Sangkum

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Sangkum Reastr Niyum

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Le Sangkum Reastr Niyum (Communauté socialiste populaire, plus communément appelé Sangkum) est une organisation politique cambodgienne.

Par analogie, on désigne aussi par ce terme la période de lhistoire du Cambodge qui va du 9 novembre 1953 (indépendance du pays) au 18 mars 1970 (déposition de Norodom Sihanouk), époque pendant laquelle le Sangkum fut un acteur clé de la scène politique.

Enfin il est difficile de dissocier ce mouvement ou cette période de celui qui y occupa une place prépondérante, à savoir le prince Norodom Sihanouk.

Sommaire

Historique

Lindépendance acquise, Norodom Sihanouk saperçut rapidement que la fonction de roi était honorifique mais ne lui donnait pas les moyens de diriger le pays comme il l'entendait.

En 1955, afin de pouvoir mieux se consacrer à la politique, le roi abdique en faveur de son père, Norodom Suramarit.

Le 2 mars 1955, Norodom Sihanouk fonde le Sangkum Reastr Niyum dans le but de participeret gagnerles élections parlementaires du 11 septembre, les premières depuis lindépendance.

Il se basait sur quatre anciens petits partis monarchistes de droite, incluant notamment celui duNord-est victorieuxde Dap Chhuon et celui de la rénovation khmère de Nhiek Tioulong et dun certain Lon Nol.

Il remporta les élections législatives avec 82% des voix et la totalité des sièges en jeu. Ce score aurait été facilité pour certains observateurs par un recours à une fraude massive et à lintimidation des opposants de droite (parti démocratique) et de la gauche communiste (Pracheachon) Norodom Sihanouk devint donc tout naturellement Premier ministre du Cambodge.

Le Sangkum remporta à nouveau les élections de 1958 et du 10 juin 1962, , seul parti représenté il rafla à nouveau la totalité des sièges.

Il restera au pouvoir jusquen 1970.

Plusieurs communistes importants tels Hu Nim, Hou Youn et Khieu Samphan acceptèrent des postes au sein du Sangkum. Au début des années 1960, Khieu Samphanfutur chef de lEtat sous les khmers rougesfut appelé par Norodom Sihanouk pour mettre en œuvre une série de réformes économiques inspirées de la thèse quil avait soutenue en 1955 à Montpellier.

A droite, alors que les républicains progressistes du parti démocratiqueprincipale force politique avant la création du Sangkum - furent intégrés dès 1957, beaucoup de républicains modérés choisirent de se retirer de la vie politique jusquau début des années 1970. Dautres décidèrent de rejoindre Son Ngoc Thanh dans la clandestinité.

Norodom Sihanouk appela cette opposition armée de droite les "khmers bleus", par opposition aux opposants de gauche qui avaient eux aussi pris le maquis et quil appelait "khmers rouges". Toutefois, il semble que jusquau début des années 1960, la répression de ces oppositions nétaient pas très violente et que lensemble du pays bénéficiait dune relative stabilité.

A partir du milieu des années 1960, des lignes de fracture apparurent au sein du régime. Les élections de 1966 amenèrent une victoire écrasante de laile droite emmenée notamment par Lon Nol et le prince Sisowath Sirik Matak ; Norodom Sihanouk y répondit en créant un contre-gouvernement de gauche - inspiré du Cabinet fantôme britannique - pour empêcher léclatement du mouvement. La violence de la répression contre les gens de gauche qui suivi, conduite par Lon Nol et larmée au nom de Norodom Sihanouk, aliéna le soutien des derniers communistes modérés, notamment la faction proche de Sihanouk et soutenue par le Vietnam et le Viêt Minh. Les critiques publiques de Sihanouk à lencontre des « Khmer Viêt Minh » aboutir à accroitre le pouvoir de laile dure du Parti Communiste du Kampuchéa emmenée par Pol Pot, férocement antivietnamienne mais aussi antimonarchiste.

La répression brutale des activistes de gauche aux frontières et à lintérieur du pays, notamment les révoltes paysannes de Samlaut, dans la province de Battambang au début de 1967, présageaient des exactions qui seront commises pendant la guerre civile cambodgienne.

Alors que linstabilité politique se faisait croissante, Norodom Sihanouk fut déposé le 18 mars 1970 par Lon Nol et laile droite du parti contrôlée par In Tam et le prince Sisowath Sirik Matak. Les maquis de gauche se renforcèrent alors des partisans du monarque déchu et purent continuer la lutte en son nom.

Le Sangkum, quant à lui ne se remettra pas de la déposition de son fondateur et malgré la nomination le 24 mars 1970 de Tinh Hoanh au poste de secrétaire général par le nouveau pouvoir, il disparaitra du paysage politique.

Une dizaine dannées plus tard, des membres du Sangkum reviendront sur le devant de la scène au coté de Norodom Sihanouk lors de la création du FUNCINPEC et de lArmée Nationale Sihanoukiste (ANS) qui contrôla rapidement une large part de la population rurale cambodgienne dans les années 1980.

Liste des gouvernements du Sangkum

Date Chef du gouvernement
Début Fin
26 janvier 1955 3 octobre 1955 Leng Ngeth
3 octobre 1955 5 janvier 1956 Norodom Sihanouk
5 janvier 1956 29 février 1956 Oum Chheang Sun
1er mars 1956 24 mars 1956 Norodom Sihanouk
3 avril 1956 29 juillet 1956 Khim Tit
15 septembre 1956 15 octobre 1956 Norodom Sihanouk
25 octobre 1956 9 avril 1957 Sam Yun
9 avril 1957 7 juillet 1957 Norodom Sihanouk
26 juillet 1957 11 janvier 1958 Sim Var
11 janvier 1958 17 janvier 1958 Ek Yi Oun
17 janvier 1958 10 avril 1958 Penn Nouth
29 avril 1958 10 juillet 1958 Sim Var
10 juillet 1958 19 avril 1960 Norodom Sihanouk
19 avril 1960 28 janvier 1961 Pho Proeung
28 janvier 1961 17 novembre 1961 Penn Nouth
17 novembre 1961 13 février 1962 Norodom Sihanouk
13 février 1962 6 août 1962 Nhiek Tioulong
6 août 1962 6 octobre 1962 Chau Sen Cocsal
6 octobre 1962 25 octobre 1966 Norodom Kantol
25 octobre 1966 1er mai 1967 Lon Nol
1er mai 1967 31 janvier 1968 Son Sann
31 janvier 1968 14 août 1969 Penn Nouth
14 août 1969 11 mars 1972 Lon Nol

Politique intérieure

Un mouvement au dessus des partis

A la fondation du SRN, Norodom Sihanouk le définissait comme un mouvement (les membres devaient renoncer à appartenir à tout groupe politique) et non comme un parti. Ce précepte, très gaullien, nempêchait le Sangkum de fonctioner en fait comme un parti sihanoukiste.

Le mouvement affichait deux objectifs principaux : « réaliser lunité des enfants de la patrie khmère compromise par la prolifération des partis politiques » ( encore on retrouve linfluence gaullienne) et « faire naître au Cambodge une véritable démocratie socialiste et égalitaire ».

Même sil se revendiquait du socialisme et quune partie de ses membres adhérait à ce courant de pensée, il rassemblait aussi des personnes issues du conservatisme, du nationalisme, du Bouddhisme theravāda et même dune forme populiste de fascisme.

Il sagissait en fait de passer par-dessus les partis et détablir une démocratie directe par le biais de vastes congrès nationaux convoqués deux fois par an et qui devaient juger de laction du prince, du gouvernement et des fonctionnaires. Dans la pratique, cétait de grands-messes qui célébraient et approuvaient la politique du prince.

Le socialisme bouddhique

Au pouvoir, le Sangkum se reconnaissait dans le « socialisme bouddhique », une notion assez abstraite qui tout en prétendant défendre des buts progressistes et vouloir lutter contre linjustice sociale, était plus basée sur le respect des valeurs religieuses et des traditions sociales cambodgiennes. Toutefois, même si le bouddhisme était au cœur du système, les autres religions (islam, christianisme, …) étaient tolérées.

Plutôt que de vouloir abolir la propriété privée, le « socialisme bouddhique » encourageait les riches à donner aux pauvres afin de gagner des mérites qui leur serviront dans leurs vies futures. Les fonctionnaires se devaient dêtre redevables auprès du public, transparents financièrement dans leurs affaires et étaient encouragés à prendre régulièrement des congés pour se rapprocher du peuple des campagnes en sadonnant aux travaux de la ferme. Norodom Sihanouk se faisait ainsi souvent photographier en train de labourer un champ lors de ses visites sur les chantiers des projets de développement.

En réalité, la gestion économique développait une forme de « copinage socialiste » pas très éloigné du clientélisme de certains systèmes capitalistes : les entreprises détat étaient créées et dirigées par des hauts dignitaires du Sangkum, souvent dans leur seul intérêt et en toute opacité.

Lopposition

Les méthodes de Norodom Sihanouk consistaient à tantôt critiquer les adversaires lors de différentes réunions publiques, tantôt de leur offrir des postes au sein du Sangkum afin de les faire participer à la construction du pays. Elles avaient le double effet de créer des dissensions et dintégrer lopposition dans le régime. On peut dire que ces méthodes ont permis dabsorber beaucoup déléments de droite et du centre de la politique cambodgienne, ainsi que des sihanoukistes de gauche et des communistes modérés.

A gauche, seuls les adeptes de la ligne dure du Parti Communiste du Kampuchéa ne collaborèrent pas au régime. A droite, les « Khmers Sereï », antimonarchistes et nationalistes, commandés par Son Ngoc Thanh, avaient eux aussi pris le maquis ils étaient soutenus principalement par la Thaïlande et le Sud-Vietnam.

La communauté vietnamienne

Les conditions de vie des 400 000 Vietnamiens du Cambodge se dégradèrent notablement après lindépendance. Pour rester, ils devaient avoir une carte de résident étranger et payer une taxe annuelle. De plus, les relations tendues avec le Vietnam incitèrent vingt mille dentre eux à retourner dans leur pays dorigine.

Léducation

Lune de mesures phare du Sangkum fut de promouvoir la langue khmère au détriment du français. Dès 1959, elle devient obligatoire dans lenseignement primaire et à partir de 1967 dans le secondaire. Seules les études supérieures étaient encore dispensées en français.

Dans ladministration, la réforme pour faire du Khmer la seule langue officielle est mise en place dès 1957.

Une forte campagne dalphabétisation vit le jour et de nombreux établissements scolaires furent érigés. Il était prévu quaucune école ne devait être inaccessible aux enfants, chaque chef lieu de canton devait posséder son collège, chaque province son lycée. Cette campagne vaudra au pays, à la fin des années 1960, une palme dor de lUNESCO.

Néanmoins, le revers de la médaille est que ce système engendrera un nombre importants de diplômés qui malheureusement ne pourront intégrer le marché du travail dun pays pas encore assez industrialisé. Beaucoup, déçus, deviendront alors plus sensible à la propagande révolutionnaire.

Le développement économique

Laide étrangère permit un essor que le pays navait encore jamais connu.

Un port en eaux profondes est édifié par la France en 1960 à Sihanoukville, qui permet un accès à la haute mer.

Une route, construite par les Américains et une voie de chemin de fer relient ce port à la capitale.

Des usines, grâce notamment à laide chinoise sortirent de terre, mais lessor de lindustrie demeura globalement modeste.

Toutefois, malgré des exportations de riz qui progressent dannée en année, surtout grâce au climat de paix qui règne, lécart de niveau de vie se creuse entre les villes et les campagnes qui profitent moins du développement.

Politique extérieure

Sur le plan international, une politique de neutralité avait été adoptée. Le Cambodge voulait alors donner limage dune « perle du Sud-est asiatique », dun oasis de paix et de stabilité sociale au milieu des affres du second conflit indochinois qui affectait le reste de la région.

A la fin de 1954, des entrevues avec les premiers ministres indien Jawaharlal Nehru et birman U Nu, avaient convaincu Norodom Sihanouk de rejoindre le camp des non alignés. Il était de plus réfractaire à lidée un temps entrevue de rejoindre une alliance avec les États-Unis dans laquelle ne manquerait pas de figurer la Thaïlande et le Sud-Vietnam, les deux ennemis héréditaires qui offraient de plus lasile à des opposants au monarque.

A la conférence de Bandung, en avril 1955, Norodom Sihanouk eu des conversations privées avec Zhou Enlai, premier ministre chinois, et Phạm Văn Đồng, ministre des affaires étrangères du Nord-Vietnam. Tous deux lui assurèrent que leurs pays respecteraient lindépendance et lintégrité territoriale du Cambodge. Concernant les Américains, son expérience auprès des Français lui amena à conclure que les États-Unis, comme la France, devraient un jour quitter lAsie du Sud-est. De ce point de vue, la présence occidentale en Indochine nétait quune parenthèse dans les processus dexpansion du Vietnam et de la Thaïlande au détriment du Cambodge. La Thaïlande, notamment, navait pas hésité à réclamer les provinces du Nord-ouest quelle avait occupées au début du vingtième siècle et dans les années 1940. Elle avait même investi le temple de Preah Vihear avant de devoir le rendre en 1962, suite à la décision de la Cour internationale de justice den attribuer la jouissance au Cambodge. De leur coté, les Sud-Vietnamiens contestaient les frontières maritimes. De ce fait, les accords avec le Nord-Vietnam et les liens étroits avec la Chine à la fin des années 1950 et durant toutes les années 1960 permettaient de contrer cette dynamique.

Les accords avec la Chine, présentaient des avantages pour les deux parties. Norodom Sihanouk espérait que Pékin pourrait contrecarrer les prétentions vietnamiennes et thaïlandaises sur le Cambodge. La Chine, en retour, voyait dans la poursuite du non alignement du Cambodge un bon moyen déviter de se retrouver isolée dans la région face aux États-Unis et à leurs alliés. Quand Zhou Enlai visita Phnom Penh en 1956, il demanda aux 300 000 représentants de la communauté chinoise de coopérer au développement du Cambodge, de se tenir à lécart de la politique et dadopter la citoyenneté cambodgienne. En 1960, les deux pays signèrent un traité damitié et de non-agression. Lorsque plus tard, des dissensions apparaîtront entre lURSS et la Chine, les relations sino-cambodgiennes contribueront à refroidirent celles entre Phnom Penh et Moscou.

La Chine nétait pas la seule puissance auprès de qui Norodom Sihanouk cherchait de laide. En effet, la demande cambodgienne pour bâtir la nation et améliorer sa sécurité incitait le prince à chercher de lassistance hors dAsie et daccepter tout donneur pour peu quil ne cherche pas à menacer la souveraineté nationale. Avec cette idée, le monarque se tourna dès 1955 vers les États-Unis et négocia une aide militaire de financement et déquipement pour les Forces Armées Royales Khmères. Un groupe américain de conseil en aide militaire sétablit à Phnom Penh pour superviser la livraison et lutilisation du matériel américain qui arrivait des États-Unis. Aux débuts des années 1960, laide de Washington constituait 30% du budget de la défense cambodgienne et 14% des importations du pays.

Mais les relations avec les États-Unis tournèrent assez vite à lorage. Les officiels américains, aussi bien à Washington quà Phnom Penh, sous-estimaient le prince, le prenant pour un personnage fantasque qui négligeait la menace du communisme asiatique. La défiance était réciproque et plusieurs raisons faisaient craindre à Norodom Sihanouk que lassistance ne lui devienne préjudiciable.

Une de ces raisons était lascendant grandissant des États-Unis sur les forces armées cambodgiennes. La livraison de léquipement et la formation du personnel cambodgien avaient permis de tisser des liens entre les conseillers américains et les militaires du royaume khmer. Les officiers des deux nations partageaient la même appréhension vis-à-vis de lexpansion du communisme dans lAsie du Sud-est. Norodom Sihanouk considérait que dans son pays, les FARK étaient lappui le plus puissant à Washington. Le prince craignait aussi que beaucoup de hauts gradés de droite, conduits par Lon Nol deviennent trop puissants et à cause de leur affinité avec les États-Unis et fassent basculer le Cambodge dans le camp américain.

Une seconde raison était la recrudescence des survols de lespace aérien par des avions sud-vietnamiens et américains ainsi que les incursions répétées de troupes sud-vietnamiennes sur le territoire, à la poursuite dinsurgés Viêt-Cong qui se repliaient au Cambodge quand la pression militaire contre eux devenait trop forte. Au début des années 1960, la répétition de ces problèmes sensibles contribua à détériorer encore plus les relations entre Phnom Penh et Washington.

Une troisième raison était que le prince soupçonnait les services secrets américains de vouloir lévincer au profit dun dirigeant plus proche de leurs vues. Ces craintes furent confortées quand, en 1959, le gouvernement prétendit avoir découvert un complot visant à renverser Norodom Sihanouk. La conspiration aurait impliqué plusieurs dirigeants cambodgiens soupçonnés de sympathie avec les Américains. A leur tête aurait figuré Sam Sary, chef des « Khmers Sereï » basés au Sud-Vietnam, Son Ngoc Thanh, lancien leader nationaliste exilé en Thaïlande et Dap Chuon, le gouverneur militaire de la province de Siem Reap. Un autre complot, soit disant fomenté par Dap Chuon, aurait prévu dinstaurer un Etat « libre » comprenant les provinces de Siem Reap, de Kompong Thom et les régions méridionales du Laos alors contrôlées par la droite laotienne aux ordres du prince Bou Oum.

Ces raisons firent croître la suspicion de Norodom Sihanouk et finalement amenèrent à détériorer les relations entre Phnom Penh et Washington. En novembre 1963, le prince accuse les États-Unis de soutenir les activités subversives des Khmers Sereï depuis la Thaïlande et le Sud-Vietnam et annonce larrêt immédiat du programme daide américain au Cambodge. Les relations continuèrent de se dégrader et la rupture intervint le 5 mai 1965, lorsquil nétait plus possible de nier les violations fréquentes de lespace aérien par laviation sud-vietnamienne et américaine et les nombreux accrochages entre larmée de la République du Vietnam et les troupes Viêt-Cong dans les zones frontalières cambodgiennes.

Dans le même temps, les relations entre dun coté le Cambodge, de lautre le Nord-Vietnam et le Sud-Vietnam ainsi que la rupture avec Washington montrent les efforts faits par Norodom Sihanouk pour sadapter aux réalités géopolitiques du Sud-est asiatique et laisser son pays en dehors du conflit qui senvenimait dans le Vietnam voisin. Au milieu des années 1960, ces efforts penchèrent en faveur de Hanoï, alors que le gouvernement de Saigon basculait de plus en plus vers lanarchie. Dans les villes, ladministration de Ngo Dinh Diem et des régimes militaires qui lui succédèrent devenait de moins en moins efficaces et stables, alors que dans les campagnes, les forces gouvernementales perdaient irrémédiablement du terrain au profit des insurgés soutenus par Hanoï. A Phnom Penh, on doutait de la viabilité à court terme du Sud-Viêt Nam, ce qui amena la politique étrangère cambodgienne à changer de bord. Tout dabord, les relations diplomatiques avec Saigon furent rompues le 27 août 1963. En mars 1964, Norodom Sihanouk annonce son intention détablir des relations diplomatiques avec le Nord-Vietnam et de négocier un accord frontalier directement avec Hanoï. Ces plans ne pourront toutefois pas être rapidement menés à bien, car les Nord-Vietnamiens précisèrent au prince que tous les litiges concernant la frontière avec le Sud-Viêt Nam devaient être réglés directement avec le Front National de Libération du Sud-Viêt nam (FLNSV). Les tractations avec le front souvrirent au milieu de 1966 et aboutir à la reconnaissance de linviolabilité de la frontière un an plus tard. Le Nord Vietnam ne fut pas long à suivre. Le Cambodge devint le premier pays étranger à reconnaitre le Gouvernement Révolutionnaire Provisoire du FNLSV, le 13 juin 1969. Norodom Sihanouk fut aussi le seul chef dEtat étranger à assister aux obsèques dHo Chi Minh, le dirigeant Nord-Vietnamien décédé le 2 septembre 1969.

A la fin des années 1960, alors quil préserve ses relations avec la Chine et le Nord-Vietnam, Norodom Sihanouk, dans un nouveau souci déquilibre, renoue des liens avec loccident. Il sagit dune nouvelle tentative du prince visant à sadapter à la situation en Asie du Sud-est. Les Nord-Vietnamiens et les forces Viêt-Cong accentuaient limplantation de leurs sanctuaires en territoire cambodgien, lequel territoire était aussi le terminus de la piste Ho Chi Minh, leur route dapprovisionnement depuis le Nord-Vietnam. La neutralité du Cambodge était de ce fait mise à mal et la Chine, occupée par sa révolution culturelle, ne pouvait intervenir auprès dHanoï. A lest, le Sud-Viêt Nam, contre toute attente ne sétait pas effondré, même lors de loffensive du Têt en 1968, et le gouvernement du président Nguyen Van Thieu arrivait à stabiliser un pays ravagé par la guerre. Le gouvernement de Phnom Penh commençait aussi à ressentir les effets de la fin de laide économique et militaire des États-Unis, qui de 1955 à 1963 avait fourni pour près de 400 millions de dollars de matériel. Le manque de pièces de rechange nétait pas compensé par la faible qualité et les trop petites quantités de produits soviétiques, chinois et français.

A la fin de 1967 et au début de 1968, Norodom Sihanouk fit savoir quil ne formulerait pas dobjection en cas de poursuites des forces communistes par les troupes sud-vietnamienne ou américaine sur le territoire cambodgien. Washington, dans le même temps, acceptait de suivre les recommandations du commandement militaire au Vietnam et, en mars 1969, ordonna une série de bombardements aériens (nommé « opération Menu ») contre les sanctuaires cambodgiens des Nord-Vietnamiens et des troupes du Viêt-Cong. Que ces bombardements aient été autorisés ou non a alimenté nombre de controverses, et les affirmations de ladministration Nixon comme quoi Norodom Sihanouk les aurait « permis » sinon « encouragés » sont contestées par plusieurs sources, dont le journaliste britannique William Shawcross. Dun point de vue diplomatique, toutefois, lopération Menu nempêcha pas les relations bilatérales daller à leurs termes. Le 11 avril 1969, Richard Nixon envoya une note au prince Norodom Sihanouk dans laquelle il affirmait que les États-Unis reconnaissaient et respectaient « la souveraineté, la neutralité et lintégrité territoriale du royaume du Cambodge dans ses frontières actuelles ». Peu après, le 21 juillet 1969, des relations diplomatiques pleines et entières sont rétablies entre Phnom Penh et Washington.

Bilan

Les opinions sur le Sangkum et Norodom Sihanouk restent très partagées et suscitent souvent nostalgie ou rancœur.

Certains font remarquer quil a énormément contribué à impliquer les Cambodgiens dans la démocratie et le décrivent comme un mouvement pragmatique qui a essayé dapporter le développement au Cambodge.

Dautres, essentiellement à gauche et parmi les opposants de Norodom Sihanouk, y ont vu un mouvement conservateur qui a utilisé lautoritarisme pour se maintenir au pouvoir. Si le caractère autocratique du pouvoir du monarque ne fait aucun doute, il faut toutefois le replacer dans le contexte de lépoque, qui était, surtout dans les pays nouvellement indépendants, aux "pères de la nation" qui profitait du besoin de consolider la cohésion nationale pour exercer un pouvoir personnel et museler lopposition.

Il est dautre part indéniable que la période du Sangkum génère chez la plupart des Cambodgiens qui lont connue, une certaine nostalgie, notamment vue la relative stabilité des années 19551965, surtout quand on compare aux périodes qui suivront.

Force est de constater que Norodom Sihanouk avait su redonner un sursaut de fierté nationale à son peuple.

Après le règlement de la crise politique en 1991 et la restauration du roi Norodom Sihanouk en 1993, on vit fleurir plusieurs partis politiques cambodgiens qui voulaient utiliser le terme "Sangkum" pour faire référence à cette période.

Sources

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu dune traduction de larticle de Wikipédia en anglais intitulé « Sangkum ».
  • (fr) William Shawcross, Une Tragédie sans importance, F. Adel 1979 (ISBN 978-2715802186)
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  • (en) Russell R. Ross, Country studies Cambodia - Nonaligned Foreign Policy Library of Congress, 1987
  • (fr) Raoul Marc Jennar, Les clés du Cambodge, Maisonneuve & Larose, 1er octobre 1995 (ISBN 978-2706811500)
  • (en) David M. Ayres , Anatomy of a Crisis: Education, Development, and the State in Cambodia, University of Hawaii Press, avril 2000 (ISBN 978-0824822385)
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  • (en) Ben Kiernan, How Pol Pot Came to Power, Yale University Press, 11 août 2004 (ISBN 978-0300102628)
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  • (fr) François Ponchaud, Une Brève Histoire du Cambodge, Siloë, 13 septembre 2007 (ISBN 978-0300102628)
  • (fr) Université de Sherbrooke - Chefs de l'Etat cambodgiens
  • (fr) Alain Forest, Cambodge contemporain, Les Indes savantes, 21 novembre 2008 (ISBN 978-2846541930)
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