- Villes nouvelles
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Ville nouvelle
Une ville nouvelle est une ville, ou un ensemble de communes, qui naît généralement d’une volonté politique, et qui se construit en peu de temps sur un emplacement auparavant peu ou pas habité.
Ces projets sont marqués par les réflexions sur la cité idéale à une époque donnée. Elles adoptent souvent un tracé régulier (en damier, en étoile,...); les bâtiments publics, l'organisation des services et parfois les contraintes architecturales imposées aux constructeurs dénotent un programme social ou intellectuel. Le désir d'ordre s'inscrit dans le réel, dans la société humaine; dans le tissu urbain s'incarnent alors des visées idéologiques, voire religieuses ou mystiques.
Après quelques décennies, la "ville nouvelle" perd son caractère de nouveauté: mais le centre historique de ces fondations originales reste le témoin d'une aventure humaine, ou d'un rêve personnel.
Certaines villes anciennes se sont aussi vu adjoindre des "villes neuves" (en réalité, des quartiers construits sur des terrains vierges ou libérés), comme à Nancy sous le duc Charles III.
Sommaire
Antiquité
Dans l’Antiquité, la création de villes est principalement liée à l’extension territoriale des civilisations. On construit des villes (des colonies) pour s’implanter sur de nouveaux territoires. Dans le bassin méditerranéen en particulier, de nombreuses villes sont ainsi créées par les Grecs (Asie Mineure, Italie, Sicile…), les Carthaginois (Afrique du Nord, péninsule Ibérique) ou les Romains (Afrique du Nord, Gaule…).
On peut citer :
- Akhetaton (Égypte), nouvelle capitale fondée par Akhénaton,
- Alexandrie (Égypte), qui a gardé le nom de son fondateur Alexandre le Grand,
- Marseille (France), qui conserve le souvenir de son origine grecque dans l’expression cité phocéenne, qui fait référence à la ville de Phocée en Asie Mineure, aujourd’hui disparue, dont étaient originaires ses fondateurs,
- Carthagène (Espagne), dont le nom rappelle clairement l’origine carthaginoise.
Moyen Âge
À l’époque féodale, la création d’une ville sur son domaine est le moyen, pour un seigneur, de sédentariser une population migrante ou nomade de journaliers, d’artisans et de marchands. Les premières villes nouvelles médiévales sont :
- des castelnaus, c’est-à-dire un nouvelle basse cour établie près du château, entourée de murs et jouissant de la protection du seigneur. Le terrain est divisé en lots où des familles d’habitants de la seigneurie sont invités à construire une cabane ou une maison ;
- des sauvetés, qui sont des territoires, en général créés par une autorité religieuse (évêque ou abbé), qui confèrent à ceux qui s’y établissent, des privilèges d’hospitalité et d’immunité.
À partir du XIIe siècle, le mouvement de création de villes nouvelles s’accélère avec les bastides.
Dans certains cas, les villes fondées proposent des exonérations fiscales à ceux qui viennent s’y installer ; les seigneurs se faisaient en effet concurrence pour peupler leurs fondations de villes et de bastides, et rivalisaient de privilèges pour attirer la population. L’activité économique générait des revenus indirects tout aussi lucratifs (voire plus) que les impôts. C’est l’origine des villes s’appelant Villefranche, Villefranque ou Francheville (franc signifiant à l’époque libre, et plus particulièrement exempté d’impôts).
La plupart des villes ou villages de France portant des noms comme Villeneuve, Villenouvelle ou Neuville, datent de cette époque.
Renaissance et Lumières
Après le Moyen Âge en Europe, les pouvoirs se centralisent progressivement. Les dirigeants ont besoin de contrôler des territoires de plus en plus vastes, et ils ont besoin d’y organiser des réseaux urbains qui soutiennent leur puissance. Ainsi seront créées des villes dans des régions considérées comme stratégiques, ou données en gage aux populations pour leur fidélité.
Des principautés sont aussi créées par la réunion de territoires disparates: le prince veut alors asseoir son nouveau prestige sur une capitale moderne, dont le tracé et l'aspect correspondent aux réflexions nouvelles sur l'urbanisme et les valeurs de l'Humanisme puis du Classicisme.
Bien souvent, leurs initiateurs ont laissé leur nom à ces villes.
On peut citer:
- Vitry-le-François, construite sur ordre de François Ier en 1544
- Phalsbourg (ville du Palatin), fondée par le comte Palatin Georges-Jean en 1570
- Lixheim, fondée par le comte Palatin Georges Gustave en 1608
- Charleville, créée par Charles III de Nevers en 1606
- Henrichemont, fondée par le ministre d'Henri IV, Sully, en 1609, et nommée en l'honneur du souverain
- Richelieu, créée par le cardinal-duc de Richelieu en 1631
- Saint-Pétersbourg, fondée par le tsar Pierre le Grand en 1703, pour en faire sa capitale tournée vers l'Europe.
Villes coloniales
La colonisation de l’Amérique par les Espagnols, les Portugais, les Anglais (puis les Britanniques), les Français et les Néerlandais entraîne la création de nombreuses villes, nécessaires à une implantation durable. Elles rappellent souvent le nom d’une ville de métropole (Carthagène en Colombie, la Nouvelle-Amsterdam), d’une personne à l’origine de leur création (Montréal qui provient de Mont-Royal, La Nouvelle-Orléans qui font fondée en l’honneur du Régent Philippe d'Orléans), d’un puissant protecteur (Bismarck en hommage au chancelier allemand Otto von Bismarck), de thèmes bibliques ou utopiques comme Philadelphie qui signifie amour fraternel).
Ces villes coloniales, souvent fondées pour réaliser une société utopique et d’abord presque toujours conçues par des ordres religieux ou par des souverains européens, développent des formes urbaines originales qui se placent dans la continuité du mouvement des bastides et se prolongeront jusqu’au XXe siècle avec des villes comme Casablanca.
Révolution industrielle
Au XIXe siècle, de nouvelles villes se développent très rapidement, mais beaucoup plus pour des raisons économiques que par une volonté politique. C’est surtout le cas dans toutes les régions d’extraction minière. De grandes cités sont construites spécialement pour y loger les mineurs toujours plus nombreux. De nombreuses villes naissent ainsi dans le bassin de la Ruhr, en Allemagne. En France, on peut citer La Roche-sur-Yon en Vendée, Lens dans le bassin minier du Nord, Decazeville dans le Massif central ou encore Montceau-les-Mines en Saône et Loire. Beaucoup plus tardivement, on peut citer aussi Mourenx, dans les Pyrénées-Atlantiques, qui se développe à la fin des années 1950 après la découverte du gisement de gaz naturel de Lacq, ou Albertville, en Savoie.
Sous le Second Empire, Le Vésinet, une cité-jardin, est créée dans l’ouest parisien par Charles de Morny, demi-frère de Napoléon III. Cette spéculation immobilière liée à la transformation de la forêt du Vésinet en une ville nouvelle n’est réalisable que grâce à l’arrivée du chemin de fer au pied de la terrasse de Saint-Germain-en-Laye. Le chemin de fer favorise également la création de la Ville d'Hiver d'Arcachon.
Les villes nouvelles modernes
Le 25 mai 1804, Napoléon Bonaparte décrète le transfert du chef lieu de la Vendée à La Roche-sur-Yon. Nait alors une cité réalisée selon un idéalisme des ingénieurs napoléoniens.
Projets réalisés
À partir des années 1960, l’urbanisation rapide dans certains pays incite les autorités à planifier le développement des plus grandes agglomérations par la création de villes nouvelles à leur périphérie, pour limiter la centralisation des plus grandes villes et essayer d’en faire des agglomérations multipolaires. Des villes nouvelles avaient déjà été réalisées aux États-Unis, dans les années 1930, par la Resettlement Administration (RA), dirigée par Rexford Tugwell, membre du Brain Trust de Franklin Roosevelt. On retrouve cette politique volontariste dans plusieurs pays.
- au Royaume-Uni comme :
Article détaillé : Ville nouvelle (Angleterre).-
- Crawley et Milton Keynes près de Londres,
- Poundbury, beaucoup plus tard, près de Dorset
- en France (sous l’égide de la DATAR) :
- Villeneuve-d'Ascq, près de Lille,
- L'Isle-d'Abeau, près de Lyon,
- Ouest Provence, près de Marseille,
- Hérouville-Saint-Clair, près de Caen
- Val-de-Reuil, près de Rouen
- Cergy-Pontoise, Évry, Marne-la-Vallée, Sénart et Saint-Quentin-en-Yvelines, près de Paris.
- en Belgique
En France, Paul Delouvrier est considéré à juste titre comme le père des villes nouvelles. Il soustrait l'urbanisme aux autorités politiques territoriales traditionnelles (maires, préfets, conseils généraux, ministères) en créant le District de la Région de Paris dont il est délégué général de 1961 à 1969, Il prend aussi contrôle de l'échelon inférieur, celui du propriétaire, en créant pour chaque ville nouvelle un établissement public qui achète l'ensemble du foncier.
La conception de ces nouvelles villes était inspirée d'abord par les principes du CIAM, notamment la Charte d'Athènes et sa volonté de rompre avec tous les modèles préexistants, qu'il s'agisse des villes coloniales issues de l'haussmanisation, des cités-jardins comme Le Vésinet ou des modèles antérieurs de villes régulières comme les bastides. Ensuite elles sont conçues avec une approche qui n'est plus ni perspective, ni figurative, mais strictement fonctionnelle selon le processus ingénieurial développé par Ildefonse de Cerda sous la nouvelle appellation d’urbanisme.
De nombreuses cités à vocation purement industrielle sont aussi créées dans les pays socialistes (URSS, Pologne, Roumanie…), d'abord un peu à la façon des cités minières d’Europe occidentale pendant la révolution industrielle, ensuite selon le modèle des grands ensembles collectifs . En Tchéquie, Most peut se targuer du statut de ville historique et nouvelle : pour faire place à l’extraction extensive du lignite, la ville a été littéralement « déménagée » et construite à quelques distance du centre historique détruit.
Dans d’autres pays, les villes nouvelles sont davantage à vocation scientifique et universitaire comme la ville de Louvain-la-Neuve et son université, en Belgique. Celle-ci cependant a, dès sa conception voulut se distancier des modèles de cités universitaires pour développer une ville à part entière, avec ses habitants, des écoles, une place pour les ainés, de grandes surfaces commerciales.
En Asie. Le pays qui en a créé le plus (246 villes nouvelles créées de 1990 à 2008) est la Chine pour absorber un exode rural massif induit par l'industrialisation de l'agriculture qui a fait passer le nombre d'urbains de 77 millions en 1953 à 190 millions en 1980, puis à 470 millions en 2000, pour atteindre environ 650 millions en 2008 (en inclut une "population flottante" de 150 millions de travailleurs migrants). 400 nouvelles villes sont encore pévues avant 2020 pour héberger des paysans devenus urbains. D'anciens bourgs comme Shenzhen ou Chongqing ont dépassé les 10 millions d'habitants. Parmi 89 villes chinoises de plus d'un million d'habitants, 49 créées ont été créées entre la fin des années 1980 et 2008. Seule 45 % des chinois sont urbains en 2008, mais ce taux devrait être de 60 % en 2020, d'après les prospectivistes qui pensent que que l'exode rural amènera encore 300 millions d'habitants en ville. La Chine a produit le premier projet de ville écologique pour 1 million d'habitants.
En Algérie, en 1980, le site exigu que la ville de Constantine (1500 hectares) n’arrive pas à desservir correctement les 450 000 habitants. Baptisée ville nouvelle « Ali Mendjeli » par décret présidentiel N°2000/17 du 05/08/2000 commence à vivre : La densité dépasse les 333 personnes/hectare. La préoccupation majeure, à cette période, c’est comment desservir près d’un million d’habitants à la fin du siècle. À défaut de s’élargir, il faut donc chercher ailleurs. D’où l’idée d’une nouvelle ville, unique et importante, destinée à absorber un programme de logements qui abritera plus de 250 000 habitants.
Enfin, certains pays ont créé une nouvelle capitale pour éviter la concentration de trop de pouvoirs (à la fois économiques et politiques) dans une seule ville, pour promouvoir une meilleure répartition de la population sur le territoire, pour placer la capitale au centre du pays, ou simplement pour mettre fin aux convoitises entre villes :
- Australie : Canberra, capitale fédérale choisie en 1908 comme compromis entre Sydney et Melbourne,
- Brésil : Brasilia, capitale fédérale vers le centre du pays remplaçant Rio de Janeiro en 1960,
- Birmanie : La ville de Naypyidaw, vers le centre du pays, encore en construction, devient capitale en novembre 2005 à la place de Rangoon,
- Canada : Ottawa, capitale fédérale choisie en 1857, pour mettre fin aux rivalités entre Montréal, Toronto, Québec et Kingston,
- Côte d'Ivoire : Yamoussoukro, dont Félix Houphouët-Boigny était le chef traditionnel, vers le centre du pays, devient capitale en mars 1983 remplaçant Abidjan,
- États-Unis : Washington, capitale fédérale non cotière, est fondée en 1800 pour ne pas choisir entre les grandes villes comme Philadelphie (qui est temporairement capitale) ou Boston,
- Kazakhstan : Astana, remplaçant Almaty comme capitale en 1998 (mais la ville existait déjà depuis 1824),
- Nigeria : Abuja, capitale fédérale vers le centre du pays remplaçant Lagos en 1982,
- Tanzanie : Dodoma, capitale fédérale vers le centre du pays remplaçant Dar es Salaam en 1973, le parlement est transféré en 1996. Néanmoins, l’ancienne capitale conserve encore de nombreuses structures importantes. De facto, les fonctions de capitale sont donc partagées entre les deux villes,
- Turquie : le nouvel État se donne Ankara comme capitale vers le centre du pays à la chute de l’Empire ottoman.
- De plus il existe des villes nouvelles dans presque tous les pays…
Projets non aboutis
- Algérie : Projet de remplacer Alger par une capitale nouvelle vers le centre du pays, Algéria.
- Argentine : projet de remplacement de Buenos Aires par Viedma.
Voir aussi
Bibliographie
- Emmanuel Pachaud, "Villes nouvelles : du concept à la réalité.", EspacesTemps.net, Il paraît, 10.03.2006.
Liens internes
- Ville champignon
- Urbanisation
- Périurbanisation
- HQE
- Quinzième cible HQE
- Liste des villes nouvelles du Maroc
Liens externes
- Base de données du Programme interministériel d’histoire et d’évaluation des villes nouvelles françaises
- Bibliothèque du Centre de documentation de l’urbanisme, Rapports sur les villes nouvelles
- Villes nouvelles françaises - Bases de données bibliographiques
Sources
Notes
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