- Some Time in New York City
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Some Time in New York City Album par John Lennon et Yoko Ono Sortie 12 juin 1972
15 septembre 1972Enregistrement 15 décembre 1969, 6 juin 1971, du 13 février au 8 mars 1972 Durée 1:30:52 Genre Rock Auteur-compositeur John Lennon, Yoko Ono Producteur John Lennon, Yoko Ono, Phil Spector Label Apple, EMI Critique Allmusic (lien) Singles - Woman Is the Nigger of the World/Sisters, O Sisters
Sortie : 24 avril 1972
Albums de John Lennon Imagine
(1971)Mind Games
(1973)Albums de Yoko Ono Fly
(1971)Approximately Infinite Universe
(1973)Some Time in New York City est un double album de John Lennon et Yoko Ono, sorti en juin 1972. À une époque où le couple vient de s'installer aux États-Unis et où l'ex-Beatles connaît de graves démêlés avec l'administration de Richard Nixon, ce disque marque l'apogée de l'engagement politique de Lennon, amorcé par des chansons comme Power to the People ou Working Class Hero.
Alors que le couple avait jusque là travaillé ensemble, il s'agit ici d'un album partagé entre eux deux, les chansons étant composées et chantées soit par un d'entre eux, soit par les deux. Sur le premier disque, toutes les chansons traitent d'un problème de société, qu'il s'agisse de la condition des femmes, du traitement des prisonniers aux États-Unis ou encore du conflit nord-irlandais. À ce disque s'en ajoute un second, contenant des extraits de concerts, notamment un bœuf avec Frank Zappa & The Mothers of Invention, dans un registre expérimental.
Lorsque l'album sort, il subit plusieurs fois la censure, qu'il s'agisse de celle de son single, Woman Is the Nigger of the World, ou de sa pochette sur laquelle Nixon danse nu avec Mao Zedong. Les critiques, particulièrement en Amérique, n'apprécient pas non plus le ton trop engagé de l'album, et la présence de Yoko Ono empire souvent leur vision de l'album. Celui-ci se classe ainsi seulement 48e aux États-Unis là où Imagine avait atteint la tête des charts l'année précédente. Au Royaume-Uni, il parvient à atteindre la onzième place. L'échec de cet album pousse Lennon à cesser d'écrire des chansons trop politisées.
Sommaire
Historique
Contexte
Après une année 1971 particulièrement florissante, notamment par le succès incontestable de l'album Imagine devenu numéro 1 des deux côtés de l'Atlantique, John Lennon et Yoko Ono décident de quitter le Royaume-Uni pour partir s'installer à New York. Le contexte politique est particulièrement troublé, sous fond de présidence de Richard Nixon et de Guerre du Vietnam[1]. Dans ce milieu, un certain nombre de contestations naissent, au sein desquelles le couple se crée des relations. C'est ainsi que le 10 décembre 1971, Lennon participe à un concert de soutien au poète John Sinclair, emprisonné pour possession de drogue. Il y entonne une chanson en son nom, ainsi que sa nouvelle composition, Attica State, en protestation contre la mutinerie de la prison d'Attica[2].
Ce ne sont pas les premières sorties engagées de Lennon : après Power to the People et Imagine, il sort en effet avec Yoko Happy Xmas (War Is Over) chant de Noël anti-guerre qui fait suite à une campagne d'affichage qu'ils ont lancée sur le même thème[3]. Ces multiples prises de positions attirent cependant l'attention de Nixon, qui craint de voir sa popularité baisser en cette période électorale. Le FBI est ainsi chargé d'enquêter à son sujet. Début 1972, le Sénateur Strom Thurmond propose l'expulsion de Lennon comme « contre-mesure stratégique »[4].
S'en suivent donc d'intenses procédures judiciaires pour tenter d'expulser Lennon en se fondant sur une ancienne affaire de possession de drogue qui s'était tenue en 1969 à Londres. Lennon et Ono parviennent cependant à trouver un avocat compétent, Leon Wildes, qui passe les années suivantes à s'échiner pour que John puisse bénéficier de la nationalité américaine[5]. C'est en dépit de ce contexte difficile que Lennon s'apprête à sortir son album le plus engagé, signant également sa première collaboration avec Yoko Ono sur un album autre que de la musique expérimentale[6].
Enregistrement
Le disque 2 de Some Time in New York City, contenant les live, est le premier à être enregistré. Deux des chansons, les longues prises de Cold Turkey et Don't Worry Kyoko ont été mises en boîte lors du concert de charité pour l'Unicef que Lennon et Ono ont donné le 15 décembre 1969 à Londres. Les quatre chansons suivantes de ce disque sont pour leur part enregistrées lors d'un concert New-Yorkais avec Frank Zappa et les Mother of the Invention, le 6 juin 1971[7].
Les enregistrements en studio du disque à proprement parler se font pour leur part entre février et mars 1972, avec le groupe d'accompagnement Elephant's Memory récemment inclus au sein du Plastic Ono Band. L'ambiance y est particulièrement débridée, avec de grandes quantité d'alcool et de drogues. Bob Gruen, qui photographie le groupe à cette époque, se souvient que les séances d'enregistrement étaient surnommées « tequila sessions », et que le hasch, la bière, la téquila et les cognacs étaient présents en nombre. La pression qui pesait sur Lennon à cette époque ne change en effet rien à cette débauche, comme le rajoute Gruen : « Les flics auraient pu arriver et embarquer John à tout moment »[8].
Parution et réception
Some Time in New York City sort le 12 juin 1972 aux États-Unis. Il est accompagné d'un single, Woman Is the Nigger of the World, qui attire des soucis à Lennon, qui doit s'expliquer pour l'utilisation du mot « nigger » (« nègre »), jugé offensant, et le single est maintes fois interdit à l'antenne[9]. Au Royaume-Uni, bien qu'il ait été annoncé, le single est annulé pour ses paroles trop polémiques[10].
L'album en lui même pose tout autant problème et est un échec aux États-Unis : après avoir connu les sommets avec Imagine, Lennon s'écroule à la 48e place des charts, tandis que le magazine Rolling Stone qualifie l'album de « suicide artistique »[11]. Pour Robert Christgau, c'est « le moment où Lennon risque son charisme alors qu'il aurait dû l'investir[12] ». Un des points particulièrement critiqués est la présence de chansons de Yoko Ono, ce qui suscitera les mêmes réactions huit ans plus tard avec Double Fantasy[13].
Les problèmes posés par Ono ne concernent pas uniquement la critique. Plusieurs chansons doivent en effet lui être créditées, ce que refuse catégoriquement l'éditeur britannique de Lennon, Northern Songs, ce qui aboutit à un procès[14]. Autre conséquence de cet imbroglio juridique, la sortie britannique de l'album est repoussée au 15 septembre. Il connaît au Royaume-Uni un succès plus conséquent qu'auparavant et atteint la 11e places des charts[15]. Parmi les facteurs qui expliquent ce manque de succès, le prix de l'album est à prendre en considération, puisqu'il s'agit du seul double album studio de Lennon. Pour Bruce Eder & William Ruhlmann du site Allmusic, le deuxième disque, peu populaire, a augmenté le coût de l'album et en fait donc désormais l'album le moins connu de l'artiste[16].
Cet album marque également un temps où le regard change au sujet du duo Lennon/McCartney : tandis que les premières productions lenonniennes ont connu un succès honorable, McCartney s'est vu reprocher par la critique (et même par son ancien compagnon d'écriture) de ne pas avoir été à la hauteur de sa réputation. À cette époque, les deux artistes voient pourtant leurs routes s'entremêler : quelques mois avant Sunday Bloody Sunday, McCartney avait publié (sans grand succès), un single sur le même thème, Give Ireland Back to the Irish[17]. À un moment où Lennon connaît ses premiers démêlés avec la critique, McCartney est sur le point de s'affirmer avec son album Band on the Run, récupérant ainsi la popularité perdue de son ami[18].
Contenu
Analyse musicale
D'un point de vue artistique, Some Time in New York City se caractérise indéniablement par son caractère politique et engagé. De nombreux thèmes y sont ainsi traités, chers à Lennon ou à Ono et souvent aux deux. C'est ainsi le féminisme qui ouvre doublement l'album, tout d'abord avec le tonitruant Woman Is the Nigger of the World de John, performance vocale qui est même comparée à sa version de Twist and Shout[11]. Lui répond une composition de Yoko, Sisters O' Sisters, appelant à l'union des femmes demandant plus de considération[19]. Sont également présentes plusieurs chansons écrites par le couple. Deux d'entre-elles, Sunday Bloody Sunday et The Luck of the Irish traitent du conflit nord-irlandais. La première, aux chœurs dissonants et au rythme violent, est un appel à répondre au massacre éponyme qui s'est tenu au début de l'année en « repoussant les Anglais à la mer ». Sous des dehors beaucoup plus doux de ballade irlandaise, la seconde est en réalité beaucoup plus violente dans son propos, où Lennon et Ono n'hésitent pas à accuser les Britanniques de génocide[20].
Parmi les autres chansons composées par le couple, se trouvent Angela, en soutien à Angela Davis (activiste noire-américaine pour les droits de l'Homme connaissant alors des démêlés avec le gouvernement) et Attica State à propos de la répression de la mutinerie de la prison d'Attica[21],[9]. Lennon signe également seul une autre chanson engagée, John Sinclair, pour appeler à la libération de ce poète arrêté dans une affaire de drogue[22]. Il signe également New York City, souvent considérée comme un de ses meilleurs rocks. Seule chanson du disque à ne pas être véritablement engagée, il s'agit d'une sorte de suite à The Ballad of John and Yoko chantée au temps des Beatles, qui raconte cette fois-ci la vie du couple à New York[23].
Yoko Ono signe pour sa part deux autres chansons engagées, Born in a Prison, sur le manque de liberté dans les sociétés modernes, thème que Lennon avait déjà évoqué dans Working Class Hero[24]. We're All Water, qui clôt l'album, est une longue chanson sur le fait qu'au delà des différences culturelles, tous les hommes sont semblables[25].
À ce premier disque enregistré en studio s'ajoute un deuxième disque enregistré en concert. Outre une version live de Cold Turkey, le disque comprend plusieurs jam sessions en live, notamment avec Frank Zappa[11].
Pochette
La pochette de l'album répond à une envie de Lennon, qui souhaitait créer un disque « jetable » et traitant d'actualité, comme le ferait un journal. Ainsi, inspirée de la une du New York Times, l'album présente plusieurs « articles » qui sont en fait les paroles des chansons[9].
À ses paroles s'ajoutent, comme dans un quotidien, des photographies qui y sont liées. L'une d'elle fait particulièrement scandale : celle liée à We're all Water est en effet un photomontage montrant Richard Nixon et Mao Zedong en train de danser, nus. Rapidement, la censure fait placer un sceau indécollable sur la photographie problématique. Huit ans plus tard, dans son interview à David Sheff pour Playboy, Lennon s'en insurge : « chaque fois qu'on essayait de s'exprimer, ils le bannissaient, le couvraient, le censuraient »[25].
Fiche technique
Liste des chansons
Disque 1
Disque 2
Interprètes
- John Lennon : chant, guitares
- Yoko Ono : chant, percussions
- Jim Keltner : batterie et percussions
- Klaus Voormann : guitare basse
Elephant's Memory
- Stan Bronstein : flûte, saxophone
- Wayne « Tex » Gabriel : guitare
- Richard Frank Jr. : batterie, percussions
- Adam Ippolito : claviers, piano
- Gary Van Scyoc : guitare basse
Présents sur le live de 1969
- John Lennon : guitare, chant
- Yoko Ono : chant
- Eric Clapton : guitare
- Delaney & Bonnie : guitare, percussions
- Jim Gordon : batterie
- George Harrison : guitare
- Nicky Hopkins : piano électrique
- Bobby Keys : saxophone
- Keith Moon : batterie
- Billy Preston : orgue
- Klaus Voormann : guitare basse
- Alan White : batterie
Présents sur le live du 6 juin 1971
- John Lennon : guitare, chant
- Yoko Ono : chant
- Frank Zappa : guitare, chant
- Aynsley Dunbar : batterie
- Bob Harris : claviers, chant
- Howard Kaylan : chant
- Jim Pons : guitare basse, chant
- Don Preston : Mini-Moog
- Ian Underwood : clavier, chant, bois
- Mark Volman : chant
- Klaus Voormann : guitare basse, chant
Notes et références
- Philip Norman 2010, p. 693
- Philip Norman 2010, p. 698 - 699
- (en) « John Lennon: Happy Xmas (War Is Over) », The Beatle Bible. Consulté le 7 août 2011
- Philip Norman 2010, p. 700 - 702
- Philip Norman 2010, p. 705
- (en) « John Lennon: Some Time in New York City », The Beatles Bible. Consulté le 7 août 2011
- (en) « John Lennon: Well (Baby Please Don't Go) », The Beatles Bible. Consulté le 8 août 2011
- Philip Norman 2010, p. 710
- Philip Norman 2010, p. 711
- (en) « John Lennon - Woman Is the Nigger of the World », Graham Calkin Beatles Pages. Consulté le 9 août 2011
- Philip Norman 2010, p. 712
- (en) Some Time In New York City, Robert Christgau. Consulté le 9 août 2011
- (en) George Starostin « John Lennon », The Tower of Babel. Consulté le 9 août 2011
- Philip Norman 2010, p. 713
- (en) « Some Time In New York City », Graham Calkin's Beatles Pages. Consulté le 9 août 2011
- (en) Some Time In New York City, Allmusic. Consulté le 9 août 2011
- François Plassat 2010, p. 120
- François Plassat 2010, p. 121
- (en) « John Lennon : Sisters O' Sisters », The Beatles Bible. Consulté le 4 août 2011
- Philip Norman 2010, p. 708
- assassin de Lennon, Mark David Chapman, est détenu dans cette même prison. Par une certaine ironie du sort, l'
- (en) « John Lennon: John Sinclair », The Beatles Bible. Consulté le 4 août 2011
- (en) « John Lennon: New York City », The Beatles Bible. Consulté le 4 août 2011
- (en) « John Lennon: Born in a Prison », The Beatles Bible. Consulté le 4 août 2010
- (en) « John Lennon: We're All Water », The Beatles Bible. Consulté le 4 août 2011
- La version originale (7:11) a été raccourcie à 5:19 pour la réédition CD en 2005.
Annexes
Articles connexes
Bibliographie
- Philip Norman (trad. Philippe Paringaux), John Lennon : une vie, Paris, Robert Laffont, 2010 (1re éd. 2008), 862 p. (ISBN 978-2-221-11516-9)
- François Plassat, Paul McCartney : l'empreinte d'un géant, Paris, JBz & Cie, 2010, 544 p. (ISBN 978-2-75560-651-5)
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