement appris les méthodes permettant d'échapper à la justice ; et la vieille gitane se conduit comme une personne traditionnellement et de façon héréditaire versée dans l'art de la fourbe Égypte antique, offrant les plus religieuses protestations pour clamer son innocence ; même si on l'a ensuite entendu dire, Putain de jeune Pute ! »[36]
Compte rendu des protestations d'innocence de Susannah Wells,
16 février 1753

Bien que Henry Fielding se dise fier de son équité en matière de rendu de la justice, peu importe le statut social du témoin, il soumet Virtue Hall à un interrogatoire en répétant certaines questions et, frustré de voir que Hall apporte des réponses contradictoires, il la menace d'emprisonnement[27],[37]. Ces menaces ont l'effet désiré, car le 14 février, Virtue Hall avoue que John Squires (le fils de Mary) et un autre homme ont emmené Elizabeth Canning au domicile des Wells, tôt dans la matinée du 2 janvier. Une fois arrivée au domicile des Wells, la vieille gitane a attaqué Elizabeth et l'a forcé à monter les escaliers pour entrer dans une pièce, dans laquelle la jeune femme est restée jusqu'à son évasion. Virtue Hall indique aussi que Fortune Natus et sa femme Judith sont restés au domicile des Wells pendant plusieurs semaines, et qu'ils ont emménagé dans la pièce-prison d'Elizabeth pour faire croire qu'ils y résidaient depuis janvier[38].

Les témoignages de Virtue Hall et d'Elizabeth Canning se recoupent désormais parfaitement, et Henry Fielding fixe alors son attention sur Judith Natus. Elle avait indiqué qu'elle et son mari avaient dormi dans la pièce au domicile des Wells depuis janvier, mais Fielding croit qu'elle a menti et l'incite à réécrire ses déclarations. Pendant ce temps, Virtue Hall est internée à la Gatehouse prison de Westminster, bien qu'elle ne soit pas accusée d'aucun crime. Fielding quitte Londres pour une courte période, et y revient pour auditionner Mary Squires, Susannah Wells et les autres protagonistes accusés dans l'affaire[39]. Squires et Wells nient avoir connaissance de quoi que ce soit concernant Elizabeth Canning et ses aventures, et protestent énergiquement en clamant leur innocence[36].

L'histoire, telle qu'elle paraît dans le London Daily Advertiser, a d'ores et déjà suscité l'intérêt du grand public. Henry Fielding a quitté Londres, croyant qu'il en avait terminé : « [J'ai] produit les efforts que je croyais nécessaires de consacrer à cette affaire[trad 1] ». À son retour, cependant, il apprend que plusieurs « nobles Lords » ont tenté de le contacter durant sa brève absence[40]. Le 15 février, une récompense est offerte pour la capture et la déclaration de culpabilité de John Squires et de son acolyte anonyme, et il est dressé une liste des endroits où les dons peuvent être récoltés, afin qu'ils « soient appliqués à l'exercice de l'Accusation, ou donnés à la pauvre fille comme une récompense pour sa vertu, et les misères qu'elle a vécues ». Une version embellie de l'histoire est ensuite envoyée à la presse[note 7],[39]. George Squires n'est pas retrouvé[39].

Procès de Mary Squires et de Susannah Wells

Déroulement

Mary Squires, accusée d'agression et de vol, et Susannah Wells, sachant ce qu'avait fait sa complice, sont jugées le 21 février au Session House du Old Bailey. Le lord-maire de Londres Sir Crisp Gascoyne et un comité de juges président la cour, et le procès est suivi avec intérêt par plusieurs observateurs[note 8]. L'accusation de vol est très sérieuse ; si Mary Squires est condamnée pour le vol du corset d'Elizabeth Canning, elle sera pendue à Tyburn Tree[41].

Une importante foule se regroupe aux abords de l'immeuble et Elizabeth Canning est acclamée lorsqu'elle arrive[41]. À l'intérieur, elle témoigne qu'elle a été emmenée par deux hommes à la « maison des Wells » vers 4 heures le 2 janvier. Dans la cuisine, Mary Squires était assise sur une chaise[42] et lui a demandé si « elle [allait suivre] leurs pas ». Lorsqu'Elizabeth Canning a refusé, Mary Squires a coupé son corset, l'a giflé puis alors poussée dans un escalier qui menait à une pièce sombre[43]. Elizabeth affirme de plus qu'elle n'a rien vu de particulier dans la pièce jusqu'à ce que le Soleil se lève : « il y avait un foyer et une grille qui le protégeait, aucun lit ni châlit, rien que du foin pour m'étendre dessus ; il y avait un pichet noir presque plein d'eau et environ 24 morceaux de pain [...] environ le quart d'une miche[trad 2] »[44]. Elizabeth Canning affirme devant la cour qu'elle a enlevé quelques pièces de bois d'une fenêtre au nord du logement, s'est glissée à l'extérieur et a sauté sur la terre meuble plus bas. Elle a emprunté un sentier derrière la maison, marché à travers des champs et, quand elle a trouvé une route, s'est dirigée vers Londres. Lorsqu'on lui demande si elle a vu ou parlé à quelqu'un pendant sa fuite, elle réplique que non et dit s'être tenue à l'écart de peur de rencontrer quelqu'un de la maison[45]. William Davy contre-interroge Elizabeth sur ses souvenirs des événements à la maison. Lorsqu'il lui demande pourquoi elle ne s'est pas enfuie plus tôt, elle réplique : « Je croyais qu'ils me laisseraient partir. [La fuite] ne m'est jamais venue à l'esprit avant ce [lundi] matin[trad 3] ». Mary Squires, qui marmonnait à voix basse sur le banc des accusés, s'écrie alors : « Je n'ai jamais vu ce témoin de ma vie avant ce jour [voici] trois semaines[trad 4] »[46].

Un dessin en noir et gris montrant une femme âgée. Elle porte un chapeau ainsi qu'une tunique. Son nez et ses lèvres sont proéminents.
Un portrait de Mary Squires tel que publié dans The Newgate Calendar au XIXe siècle.

Le prochain témoin à la barre, Virtue Hall, raconte presque la même chose que lors de sa déposition faite devant Henry Fielding. Mary Squires l'interrompt et demande : « Quel jour la jeune femme s'est-elle faite voler ? » La cour répond : « Elle dit le matin du 2 janvier » et Mary Squires réplique alors : « Je vous en suis reconnaissante, car je suis aussi innocente que l'enfant à naître[trad 5] ». Susannah Wells en profite pour demander combien de temps Mary Squires et sa famille sont supposés être demeurés à la maison. Virtue Hall répond : « Pendant six ou sept semaines en tout ; ils y étaient depuis 15 jours avant que la jeune femme n'y soit amenée[trad 6] »[47]. Comme plusieurs autres personnes, Thomas Colley et la mère d'Elizabeth Canning témoignent aussi. L'ancien employeur d'Elizabeth, John Wintlebury, explique à la cour comment il a déduit que la maison où était détenue la servante est celle des Wells. Mary Myers et James Lord jurent aussi avoir entendu Elizabeth dire « Wills ou Wells ». Robert Scarrat, un ancien domestique qui avait travaillé dans la région d'Edmonton à Londres et visité la maison des Wells à quelques reprises, jure aussi avoir entendu ces mots[48].

Même s'ils ont reçu un subpoena pour se présenter devant la cour, ni Fortune ni Judith Natus ne se sont présentés à la barre, l’avocat responsable expliquant plus tard que la foule à l'extérieur a pu intimider plusieurs témoins[49]. Les voisins de Susannah Wells ont été repoussés par la foule, tout comme sa fille et son demi-frère, rapidement reconnus et bloqués. Trois témoins trouvés au Dorset par George Squires témoignent en faveur de sa mère, étant passés parmi la foule sans être reconnus[50],[51]. Le premier, John Gibbons, affirme que Mary Squires lui a rendu visite à son domicile d'Abbotsbury « avec des mouchoirs, des linons, des mousselines et des tissus à carreaux, pour les vendre en ville[trad 7] » du 1er au 9 janvier. Son témoignage est corroboré par son voisin, William Clarke. Le dernier témoin de George Squires, Thomas Greville, indique qu'il a logé Mary Squires, sa sœur et son frère le 14 janvier à Coombe, où ils ont vendu « mouchoirs, tissus à carreaux et des choses semblables »[52]. Cette déposition est contredite par John Iniser, un poissonnier vivant près de Waltham Cross et de Theobalds House. Iniser affirme connaître Mary Squires de vue et qu'il l'a vue dire la bonne fortune dans les environs de la maison des Wells, trois semaines avant son arrestation. Susannah Wells, dont les témoins n'ont pu franchir le barrage constitué par la foule à l'extérieur, est seulement capable de prononcer deux phrases pour sa défense. Elle affirme qu'elle n'a jamais vu Elizabeth Canning avant le 1er février[52] et que « de la même façon que Squires, je ne l'ai vue que huit jours avant que nous ne soyons arrêtés »[53]. Selon un rapport du procès dans le London Daily Advertiser, lorsque les trois témoins ont quitté l'immeuble, la foule « les a battus, leur a donné des coups de pieds et les a maltraités avant qu'ils ne parviennent à s'enfuir[trad 8] »[54].

Le verdict

Dans les tribunaux anglais du XVIIIe siècle, les témoins qui occupent une fonction sont, selon Douglas Hay, « très importants et souvent sollicités... pour attester du caractère, les mots de l'homme qui possède des biens sont les plus écoutés. Les juges respectent la parole des employeurs, des fermiers et des voisins gentlemen, pas celles de simples voisins ou amis[trad 9] »[55]. Le jury, apparemment peu impressionné par les preuves de la défense, déclare les deux défendeurs coupables. Les accusés entendent leur sentence le 26 février. Susannah Wells est condamnée à être marquée au fer sur sa main et à passer six mois en prison[56]. Mary Squires est condamnée à la pendaison pour le vol du corset d'Elizabeth Canning[53]. À partir de mars 1753, des pamphlets à propos de l'histoire d'Elizabeth Canning circulent dans les cafés de Londres. Beaucoup de Londoniens sont indignés des traitements qu'a fait subir Mary Squires à Elizabeth Canning, et cette indignation est amplifiée lorsque Little Jemmy, « un pauvre homme qui marche avec un bâton dans les rues[trad 10] », est soi-disant volé et frappé par cinq gitans. Elizabeth Canning est célébrée par le peuple et la noblesse, plusieurs nobles lui ayant même versé de l'argent, ce qui lui permet d'emménager dans un meilleur logement, à savoir la maison d'un Mr Marshall, fromager à Aldermanbury[57].

Suites de l'affaire

Investigations de Crisp Gascoyne

La photo monochrome montre une homme anglais habillé en tenue d'apparat du XVIIIe siècle et portant une perruque.
Sir Crisp Gascoyne est convaincu que la justice a échoué.

Le verdict est contesté par plusieurs personnalités. Sir Crisp Gascoyne et quelques collègues du tribunal jugent l'histoire d'Elizabeth Canning peu crédible. Gascoyne est dégoûté par l'attitude des partisans de Canning qui, se tenant à l'extérieur de la cour, ont empêché des personnes de témoigner, et éprouve une sympathie marquée envers Mary Squires qu'il surnomme « la pauvre créature »[note 9]. Âgé de 52 ans, Gascoyne a commencé comme brasseur dans la rue Houndsditch à Londres avant d'épouser la fille d'un riche médecin. À la brasserie, il a gravi les échelons pour finalement occuper le poste de maître-brasseur, puis a servi comme échevin de Vintry Ward et comme shérif de la Cité de Londres. Il a été anobli après avoir adressé une pétition au roi. Il soutient les orphelins de la ville et est connu pour sa bienveillance dans l'Essex, où il détient plusieurs grandes propriétés[58].

Crisp Gascoyne commence à enquêter de façon privée puis écrit au pasteur anglican d'Abbotsville, James Harris. Il ne croit pas que les trois témoins qui en proviennent voyageraient d'aussi loin pour « se parjurer au nom de ce misérable objet[trad 11] »[57]. Le pasteur peut confirmer le témoignage de Gibbons et propose même de nouveaux témoins qui affirment avoir vu Mary Squires dans la région[59]. Gascoyne croit aussi que quelques partisans d'Elizabeth Canning doutent de la véracité de son histoire et font collusion car ils ont une rancune envers lui ; selon lui, le procès est aussi une forme d'attaque politique contre un officier public et il refuse de laisser passer une telle offense[60]. Son désir de faire justice est à la fois alimenté par sa compassion pour Mary Squires et par son indignation face à ce qu'il décrit comme la tromperie de son accusatrice, Elizabeth Canning. Son attitude est aussi influencée par les mœurs de l'époque. Il juge que les comportements des partisans de Canning sont inappropriés pour des gens de leur rang social, et est plus impressionné par l'assurance d'Alderman Chitty et du pasteur Harris qui, comme gentlemen et défenseurs du bien public, lui semblent plus dignes de confiance[61].

Le juge Gundry, collègue de Crisp Gascoyne au tribunal, écrit au undersheriff du Dorset. Ce dernier, qui connaît John Gibbons et William Clarke, écrit en retour qu'« ils n'auraient pas témoigné si ce n'était pas vrai ». Clarke aurait peut-être vécu une relation avec Lucy Squires et affirme être demeuré avec Mary Squires à Ridgeway. Quinze personnalités d'Abbotsbury, dont un marguiller, des Overseers of the Poor[note 10], un instituteur et un tithingman, jurent avoir vu Mary Squires dans le Dorset en janvier et affirment que les trois témoins sont des personnes dignes de confiance. Six autres hommes d'Abbotsbury ont marché 20 miles pour signer un affidavit qui corrobore les dires des voisins[62].

Henry Fielding et Crisp Gascoyne ont tous deux rédigé des pamphlets à propos de l'affaire, chacun contredisant l'autre, mais c'est le témoignage de Virtue Hall, essentiel à la poursuite judiciaire contre Mary Squires et Susannah Wells, qui devient le point central des investigations de Gascoyne. Hall a témoigné devant Henry Fielding sous la menace d'être emprisonnée et quand l'écrivain John Hill a entendu par hasard d'un magistrat qu'elle avait exprimé des remords, Hill a pressenti qu'il pouvait marquer des points[63]. Hill, un remarquable écrivain qui tient un éditorial dans un journal renommé, s'est disputé à plusieurs reprises avec différents notables, dont Fielding. Ce dernier a mis fin à l'une des disputes en écrivant dans le Covent Garden Journal que « cette colline [hill en anglais] était une dérisoire colline de crottes [dunghill], qui avait été nivelée en étant recouverte de saletés[trad 12] »[64].

John Hill communique ses informations à Crisp Gascoyne, lequel envoie chercher la jeune femme. À ce moment, Virtue Hall se trouve dans un Poultry Compter, petite prison sous la responsabilité d'un shérif. Accompagnée de plusieurs partisans d'Elizabeth Canning, ses réponses sont d'abord évasives[65], mais une fois seule face à Gascoyne, elle admet qu'elle s'est parjurée[63]. Hall est questionnée à nouveau le 7 mars à la fois par des partisans et par Gascoyne. Quand on lui demande pourquoi elle a menti à la cour, elle réplique : « Quand j'étais en présence de Fielding, j'ai dit en premier la vérité, mais on m'a dit que ce n'était pas la vérité. J'étais terrifiée et on menaçait de m'envoyer à Newgate en me poursuivant comme une criminelle, à moins que je ne dise la vérité[trad 13] »[66]. L'un des partisans lui demande alors si elle dit la vérité, mais ses réponses ne sont pas concluantes et, maintenant qu'elle s'est confessée et a renié la plupart des affirmations précédentes, les deux parties commencent à la voir comme un handicap[67].

Accusations de parjure contre Elizabeth

Manœuvres de Crisp Gascoyne

Le pasteur Harris envoie plusieurs de ses ouailles à Londres pour témoigner devant Crisp Gascoyne. À Newgate le 9 mars, le lord-maire interroge aussi Susannah Wells, laquelle confirme la nouvelle version des faits de Virtue Hall[68]. Il interroge ensuite plusieurs personnes les 12 et 13 mars, dont Fortune et Judith Natus, et un témoin qui pourrait jeter le doute sur le témoignage de John Iniser. Gascoyne interroge aussi George et Lucy Squires sur leurs voyages au début de l'année 1753. George est incapable de se souvenir de tous les endroits qu'ils ont visités, Gascoyne l'envoie alors dans le Dorset pour l'aider à se rappeler[51]. Gascoyne rencontre Elizabeth Long (la fille des Wells), qui n'avait pu témoigner en faveur de sa mère à cause de la foule et, le 23 mars, trois des témoins en faveur d'Elizabeth Canning expriment leurs doutes à Gascoyne à propos de l'histoire de la jeune servante[69]. Un autre témoin, qui jure avoir vu Mary Squires à Abbotsbury en janvier, est aussi interrogé deux jours plus tard. Gascoyne lui ordonne de rendre visite à Mary Squires à la Newgate Prison, où les deux se reconnaissent immédiatement[70].

En parallèle, John Myles, qui a remplacé Salt comme conseiller judiciaire des Canningites, rassemble des témoins qui peuvent affirmer avoir vu Mary Squires près de Enfield Wash. L'un dit qu'il a vu deux hommes traîner une femme vers Enfield Wash au début de janvier ; d'autres qu'ils ont vu « un pauvre et misérable gueux[trad 14] » se diriger vers Londres le 29 janvier. Il trouve également des témoins qui affirment avoir vu Mary Squires en décembre et en janvier à Enfield Wash[71]. De façon détournée, Crisp Gascoyne apprend que Myles mène des investigations. Ce dernier a demandé l'opinion d'un certain John Cooper de Salisbury à propos des sept témoins qui prétendent avoir vu Mary Squires à Coombe. Cooper a écrit en retour, affirmant la bonne personnalité de Thomas Greville (qui avait témoigné en faveur des Squires lors du procès), mais il fait aussi parvenir la même information à Gascoyne, lui offrant également son soutien[72].

Gascoyne est maintenant convaincu qu'Elizabeth Canning n'a pas dit la vérité. Il croit qu'en janvier Mary Squires a vraisemblablement voyagé dans le Dorset, dans le comté d'Hampshire puis à Londres, et ne se trouvait donc pas à Enfield Wash pour kidnapper Elizabeth Canning[73]. Le 13 mars, il ordonne l'arrestation de Canning pour parjure[68].

Conflits

La presse s'empare alors de l'affaire. Les écrits des journalistes et des éditeurs de la Grub Street rendent les opinions plus tranchées et renforcent les anciens stéréotypes à propos des « gitans malicieux et une pauvre fille innocente qui a refusé de perdre sa vertu[trad 15] »[2]. Les Canningites attisent les sentiments contre les gitans en diffusant des pamphlets et des publicités, l'une de celles-ci surnommant Crisp Gascoyne, devenu impopulaire, « le Roi des Gitans »[74]. Des rapports commencent à circuler à propos de sinistres allées et venues ; l'un indique que des hommes à dos de cheval menacent de brûler toutes les maisons et toutes les granges des alentours si Mary Squires est pendue[75].

Portrait du haut du corps d'un homme portant une longue perruque. Il porte différents emblèmes sur sa veste d'apparat, et sa main gauche tient une canne.
George II a suspendu l'exécution de la peine de Mary Squires, suivie plus tard d'un pardon.

L'honnêteté d'Elizabeth Canning et la façon dont Henry Fielding a traité le dossier ont été très critiquées par The London Daily Advertiser quelques jours plus tôt[76]. Le jour où Crisp Gascoyne a ordonné l'arrestation d'Elizabeth Canning, une annonce paraît dans le Public Advertiser, demandant à ses lecteurs de « retenir leur jugement dans le cas de la femme gitane jusqu'à ce qu'un exposé complet des faits, présentement rédigé par M. Fielding, soit publié[trad 16] ». Fielding a appris l'interrogatoire de Virtue Hall par Crisp Gascoyne et a fait amener Elizabeth Canning à son domicile de Bow Street pour « obtenir d'elle la vérité et l'amener à se confesser si elle est coupable[trad 17] ». Satisfait du compte rendu d'Elizabeth et peu concerné par Hall[77], sa critique des partisans de Mary Squires paraît sous le titre A Clear Statement of the Case of Elizabeth Canning (« Une déclaration claire de l'affaire Elizabeth Canning »), dans laquelle il affirme que la jeune servante est vertueuse et attaque en même temps ceux qui refusent de la croire. Les copies du document s'écoulent si vite qu'une autre impression est commandée deux jours plus tard. John Hill perçoit A Clear Statement comme une attaque frontale envers Gascoyne[78] et attaque Fielding dans The Story of Elizabeth Canning Considered (« Considérations sur l'histoire d'Elizabeth Canning »), le ridiculisant en écrivant des commentaires tel que « Qui êtes-vous, Monsieur, pour dicter au gouvernement [ce qu'il doit faire] ? Retirez-vous en vous-même et tenez votre rang[trad 18] »[79]. À partir de ce moment, Fielding cesse de prendre part à l'affaire[80], croyant que les partisans d'Elizabeth Canning le perçoivent comme un obstacle[81].

Au XVIIIe siècle, environ la moitié des condamnés à mort ne sont pas envoyés à la potence, mais en prison ou à l'un des bagnes dans les colonies britanniques. Le pardon n'est pas habituel mais il est possible de contourner la décision d'une cour en adressant une pétition au roi[55]. Même si Crisp Gascoyne éprouve quelques doutes envers les témoins qu'il a interrogés, il écrit néanmoins à George II pour lui demander le pardon de Mary Squires. Le 10 avril 1753, le roi ordonne que l'exécution de la peine de mort soit suspendue pendant six semaines, le temps que des preuves soient envoyées au Lord chancelier Lord Hardwicke ainsi qu'à l’attorney et solliciteur-général[82]. Mary Squires reçoit son pardon le 30 mai 1753[83]. Susannah Wells doit cependant faire son temps à la Newgate Prison, et elle est relâchée le 21 août[2].

Procès des hommes d'Abbotsbury

Alors que les esprits s'échauffent à cause du pardon obtenu par Mary Squires, Myles prépare la défense d'Elizabeth Canning. Le 20 avril, il se trouve à Dorchester dans le Dorset avec un mandat d'arrestation contre Gibbons, Clark et Greville, les trois hommes d'Abbotsbury qui ont témoigné en faveur de Mary Squires. Accompagné d'un petit contingent d'hommes armés, il arrête Gibbons et Clarke à l'auberge du coin et les ramène à Dorchester. Son mandat est cependant mal rédigé et le juge ordonne la libération de Gibbons. Clarke est amené à Londres où il est interrogé par Myles, qui le retient deux jours dans sa maison, mais le cordonnier refuse de coopérer. Libéré sous caution, il retourne à Abbotsbury[84].

Les trois hommes sont accusés de « parjure délibérément corrompu[trad 19] » et sont jugés le 6 septembre 1753 au Old Bailey. En tant que lord-maire de Londres, Crisp Gascoyne s'exclut de lui-même du tribunal de peur de biaiser le jugement. Les défendeurs sont représentés par William Davy, lequel a auparavant défendu Mary Squires et Susannah Wells. Plus de 100 personnes sont présentes pour témoigner en leur faveur, mais ni Elizabeth Canning ni ses partisans ne sont présents. Myles n'est pas payé par ses clients, et envoie plutôt son frère Thomas chercher un clerc pour remettre à la cour une série d'ordonnances, une tactique de retardement. Les Canningites ignorent que Gascoyne s'est retiré du dossier et craignent que celui-ci publie des preuves embarrassantes si Elizabeth apparaît au tribunal. Ils tiennent aussi leurs témoins éloignés du tribunal : seule une voisine de la mère d'Elizabeth est présente. Gibbons, Clark et Greville sont déclarés innocents et relâchés[85].

Elizabeth Canning ne s'est pas montrée en public depuis un long moment et est déclarée hors-la-loi. Lorsqu'un nouveau lord-maire est appointé en novembre 1753, elle ne réapparaît pas non plus. C'est seulement lors des sessions de février 1754 du Old Bailey qu'elle se présente aux autorités[86].

Procès d'Elizabeth Canning

« Messieurs, la prisonnière est accusée de l'un des pires crimes haineux ; une tentative, en se parjurant de façon volontaire et pervertie, de prendre la vie d'une innocente, et avec aggravation. Dans le noir catalogue des délits, je n'en connais aucun aussi sombre. C'est la perversion des lois de son pays selon le pire des buts ; c'est retirer l'épée des mains de la Justice pour répandre le sang innocent[trad 20],[87]. »

— Edward Willes, extrait du discours préliminaire

Le procès d'Elizabeth Canning est d'une durée peu habituelle pour l'époque : il commence le lundi 29 avril 1754 au Old Bailey et continue les 1er mai, 3 et 4 mai, les 6 et 7 mai, pour se terminer le 8 mai. Lors de la sélection du jury, la couronne a rejeté 17 jurés potentiels alors que la défense en a rejeté trois et a été incapable de s'opposer au choix du président du jury qui, semble-t-il, a publiquement qualifié Elizabeth Canning « de P——E MENTEUSE, de TRICHEUSE ou d'IMPOSTEURE[trad 21] ». La présidence du tribunal est assurée par deux juges et le nouveau lord-maire Thomas Rawlinson[86]. Elizabeth Canning est représentée par trois attorneys : George Nares, John Morton et un Mr Williams. Les procureurs sont Bamber Gascoyne (le fils de Gascoyne), Edward Willes et William Davy[88]. Après que l'accusation a été lue à voix haute par le Clerk of Arraigns, un commis de la cour, Bamber Gascoyne raconte l'histoire d'Elizabeth Canning à propos de ses supposés enlèvement et emprisonnement[87]. Ensuite, Davy attaque la version des faits d'Elizabeth Canning et raconte comment Mary Squires et sa famille ont voyagé en Angleterre pour vendre des produits de contrebande. Il remet de nouvelles preuves qui appuient l'alibi de Mary Squires et jettent un doute sur la description qu'a faite Elizabeth Canning de sa prison, avant de la questionner sur le compte rendu de son évasion. Il conclut en discutant de l'abjuration de Virtue Hall[89]. Le prochain à parler, Willes, montre des supposées contradictions entre les différents comptes rendus d'Elizabeth Canning pour expliquer sa disparition[90].

Une esquisse du grenier qui montre une botte de foin, quelques objets sur le mur à la gauche et une fenêtre au fond.
Un dessin d'époque montre le grenier dans lequel Elizabeth Canning aurait été détenue.

La défense d'Elizabeth Canning débute par le discours d'ouverture de Williams et Morton, ce dernier insistant sur sa flagrante malchance d'être sujette pour une deuxième fois à une telle souffrance : une première fois lors de ses poursuites contre ses assaillants et une seconde fois en étant punie pour l'avoir fait. Il complimente le jury et se moque des allégations de Davy[91]. Morton profite aussi de la réticence des procureurs d'appeler à la barre Virtue Hall[92]. Il met en évidence le peu probable talent d'Elizabeth Canning de pouvoir tromper ses partisans et argumente contre les doléances des procureurs à propos de la description du grenier par Canning. Nares se concentre sur les problèmes potentiels qui découlent d'une poursuite judiciaire pour parjure, insinuant que les victimes d'un crime seront moins tentées de poursuivre en justice leurs assaillants par peur d'être poursuivies elles-mêmes[93].

Morton questionne ensuite George Squires, qui ne peut se rappeler avec certitude le chemin qu'ils ont emprunté dans le sud de l'Angleterre à l'époque où Elizabeth Canning est portée disparue[94]. Sa sœur Lucy n'est pas appelée à la barre car elle était vue comme « plus stupide que son frère et n'a pas voyagé depuis leur arrivée à Enfield Wash[trad 22] ». Robert Willis, qui avait accompagné Mary Squires pour déterminer le chemin emprunté par la famille gitane, est aussi appelé à la barre, mais ses déclarations sont jugées irrecevables, car ressemblant à des ouï-dire. Tout comme lors du procès de Mary Squires et de Susannah Wells, la fiabilité des témoins des procureurs dépend largement de leur personnalité[95]. Trois hommes de Litton Cheney témoignent qu'ils ont vu la famille Squires entrer dans le village le 30 décembre. Les trois hommes d'Abbotsbury sont alors appelés à la barre et font leur témoignage[96]. La première journée, 39 témoins de la couronne passent à la barre, la plupart confirmant brièvement l'alibi de la famille Squires[97].

« Plusieurs personnes qui ont participé à une émeute à Old Bailey ont été emprisonnées à Newgate. Le greffier de la cour William Moreton recommande à toute personne qui a subi des désagréments de respecter la dignité de la cour de justice, de maintenir cette dignité et que la magistrature de cette cour ne doit pas être traitée de façon à réduire l'importance du pouvoir civil. Lorsque la cour a ajourné ses débats, il y avait une foule si imposante, qui menaçait Sir Crisp Gascoyne aux portes du tribunal, que le shérif Chitty, aidé de plusieurs connétables, l'a escorté jusqu'au Royal Exchange[trad 23],[98]. »

Whitehall Evening Post ou London Intelligencer, mardi 30 avril 1754

À la fin du premier jour, la foule à l'extérieur du tribunal, qui s'attend à un court procès et à un verdict de non-culpabilité, voit apparaître non pas la jeune servante, mais Crisp Gascoyne. Furieux, les gens lui lancent de la boue et des pierres, et Gascoyne trouve refuge dans une auberge proche. La foule retourne alors à l'immeuble du Old Bailey et escorte Elizabeth Canning qui s'en éloigne[99]. Le 1er mai, l'audience reprend en se penchant sur l'attaque qu'a subie Crisp Gascoyne. Un garde lui est assigné et l'un des membres du jury, un Canningite, fait des excuses. Plus tard dans la journée, les Canningites publient un avis demandant à la foule de ne pas s'immiscer dans les affaires de la cour[100]. Alderman Thomas Chitty, après avoir juré de dire la vérité, raconte sa première rencontre avec Elizabeth Canning le 31 janvier 1753[101]. Davy questionne plusieurs témoins, lesquels s'attardent sur les contradictions du témoignage d'Elizabeth lorsqu'elle a décrit sa prison. L'un montre son dégoût envers le témoignage de Virtue Hall contre Mary Squires[102]. Avec d'autres témoins, dont Sarah Howit, Fortune et Judith Natus attestent qu'Elizabeth n'a jamais été dans le grenier avant le 1er février et que c'est en fait Howit et Virtue Hall qui se trouvaient dans le grenier en janvier[note 11],[103]. La fin de la séance est encore assombrie par la foule qui attend à l'extérieur : Gascoyne est escorté par des connétables[104].

Le vendredi, d'autres témoins de la couronne, 60 en tout, défilent à la barre. La défense interroge plusieurs des témoins présents lors de la première recherche à la maison des Wells. L'oncle d'Elizabeth Canning, Thomas Colley, est contre-interrogé à propos de ce qu'a mangé sa nièce lors de sa visite du jour de l'an, la couronne tentant de démontrer qu'elle aurait pu ou non survivre un mois en se nourrissant de la miche qu'elle a affirmé avoir mangé[105]. Le troisième jour du procès, la mère d'Elizabeth apparaît à la barre. L'une des lignes de la défense est d'insinuer que sa fille est trop stupide pour avoir inventé son enlèvement, mais contre-interrogée par Davy, sa mère montre qu'Elizabeth est capable d'écrire « un peu ». Selon Davy, cela démontre qu'elle n'est pas stupide[106]. Robert Scarrat est ensuite questionné et admet qu'il se trouvait à la maison des Wells avant qu'Elizabeth Canning ne disparaisse. Deux voisins attestent de son « état déplorable ». Son employeur est aussi interrogé, ainsi que son apothicaire, qui croit qu'Elizabeth Canning aurait pu survivre avec une cruche d'eau et la miche qu'elle affirme avoir reçue[107]. La défense réplique en faisant témoigner trois personnes, chacune croyant avoir rencontré « un pauvre et misérable gueux » à la fin de janvier, au moment où elle affirme s'être enfuie[108].

À la droite du dessin en noir et blanc se tient une jeune femme habillée d'une robe et d'un bonnet qui se tient debout à la barre d'un tribunal. La pièce est remplie d'hommes portant une perruque.
Dessin d'époque montrant Elizabeth Canning lors de son procès.

Le 6 mai, d'autres témoins de la couronne sont appelés à la barre. Devant Mary Squires et sa famille, plusieurs voisins des Wells insistent sur le fait qu'ils ont, au début de 1753, vu la vieille gitane près de chez eux. D'autres témoins déclarent l'avoir vue à d'autres endroits près d’Enfield Wash, dont une femme qui jure l'avoir vue le Old Christmas Day[note 12]. Le système de repérage des dates britanniques est passé en septembre 1752 du calendrier julien au calendrier grégorien et la femme n'est pas capable de déterminer le jour exact au cours duquel elle prétend avoir vu Mary Squires. Elle n'est pas la seule : plusieurs autres témoins de la défense sont incapables de calculer correctement les nouvelles dates, nécessitant une correction de 11 jours. D'autres sont analphabètes et éprouvent aussi des difficultés. La cour entend également trois autres témoins venus exprès pour jeter le discrédit sur le témoignage des Natus[110].

Le dernier jour du procès est accaparé par Davy, qui fait venir d'autres témoins de la couronne et s'attarde à démolir le témoignage de ceux qui affirment avoir vu Mary Squires à Enfield Wash en janvier[111]. Il résume la position des procureurs en disant au jury qu'Elizabeth Canning est coupable du crime « le plus détestable et impie qu'un cœur humain peut concevoir[trad 24] ». Le greffier de la cour William Moreton résume la position de la défense et demande au jury si Elizabeth Canning a répondu de façon satisfaisante aux accusations. De plus, il s'interroge sur le fait qu'elle aurait pu survivre pendant environ un mois avec « pas plus qu'un quart de miche et un pichet d'eau »[112].

Verdict, répercussions et vie ultérieure

Après deux heures de délibérations, le jury déclare Elizabeth Canning « coupable de parjure, mais pas [de façon] préméditée ou corrompue[trad 25] ». Le greffier refuse ce verdict estimant qu'il est partial, le jury prend alors 20 minutes supplémentaires pour la déclarer « coupable de parjure prémédité et corrompu[trad 26] »[113]. Crisp Gascoyne n'est pas présent lorsque le verdict est prononcé : il lui a été conseillé de partir plus tôt de façon à éviter des problèmes hors de la cour. La défense demande un nouveau procès, en vain[114]. Elizabeth Canning, détenue à la prison de Newgate, est condamnée le 30 mai[note 13], par neuf voix contre huit, à un mois de prison et à sept ans de déportation pénale[115]. Selon les State Trials, Elizabeth Canning « souhaitait que [les jurés] soient en sa faveur ; elle n'avait pas l'intention de prendre la vie de la gitane. Elle ne s'était que défendue et souhaitait qu'on la considère comme malchanceuse[trad 27] »[116].

Sur le dessin, plusieurs comédiens se tiennent sur la scène en entourant une petite bouteille.
The Conjurers, pièce de théâtre de Lady Fanny Killigrew (1753). Les personnages d'Elizabeth Canning, Henry Fielding, Crisp Gascoyne, John Hill et Mary Squires partagent la scène avec The Bottle Conjuror, un comédien prétendument capable de se glisser à l'intérieur d'une bouteille de vin vide[117].

Le verdict ne permet pas d'adoucir la férocité des débats. Les transcriptions du procès sont très populaires et des portraits de la jeune servante sont exposés dans les vitrines des boutiques[118]. Une prime est offerte à quiconque peut aider à trouver qui a attaqué Crisp Gascoyne. La presse écrite de la Grub Street s'intéresse plus particulièrement aux retombées de l'affaire. La Gazeteer est remplie de lettres satiriques signées sous les pseudonymes d'Aristarchus (Aristarque), de Tacitus (Tacite) et de T. Trueman, Esq. (M. Homme Honnête, Esquire). Nikodemus (Nicodème), un Canningite, fait remarquer que sans gitane, « qu'arriverait-il à notre jeune noblesse et à notre jeune gentry s'il n'y avait pas de catins qui leur procuraient du plaisir ?[trad 28] ». Ceux qui ont pris le parti de Mary Squires ne sont pas les seuls à subir des attaques ; John Hill a écrit une courte chanson célébrant son rôle et celui de Gascoyne dans l'affaire. Des images d'Elizabeth Canning dans le grenier, son corsage détaché et révélant ses fesses, sont diffusées. Une autre image montre Susannah Wells et Mary Squires se tenant sur un balai magique, allusion à la sorcellerie[119].

Pendant le procès, Crisp Gascoyne demande un mandat pour siéger au parlement britannique, mais arrive dernier lors du dépouillement du scrutin[120]. Pour justifier ses gestes contre Elizabeth Canning, il rédige An Address to the Liverymen of the City of London, from Sir Crisp Gascoyne (« Un appel aux bons serviteurs de la Cité de Londres, de Sir Crisp Gascoyne  »). Il subit des attaques littéraires et physiques, et reçoit même des menaces de mort[2]. Les Canningites publient plusieurs répliques aux écrits de Gascoyne, dont A liveryman's reply to Sir Crisp Gascoyne's address (« Une réplique des bons serviteurs à l'appel de Sir Crisp Gascoyne) et A refutation of Sir Crisp Gascoyne's of his conduct in the cases of Elizabeth Canning and Mary Squires (« Une réfutation de Sir Crisp Gascoyne pour sa conduite dans les affaires d'Elizabeth Canning et de Mary Squires »)[121], ce dernier montrant le procès comme la culmination d'une vendetta de Gascoyne contre Elizabeth Canning[122].

Il est rapporté qu'Elizabeth Canning, détenue à la prison de Newgate, fréquente des méthodistes, ce qui lui donne mauvaise réputation. Le jour de l'apparition du rapport, des billets rédigés à la main circulent : ils affirment que le recteur de l'église St Mary Magdalen lui a rendu visite et est satisfait de savoir qu'elle est toujours membre de l'Église d'Angleterre. Parmi ses visiteurs se trouve le juge Ledinard, qui a aidé à amener Virtue Hall à Crisp Gascoyne. Il demande à Elizabeth Canning de se confesser, mais elle réplique « J'ai dit toute la vérité en cour, et rien d'autre que la vérité. Je préfère ne pas répondre à aucune question, à moins que ce ne soit en cour[trad 29] ».

Malgré des appels à la clémence, elle est embarquée à bord du navire pour prisonniers Tryal à destination de l'Amérique britannique. À la suite de plusieurs menaces de la part de l'équipage, elle est embarquée sur le Myrtilla en août 1754[123]. Arrivée à Wethersfield au Connecticut, elle est prise en charge par des Canningites qui la mènent au révérend Elisha Williams, où elle est traitée comme un membre de la famille. Williams meurt en 1755 et Elizabeth Canning épouse John Treat le 24 novembre 1756, dont elle prend le nom de famille. Son fils, Joseph Canning Treat, naît en juin 1758 et sa fille Elizabeth, en novembre 1761. Elle met au monde deux autres enfants, John et Salmon, et décède subitement en juin 1773[124].

Perceptions de l'affaire

L'histoire d'Elizabeth Canning a fasciné l'Angleterre georgienne. Lors de son procès, peu d'attention est portée sur l'offre de prostitution prétendument exprimée par Mary Squires. Selon Moore, l'affaire posait ouvertement la question de la chasteté d'Elizabeth, alors qu'elle posait secrètement la question si une telle affaire pour une personne de son rang avait un quelconque intérêt[125]. Kristina Straub compare cette affaire au débat plus général sur la sexualité des servantes féminines ; Elizabeth Canning peut être soit « une innocente jeune fille attaquée par des hors-la-loi brutaux[trad 30] », soit « une rusée manipulatrice du système judiciaire qui profite des innocents spectateurs pour échapper aux conséquences de ses méfaits sexuels[trad 31] ». The Case of Elizabeth Canning Fairly Stated postule qu'Elizabeth Canning a subi l'emprisonnement pour protéger sa vertu ou a menti pour cacher « ses affaires criminelles [faites] dans le Noir[trad 32] ». Straub considère que le débat ne tournait pas qu'autour de la culpabilité ou de l'innocence d'Elizabeth Canning mais aussi sur « les types d'identité sexuelle associés aux femmes de son rang[trad 33] »[126].

L'opposition partisane des Canningites et des Egyptians a fait de l'affaire Elizabeth Canning l'un des mystères criminels les plus connus de l'Angleterre du XVIIIe siècle[127]. Plusieurs années durant, le procès est en vedette dans The Newgate Calendar et le Malefactor's Registers[128]. L'ouvrage de Ramsay A Letter to the Right Honourable the Earl of  — Concerning the Affair of Elizabeth Canning (« Une lettre au Juste et Honorable Earl de  — à propos de l'affaire Elizabeth Canning ») sert d'inspiration à Voltaire pour son Histoire d'Elisabeth Canning, et de Jean Calas (1762), lequel partage l'opinion de Ramsay que Canning a disparu pour cacher une grossesse[2],[129]. Le procès est revu en 1820 par James Caulfield, qui raconte à nouveau l'histoire en faisant plusieurs erreurs notables[note 14]. Pendant les XIXe et XXe siècles, plusieurs auteurs ont publié leur interprétation de l'affaire[131]. L'essai de Caulfield est suivi en 1852 par Elizabeth Canning de John Paget qui résume le mieux l'affaire : « En vérité, peut-être, la plus complète et la plus mystérieuse énigme judiciaire connue[trad 34] »[132].

Le procès d'Elizabeth Canning se distingue par l'incapacité des procureurs de trouver quelque preuve que ce soit que la jeune servante s'est trouvée ailleurs que dans la maison des Wells[133]. Le lieu où s'est trouvé Elizabeth Canning en janvier 1753 demeure inconnu au XXie siècle. De façon similaire, beaucoup de mystères planent sur les allées et venues des Squires lorsqu'ils ont voyagé dans le Dorset au début de 1753. L'écrivain F. J. Harvey Darton les soupçonne d'être une famille de contrebandiers : pour lui, il est significatif qu'ils sont passés par Eggardon, lieu où Isaac Gulliver sévissait (cependant, Gulliver était un enfant à cette époque)[134]. L'écrivain du XVIIIe siècle Allan Ramsay a affirmé que l'histoire avancée initialement par Elizabeth Canning est « extrêmement stupide » et fausse. Il considère que le manque de détails dans son témoignage est peu surprenant pour un esprit rationnel[135]. L'écrivain américain Lillian Bueno McCue suppose qu'Elizabeth Canning était amnésique et que son ancien employé, John Wintlebury, est à blâmer pour son emprisonnement à la maison des Wells. Treherne juge cette théorie comme peu crédible[136] : il spécule qu'Elizabeth Canning était certainement à Enfield Wash mais n'était pas emprisonnée dans la maison des Wells. Il suggère que Robert Scaratt a conseillé à Elizabeth Canning d'inventer une détention à la maison des Wells, ce leurre ayant permis de détourner les soupçons d'une probable grossesse non désirée dont il aurait été responsable. Treherne suggère aussi qu'Elizabeth Canning a souffert d'amnésie partielle et qu'elle peut avoir menti de façon involontaire lors du procès de Mary Squires et de Susannah Wells[137]. Il qualifie Canning de « premier objet médiatique[trad 35] »[118]. Bien que quelques auteurs aient adopté la même position que Fielding ou Hill, qui a pris partie dans l'affaire, la plupart des auteurs postérieurs croient qu'Elizabeth Canning n'a pas dit la vérité[138]. Moore, en revanche, croit qu'elle est probablement innocente, jugeant que les contradictions entre les témoignages d'Elizabeth Canning et de Mary Squires sont des omissions et des modifications compréhensibles, tout en soulignant le désir des hommes au pouvoir de poursuivre leurs propres buts, souvent au détriment des autres[139].

Notes et références

Traductions de

  1. (en) « ended all the trouble which I thought it necessary for me to give myself in this affair »
  2. (en) « there was a fire-place and a grate in it, no bed nor bedstead, nothing but hay to lie upon; there was a black pitcher not quite full of water, and about twenty-four pieces of bread ... about a quartern loaf »
  3. (en) « Because I thought they might let me out; it never came into my head till that [Monday] morning »
  4. (en) « I never saw that witness in my lifetime till this day three weeks »
  5. (en) « I return thanks for telling me, for I am as innocent as the child unborn »
  6. (en) « They were there six or seven weeks in all; they had been there about a fortnight before the young woman was brought in »
  7. (en) « with handkerchiefs, lawns, muslins, and checks, to sell about town »
  8. (en) « beat them, kicked them rolled them in the Kennel and otherwise misused them before they suffered them to get from them »
  9. (en) « extremely important, and very frequently used ... in character testimony too, the word of a man of property had the greatest weight. Judges respected the evidence of employers, farmers and neighboring gentlemen, not mere neighbors and friends »
  10. (en) « a poor man who cries sticks about the streets »
  11. (en) « to foreswear themselves on behalf of this miserable object »
  12. (en) « this hill was only a paltry dunghill, and had long before been levelled with the dirt »
  13. (en) « when I was at Mr Fielding's I at first spoke the truth, but was told it was not the truth. I was terrified and threatened to be sent to Newgate, and prosecuted as a felon, unless I should speak the truth »
  14. (en) « a miserable poor wretch »
  15. (en) « wicked Gypsies and a poor innocent girl refusing to yield her honour »
  16. (en) « to suspend their judgement in the Case of the Gypsy Woman till a full State of the whole, which is now being prepared by Mr. Fielding, is published »
  17. (en) « sift the truth out of her, and to bring her to confession if she was guilty »
  18. (en) « Who Sir, are you, that are thus dictating unto the Government? Retire into yourself and know your station »
  19. (en) « wilful corrupt perjury »
  20. (en) « Gentlemen, the prisoner stands indicted of one of the most heinous crimes; an endeavour, by wilful and corrupt foreswearing herself, to take away the life of a guiltless person; and with aggravation, in the black catalogue of offences, I know not one of a deeper dye. It is a perversion of the laws of her country to the worst of purposes; it is wrestling the sword out of the hands of justice to shed innocent blood »
  21. (en) « a LYING B——H, a CHEAT, or an IMPOSTER »
  22. (en) « rather more stupid than her brother, and has not been on the road since their coming to Enfield Wash »
  23. (en) « Several persons were taken into custody that made a riot at the Old Bailey Gate and were committed to Newgate. William Moreton Esq recorder, recommended to all persons who were concerned in the most pathetic manner, to consider the dignity of the Court of Justice, the necessity of keeping up that dignity, and that the magistracy of this court should not be treated in such a manner as to lessen the weight of the Civil Power. After the court adjourned there was so great a mob at the gate of the Session-House threatening Sir Crisp Gascoyne, that Mr. Sheriff Chitty, with a number of Constables, escorted him as far as the Royal-Exchange »
  24. (en) « the most impious and detestable [crime] the human heart can conceive »
  25. (en) « Guilty of perjury, but not wilful and corrupt »
  26. (en) « Guilty of Wilful and Corrupt Perjury »
  27. (en) « hoped they would be favourable to her; that she had no intent of swearing the gypsey's life away; and that what had been done, was only defending herself; and desired to be considered unfortunate »
  28. (en) « what would become of your young nobility and gentry, if there were no bawds to procure young girls of pleasure for them? »
  29. (en) « I have said the whole truth in court, and nothing but the truth; and I don't choose to answer any questions, unless it be in court again »
  30. (en) « childlike innocent, victimized (sic) by brutally criminal outlaws »
  31. (en) « a wily manipulator of the justice system who uses innocent bystanders to escape the consequences of her own sexual misdeeds »
  32. (en) « her own criminal Transactions in the Dark »
  33. (en) « the kinds of sexual identity that were attributable to women of her position in the social order »
  34. (en) « in truth, perhaps, the most complete and most inexplicable Judicial Puzzle on record »
  35. (en) « the first media product »

Notes

  1. Squires est une gitane. En slang, « gitane » se traduit par « gypsey », mot dont la prononciation ressemble à « egyptian » : « égyptien ».
  2. Il s'agit d'une extension du quartier modeste d'Aldermanbury qui s'étendait entre le mur de Londres et Fore Street.
  3. Ces informations ont probablement été transmises par quelques personnes présentes quand elle est revenue à la maison familiale[16].
  4. Le juge de paix requis en cette affaire est le grand écrivain anglais Henry Fielding, l'auteur, entre autres, de Joseph Andrews (1742) et de Histoire de Tom Jones, enfant trouvé (1749).
  5. Fielding a d'abord hésité sur cette affaire ; fatigué, il souhaitait prendre des vacances.
  6. Susannah Wells a aussi été décrite comme une proxénète, bien que les preuves à ce sujet ne soient pas établies. Treherne décrit Virtue Hall comme « la petite prostituée effrayée »[30].
  7. Selon l'auteur Judith Moore, l'envoi a été fait par John Myles (qui a remplacé Salt en tant que conseiller judiciaire des Cannningites).
  8. Les minutes du procès sont rédigées par Thomas Gurney, mais le nom des avocats n'est pas connus.
  9. Il a plus tard affirmé que les autres membres du tribunal partageaient son opinion.
  10. Officiers mandatés, les Overseers of the Poor s'occupent des pauvres de leur région dans le cadre des Poor Laws.
  11. Sarah Howit et Virtue Hall ont apparemment conversé avec des jardiniers qui travaillaient à l'extérieur de la maison pendant cette période. Ces jardiniers font partie des autres témoins, mais leur nom est omis par souci de concision.
  12. Le Old Christmas Day est un jour fêté le 6 janvier en Angleterre[109].
  13. Moore, 1994 inscrit le 13 mai aux pages 161-162 et 30 mai à la page 166.
  14. Par exemple, Caulfield affirme qu'Elizabeth Canning est devenue une enseignante et a épousé un quaker[130].

Références

  1. Lang 1905, p. 2
  2. a, b, c, d, e et f (en) Angus Fraser, Canning, Elizabeth (1734–1773), Oxford University Press, 2004 [lire en ligne (page consultée le 2009-12-26)]  (Accès payant)
  3. Moore 1994, p. 24
  4. Lang 1905, p. 3
  5. Treherne 1989, p. 2
  6. Moore 1994, p. 27
  7. Moore 1994, p. 28
  8. a et b Treherne 1989, p. 10
  9. Moore 1994, p. 33
  10. Lang 1905, p. 4–5
  11. Moore 1994, p. 13
  12. Treherne 1989, p. 11
  13. Moore 1994, p. 29
  14. a et b Treherne 1989, p. 12
  15. Moore 1994, p. 42–43
  16. a et b ,Moore 1994, p. 51–52
  17. a et b Moore 1994, p. 56–58
  18. Moore 1994, p. 36–37
  19. Moore 1994, p. 59–60
  20. Treherne 1989, p. 15
  21. Moore 1994, p. 62–63
  22. Moore 1994, p. 50–51
  23. Treherne 1989, p. 16–17
  24. Treherne 1989, p. 17
  25. Treherne 1989, p. 19
  26. Moore 1994, p. 64–65
  27. a et b Battestin et Battestin 1993, p. 572
  28. Bertelsen 2000, p. 105
  29. (en) Anon, « London », dans London Daily Advertiser, 10 février 1753 
  30. Treherne 1989
  31. Treherne 1989, p. 20
  32. Moore 1994, p. 37–38
  33. Bertelsen 2000, p. 103
  34. Moore 1994, p. 39–40
  35. Bertelsen 2000, p. 103, 105
  36. a et b Moore 1994, p. 72
  37. Moore 1994, p. 98
  38. Moore 1994, p. 67–69
  39. a, b et c Moore 1994, p. 71
  40. Treherne 1989, p. 22
  41. a et b Treherne 1989, p. 29
  42. Moore 1994, p. 61
  43. Moore 1994, p. 33–34
  44. Moore 1994, p. 41
  45. Moore 1994, p. 46
  46. Treherne 1989, p. 31–32
  47. Moore 1994, p. 75
  48. Moore 1994, p. 43–44
  49. Moore 1994, p. 73
  50. Treherne 1989, p. 34
  51. a et b Moore 1994, p. 94
  52. a et b Moore 1994, p. 75–76
  53. a et b Treherne 1989, p. 36
  54. Anon, « London », British Newspapers 1600-1900, 23 février 1753 (no 611). Consulté le 27 février 2010
  55. a et b Hay et Fitzgerald 1980, p. 8
  56. Moore 1994, p. 77
  57. a et b Treherne 1989, p. 38–39
  58. Treherne 1989, p. 28–29
  59. Moore 1994, p. 87–88
  60. Moore 1994, p. 90–91
  61. Moore 1994, p. 93
  62. Treherne 1989, p. 40–41
  63. a et b Moore 1994, p. 100–101
  64. Treherne 1989, p. 42
  65. Treherne 1989, p. 42–43
  66. Treherne 1989, p. 44
  67. Moore 1994, p. 102–103
  68. a et b Bertelsen 2000, p. 106
  69. Treherne 1989, p. 50–52
  70. Moore 1994, p. 92
  71. Treherne 1989, p. 48–50
  72. Treherne 1989, p. 52–53
  73. Treherne 1989, p. 54–64
  74. Treherne 1989, p. 47–48
  75. Treherne 1989, p. 69
  76. Bertelsen 2000, p. 104
  77. Treherne 1989, p. 46
  78. Moore 1994, p. 110
  79. Treherne 1989, p. 67–72
  80. Battestin et Battestin 1993, p. 574
  81. Moore 1994, p. 111
  82. Moore 1994, p. 96–97
  83. Moore 1994, p. 103
  84. Treherne 1989, p. 65–66
  85. Treherne 1989, p. 84–86
  86. a et b Treherne 1989, p. 86
  87. a et b Treherne 1989, p. 87
  88. Moore 1994, p. 134–135
  89. Moore 1994, p. 136–141
  90. Moore 1994, p. 142
  91. Moore 1994, p. 148–149
  92. Moore 1994, p. 104
  93. Moore 1994, p. 151–153
  94. Moore 1994, p. 140
  95. Moore 1994, p. 94–96
  96. Treherne 1989, p. 90
  97. Moore 1994, p. 143
  98. (en) « (inconnu) », dans Whitehall Evening Post ou London Intelligencer, no 1282, 30 avril 1754 
  99. Treherne 1989, p. 94–95
  100. Moore 1994, p. 145
  101. Treherne 1989, p. 99–100
  102. Treherne 1989, p. 100–103
  103. Moore 1994, p. 115, 147
  104. Moore 1994, p. 146
  105. Treherne 1989, p. 108–109
  106. Moore 1994, p. 149–151
  107. Treherne 1989, p. 112–114
  108. Moore 1994, p. 46–50
  109. (en) Alan Williams, « Old Christmas Day », Alan Williams, 2000. Consulté le 15 novembre 2010
  110. Treherne 1989, p. 116–122
  111. Treherne 1989, p. 122–123
  112. Moore 1994, p. 156–157
  113. Moore 1994, p. 158
  114. Moore 1994, p. 161–162
  115. (en) « Old Bailey Proceedings supplementary material, Elizabeth Canning, 30th May 1754. », dans oldbaileyonline.org, oldbaileyonline.org, 30 mai 1754 [texte intégral (page consultée le 7 mars 2010)] 
  116. Moore 1994, p. 163
  117. Treherne 1989, p. plates
  118. a et b Treherne 1989, p. 158
  119. Treherne 1989, p. 127–129
  120. Treherne 1989, p. 97
  121. Treherne 1989, p. 129
  122. Moore 1994, p. 186
  123. Treherne 1989, p. 131–134
  124. Treherne 1989, p. 149–155
  125. Moore 1994, p. 235
  126. Straub 2009, p. 67
  127. Treherne 1989, p. 125
  128. Straub 2009, p. 66–67
  129. Treherne 1989, p. 141
  130. Moore 1994, p. 195
  131. Moore 1994, p. 195–225
  132. Paget 1876, p. 9
  133. Moore 1994, p. 164
  134. Moore 1994, p. 210–213
  135. Moore 1994, p. 35
  136. Treherne 1989, p. 139–140
  137. Treherne 1989, p. 144–148
  138. Moore 1994, p. 233–234
  139. Moore 1994, p. 256–262

Annexes

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article : Ouvrage utilisé comme source pour la rédaction de cet article

  • (en) Anonyme, Canning's magazine: or, A review of the whole evidence for, or against E. Canning, and M. Squires, 1753 [lire en ligne] 
  • (en) Martin C. Battestin et Ruthe R. Battestin, Henry Fielding: A Life, Routledge, 1993 (ISBN 0-415-09715-0) [présentation en ligne] Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article 
  • (en) Lance Bertelsen, Henry Fielding at work: magistrate, businessman, writer, Palgrave Macmillan, 2000 (ISBN 0-312-23336-1) [présentation en ligne] Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article 
  • (en) Douglas Hay et Mike Fitzgerald (dir.), Crime and Society, Routledge, 1980 (ISBN 0-203-47878-9) [présentation en ligne], « Part 1: History » Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article 
  • (en) Andrew Lang, Historical Mysteries, Londres, Smith, Elder & Co, 1905 [lire en ligne] Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article 
  • (en) Judith Moore, The Appearance of Truth: The Story of Elizabeth Canning and Eighteenth-Century Narrative, New Jersey, Associated University Presses Inc, 1994 (ISBN 0-87413-494-3) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article 
  • (en) John Paget, Judicial puzzles, gathered from the state trials, San Francisco, S Whitney, 1876 Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article 
  • (en) Allan Ramsay, The investigator: Containing the following tracts: I. On ridicule. II. On Elizabeth Canning. III. On naturalization. IV. On taste, A Millar in the Strand, 1762 [lire en ligne] Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article 
  • (en) Kristina Straub, Domestic affairs: intimacy, eroticism, and violence between servants and masters in eighteenth-century Britain, John's Hopkin's University Press, 2009 (ISBN 0-8018-9049-7) [présentation en ligne] Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article 
  • (en) John Treherne, The Elizabeth Canning Enigma, Londres, Jonathan Cape, 1989 (ISBN 0-224-02630-5) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article 
  • (en) Barrett Rich Wellington, The mystery of Elizabeth Canning as found in the testimony of the Old Bailey trials and other records, J. R. Peck, 1940 [présentation en ligne] 

Articles connexes

Cet article est reconnu comme « article de qualité » depuis sa version du 1er janvier 2011 (comparer avec la version actuelle).
Pour toute information complémentaire, consulter sa page de discussion et le vote l’ayant promu.


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Affaire Elizabeth Canning de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем сделать НИР

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Henry Fielding — Pour les articles homonymes, voir Fielding. Henry Fielding Henry Fielding Autres noms …   Wikipédia en Français

  • Catégorie:Article de qualité — Article principal : Wikipédia:Articles de qualité. Raccourci [+] …   Wikipédia en Français

  • Crisp Gascoyne — Portrait de Crisp Gascoyne. Sir Crisp Gascoyne (vers 1700 28 décembre 1761[1]) est un magistrat et un politicien britannique surtout connu au XXIe siècle pour son implication dans l …   Wikipédia en Français

  • Fantôme de Cock Lane — Illustration de Cock Lane datant du XIXe siècle. Les apparitions ont lieu dans le bâtiment à trois étages sur la droite. Dessin datant de 1852. L’his …   Wikipédia en Français

  • Liste De Personnes Nées À Londres — Sommaire : Haut A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z Cette liste regroupe les personnes nées à Londres (sur le territoire correspondant au Grand Londres) …   Wikipédia en Français

  • Liste de personnes nees a Londres — Liste de personnes nées à Londres Sommaire : Haut A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z Cette liste regroupe les personnes nées à Londres (sur le territoire correspondant au Grand Londres) …   Wikipédia en Français

  • Liste de personnes nées à londres — Sommaire : Haut A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z Cette liste regroupe les personnes nées à Londres (sur le territoire correspondant au Grand Londres) …   Wikipédia en Français

  • East End — Pour les articles homonymes, voir East End (homonymie). 51°31′N 0°03′W / …   Wikipédia en Français

  • Saison 1 de Vampire Diaries — Série Vampire Diaries Pays d’origine  États Unis Chaîne d’origine The CW Diffusi …   Wikipédia en Français

  • Saison 2 de The Good Wife — Série The Good Wife Pays d’origine  États Unis Chaîne d’origine CBS Diffusion origi …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”