- Théorème de Taylor
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Pour les articles homonymes, voir Taylor.
En analyse, le théorème de Taylor, du nom du mathématicien Brook Taylor qui l'établit en 1715[1], montre qu'une fonction plusieurs fois dérivable au voisinage d'un point peut être approximée par une fonction polynôme dont les coefficients dépendent uniquement des dérivées de la fonction en ce point.
De manière plus précise, soit :
- I un intervalle de et ,
- E un espace vectoriel normé de dimension finie,
- f une fonction de I dans E qui soit dérivable en a jusqu’à l’ordre n (un entier naturel).
Alors, pour tout x dans I, l’expression
ou son équivalent
- où
définit un reste dont le comportement s’apparente au monôme (x − a)n + 1.
En présentant cette formule, Taylor propose une méthode de développement en série[2], mais il se préoccupe peu de la nature du reste ; il faut attendre ses successeurs pour la caractériser rigoureusement. On désigne cependant par théorème de Taylor plusieurs résultats et expressions pour découlant du cadre ci-dessus, parfois renforcé par quelques hypothèses supplémentaires.
Sommaire
Expressions caractérisant Rn(x)
Formule de Taylor-Young
La fonction ε(x) définie sur I − {a} par la relation
satisfait .
Remarque: Il peut être commode d'étendre la définition de la fonction ε par continuité en a en posant ε(a) = 0.
Formule de Taylor-Lagrange
Si la fonction f est à valeurs réelles et qu’elle est dérivable sur I jusqu’à l’ordre n + 1, alors il existe un nombre ξ strictement compris entre a et x tel que
Cette relation s’appelle également forme de Lagrange.
La relation substitutive où 0 < θ < 1 présente l'avantage de ne pas dépendre du signe de (x − a).
Inégalité de Taylor-Lagrange
S’il existe M tel que pour tout y dans I, alors
C'est notamment le cas pour les fonctions de classe sur [a,x].
Formule de Taylor avec reste de Laplace (ou reste intégral)
Si la fonction f est continûment dérivable sur I jusqu’à l’ordre n + 1, alors
Remarques
- L'inégalité de Taylor-Lagrange est une conséquence de la relation précédente.
- Formule de Taylor-Maclaurin : lorsque a = 0, la formule s’écrit
- La formule de Taylor-Lagrange est une généralisation du théorème des accroissements finis. Ce dernier peut être utilisé pour montrer cette formule dans le cas d’une fonction à valeurs réelles. Cependant, si E est un espace vectoriel normé, l'égalité de la formule doit être remplacée par une inégalité (voir l'article Inégalité des accroissements finis pour les fonctions à valeurs vectorielles).
- La formule de Taylor avec reste de Laplace est une généralisation du théorème fondamental du calcul différentiel et intégral (ce dernier est utilisé dans la preuve ci-dessous).
- Pour certaines fonctions f, le reste Rn(x) tend vers zéro lorsque n tend vers l'infini ; ces fonctions peuvent ainsi être développées en série de Taylor dans un voisinage du point a. Si cette propriété se vérifie en tout point du domaine de définition, la fonction est dite analytique.
- Contrairement à la formule de Taylor-Lagrange, le théorème de Taylor (avec reste de Laplace) se généralise aux fonctions f à valeurs complexes ou dans un espace vectoriel.
Preuves
La formule se vérifie par récurrence sur n.
Si f est de classe sur [a,x], le théorème fondamental de l'analyse affirme
et c’est précisément la formule correspondant à n = 0.
Si la formule est vraie pour n et f de classe sur [a,x], une intégration par parties conduit à la relation
Par hypothèse de récurrence
ce qui implique
Par conséquent
et la formule est également vraie pour n + 1.∎
Démonstration de la formule de Taylor-Young pour une fonction à valeurs dans un espace normé n fois dérivable en aSoit donc la fonction f définie sur un intervalle réel I à valeurs dans un espace normé E et n fois dérivable en (). La formule exprime donc qu'il existe une fonction ε de I dans E vérifiant telle que
- .
Remarquons d'abord que l'existence de la dérivée n-ième en a entraîne qu'il existe un voisinage convexe de a dans I (par exemple une boule ouverte de centre a dans I) dans lequel f est n − 1 fois dérivable.
Remarquons par ailleurs que dans notre définition ε est définie sur I (et non sur comme c'est souvent le cas). On a ici nécessairement ε(a) = 0.
La formule se démontre par récurrence.- Pour n = 1 elle est caractéristique de toute fonction différentiable en a.
- Supposons qu'elle soit exacte pour toute fonction n − 1 fois dérivable en a avec . Soit alors une fonction f n fois dérivable en . Il existe un voisinage convexe de a dans I dans lequel la fonction f est dérivable. La fonction dérivée f' est alors n − 1 fois dérivable en a à valeurs dans un espace normé.
- Désignons par R(x) le reste à l'ordre .
- Par hypothèse de récurrence appliquée à f', il existe une fonction ε telle que, pour tout réel x de :
- avec .
- On peut remarquer qu'on peut supposer borné sur . En effet comme , on peut trouver ρ > 0 tel que . Nous pourrons, si nécessaire, remplacer dans la suite par cette intersection (également convexe). Nous garderons le nom pour ce voisinage convexe.
- Appliquons à R sur l'inégalité des accroissements finis : .
- Donc .
- Mais . En effet comme , quel que soit ζ > 0 il existe un voisinage convexe de a dans tel que . Mais par convexité de et donc .
- Donc sur et on obtient en posant sur et la formule à l'ordre n:
- avec .
Démonstration de la formule de Taylor-Young pour une fonction de classeLa formule se vérifie par récurrence sur n.
Considérons un voisinage V de a dans lequel x évolue librement.
Cas n = 0 :
Par continuité de f en a : . Ainsi
Cas :
Soit avec .
On a bien
Introduisons la fonction g(x) de classe sur V et définie par
g(x) satisfait les deux propriétés :
- g(k)(a) = f(k)(a) pour , car
- g(n)(a) = 0.
La validité pour n − 1 de la formule de Taylor avec reste intégral implique
D’autre part
Par continuité de g(n), pour tout , il existe un voisinage W de a tel que
Finalement
c'est-à-dire et ∎
Démonstration de la formule de Taylor-LagrangeLa formule de Taylor-Lagrange est une conséquence directe du théorème de Rolle.
Pour tout x dans I, on introduit la fonction définie par
où c est choisi de sorte que g(a) = 0, c'est-à-dire :
Puisque g(a) = g(x) = 0, le théorème de Rolle affirme qu’il existe ξ entre a et x tel que g'(ξ) = 0.
Puisque
il vient
- soit
qui implique
C’est précisément la formule à montrer.∎
Formule de Taylor pour les fonctions de plusieurs variables
Il existe des formules analogues pour des fonctions n fois différentiables en un point a d’un domaine à valeurs dans (et même à valeurs dans ). Cependant, les coefficients multinomiaux qui interviennent rendent l'expression assez lourde.
Considérons une boule ouverte B de (généralisation de l’intervalle I) centrée en a et f une fonction à valeurs réelles définie sur l'adhérence , possédant des dérivées partielles d'ordre n + 1 continues en chaque point. Alors, pour tout :
où les sommes portent sur les multi-indices α (cette formule utilise les notations multi-indicées décrites dans l'article multi-indice), et où le reste vérifie l'inégalité
pour tous les α tels que |α| = n + 1.
En particulier, pour une fonction f deux fois différentiable en à valeur dans , on peut écrire pour tout :
où est le gradient de f et est sa matrice hessienne évaluée en a.
Exemple :Soit une fonction f deux fois différentiable en (a,b) à valeur dans , alors pour tout
Notes et références
Notes
- L'article consacré à Taylor précise que : « En fait, la première mention par Taylor de ce qui est appelé aujourd'hui théorème de Taylor apparaît dans une lettre que ce dernier écrivit à Machin le 26 juillet 1712. Dans cette lettre, Taylor explique clairement d'où lui est venue cette idée, c'est-à-dire d'un commentaire que fît Machin au Child's Coffeehouse, utilisant les « séries de Sir Isaac Newton » pour résoudre un problème de Kepler, et utilisant également « les méthodes de Dr. Halley pour extraire les racines » d'équations polynomiales. Il y a en fait deux versions du théorème de Taylor données sur le papier de 1715. Dans la première version, le théorème apparaît dans la Proposition 11 qui est une généralisation des méthodes de Halley d'approximation de racines de l'équation de Kepler, ce qui allait bientôt devenir une conséquence des séries de Bernoulli. C'est cette version qui a été inspirée par les conversations du Coffeehouse décrites précédemment. Dans la seconde version se trouve le Corollaire 2 de la Proposition 7 et qui est une méthode pour trouver davantage de solutions des équations fluxionales dans les séries infinies. Taylor était le premier à découvrir ce résultat ! »
- (en) Brook Taylor (trad. Ian Bruce), Methodus incrementorum directe et inversa, proposition VII, théorème III, Corollaire II, Londres, 1715, Lire en ligne
Sources
- J. Lelong-Ferrand et J.-M. Arnaudiès, Cours de mathématiques (T2 : Analyse), Bordas, 1977
- Claude Deschamps et André Warusfel, J'intègre : Mathématiques première année, Dunod, 1999
Voir aussi
Catégories :- Théorème d'analyse
- Analyse réelle
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