Accident de Mechelen

Accident de Mechelen

L'accident de Mechelen, connu également sous le nom de l'« Affaire de Mechelen » est un accident survenu durant la Drôle de guerre le 10 janvier 1940. Un avion allemand transportant un officier s'écrase en Belgique à proximité de l'ancienne ville de Vucht, aujourd'hui devenue Maasmechelen. L'officier transportait des documents ultra-secrets du Fall Gelb ou le Plan jaune, détaillant la future attaque allemande sur le Benelux et le Nord de la France. Cet évènement produisit immédiatement une situation de crise. Il se pourrait que cet accident ait forcé l'état-major allemand à changer ses plans, mais cette hypothèse fait débat chez les historiens.

Un Messerschmitt Taifun, du même type que l'avion qui s'écrasa

Sommaire

L'accident

Les choses ont commencé suite à une erreur du commandant allemand Erich Hoenmanns qui commandait la base aérienne de Loddenheide, à côté de Münster. Au matin du 10 janvier, il décolle de Loddenheide pour rejoindre Cologne à bord d'un Messerschmitt Taifun. Une épaisse couche de brouillard lui cache le paysage lors de son vol. Le pilote décide alors de changer son parcours en direction de l'ouest, espérant se réorienter en rejoignant le Rhin. Cependant, lorsqu'il décida de changer de direction, il avait déjà survolé la rivière alors gelée et invisible. Il quitta l'Allemagne et rejoignit la Meuse dans la zone où la rivière sert de frontière entre la Belgique et les Pays-Bas, il finit par tourner autour de Vucht.

Maasmechelen sur la carte de Belgique, ainsi que des villes citées

C'est là, qu'il semblerait que le pilote ait malencontreusement stoppé l'alimentation du moteur en carburant, en actionnant une manette à l'intérieur du cockpit. Le moteur a « toussé », puis s'est arrêté, ce qui força Hoenmanns à atterrir en catastrophe dans un champ avoisinant aux alentours de 11 heures 30. L'avion a été gravement endommagé : les deux ailes ont été brisées lorsque l'appareil passa entre deux arbres, le lourd moteur a sectionné une partie du nez. Malgré cela, Hoenmanns s'en est sorti indemne.

Si Hoenmanns avait été seul dans l'avion, cet évènement aurait été sans grande conséquence, hormis son emprisonnement pour avoir atterri sans permission dans un pays neutre. Cependant, il y avait un passager, le commandant Helmuth Reinberger qui était responsable de l'organisation du ravitaillement de la 7e division aérienne, l'unité destinée à être parachutée derrière les lignes belges à Namur le jour de l'attaque à venir. Reinberger se rendait à Cologne pour une réunion de concertation. La nuit précédente, après avoir bu un verre à la cantine de la base, Hoenmanns lui avait proposé de l'emmener en avion. Habituellement, Reinberger aurait dû prendre le train pour ce voyage fastidieux, mais de toute façon, Hoenmanns avait besoin de quelques heures de vols supplémentaires et voulait récupérer son linge propre chez sa femme à Cologne. Hoenmanns n'était pas au courant que Reinberger devait transporter le plan d'attaque de la Belgique et des Pays-Bas qui, au jour du vol, avait été fixée par Hitler à la semaine suivante, le 17 janvier 1940.

Hoenmanns a compris que Reinberger transportait des documents secrets seulement après l'atterrissage quand ils ont demandé a un ouvrier agricole où ils se trouvaient et qu'ils ont compris qu'ils avaient survolé le territoire néerlandais et avaient atterri peu après la frontière belge. En entendant cela, Reinberger a paniqué et s'est précipité vers l'épave de l'avion pour mettre en sécurité sa serviette en cuir jaune, criant qu'il avait des documents secrets qui devaient être détruits immédiatement. Hoenmanns fait diversion en s'éloignant de l'avion afin de laisser le temps à Reinberger de détruire les dossiers. Reinberger a d'abord essayé de mettre le feu aux documents avec son briquet mais ceci a mal fonctionné, il a alors couru jusqu'à l'ouvrier agricole qui lui a donné une allumette. Reinberger s'est caché derrière un fourré a empilé les papiers par terre afin de les brûler. Mais bientôt deux gardes frontières belges arrivèrent, le sergent Frans Habets et soldat de deuxième classe Gérard Rubens, ce dernier interpellé par la fumée sortant des buissons se précipita pour sauver les documents avant qu'ils ne soient complétement détruits. Dans un premier temps, Reinberger s'était enfui, mais il finit par se rendre après que deux tirs de sommation aient été tirés.

Les deux hommes ont été emmenés au poste frontière belge à proximité de Mechelen-aan-de-Maas (Malines-sur-Meuse). Là, ils ont été interrogés par le capitaine Arthur Rodrique, qui plaça les documents carbonisés sur la table. C'est alors que Hoenmanns fit à nouveau diversion en demandant aux soldats belges de lui laisser utiliser les toilettes, ce qui permettait à Reinberger d'essayer de bourrer les papiers dans un fourreau brûlant à proximité. Il a réussi mais a hurlé de douleur en soulevant le couvercle extrêmement chaud. Effrayé, Rodrique se retourna et tira les papiers du feu en se brûlant gravement la main. Les documents ont alors été enfermés dans une autre salle. L'échec de cette destruction a fait comprendre à Reinberger que c'était fini, les suppôts d'Hilter le tueraient certainement s'ils mettent la main sur lui pour avoir laisser le plan d'attaque tombait aux mains de l'ennemi. Il décida alors de se suicider, il tenta de se saisir du pistolet de Rodrique mais le capitaine furieux le mit à terre. Reinberger a fondu en larmes, hurlant « Je voulais votre arme pour me tuer ». Hoenmanns est venu à l'aide de Reinberger, en disant: « Vous ne pouvez pas lui reprocher, c'est un officier régulier, il est fini maintenant.» Deux heures plus tard, le premier officier des services de renseignements belges arrivait, apportant les papiers pour les remettre à ses supérieurs en fin d'après-midi.

La première réaction allemande

Tard dans la nuit du 10 janvier, des rapports de presse annonçant le crash d'un avion allemand arrivent à Berlin. À l'Oberkommando (OKW), c'est la consternation générale lorsqu'on en déduit que Reinberger devait avoir le plan d'attaque avec lui. Le 11 janvier, Hitler furieux démet de leurs fonctions le commandant de la 2e flotte aérienne Hellmuth Felmy et le chef d'état-major de cette dernière le colonel Josef Kammhuber. Néanmoins, il est décidé de conserver le plan d'attaque originel pendant que les attachés des ambassades allemandes de La Haye et de Bruxelles, respectivement le lieutenant général Ralph Wenninger et le colonel Friedrich-Carl Rabe von Pappenheim, chercheraient à savoir si le plan a été fatalement compromis ou pas. Le 12 janvier, le jour de la première rencontre des deux attachés avec Reinberg et Hoenmanns, le général Alfred Jodl, le chef-d'état major de la Wehrmacht, donne à Hitler une estimation inquiétante sur le fait que les Belges puissent avoir le plan. Une note du journal de Jodl, datée du 12 janvier, résume ce qu'il a dit à Hitler : « Si les Alliés sont en possession de tous les dossiers, la situation est catastrophique !» Cependant, les Allemands seront dans un premier temps faussement rassurés par les tromperies belges.

La ruse

Les Belges décidèrent de tromper Reinberger en lui faisant croire que les papiers avaient été détruits et lui donnent l'opportunité de communiquer cette information aux autorités allemandes. La ruse était en deux parties. Premièrement, les enquêteurs belges ont demandé à Reinberger ce qu'il y avait sur les feuilles et lui ont dit que s'il ne le disait pas il serait considéré comme un espion. Plus tard, Reinberger déclara que « de la façon dont la question avait été posée, j'ai réalisé qu'il (l'enquêteur) pouvait n'avoir rien compris des fragments qu'il avait lu ». Deuxièmement, les Belges ont laissé Reinberger et Hoenmanns rencontrer les attachés de l'armée de terre et de l'armée de l'air, Wenninger et Rabe von Papperheim, pendant que leur conversation était secrètement enregistrée. Durant la rencontre, Reinberger informa Wenninger qu'il avait réussi à suffisamment brûler les papiers pour qu'ils soient indéchiffrables. Cette ruse fut assez réussie, du moins à court terme. Après la rencontre au poste de police avec les deux attachés, son excellence, Karl Alexander Victor Vicco von Bülow-Schwante, ambassadeur d'Allemagne en Belgique envoie par télégraphe à ses supérieurs : « Le commandant Reinberger a confirmé qu'il avait brulé les documents sauf quelques pièces qui ont la taille de sa paume de main. Reinberger affirme que les la majorité des documents qui n'ont pu être détruits paraît être sans importance ». Cela parait avoir convaincu le général Jodl. Au 13 janvier, son journal comprend «Rapport de la conversation de l'attaché de la Luftwaffe avec les deux aviateurs crashés. Résultat : le porte-documents a brulé d'un manière certaine ».

La réaction belge

Au cours de la journée du 10, les Belges doutaient encore de l'authenticité des documents, ceux-ci avaient été rapidement transmis à la Deuxième Section (les services secrets militaires) de l'état-major à Bruxelles. Une grande partie avait effectivement été gravement endommagée par les tentatives de destruction de Reinberger, mais l'idée générale d'une attaque contre la Belgique et les Pays-Bas apparaissait clairement sur les fragments récupérés bien que la date ne soit pas mentionnée. Le 11, le général Raoul Van Overstraeten conclut que ces informations étaient essentiellement vraies puisque les documents corroboraient les avertissements du comte italien Galeazzo Ciano quant à une attaque allemande aux alentours du 15 janvier 1940. Dans l'après-midi, le roi Léopold III de Belgique décida d'informer son ministre de la défense le général Henri Denis et le généralissime français Maurice Gamelin. À 17 heures 15, l'officier de liaison français, le lieutenant-colonel Hautcoeur reçut deux pages résumant les documents, sans explication sur la manière dont ils ont été obtenus. Ainsi, Lord Gort, le chef du « British Expeditionary Force » (le corps expéditionnaire britannique) a été prévenu, et Léopold III a appelé lui-même la princesse Juliana des Pays-Bas et la grande-duchesse Charlotte de Luxembourg, disant à la première « Faites attention, le temps est dangereux » et à la seconde « Prenez garde à la grippe », deux codes prédéterminés signifiant que les autorités belges considéraient comme imminente une attaque allemande.

La réaction française

Dans la matinée du 12 janvier 1940, Gamelin tint une réunion avec les plus hauts commandants de l'armée française et le chef des services de renseignements militaire, le colonel Louis Rivet. Celui-ci était sceptique quant à l'alerte mais Gamelin considéra que même si cela était une fausse alerte, c'était une excellente occasion de faire pression sur les Belges afin qu'ils autorisent une avancée des troupes française sur leur territoire. Gamelin avait l'intention d'entreprendre, en 1941, une offensive décisive contre l'Allemagne en passant à travers le Benelux : leurs neutralités auraient pu être un obstacle à ce plan. Si la peur d'une invasion mettait la Belgique du côté de la France et Royaume-Uni, ce problème était résolu et la base de lancement de l'attaque contre l'Allemagne aurait été facilement gagnée. D'un autre côté, si le Troisième Reich prenait les devants avec cette invasion, il était vraiment souhaitable que les forces françaises puissent entrer au cœur de la Belgique avant que les forces ennemies n'y arrivent. Autant pour intensifier la crise que pour se préparer à n'importe quelles éventualités, Gamelin ordonna donc au 1er groupe armée dirigée par le général Gaston Billotte et à la 3e armée voisine de marcher vers la frontière belge.

L'alerte de Sas

Cette ruse a semblé prouver que les documents étaient authentiques, ce qui augmenta l'anxiété des autorités belges. Le jour suivant, elles étaient convaincues que la situation était critique. Dans la nuit du 13 janvier 1940, un message du colonel Georges Goethals, l'attaché militaire belge à Berlin, contenait ces mots : « Étaient-ce des ordres tactiques ou une part de ceux-ci dans l'avion Malines(sic)? Un informateur sincère, dont la crédibilité peut être contestée, prétend que cet avion transportait les plans de Berlin à Cologne quant à l'attaque de l'Ouest. Puisque ces plans sont tombés aux mains des Belges, l'attaque se déroulera aujourd'hui pour devancer des contre-mesures. J'émets des réservations formelles à propos de ce message, je ne le considère pas fiable mais c'est mon devoir de le transmettre ». L'« informateur sincère  » était l'attaché militaire hollandais à Berlin, Gijsbertus Sas, avec qui Goethals avait parlé aux alentours de 17 heures : ses informations étaient toujours examinées soigneusement car il était en contact avec un officier des services secrets allemands opposant au régime nazi, on sait aujourd'hui qu'il s'agissait du colonel Hans Oster.

Le général Van Overstraeten, conseiller militaire de Léopold III, qui a été informé du message vers 22 heures, fut stupéfait que l'informateur paraisse savoir pour la capture du plan. Le crash n'avait été mentionné par aucun article de presse. Il était possible que cela fasse partie d'un imposant plan de ruse allemand, mais il était également possible que l'information soit authentique. Suivant cette seconde hypothèse, Van Overstraeten modifia l'avertissement que le chef de l'état-major belge, le général Édouard Van den Bergen, avait esquissé et qui était sur le point d'être envoyé à tous les commandants de l'armée belge le 13 janvier : Tandis que l'avertissement indiquait initialement qu'un attaque pour le matin suivant était « probable », elle déclarait maintenant que l'attaque était « quasi-certaine ». Van den Bergen, qui avait secrètement promis à Gamelin de s'aligner aux côtés de la France et du Royaume-Uni, a alors décidé de diffuser à la radio, dans la nuit vers 22 heures 30, le rappel immédiat des 80 000 soldats belges en permission dans leurs unités, « Phase D », pour s'assurer que l'armée soit au maximum de sa puissance au moment de l'attaque allemande.

Cette mesure dramatique fut prise sans consultation avec Léopold III ou Van Overstraeten et sans savoir la décision qui avait été prise pour garder l'Allemagne dans l'incertitude de savoir si la Belgique était en possession de ses plans d'attaques ou non. Van den Berger, a alors, une nouvelle fois sans consulter le roi ou son conseiller militaire, ordonné que les barrières soient levées aux frontières communes avec la France, ce qui permettrait au troupes franco-anglaises de marcher rapidement à l'intérieur du pays quand elles seraient appelées en réponse à l'attaque allemande. Si les Allemands avaient effectivement attaqué le 14 janvier 1940, Van den Berger aurait certainement été acclamé pour sa prise de décision énergétique. Maintenant Van den Berger est en disgrâce pour avoir agi sans la permission du roi, alors que Léopold est le commandant suprême de toutes les forces armées belges. Van den Berger a été réprimandé si sévèrement par Van Overstraeten que sa réputation ne s'en est jamais remise, finalement Van den Berger démissionna à la fin de janvier 1940. L'une des critiques de Van Overstraeten envers les actions de Van den Berger était le fait qu'il avait donné aux Allemands une raison de croire que les Hollandais possédaient leur plan d'attaque.

La réaction hollandaise

La carte néerlandaise présentant le « Vesting Holland »

Bien que la reine Wilhelmine des Pays-Bas et son gouvernement aient été alertés par les avertissements belges, le généralissime hollandais Izaak Herman Reijnders était septique quant à l'information : lorsque l'attaché militaire belge à La Haye, le lieutenant-colonel, Pierre Diepenrijckx lui a passé une note de Van Overstraeten datée du 12, il a dit : « Croyez-vous vous-même en ces messages? Je n'y crois pas du tout ». Une fois encore, les autorités belges n'ont pas informé sur la façon dont elles ont obtenu l'information, de plus elles ont caché le fait que les Allemands prévoyaient dans leurs plans qu'une occupation partielle des Pays-Bas laissant libre le retranchement hollandais, le « Vesting Holland » (Fort Hollandais).

La raison pour laquelle, le lendemain, Reijnders fut aussi alarmé par Sas est aujourd'hui encore inconnue : après la guerre il niera avoir parlé à l'attaché belge, mais au matin du 14 janvier, en réaction à l'alerte belge, il a ordonné qu'aucune permission ne soit donnée aux soldats -ainsi, contrairement aux Belges, les Hollandais n'ont rappelé personne-, que les ponts stratégiques soient fermés et qu'on y arme des charges explosives. Dans l'après-midi, la population fut affolée par l'annonce à la radio de l'annulation des permissions, elle redouta que les Allemands avaient profité de l'importante vague de froid pour traverser le réseau d'inondations défensives gelé. La semaine suivante, afin de rassurer la population, beaucoup de reportages consacrés aux scies circulaires portatives ont expliqué qu'elles pouvaient servir à découper la glace.

Apogée et déception

La volonté du gouvernement belge de garder en sa possession les documents est un secret une fois encore indéterminé, cette fois il est dû au roi Léopold III lui-même. Au matin du 14 janvier, il envoya un message à Winston Churchill, alors premier « lord » de l'amirauté, via l'amiral Sir Roger Keyes demandant certaines garanties. Léopold passe par Keyes car c'était un agent de liaison secret entre le gouvernement britannique et le roi. Les garanties susmentionnées incluaient l'assurance que les alliés n'ouvriraient pas les négociations quant à un règlement des conflits sans l'accord de la Belgique. Keyes ajouta une annexe stipulant qu'il croyait que Léopold III pourrait être capable de persuader son gouvernement d'appeler immédiatement les Alliés si les garanties étaient acceptées. Cela était dans l'intérêt des Alliés parce que Paris et Londres avaient déjà tenté de convaincre Bruxelles de laisser leurs troupes entrer en Belgique depuis que la guerre avait éclaté.

Il n'existe pas de transcription de la conversation de Keyes avec Churchill, mais si Keyes a vraiment dit ce qu'il avait l'intention de dire alors le message s'est modifié à mesure des répétitions dans la chaîne des intermédiaires entre Churchill et le Commandement suprême. Dans l'après-midi où il joignit les Français, il ne fut pas fait référence au fait que Keyes n'exposait que son avis sur l'appel aux Alliés. Le rapport français de l'offre exposait que « le roi pourrait demander à son gouvernement de demander aux armées alliées d'occuper immédiatement des positions défensives à l'intérieur de la Belgique » si les Belges recevaient satisfaction de leurs garanties. Édouard Daladier, le président du conseil français en janvier 1940, répondit rapidement au gouvernement britannique que, dans la mesure où la France était concernée, les garanties pouvaient être prises. De cette façon, le Français pensait que les Belges recevraient une réponse satisfaisante des Britanniques quant à leurs garanties, et qu'ils inviteraient immédiatement les Alliés à traverser la frontière.

À 15 heures 50, Daladier informa Gamelin que les Belges avaient en principe convenu d'une avancée française et demanda s'il était prêt à exécuter celle-ci. Gamelin était vraiment satisfait, répondant que grâce à de fortes chutes de neige à la frontière germano-belge, les Allemands seraient incapables de se déplacer rapidement, qu'une invasion allemande était par conséquent peu probable et que cela mettait les Français en position idéale pour un retranchement, ajoutant « Nous devons nous saisir maintenant de l'occasion ». Gamelin ordonna aux troupes alliées sous son commandement durant la nuit du 14 au 15 janvier de se déplacer jusqu'à la frontière franco-belge afin d'être prêtes à la traverser dès qu'elles en recevraient l'ordre.

Cependant, à 16 heures 45, il est appelé par son adjoint, le commandant du front du Nord-Est, le général français Alphonse Georges. Averti de l'ordre, Georges craignit que cette décision fut irréversible et qu'elle mettrait en marche une série d'évènements qui rendraient une invasion allemande inévitable alors que les armées de terre et de l'air françaises n'avaient pas encore terminé leurs réarmements. Gamelin se mit en colère et insulta Georges, le forçant à approuver son ordre. Durant la nuit, les Belges furent prévenus de la manœuvre. C'est seulement, le 15 janvier 1940 à 8 heures que Gamelin vit la réponse britannique aux garanties : elles offraient la version édulcorée la moins susceptible d'être acceptée par les autorités belges. Au même moment, il reçut des messages des troupes en mouvement attestant que les gardes-frontières belges avaient baissé les barrières et qu'ils ne les autorisaient pas à entrer dans le pays. Trois heures plus tard, Daladier, incité par un Gamelin désespéré qui insista pour que le premier mette le gouvernement belge « face à ses responsabilités », expliqua à Pol le Tellier, l'ambassadeur de Belgique à Paris, qu'à moins que la France ait une invitation à entrer en Belgique pour 20 heures le soir même, non seulement les troupes franco-britanniques se retireraient de la frontière mais ils refuseraient également d'effectuer de pareilles manœuvres au cours de futures alertes tant que les Allemands n'auraient pas envahi.

Le cabinet belge démontra son incapacité à arriver à une réponse positive à propos de l'invitation. Après tout, l'invasion avait été prévue pour le 14, mais ne s'était pas réalisée. Les fortes chutes de neige continuaient à la frontière orientale, rendant une attaque allemande peu probable. Le roi et Van Overstraeten, tous deux ardents défenseurs de la neutralité, espéraient qu'une solution diplomatique pourrait mettre fin à la guerre et n'avaient pas l'intention d'impliquer leur pays à moins que cela soit absolument nécessaire. Aux alentours de midi, Van Overstraeten ordonna aux gardes frontières belges de laisser les barrières baissées et leur rappela l'ordre perpétuel de « repousser par la force toute unité étrangère de n'importe quelle nationalité qui foulerait le territoire belge ». À 18 heures, Daladier dit à un Gamelin déçu qu'il « ne pourrait pas prendre la responsabilité de nous autoriser à pénétrer préventivement en Belgique » c'est-à-dire violer la neutralité belge.

Les Allemands annulent l'invasion

Quand Jodl a appris, le 13, que les documents étaient probablement illisibles, il a annulé le plan originel pour l'avancer de 3 jours, c'est-à-dire pour le 14 janvier, puis le repoussa au 15 ou au 16. Dans la nuit parvint la nouvelle surprenante de la mise en alerte des troupes belges et hollandaises - celles-là avaient été mobilisées depuis septembre 1939. Cela fut attribué au crash de l'avion et à l'approche trop évidente de la 6e armée de Friedrich Paulus. L'élément de surprise était donc perdu. Le 15, les conditions de conduite étaient tellement mauvaises à cause des chutes de neige et les prévisions météorologiques étaient si maussades que Jodl conseilla à Hitler de repousser l'invasion à une date postérieure. Non sans hésitation, Hitler prit cette décision le 16 janvier à 18 heures.

Résultats

À court terme, cet incident a semblé n'avoir aucun effet notoire, mais à long terme, les conséquences de cet incident furent désastreuses pour la Belgique et la France. Lorsque la véritable invasion se produisit, le 10 mai 1940, les Allemands avaient radicalement changé leur stratégie et ce changement entraina la débâcle alliée lors de la Bataille de France, tandis qu'une victoire allemande, même partielle, aurait probablement été loin d'être certaine si le plan originel avait été appliqué. La détermination du lien de cause à effet entre l'accident de Mechelen et le changement de stratégie est complexe.

Dans la majorité des récits traditionnels, l'accident fit faire à Hitler la volonté de changer drastiquement de stratégie. Il demanda à Jodl que « toute l'opération soit construite sur de nouvelles bases afin d'assurer le secret et la surprise ». Les Belges se sont sentis obligés de dire aux Allemands qu'ils avaient leurs plans. Quand Joachim von Ribbentrop, le ministre des Affaires Étrangères du 3e Reich, rétorqua qu'il était « périmé », il était plus proche de la vérité qu'il ne le pensait. En réaction à la demande d'Hitler, le haut commandement allemand se mit à chercher une alternative, qui fut finalement trouvée par la proposition du général Erich von Manstein, l'ancien chef d'état-major du groupe A de l'armée allemande, qui, depuis quelques mois, défendait un nouveau concept : au lieu d'être compromis par une attaque connue de l'ennemi, dont le coup principal serait porté à la frontière Nord-Est de la Belgique, les divisions de Panzer seraient concentrées plus au sud. Le 13 février 1940, Jodl nota qu'Hitler donna son accord, faisant allusion à l'accident de Mechelen : « Nous devons alors attaquer dans la direction de Sedan ». Hitler dit à Jodl « l'ennemi ne nous y attend pas. Les documents en possession des officiers de la LuftWaffe qui se sont écrasés ont convaincu l'ennemi que nous avions seulement l'intention de reprendre les côtes hollandaises et belges ». Quelques jours après Hitler parla personnellement à Von Manstein et lui donna le feu vert. Le plan qui avait semé la zizanie en Belgique en janvier 1940 avait été changé.

Le plan jaune remanié

Cependant, l'importance de cet accident a aussi été violemment contestée. Dès ses tous débuts, le plan originel a toujours suscité l'hésitation d'Hitler. L'ajournement en était le point de convergence, et cette solution est davantage due aux mauvaises conditions météorologiques qu'à la révélation du contenu des documents. Comme le plan était plutôt traditionnel et prévisible, aucun secret essentiel ne fut compromis et ainsi il n'y avait pas besoin de changement. La demande d'Hitler d'avoir un effet de surprise ne mentionnait pas une nouvelle stratégie surprenante, mais une approche raccourcie et une phase de concentration des forces, afin que la surprise tactique puisse vaincre l'ennemi avant qu'il ne puisse réagir : à cette fin, les divisions blindées furent positionnées plus à l'ouest et l'organisation fut améliorée. Il n'y avait pas de changement franc dans la pensée stratégique, et quand on mit la dernière touche à ces concepts, dans un flux continu d'amendements, le 30 janvier 1940, le Aufmarschanweisung N°3, Fall Gelb n'était pas fondamentalement différent des versions précédentes. Au vu de cela, le fait que des amis de Von Manstein réussirent à apporter sa proposition à l'attention d'Hitler fut réellement un tournant capital. La conséquence majeure de cet accident aurait été qu'il a divulgué, non pas le plan allemand, mais la façon dont les alliés se déploieraient en cas d'invasion, permettant aux Allemands de s'adapter en conséquence.

L'adoption du Plan jaune (Fall Gelb) révisé par les Allemands, tandis que les Alliés continuaient à s'attendre à ce qu'Hitler aille de l'avant avec la version capturée, a signifié que les Allemands ont pu tendre un piège aux Alliés. Il y a tout de même eu une attaque sur le centre de la Belgique mais c'était une diversion afin d'attirer le plus possible de troupes alliées au nord, tandis que la principale attaque allemande fondait sur les Ardennes en traversant la Meuse entre Sedan et la zone au nord de Dinant, pour ensuite pénétrer aussi loin que possible vers les côtes de la Manche. Ainsi, les armées en Belgique seraient coupées de leurs ravitaillements et seraient forcées de se rendre. Cette ruse pouvait être habile mais elle fonctionnerait seulement si Gamelin persévérait à appliquer sa stratégie originelle, ce qui était peu probable compte tenu du fait que, jusqu'au 14 janvier, il avait toujours eu la bonne intuition. N'avait-il pas correctement deviné le plan jaune originel ?

Cependant, Gamelin ne pensa pas à changer de stratégie au cas où les Allemands changeraient la leur, malgré les inquiétudes de Lord Gort et du gouvernement britannique. Peut-être que les Alliés continuèrent à croire que les documents saisis étaient faux. Et peut-être que les Britanniques, embarrassés par la faible contribution de la Grande-Bretagne, n'ont pas osé critiquer la stratégie de leurs alliés.

Gamelin fut sévèrement critiqué pour n'avoir pas changé de plan. Sa position a été expliquée par une incapacité à croire que le très traditionnel état-major allemand pouvait faire preuve de stratégies innovantes, sans parler du concept encore plus novateur de « Blitzkrieg » qui a nécessité leur réflexion : n'importe quelle grande concentration de forces se déplaçant sur le faible réseau routier des Ardennes devrait se déplacer très rapidement. Ainsi, l'accident de Mechelen n'a pas dû avoir de conséquences importantes.

Erich Hoenmanns et Helmuth Reinberger furent condamnés à mort par contumace en Allemagne. Le transport aérien de documents secrets était formellement interdit et relevait du crime capital. La sentence n'a cependant jamais été appliquée. Hoenmanns a été évacué vers la Grande-Bretagne puis vers le Canada. Par contre, sa femme n'a pas survécu longtemps à un interrogatoire de la Gestapo, ses deux fils sont morts au combat pendant le guerre.

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article en anglais intitulé « Mechelen Incident » (voir la liste des auteurs)


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Accident de Mechelen de Wikipédia en français (auteurs)

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