État libre du Congo

État libre du Congo

État indépendant du Congo

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État indépendant du Congo


1885 — 1908

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Drapeau

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Informations générales
 Statut Royaume privé du roi Léopold II de Belgique
 Capitale Vivi puis Boma
 Langue(s) Français
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Population
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Superficie
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Histoire et événements
 30 avril 1885 Conférence de Berlin
 15 novembre 1908 Annexion par la Belgique
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Pouvoir exécutif
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Pouvoir législatif
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Entité précédente Entité suivante
Colonisation du Congo Colonisation du Congo
Congo belge Congo belge

L’État indépendant du Congo était un territoire sur lequel le roi Léopold II de Belgique exerça une souveraineté de fait de 1885 à 1908. Cet État était constitué par le territoire actuellement connu sous le nom de République démocratique du Congo. Léopold II commença à nourrir des ambitions colonisatrices à l’égard du Congo en 1877 après avoir cherché d’autres territoires, dont la Chine, le Japon, Bornéo, Fidji, le Haut-Nil, etc.

Il fut assuré d’une reconnaissance internationale de ses droits sur le territoire en 1885 par les autres puissances européennes. Sous le contrôle de l’administration de Léopold II, l’État indépendant du Congo vit l'application d'un régime de travail forcé. À partir de 1900, des informations concernant les conditions de travail dans l’État indépendant du Congo déclenchèrent une vague d’indignation et de protestation, au Royaume-Uni principalement, puis aux États-Unis et dans quelques pays européens.

En 1908, la pression de l’opinion publique et les manœuvres diplomatiques conduisirent à la fin de la souveraineté de Léopold II et à l’annexion du Congo par la Belgique en tant que colonie, désormais connue sous le nom de Congo belge.

Sommaire

Histoire

Genèse de l’État indépendant du Congo

Voir aussi : Expéditions préludes à la fondation de l'État indépendant du Congo

Léopold II, roi des Belges et souverain de fait de l’État indépendant du Congo de 1885 à 1908.

Léopold II parvint à faire reconnaître la souveraineté de l'AIC (l'Association Internationale du Congo) sur le Congo essentiellement pour trois raisons :

  • il promit d'en faire un État sans douane (tant les gouvernements français que britanniques imposaient d'importants droits de douanes à l'entrée et à la sortie sur les territoires de leurs colonies) ;
  • il octroya à la France, en 1884, un droit de préférence sur les territoires du futur État indépendant du Congo (ce qui signifiait qu'en cas de disparition ou de dissolution du futur État indépendant du Congo, la souveraineté des territoires serait proposée en premier à la France) ;
  • tant le Royaume-Uni que la France (et dans une moindre mesure, la Prusse), préférèrent confier les territoires du Congo à une petite nation neutre qu'à leur concurrent dans l'impérialisme.

Mais le regain d’intérêt pour les richesses générées par le territoire allaient limiter l’intégrité du territoire escompté. Les Français réclamèrent la rive nord du fleuve (l’actuelle République du Congo) et les Britanniques (principalement Cecil Rhodes) tentèrent de s'approprier la riche région du Katanga. Léopold II put finalement compter sur un territoire se confondant pratiquement avec la cuvette centrale du bassin du Congo, dont l’avenir économique restait incertain.

L’expansion française mettait le Royaume-Uni mal à l’aise, et ce dernier avait une revendication sur le Congo qui datait de l’expédition du Lieutenant Cameron en 1873. Cette expédition était partie de Zanzibar pour ramener le corps de David Livingstone, mais ne souhaitait pas prendre possession d’une grande colonie supposée peu productive. Le Portugal avait une revendication plus ancienne, datant des voyages de Diogo Cão à l’embouchure du Congo en 1482. Après l’avoir ignorée pendant des siècles, cette revendication réapparut. Les Portugais cherchèrent d’abord un soutien français, mais les Britanniques proposèrent le leur en échange d’une promesse de libre commerce sur le fleuve. L’Allemagne de Bismarck avait de nouvelles possessions en développement dans le Sud-Ouest africain, et n'avait pas d’ambition pour le Congo, mais était ravie de voir ses rivaux britanniques et français ainsi se disputer l’Afrique centrale.

L’État indépendant du Congo

Léopold II commença une campagne d’information au Royaume-Uni, épinglant les rapports sanglants relatifs à l’esclavagisme dans les colonies portugaises, et laissa sous-entendre aux grandes compagnies commerciales britanniques qu’il pourrait laisser au Royaume-Uni un statut plus avantageux que celui promis par les Portugais pour le commerce dans le territoire. Au même moment, Léopold II promit à Bismarck qu’il ne donnerait à aucune nation étrangère de faveur particulière sur le territoire du Congo, et que les allemands pourraient l’exploiter comme tous autres. Léopold offrit alors à la France le privilège que, s'il ne pouvait seul subvenir aux moyens nécessaires pour exploiter le territoire (ce qui semblait à l’époque être le cas), celui-ci reviendrait en priorité à la France. Finalement, il demanda l’aide des États-Unis, envoyant au Président Arthur des copies des traités conclus par l’explorateur britannique Henry Morton Stanley avec les chefs de tribus locales, proposant que dans le cadre de son action humanitaire, l’AIC administrerait le Congo pour apporter les bienfaits de la civilisation aux populations "indigènes".

En novembre 1884, Bismarck convoqua une conférence de 14 états (la conférence de Berlin) pour trouver un accord à l’amiable pour le partage de l’Afrique centrale. Et après 3 mois de négociation, Léopold obtint satisfaction. La France reçut 666 000 km² sur la rive nord du fleuve (les actuelles république du Congo et République centrafricaine, le Portugal 909 000 km² au sud (l’actuel Angola), et Léopold II obtenait au nom de l'AIC les 2 344 000 km² qui allaient constituer l’État indépendant du Congo.

La conquête de Léopold II

Armes de l'État indépendant du Congo
Parmi les problèmes auxquels Léopold dut faire face, celui des ambitions de Cecil Rhodes pour l’extension des territories britanniques vers le Katanga.

Léopold II n'avait plus besoin de la façade de l’AIC et la remplaça par un cabinet composé de Belges qui assureraient la gestion de l’État. Le 30 avril 1885, Léopold II prend le titre de souverain de l'État indépendant du Congo. Le premier chef désigné de cet immense territoire est un Anglais, sir Francis de Winton, qui avait le titre d'administrateur général et proclame officiellement à Vivi la fondation de l'État indépendant du Congo et l'avènement de Léopold II comme souverain de cet état. La capitale fut transférée plus tard à Boma et Léopold se constitua en 1888 une milice appelée la Force publique, grâce à des mercenaires blancs, des soldats belges, des enfants soldats noirs (enlevés dans leurs villages) et des esclaves noirs affranchis. Le vaste bassin du Congo fut réparti en 14 districts administratifs, chaque district en plusieurs zones, chaque zone en plusieurs secteurs, et chaque secteur en plusieurs postes. Chaque district était dirigé par un commissaire européen.

La Force publique à la fois armée et police national fut agrandi et compta ainsi 19 000 hommes en 1910. En uniforme bleu avec un fez rouge, les soldats léopoldien avaient un avantage sur les résistants africains, des fusils qui tirent une douzaine de coups sans devoir recharger, plus loin, plus précisément et surtout aussi par temps de pluie. Les africains n’avaient que des fusils archaïques du XVIIIe siècle, inutile par temps de pluie. Néanmoins les Boa, les Budja et les Sanga vont se livrer à une guérilla acharnée et les Yaka ne seront soumis qu’en 1906. En 1908, la Force publique comptera 313 postes militaires et effectue souvent des patrouille avec une douzaine de soldats noirs et 2 officiers blancs. Les populations congolaises devaient fournir à manger à l’armée. De 1892 à 1894, les difficiles relations entre l’État indépendant et les états arabo-swahilis du Maniema dégénérèrent en une lutte ouverte, qui fut peut-être l’épreuve militaire la plus dure et la plus soutenue qui ait accompagné la consolidation du contrôle européen. La défection du plus efficace auxiliaire congolais des chefs-marchands arabo-swahilis, Ngongo Lutete, et son passage au camp belge avec son armée de Bakusu-Tetela en 1892 marquèrent un tournant décisif dans la balance des forces. Ngongo Lutete lui-même fut exécuté sommairement l’année suivante par un agent de l’État indépendant, événement qui devait connaître un retentissement durable dans la région. Le pillage de l’ivoire et les razzias d’esclaves par des bandes armées atteignaient les états arabo-swahilis, et les ravages de la guerre menée entre ceux-ci et l’État indépendant disloquèrent et dévastèrent gravement une importante partie du centre-est congolais.

Trois problèmes importants se firent jour dans ces premières années. Tout d’abord, au-delà des 8 comptoirs développés par Stanley, il n’y avait que la jungle, qui n'offrait pas d’intérêt commercial. Ensuite, Cecil Rhodes, alors Premier ministre de la colonie britannique du Cap (partie de l’actuelle Afrique du Sud) cherchait à progresser d’avantage vers le nord et à occuper le sud du Congo en contravention avec la reconnaissance des limites territoriales de l'État indépendant du Congo par le Royaume-Uni. Et finalement, les esclavagistes zanzibarites de Tippo Tip avaient établi une présence forte dans l’est et le nord du territoire, ainsi que sur le territoire de l’actuel Ouganda. Tippo Tip avait ainsi fondé un véritable état indépendant.

Léopold II était un homme riche, mais pas assez pour supporter les dépenses nécessaires au développement du territoire du Congo. Il voulait tirer des richesses du Congo, et non se ruiner. De 1885 à 1889 le Congo ne lui rapportait rien et malgré les crédits des Rothschild il s’aperçut que la construction du Congo allait épuiser son ample fortune. En effet en 1889 Léopold n’avait que 430 employés à Boma. C’est en 1890 que le parlement belge lui octroya un crédit de 25 millions de francs belge.

Le premier grand changement fut la mise en place du régime domanial, qui consistait à nationaliser tout territoire qui n'avait pas encore été colonisé. Les terres furent octroyées à l’État et les employés de l’État furent chargés de leur exploitation. Les Africains et les Européens établis en dehors des lieux historiques de colonisation (à l'embouchure du fleuve Congo) se voyaient ainsi dépossédés de jure de leur propres terres. Il exigea donc qu'un rendement maximal fût tiré de la colonie et la Force publique exploita donc le caoutchouc et l’ivoire grâce aux populations locales. Mais sous les pressions britanniques le souverain accepta de partager l’exploitation du Congo.

Le territoire fut divisé en deux zones économiques : la zone confiée à des entreprises concessionnaires et la zone domaniale, qui était la propriété de l'État indépendant du Congo, et donc de Léopold II.

À partir de 1892 les sociétés concessionaires les 4 compagnies concesssionaires, l’ABIR, la Société anversoise, la Compagnie du Kasaï et le Comité spécial du Katanga exploitérent le caoutchouc et l’ivoire et versèrent un impôt à Léopold II. Sur cette base, le Congo commença à être économiquement autonome vers 1895, soit dix ans après sa reconnaissance par la communauté internationale. Rapidement, le problème de l’expansionnisme britannique au sud du territoire se posa. Le district éloigné et vulnérable du Katanga sur le Haut-Congo était occupé par un puissant chef appelé Msiri, et qui avait déjà rejeté les offres de Cecil Rhodes. Léopold II ne s’embarrassa pas de négociations : il envoya des expéditions armées pour occuper sa capitale. Msiri se retira dans la forêt, fut capturé mais refusa de se soumettre. Sur ordre de Léopold II, Msiri fut assassiné et un dirigeant plus docile fut mis en place.

Les campagnes contre les Arabo-Swahilis

La prise de possession du territoire par l'EIC allait à l'encontre des intérêts des esclavagistes établis dans l'est depuis plusieurs dizaines d'années. Après plusieurs altercations début des années 1890, la guerre ouverte éclata début 1892 suite à des attaques de postes de l'EIC sur la Lomami. Les postes de Lusambo et d'Albertville furent assiégés, mais résistèrent aux différentes attaques. Kasongo en revanche tomba. La contre-attaque de la Force publique menée à partir de novembre par Francis Dhanis contre Sefu permit de prendre Nyangwe en mars et Kasongo en avril 1893. Le siège d'Albertville avait été levé en janvier avec l'aide de renforts venus de l'est. La station des Stanley Falls attaquée à partir de mai fut secourue par Louis Napoléon Chaltin, qui venait de prendre Riba Riba.

La confrontation finale intervint dans le Maniema à partir de l'automne 1893. Rumaliza, qui avait assiégé Albertville, coalisa les différents sultans Arabo-Swahilis vassaux de Tippo Tip contre les troupes de l'EIC. La forteresse de Rumaliza est prise le 9 janvier 1894, et la dernière position Arabo-Swahilie, Kabambare, tombe le 25 janvier. Les troupes défaites fuient vers l'Afrique orientale allemande ou se soumettent.

Les révoltes des Batetela

Après la victoire contre les Arabo-Swahilis, le territoire de l'EIC lui était dorénavant entièrement acquis. Mais les voies de communication étaient encore limitées, le pays mal connu, et tenu par de faibles garnisons pour bonne part composées de soldats enrôlés de force. Parmi ces troupes, les Batetela, ethnie originaire des confins du Kasaï et du Maniema étaient en nombre. Ngongo Lutete, un de leur principaux chefs, avait assiégé Lusambo au début de la guerre contre les Arabo-Swahilis. Rallié un temps aux forces de l'EIC, il fut cependant sommairement exécuté en 1893.

Une première révolte des Batetela intervint en juillet 1895 à la garnison de la Force publique de Luluabourg. Elle ne fut définitivement matée qu'en décembre 1896.

Une deuxième révolte Batetela éclata le 14 février 1897 dans la vallée de l'Uele au sein de l'avant-garde de l'expédition du Nil, le jour même où la colonne Chaltin atteignait le fleuve dans l'enclave de Lado. Francis Dhanis, qui commandait la colonne principale de ce qui devait être l'expédition du Nil, ne put maitriser rapidement la situation, lui-même en proie à des défections lors des confrontations. Désormais actifs au Kivu et au Maniema, les mutins ne furent définitivement défaits qu'en décembre 1898.

La dernière révolte Batetela fut plus limitée. Elle éclata le 17 avril 1900 au fort de Shinkakasa. Elle fut matée au bout de trois jours. Elle vit cependant le bombardement de la ville de Boma voisine par les mutins.

L’administration de Léopold II

La mise en place de plantations dans les clairières était plus profitable que la récolte de caoutchouc dans la jungle. Ci-dessus, un village congolais (Baringa, Equateur) est vidé et dégagé pour faire place à une plantation de caoutchouc.

Léopold II ne s'intéressa pas à l'administration du Congo sur les territoires des compagnies concessionaires. Sur ses terres, tous les moyens furent bons pour tirer au mieux parti des populations et des ressources grâce à la Force publique aux ordres des compagnies. Sur les terrains domaniaux, c’est le roi lui-même qui envoyait par poste les ordres aux officiers de la Force publique. Sur les territoires où ces ressources étaient trouvables, l'État indépendant du Congo imposait des quotas de production d’ivoire et de caoutchouc, fixait les prix et imposait également la fourniture de vivres au comptoir. Les techniques pour pousser les populations à travailler étaient simple, la Force publique menaçait les chefs coutumiers, qui à leur tour donnaient l’ordre à leurs sujets d’aller récolter du caoutchouc sauvage dans la forêt. Jusqu’à ce que les populations n’obéissent plus à leurs notables, c’est alors que l'on créa des camps où les femmes et les enfants furent pris en otage, les hommes pouvaient libérer les membres de leur famille contre de l’ivoire ou du caoutchouc. Les conditions de détentions étaient telles que beaucoup mouraient de maladie (diphtérie, tétanos) avant d’être libérés. Une fois libérés, les otages et l’homme deviennent inutiles, voire un obstacle à la production, connaissant la tactique de prise d’otage et doivent donc être tués. Toute cette exploitation reposant sur l’obéissance aveugle des soldats noirs de la Force publique à leurs officiers blancs et au roi, le principal problème pour Léopold II devient vite les mutineries des soldats noirs. Il y eut trois grandes mutineries en 1895, en 1897 et en 1900.

Le premier diamant fut trouvé au Kasai en 1907.

Les mains coupées

Congolais avec mains coupées.

La question des mains coupées reste controversée seulement en Belgique. Ainsi, la Commission d'enquête internationale dépêchée au Congo en 1904 et 1905 a reconnu que des soldats avaient reçu pour consigne de couper les mains des indigènes tués au combat afin de prouver le bon usage des cartouches fournies.

Nombre de morts

Les estimations du nombre total de morts restent extrêmement difficiles, tout comme la détermination de la cause de ces morts.

La première estimation de la population congolaise, celle sur laquelle se sont basés tous les détracteurs de l'État indépendant du Congo, fut le fait de l'explorateur Stanley dans The Congo and the founding of its Free State, qui compta le nombre d'indigènes qui vinrent l'observer alors qu'il remontait le fleuve Congo et quelques affluents. Après les avoir dénombrés, il multiplia le nombre obtenu par le territoire total du Congo, sans tenir compte du fait que la densité de population est toujours largement supérieure à proximité des voies d'eau qu'à l'intérieur d'un pays, et que d'innombrables indigènes étaient venus le voir car il constituait un spectacle surprenant.

Stanley est ainsi arrivé au chiffre de 42 608 000 habitants. Toutefois, en plus d'avoir effectué le "recensement" d'un territoire gigantesque en comptant les indigènes qui se pressaient le long du fleuve Congo, Stanley s'est trompé dans la multiplication de ses propres données. En effet, en ne commettant pas son erreur de calcul (une mauvaise multiplication du nombre de miles parcourus en bateau), on arrive à une population de 27 694 000 habitants, chiffre qui fera d'ailleurs autorité en France et en Belgique (le traducteur français du livre de Stanley ayant corrigé lui-même l'erreur lors de sa traduction du livre).

Ce chiffre, 27 694 000 indigènes, est toutefois largement sujet à caution pour les raisons exposées ci-dessus.

La seconde estimation de la population congolaise, celle sur laquelle se base Adam Hochschild pour chiffrer le nombre total de morts, date de 1924. Cette estimation (et non recensement) effectuée par l'administration belge de l'époque s'élevait à 10 000 000 d'indigènes. Toutefois, il n'y a là non plus aucune raison de penser que ce chiffre soit exact (en 1948, soit 24 ans plus tard, l'administration coloniale belge déclara qu'elle n'avait, dans les faits, aucune idée de la population du Congo).

Les historiens sont donc confrontés à une absence totale de chiffres fiables pour dénombrer la population indigène du Congo. Certains, se basant sur les témoignages de colons ou de missionnaires présents dans certains villages du Congo, s'autorisent à lancer des chiffres qui varient fortement : ainsi, le rapport du diplomate britannique Roger Casement en 1904 donne un chiffre de 3 millions de personnes, Forbath parle d’au moins 5 millions, Adam Hochschild, de 10 millions, l’Encyclopædia Britannica donne une perte de population de 8 à 30 millions.

Au moment de l'indépendance en 1960, la population totale du territoire était d'environ 12 000 000 personnes, et avait crû sensiblement depuis la reprise de la tutelle sur le territoire par la Belgique en 1908.

Des chiffres précis sont donnés pour les pertes humaines liées à la construction de la voie ferrée Matadi-Leopoldville: En 9 ans "1800 travailleurs noirs et 132 cadres et contremaîtres blancs étaient morts. Rapportés aux effectifs engagés, les pertes des Blancs etaient dix fois supérieures à celles des Noirs".[1]

La problématique de l’État indépendant du Congo

Comme Joseph Conrad dans son roman Heart of Darkness, Mark Twain (ci-dessus) vit un régime colonial de souffrance, travail obligatoire, viols et mutilations. King Leopold's Soliloquy de Twain fut une satire sarcastique et mordante.

Léopold II se trouva en difficulté avec les prêts contractés, avant que les investissements consentis au Congo ne soient rentables avec le début du boom mondial sur le caoutchouc dans les années 1890. Les prix grimpèrent en flèche à chaque nouvelle innovation impliquant l'utilisation du caoutchouc : telle la fabrication de tuyaux, de gaines isolantes pour le fil de télégraphe et de téléphone, la fabrication de pneus. À la fin des années 1890, la récolte de caoutchouc avait de loin dépassé l’ivoire en tant que principale source de revenu du Congo. Le sommet de cette exploitation intervint en 1903, lorsque le prix du caoutchouc arriva au plus haut. L’ouverture en 1898 de la ligne de chemin de fer Matadi-Léopoldville permit par ailleurs de convoyer rapidement et à peu de frais les marchandises de et vers l’intérieur du pays. Ce transport se faisait auparavant par portage à dos d’homme, extrêmement coûteux tant au niveau financier, qu'en vies humaines.

Timbres de l’État indépendant du Congo, portait de Léopold II

Les compagnies concessionnaires congolaises durent cependant rapidement faire face à des concurrents originaires de l’Asie du sud-est et de l’Amérique latine, lorsque les plantations d'hévéas se multiplièrent en d’autres contrées tropicales plus exploitables, généralement contrôlées par des firmes britanniques rivales. C'est alors que les prix du caoutchouc commencèrent à descendre. La compétition amena à abuser du travail forcé pour abaisser les coûts de production. Pendant ce temps, le coût du recrutement de la main d’œuvre grignotait les marges bénéficiaires, qui diminuerait aussi par l’épuisement de la matière première. Avec la montée de la concurrence avec les autres nations pour le marché du caoutchouc, la gestion privée de Léopold II devenait vulnérable aux attaques des autres nations, en particulier du Royaume-Uni.

Visiter le pays était difficile. Les missionnaires y étaient tolérés, y compris des afro-américains presbytériens tels George Washington Williams et William Henry Sheppard. Les employés blancs ne pouvaient quitter le pays avant la fin de leur contrat. Cependant, des rumeurs circulèrent dès 1896 et Léopold en fut le premier surpris. Comme il ne s'occupait pas du tout de la gestion de la colonie, il y a tout lieu de penser qu'il ne savait rien des exactions commises par certains individus dans des territoires et à des époques bien délimités.

Léopold déclara ainsi, dans des lettres privées :

  • "S'il y a des abus au Congo, nous devons les faire cesser. S'ils se perpétuaient, ce serait la fin de l'État" (lettre du 13 septembre 1896 à van Eetvelde).
  • "Il faut réprimer énergiquement les horribles abus qui ont été relevés. Il faut que ces horreurs finissent ou je me retirerai du Congo. Je ne me laisserai éclabousser ni de sang, ni de boue et il faut que ces turpitudes cessent" (lettre du 17 janvier 1899 à Liebrechts).

Toutefois, dès 1900, après avoir parlé à des fonctionnaires coloniaux et suivant l'attitude de la presse et de l'opinion belges, Léopold mit en doute la réalité des exactions, qu'il prit pour une campagne de propagande du Royaume-Uni pour tenter de prendre la souveraineté du Congo. Léopold se lança alors dans de coûteuses campagnes de publicité, créant même une "Commission pour la protection des indigènes" pour contrer les "quelques fauteurs d’abus". Certains journalistes furent ainsi rétribués par l'État indépendant du Congo pour écrire des articles, les critiques accusés de servir les intérêts du Royaume-Uni et les témoignages des missionnaires protestants discrédités pour être accusés de s’en prendre aux missionnaires catholiques. L’État indépendant du Congo contra ces attaques pendant plusieurs dizaines d’années. La situation au Congo était connue, mais peu de Belges y croyaient.

Le Roi des belges, navire sur lequel Joseph Conrad a navigué en 1890 pour le compte de l'État indépendant du Congo

Cependant, la menace pour le régime de Léopold II vint d’un coté inattendu. Edmund Dene Morel, ex-employé d’une grande compagnie de transport de Liverpool, devenu journaliste d’investigation à temps plein, publia ses articles avec l'aide de commerçants de Liverpool, souhaitant la fin du monopole de Léopold II sur le pays, dont le millionnaire du chocolat William Cadbury. En 1902, la nouvelle de Joseph Conrad Heart of Darkness fut publiée. Basée sur sa brève expérience comme capitaine de l’un des bateaux à vapeurs sur le fleuve 10 ans auparavant, il contribua à sensibiliser d’avantage l’opinion publique à propos de ce qui se passait au Congo. Mark Twain et Arthur Conan Doyle dénoncèrent également la situation dans leurs écrits (respectivement Le soliloque du Roi Léopold et Le Crime du Congo). En 1903, Morel et ses partisans à la Chambre des communes réussirent à faire voter une résolution demandant au gouvernement britannique de mener enquête à propos des violations de traité de Berlin. En 1904, Sir Roger Casement, alors consul britannique, donna un rapport détaillé de ce qu’il avait vu au Congo, rapport qui fut rendu public. La British Congo Reform Association, fondée par Morel avec l’aide de Casement, demandait que l’on agisse. D’autres nations européennes, ainsi que les États-Unis suivirent. Une enquête fut ouverte afin de prouver les mauvais agissements du système léopoldien. Des commissaires (suisses, italiens et belges) furent envoyés sur les lieux, afin de récolter des témoignages. Ils rédigèrent un rapport sur les mauvaises conditions de vie des Congolais, qui fut publié le 4 novembre 1905. Le parlement britannique demanda la convocation d’une nouvelle réunion des 14 signataires du traité de Berlin de 1885, pour une révision de celui-ci. Le parlement belge, avec à sa tête le dirigeant socialiste Émile Vandervelde et d’autres détracteurs de la politique congolaise de Léopold II, forcèrent ce dernier à mettre en place une commission indépendante pour enquêter sur le Congo. En 1905, cette commission confirma que des abus avaient été commis.

Léopold II offrit de réformer son régime, mais peu le prirent au sérieux. La Belgique, à laquelle Léopold s’était plutôt engagé à céder le Congo à sa mort, fut réticente. La décision de reprise du Congo fut finalement acceptée par le gouvernement belge, après deux ans de débats et suite à la mise en place d’un nouveau parlement.

Finalement, le 15 novembre 1908, quatre années après le rapport Casement et six ans après la sortie de Heart of Darkness, le Parlement de Belgique vota l’annexion de l’État indépendant du Congo, et prit en charge son administration.

Tragédie humanitaire

Indigène fouetté avec une chicotte, État indépendant du Congo

En 1998, Adam Hochschild a rappelé ce combat pour la fin de l’État indépendant dans son livre les Fantômes du roi Léopold. Il est extrêmement difficile d'évaluer l'ampleur de la tragédie humanitaire causée par les 23 années d'administration du territoire par l'État indépendant du Congo. En premier lieu, il existe de grandes incertitudes quant à la population du territoire en 1885. Stanley l'estimait à 30 millions d'individus, basant ses calculs à partir de ses observations à partir du fleuve. Ce chiffre est généralement considéré comme surévalué. La population du territoire a grandement souffert de cette administration, par des violences directes, mais aussi par une baisse de la natalité, la perturbation des modes de vie, la destructions des habitats et des cultures, les maladies, la famine, les exodes. Les causes de la mortalité chez les Congolais étaient principalement dues à la famine, à l'épuisement qu'éprouvaient les hommes, femmes et enfants en travaillant excessivement, aux maladies comme la variole ou la maladie du sommeil et encore aux guerres et massacres prepétrés par les soldats belges. Les chiffres donnés pour les pertes de population vont de quelques centaines de milliers de personnes à 30 millions.


Voir aussi

Bibliographie

  • André-Bernard Ergo, Des Bâtisseurs aux Contempteurs du Congo Belge. L'Odyssée coloniale. L'Harmattan, 2005.
  • André-Bernard Ergo, L'Héritage de la Congolie. Naissance d'une nation en Afrique centrale. L'Harmattan, 2007.
  • Guy Vanthmesche, La Belgique et le Congo. empreintes d'une colonie (1885-1980), Complexe, 2007.
  • François Bontinck, Aux origines de l'État indépendant du Congo. Documents tirés d'archives américaines, Louvain-Paris, Nauwelaerts, 1966.
  • François Bontinck, La genèse de la Convention entre le Saint Siège et l’EIC, Église catholique, 1981, p. 261-303.
  • baron Émile Borchgrave, Les origines de l'État indépendant du Congo, Bull. de la Classe des Lettres et Sciences morales de l'Académie royale de Belgique, 1919, pp. 169-174.
  • Georges Blanchard, Formation et constitution politique de l'État indépendant du Congo, Paris. Pedone 1899.
  • José Clément, Antoine Lambrighs, Maurice Lenain, Oscar Georges Libotte et Pierre Piron, La colonisation belge une grande aventure, Éditions Gérard Blanchart & Cie, Bruxelles, 2004
  • Alphonse-Jules Wauters, L’État indépendant du Congo, Historique - Géographie physique - Ethnographie - Situation économique -Organisation politiqueBruxelles. Librairie Falk Fils 1899. (version libre de droit sur Gallica)
  • Adam Hochschild, Les fantômes du roi Léopold, un holocauste oublié, éditions Belfond, 1998, 440p.

Liens externes

Articles connexes

Notes et références

  1. Bernard Lugan - Pour en finir avec la colonisation p.178.


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Congo précolonial (avant 1867) · Colonisation du Congo (1867-1885) · État indépendant du Congo (1885-1908) · Congo belge (1908-1960) · 1ère République Indépendance (1960-1965) · Crise congolaise (1960-1965) · 2ème République Zaïre (1965-1996) · Première guerre du Congo (1996-1998) · Gouvernement de Salut public (1997-2003) · Deuxième guerre du Congo (1998-2003) · Gouvernement de transition (2003-2006) · 3ème République (2006-)

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