- Tisha Beav
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Tisha BeAv Veillée du 9 av au pied du Mur occidental, entre 1977 et 1981Nom officiel Tisha beav (תשעה באב « neuvième jour d'av ») Autre nom Jeûne du cinquième mois Observé par le judaïsme rabbinique et le karaïsme (à une autre date) Type jeûne Signification Deuil pour la destruction des Temples de Jérusalem Date 9e jour d’av (en 2011, 9 août) Date 2011 9 août Observances jeûne, lecture de kinnot Le neuvième jour du mois d’av (hébreu : תשעה באב tish°a bè'av), correspondant selon la tradition rabbinique au « jeûne du cinquième mois » évoqué par Zacharie, est l'un des quatre jeûnes institués par les prophètes pour commémorer la chute du Temple.
Clôturant les périodes des trois semaines et des neuf jours, il commémore une série de calamités nationales ayant frappé le peuple judéen, en particulier la destruction du premier et du second Temple de Jérusalem.
Le jeûne du 9 av dure, à l'instar, de yom kippour, plus de vingt-quatre heures et est soumis aux mêmes restrictions sur les parfums, le port de chaussures de cuir et les rapports conjugaux. Cependant, si yom kippour est le « jeûne blanc », tisha beav est le « jeûne noir », marqué par les coutumes de deuil, la frugalité du dernier repas avant le jeûne, la lecture du Livre des Lamentations sur un ton éteint et la récitation de kinnot (élégies) à même le sol.
Sommaire
Le 9 av dans les sources juives
Les cinq calamités du 9 av
La source biblique du jeûne est une prophétie de Zacharie pour les temps messianiques, où il annonce que « le jeûne du quatrième mois, le jeûne du cinquième, le jeûne du septième et le jeûne du dixième se changeront pour la maison de Juda en jours d’allégresse et de joie[1]. »
Zacharie ne précise pas quand ce « jeûne du cinquième mois » a lieu. Cependant, selon les Sages, il se tient au neuvième jour de mois et commémore bien plus que la chute du premier Temple ; en effet cinq calamités, dont chacune justifierait un jeûne à elle seule, sont tombées sur le peuple juif en ce jour[2] :
- L'interdiction pour la génération de l'Exode de rentrer en terre d'Israël, suite à la faute des explorateurs dépêchés par Moïse[3] (selon le Talmud, il s'agit de la « faute-mère » : comme les Israélites ont pleuré en vain un 9 av, Dieu leur promet de leur donner une raison valable de pleurer désormais à chaque année[4])
- La destruction du Temple de Salomon, en l'an 3338, prélude à l'exil de Babylone
- La destruction du second Temple, en l'an 3828, suivie par le second exil
- La destruction de la forteresse de Betar en l'an 135, marquant la fin de la révolte de Bar Kokhba (et, selon le Talmud de Jérusalem, sa mort[5])
- Le labour de Jérusalem par Turnus Rufus, un an plus tard, pour y bâtir Ælia Capitolina, en effacer les traces du culte de YHWH et interdire son accès aux Juifs.
La détermination de la date du 9 av pour la première de ces calamités repose sur un calcul chronologique d'après les versets bibliques et sur une tradition orale qui n'avait pas été consignée dans la Mishna.
Pour la seconde, elle est déduite de la résolution d'une apparente contradiction sur les dates dans les Livres contemporains : le Livre des Rois indique que la ville et le Temple ont brûlé le 7 av[6] tandis que Jérémie indique le 10 av pour les mêmes évènements[7] ; selon les Sages, le 7 (et le 8) av, des étrangers sont entrés dans le sanctuaire et l'ont profané ; ils y ont mis le feu le 9 av et le 10 av[8], le Temple a fini de brûler. Selon Rabbi Yohanan, c'est cette date du 10 av qui aurait dû être choisie pour le jeûne mais les Sages lui ont préféré le 9 parce que l'affliction est plus importante au moment où elle se déclenche qu'à celui où elle se termine[9]. Plusieurs docteurs du Talmud jeûnaient d'ailleurs le 9 et le 10 av ou, au moins, la nuit du 10 av[5].
Selon une autre opinion, consignée dans le scholion à la Meguilat Taanit, le jour joyeux du korban etzim, fixé à l'époque de la Mishna au 15 av[10], l'avait été originellement au 9 av par la génération du retour à Sion ; d'aucuns en déduisent que cette date avait été choisie pour exaucer la prophétie de Zacharie (« les jeûnes ... se changeront en jours d'allégresse et de joie ») et qu'en conséquence, le jeûne du cinquième mois avait bien lieu le 9 av[11].En ce qui concerne la destruction du second Temple, Flavius Josèphe, contemporain des évènements, écrit que « Dieu avait, depuis longtemps, condamné le Temple au feu. La succession des temps amenait le jour fatal, qui fut le dixième du mois de Loos. A cette même date le Temple avait autrefois été brûlé par le roi de Babylone[12] ». Qu'il s'agisse du 9 ou du 10 av, l'idée qu'il puisse s'agir d'un jour fatal se retrouve également dans l'enseignement des Sages qui y commémorent aussi les deux autres calamités mentionnées dans la Mishna (chacune signant une perte de repères nationaux de plus en plus définitive). Ils rappellent par ailleurs que cette datation se fonde sur la tradition ; en d'autres termes, ces catastrophes ont « dû » avoir lieu le 9 av, car ce jour, assombri par des évènements funestes, est propice à d'autres calamités similaires[4].
Un jour de pleurs pour les générations
À l'époque de la clôture de la Mishna, le 9 av semble perdre de son importance : si Rabbi Yehouda prend sa seouda mafseket (dernier repas avant le jeûne) à la façon d'un repas de deuil, Rabbi Juda Hanassi en annule le caractère lorsque le 9 av a lieu le chabbat et que le jeûne doit être décalé au lendemain (c'est-à-dire au dimanche)[13]. Cependant, les Sages de Babylone différencient soigneusement Tisha beav des autres jeûnes et en rendent l'observance obligatoire car les tourments y sont plus nombreux qu'en tout autre jeûne[14] ; c'est d'ailleurs, aux dires de plusieurs, le seul jeûne public observé à Babylone[15].
Le 9 av donne lieu au cours des siècles suivants à la composition et à la lecture de pièces liturgiques d'un nouveau genre, les kinnot (élégies). Il devient de coutume dans les communautés ashkénazes de lire en outre le Livre des Lamentations lors de la veillée du 9 av[16], les séfarades lisant aussi celui de Job le matin, suivant l'ordonnance plus ancienne d'Amram Gaon[17]. Aux kinnot d'Eleazar Hakalir, pleurant la chute du Temple, et celles de Juda Halevi, se lamentant sur l'exil, s'ajoutent des complaintes de catastrophes locales survenues au cours des siècles et datées, coïncidentalement ou non, du 9 av :
- l'appel aux Croisades par le Pape Urbain II, survenu le 9 av 4855 (1095 EC), suite auxquelles de nombreuses communautés rhénanes disparaissent dans leur entièreté
- le brûlement du Talmud à Paris, le 9 av 5002 (1242 EC), survenu au terme du procès du Talmud
Du fait de ces nouvelles calamités, le 9 av revêt un aspect de tristesse et d'ascétisme de plus en plus marqué avec le temps : au XIIe siècle, Moïse Maïmonide ne compte comme marques de deuil que celles énoncées dans le Talmud et limite l'interdiction de viande et de vin à la seouda mafseket[18]. Un siècle plus tard, Moïse de Coucy, protagoniste du procès du Talmud, signale que beaucoup ne mettent pas les tefillin (phylactères) pour prier[19] et les décisionnaires rhénans étendent la période de deuil bien au-delà de la semaine au cours de laquelle a lieu le 9 av[20].
Au fil des années et des siècles, les catastrophes s'accumulent et, avec elles, les marques de deuil et kinnot :
- la signature du décret d'expulsion des Juifs d'Angleterre par le roi Édouard Ier d'Angleterre, le 9 av 5050 (1290 EC)
- l'expulsion des Juifs de France par Philippe le Bel, le 10 Av 5066 (22 juillet 1306)[21]
- la mise en application du décret d'expulsion des Juifs d'Espagne le 9 av 5252 (1492 EC)[22].
Le 9 av dans le hassidisme
Alors que les coutumes de deuil dominent, les hassidim tiennent à rappeler que le jour n'est pas totalement dépourvu d'espoir : d'une part, une tradition talmudique affirme que le Messie naîtra un 9 av[23] et, d'autre part, « qui pleure la destruction de Jérusalem mérite de se réjouir de sa reconstruction[24] ». Le 9 av devient donc, paradoxalement, un temps d'espoir et d'anticipation, une opportunité de tisser un lien plus étroit avec Dieu[25].
Beaucoup poursuivent lors du 9 av la coutume de compléter l'étude d'un traité talmudique qu'ils observent depuis le début du mois d’av, atténuant les tourments des souvenirs tragiques par la joie de l'étude de la Torah[26].
Le 9 av après le Moyen âge
En 1648, Sabbataï Tsevi se base, entre autres, sur la tradition qui fait naître le Messie un 9 av[23] pour se proclamer Messie et abolir les observances du 9 av. Sa conversion à l'islam entraîne cependant un détachement de la majeure partie de ses fidèles, de sorte que son action n'entraîne pratiquement aucune répercussion.
Au XIXe siècle, la Haskala, qui encourage les Juifs à s'intégrer au monde profane et non-juif, a des effets plus durables : d'une part, les premiers théoriciens de la réforme du judaïsme, souhaitant gommer toute dimension nationale au fait juif, estiment que la chute du Temple a permis la transformation de la nation juive en une nation de prêtres[27] ; d'autre part, la désaffection à l'observance du 9 av semble également avoir été monnaie courante parmi les premiers sionistes, Berl Katznelson s'offusquant en 1934 de ce que les jeunes de son parti aient tenu des feux de camp « en ce jour qui a scellé notre destin[28] ».
La Shoah et la création de l'état d'Israël en 1948 entraînent des changements profonds dans cet état de choses :
- D'une part, on assiste au retour du 9 av dans la liturgie réformée bien que beaucoup de ceux-ci y voient avant tout le jour mémorial par excellence pour les victimes de la Shoah[29] (de fait, les déportations en masse des Juifs parqués dans le ghetto de Varsovie vers le camp d'extermination de Treblinka ont commencé le 9 av[30] et, en France, la rafle du Vélodrome d'Hiver, ainsi que celles de de Nancy et de la Marne, ont eu lieu au cours des trois semaines qui séparent le 17 tammouz du 9 av).
Menahem Begin, devenu premier ministre, avait lui aussi eu l'intention de regrouper toutes les journées du souvenir, y compris celles pour les victimes du terrorisme antisémite et antisioniste et pour les soldats israéliens morts en service, au 9 av[31].
Le souvenir des victimes de la Shoah s'insinue aussi dans la liturgie orthodoxe, des nouvelles kinnot étant composées par Simon Schwab en 1959 et par Solomon Halberstam, troisième Rebbe de la dynastie hassidique de Bobov, en 1984. - D'autre part, la résurrection d'un foyer juif sur la terre ancestrale et les victoires militaires de la guerre des Six Jours suscitent en beaucoup la certitude de l'imminence de la rédemption d'Israël. Interrogé au lendemain de la guerre des Six Jours, le rabbin conservative Theodore Friedman plaide pour une abolition au moins partielle du jour ; toutefois, son confrère David Golinkin infirme cette opinion en 1997, en rappelant que le jeûne du 9 av avait continué à être observé après le retour à Sion alors que les autres jeûnes avaient été abolis[32].
Selon les représentants des mondes orthodoxe et haredi, tout importants que soient ces évènements, seule la reconstruction du Temple permettra de changer le 9 av en jour de joie[33]. Tout changement, y compris celui proposé par le Rav Hayim David Halevy de réciter la prière Nahem au passé et non plus au présent, a été refusé. A contrario, une kinna est rédigée en 2005 par le rabbin sioniste religieux Yehoshoua Buch sur le retrait unilatéral du Goush Katif, dont le début avait été fixé au lendemain du 9 av[34].
Le 9 av continue donc à être considéré comme la date la plus noire du calendrier hébreu, d'autant que certains malheurs continuent à s'y produire (notamment l'attentat contre le bâtiment de l’Asociación Mutua Israelita Argentina, le 18 juillet 1994, qui fit 84 morts et 230 blessés).
Observance du 9 av dans le judaïsme rabbinique
Statut
Le 9 av est présenté par Yosseph Caro comme le prototype du jeûne public[35]. Selon la conformation actuelle du calendrier hébreu, il a toujours lieu le même jour de la semaine que celui du premier jour de Pessa'h et ne peut donc jamais tomber un lundi, un mercredi ou un vendredi. Sa durée s'étend du coucher de soleil (sheki°at ha'hama) du 8 av au moment de la sortie des étoiles (Set hakkokhavim) du 9 av, calculés tous deux en « heures proportionnelles », et équivalant à environ vingt-quatre heures et demie. Le jeûne n'ayant cependant pas été fixé par la Torah mais par les prophètes et les rabbins, il n'y a pas de délais supplémentaires avant et après le jeûne, comme c'est le cas à yom kippour[36].
La décision de travailler ou non le 9 av (ce qui ne concerne que les travaux ordinaires d'une certaine durée mais non les tâches qui ne prennent pas de temps, comme allumer un feu ou faire un nœud) relève de la coutume locale bien qu'il soit déconseillé et, dans le cas des érudits, interdit. De nos jours, on évite de travailler la première partie de la journée et on restreint le travail dans la seconde partie à ce qui entraînerait une perte matérielle (et non seulement financière) si le travail n'était pas réalisé[37].
La veille du 9 av
Le 8 av, l'on veille à limiter au plus tôt les dernières traces de joie : lorsqu'une circoncision ou le rachat d'un premier-né doivent se tenir, le repas est offert avant midi. On évite de se promener et on n'étudie plus que des sujets tristes (selon le Rem"a et le Ben Ich Haï mais d'autres sont plus indulgents ; d'aucuns autorisent la lecture des Psaumes[38])[39].
Un avant-dernier repas est pris après avoir prié la « grande min'ha » (une demi-heure après la mi-journée). De façon assez paradoxale pour une journée si austère, on ne récite pas le Tahanoun (office de supplications), car le jour est appelé « solennité »[40] La seouda mafseket doit être prise à l'approche du soir ; on s'assied sur le sol et on prend un repas frugal, constitué traditionnellement de pain trempé dans la cendre et d'un œuf dur froid (d'autres plats sont possibles, tant qu'on ne prend qu'un seul plat cuit et qu'il ne contienne pas de viande)[41].
La journée du 9 av
Le soir du 9 av
Les règles concernant le 9 av s'appliquent dès le crépuscule du 8[42].
La synagogue est dépouillée de ses ornements (rideau de l'arche, nappe de la table de lecture de la Torah, etc.), plongée dans une quasi-obscurité et les orants se comportent comme des endeuillés, déchaussés et assis sur des chaises basses. Le Livre des Lamentations est lu par l'officiant d'une voix éteinte, s'élevant progressivement à mesure qu'on complète la lecture du Livre. L'avant-dernier verset, « Ramène-nous vers toi, YHWH, et nous reviendrons ; renouvelle nos jours d'autrefois » est repris à haute voix par l'assemblée avant d'être répété par tous après que l'officiant a achevé sa lecture. Dès lors, le kaddish doit être amputé de son titkabal (« reçois [nos prières] ») jusqu'à la prière du lendemain après-midi[43]. Certains ont coutume de veiller en lisant des kinnot ; ceux qui dorment le font sur des couches inconfortables au possible et certains dorment avec une pierre sous la tête, en souvenir des coussins de pierre confectionnés par Jacob lorsqu'il fit son rêve[44] (il y a, selon la tradition, vu la chute du Temple)[45].Du fait de la gravité du jour, les restrictions ne se limitent pas, contrairement aux autres jeûnes publics[46], à la privation de nourriture et de boisson (par ailleurs, même les femmes enceintes et les nourrices, mais non les malades et les femmes ayant accouché depuis moins d'un mois, y sont astreintes, pour autant qu'elles n'encourent aucun risque[47]). Elles portent aussi sur les baignades, les onctions, le port de semelles de cuir (sauf si on doit traverser une longue distance à pied ou cheminer parmi les non-Juifs - même dans ces cas, il faut rendre les chaussures moins confortables en les emplissant de sable et les retirer dès que la raison qui motivait l'exemption a disparu[48]) et les rapports conjugaux.
En outre, comme « les préceptes de YHWH ... réjouissent le cœur[49] », l'étude de la Torah (comprenant, outre la Bible et ses commentaires, la Mishna, le Midrash, le Talmud, la Aggada et la Halakha) est déconseillée dès la mi-journée du 8 av et interdite ensuite, en dehors du Livre de Job, du Livre des Lamentations, de leurs commentaires, des passages attristants du Livre de Jérémie, d’Eikha Rabba, du chapitre du traité Moëd katan traitant des lois du deuil etc. et des passages d'étude inclus dans la liturgie quotidienne[50]. Cependant, il est interdit de les approfondir car même cela réjouit le cœur[51].
Toute ablution de convenance est défendue, même à l'eau froide ; se laver les doigts à son réveil, pour la prière, après ses besoins, pour des raisons médicales ou parce qu'ils sont salis est autorisé[52].
Il est défendu de saluer son prochain ou de lui envoyer des cadeaux : on répond cependant à voix basse à l'ignorant ou au non-juif afin de ne pas les froisser. Les sorties non nécessaires sont déconseillées[53].Le matin du 9 av
Au matin, on prie sans tefillin et sans châle de prière car il s'agit d'ornements et cela ne convient pas à un deuil (cette coutume n'est pas suivie par les séfarades vivant a Jérusalem[54]).
Comme lors de tout jeûne public, la bénédiction Anenou (« réponds-nous ») est intercalée dans la prière des offices du matin et de l'après-midi (dans la prière individuelle, les orants l'incluent dans la bénédiction shome'a tefila, sans hatima ; au cours de la répétition de la prière par l'officiant, celui-ci la récite après la bénédiction goël Israël, avec hatima). On ne dit pas davantage le Tahanoun que la veille.
Trois fidèles (même ceux qui viennent de perdre un proche peuvent lire car le 9 av, tous sont en deuil[55]) lisent ensuite la section ki tolid banim (« Lorsque tu enfanteras des fils » - Deutéronome 4:25-40) et on complète avec la section assaf assifam (« je les rassemblerai » - Livre de Jérémie 8:13).
On se rassoit ensuite sur des chaises basses et on lit des kinnot comme la veille. Plusieurs passages de la liturgie, dont le psaume quotidien, sont omis. Certains ont coutume de lire ensuite, à titre individuel, le Livre des Lamentations[56].L'après-midi du 9 av
L'atmosphère de deuil s'allège l'après-midi : il devient permis de fumer (discrètement chez soi), de travailler, y compris pour son commerce (bien que les pieux l'évitent), de ne plus s'asseoir par terre et de commencer à préparer le repas[57].
Lors de l'office de l'après-midi, on prie avec le châle et les tefillin et on récite ce qu'on n'a pas dit le matin. On lit aussi les passages de la Torah et des Livres prophétiques qu'on a coutume de lire lors des jours de jeûne public. On ajoute, dans la prière des dix-huit bénédictions, la prière Nahem (« console-nous » de la ruine de Jérusalem) lors de la bénédiction pour la reconstruction de Jérusalem[58].
On lit ensuite la section vayehal Moshe (Exode 32:11-14 & 34:1-10), commune à tous les jeûnes publics. Les ashkénazes complètent cette lecture par Isaïe 55:6-56:8, tandis que les séfarades lisent Osée 14:2-10 et Michée 7:18-20.
Les hassidim ont pour coutume de terminer l'étude d'un traité talmudique consacré au deuil (les hassidim de Loubavitch étudient le traité Moëd Katan) peu avant la sortie des étoiles et de la célébrer par un banquet joyeux juste après la fin du jeûne[59].
Le lendemain du 9 av
La coutume talmudique de jeûner tout ou partie du 10 av n'est plus observée du fait de la dégénérescence des générations ; cependant, des coutumes de deuil sont observées au moins jusqu'à la première partie de la journée : on ne mange pas de viande et de vin, sauf lors d'une seoudat mitzva, et les ashkénazes interdisent les bains, les soins corporels et la lessive, à moins que le 10 av n'ait lieu un vendredi[60]. Une femme accouchée peut manger de la viande et du vin, même si elle a jeûné[61]. Les rapports conjugaux demeurent, sauf rares exceptions, interdits[62].
Les hassidim continuent leur coutume de compléter une étude, jusqu'au 15 av[26].
Tisha beav le chabbat
Article détaillé : Shabbat hazon.Les coutumes de deuil publiques ne peuvent être observées le chabbat. En conséquence, si le 9 av a lieu le chabbat, le jeûne est remis au lendemain, il n'y a pas de restriction sur la table et les habits peuvent être lavés le jeudi en l'honneur du chabbat. Cependant, l'interdiction d'étudier la Torah en dehors des passages tristes et, chez les ashkénazes, d'avoir des rapports conjugaux est maintenue[63].
La bénédiction sur le vin ne peut être faite lors de la havdala et doit être récitée à l'issue du jeûne, le 10 av. On ne récite cependant pas la bénédiction sur les lumières, car la bougie de havdala a été allumée à la fin du chabbat. On ne récite pas non plus la bénédiction sur les épices[64].
Le jeûne du cinquième mois dans le karaïsme
Les Karaïtes, membres d'un courant juif n'acceptant d'autre autorité que la Bible hébraïque et rejetant l'autorité de la Torah orale, rapportent les quatre jeûnes de Zacharie à la destruction du seul Temple de Salomon et à l'exil de Babylone.
Ils interprètent la discordance des dates entre Jérémie et le chroniqueur du Livre des Rois comme signifiant que l'incendie a débuté le 7 av et s'est terminé le 10. Ils observent donc un jour de jeûne à chacune de ces deux dates[65],[66]. En Égypte, les Karaïtes récitaient des prières spéciales le 7 av et lisaient le 10, après l’office, le Livre des Lamentations et celui de Job. Certains se rendaient ensuite au cimetière avant de rejoindre l’assemblée et de reprendre avec eux des prières de consolation. Ce n’est qu’à ce moment que les abatteurs rituels recevaient l’autorisation d’abattre[67].
Observance du 9 av en Israël
De nombreux offices sont tenus au pied du Mur occidental depuis 1967. Si le public qui s'y trouve est majoritairement composé d'orthodoxes, les juifs conservative et réformés sont présents en retrait du Mur pour lire des kinnot ou expliquer l'importance du 9 av au public laïc[68].
Le 9 av n'est pas un jour chômé en Israël, bien que les banques soient fermées. Une loi est d'application depuis 1997 pour ne pas ouvrir les lieux de divertissement. Un amendement y a été apporté en 2001, permettant de faire ouvrir les lieux de restauration, suite aux protestations du milieu laïc de Tel Aviv qui ne se sent pas concerné par Tisha Beav ; la loi a néanmoins été contestée l'année suivante et Avraham Poraz, alors ministre de l'Intérieur, a annoncé qu'il ne poursuivrait pas les établissements qui ne s'y conformeraient pas[69].
Une enquête menée auprès d'environ 500 personnes en 2010 fait apparaître que 22% des Juifs d'Israël observent le jeûne du 9 av et que 52% disent respecter son atmosphère de deuil, évitant de sortir dans des lieux de divertissement ou avec des amis[70].
Notes et références
- Zacharie 8:19
- Mishna Ta'anit 4:6
- parashat Shla'h lekha (Nombres ch 13-14) Cf.
- T.B. Ta'anit 29a
- T.J. Ta'anit 4:6
- 2 Rois 25:8-10
- Jérémie 52:12-14
- 2 Rois 25:8 & Jérémie 52:12-13
- T.B. Ta'anit 29b
- Mishna Ta'anit 4:7
- (he) Tisha bèav in Lexicon lètarbout Israël
- Guerre des Juifs vi. 4, § 5
- Meguila 5b T.B.
- T.B. Rosh Hashana 18b
- T.B. Pessa'him 54b, Taanit 11b & 12b
- Minhaggim yeshanim miDoura, p. 149, éd. Jérusalem 1969 (numérisée dans le Projet Responsa v. 1.17+)
- Seder Rav Amram Gaon, seder tisha beav
- Mishne Torah, Sefer Zmanim, Hilkhot Taanit 5:8
- Sefer Mitzvot HaGadol, assin, asse derabbanan 3
- Sefer Maharil, Hilkhot shiva assar betamouz vetisha beav Eleazar de Worms, Sefer Harokea'h 331 ;
- (en) JE, Exile of 1306
- ISBN 1-56871-254-5 R' E. Barclay & Y. Jaeger, Guidelines: Over Four Hundred of the Most Commonly Asked Questions About the Three Weeks, Targum Press 2003,
- T.J. Berakhot 2:4
- T.B. Taanit 30b
- (en) Three Weeks Laws and Customs: From Destruction to Renewal sur chabad.org
- Menachem Mendel Schneerson, Sefer haSichos 1991, seconde partie, p. 733 Cf.
- David Einhorn, Ner tamid, 1856, p.100
- Secular Zionism » sur My Jewish Learning. Consulté le 1er juin 2011 R' Ed Snitkof, «
- Allôn Gal, Envisioning Israel: the changing ideals and images of North American Jews, Magnes Press, Jérusalem 1996, p.141
- Tisha B'Av Calamities - 9th day of the Hebrew month of Av - Ninth of Av - Jewish Days of Mourning - Fast Day
- (en) Dreaming of the Third Temple in a conflicted Land of Israel, Haaretz, 20 juillet 2010
- Proceedings of the Committee on Jewish Law and Standards of the Conservative Movement 1927-1970 - Volume III Ed. David Golinkin, The Rabbinical Assembly, Jerusalem, 1997
- The Disengagement: An Ideological Crisis », Strategic Assesment, March 2005, vol. 7, n°4 sur The Institute for National Security Studies. Consulté le 2010-07-20 Yehuda Ben Meir, «
- Kina for Gush Katif » [PDF] Yehoushoua Buch, «
- Choulhan Aroukh Orah Hayim 549-561 cf.
- C.A. O.H. 553:2 & Aroukh Hachoulhan 553:3
- C.A. O.H. 554:22
- Kovetz Oraïta, vol. 14, p. 141
- Kitsour Choulhan Aroukh 123:1-2 & Yossef Da'at ad loc. R' Shlomo Ganzfried,
- cf. Lamentations 1:15
- K.C.A. 123:3
- K.C.A. 123:5
- K.C.A. 124:1
- Genèse 28:11
- K.C.A. 124:2
- C.A. O.H. 550:2
- K.C.A. 124:6
- K.C.A. 124:11
- Psaumes 19:9
- C.A. O.H. 554:1-4
- cf. K.C.A. 124:5
- cf. K.C.A. 124:7 ; voir aussi ibid. 8-10
- K.C.A. 124:13-14
- Yossef Daat sur K.C.A. 124:3
- K.C.A. 121:4
- K.C.A. 124:3
- K.C.A. 124:14-17
- ibid. 124:19
- Sichos 5750 (1990), 2de partie, p. 579, note 189
- K.C.A. 124:20 & Y.D. ad loc.
- ibid. 124:21
- ibid. 124:22
- K.C.A. 125:1-5
- K.C.A. 125:6
- (en) Meïr Rekhavi, « The Fasts of the Fifth Month Over the Destruction of the Temple » sur karaites.org.uk
- Moetzet Hakhamim Official Holidays Dates 2009-2010 sur Karaite Jewish University
- Days of Fasting and Mourning » sur Kariate (sic) Jews of America. Consulté le 16 décembre 2010 Mourad el Kodsi, «
- (en) Reform, Progressive Jews try to make Tisha B'av more relevant to secular public, Haaretz, 23/07/2007
- (he) Le 9 av, on s'amuse à Tel-Aviv et on se lamente à Jérusalem, Ynet, 7/08/2003 cf.
- Sondage sur les traditions de Tisha Beav, commentaire en français
Source
- Cet article comprend du texte provenant de la Jewish Encyclopedia de 1901–1906, article « Ab, Ninth day of » par Max Landsberg & Kaufmann Kohler, une publication tombée dans le domaine public.
Annexes
Bibliographie
- Ernest Gugenheim, Le judaïsme dans la vie quotidienne (tome i.), pp. 170-172, coll. Présences du judaïsme, éd. Albin Michel, Paris, 1992, ISBN 2-226-05868-0.
- Kitsour Choulhan Aroukh, abrégé du Choulhane 'Aroukh, accompagné de Yossef Da'at, vol. II, pp. 595-605, éd. Colbo, Paris, 1996/2009
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