Salzburger Osterfestspiele

Salzburger Osterfestspiele

Festival de Pâques de Salzbourg

Festival de Pâques de Salzbourg
Lieu Salzbourg
Date de création 1967
Statut juridique Société à responsabilité limitée
Direction artistique Simon Rattle
Site web www.osterfestspiele-salzburg.at

Le Festival de Pâques de Salzbourg (Salzburger Osterfestspiele)[1] est un festival d'opéra et de musique classique créé en 1967 par le chef d'orchestre autrichien Herbert von Karajan, et qui a lieu tous les ans au temps de Pâques à Salzbourg (Autriche).

Il est très intimement lié à l'Orchestre philharmonique de Berlin, qui en assure tous les concerts et ne se produit en fosse qu'à cette occasion, et est également associé au Festival de Salzbourg, dont il est indépendant mais avec qui il partage le Grand Palais des festivals et coproduit certains opéras.

Sommaire

Histoire

Origines

Le Festival de Pâques de Salzbourg est né de la volonté du chef d'orchestre Herbert von Karajan d'établir un mode de production d'opéra grâce auquel il pourrait contrôler chaque aspect de la représentation. En désaccord artistique profond avec Wieland Wagner au Festival de Bayreuth, il renonce en 1952 à s'y produire, après deux saisons seulement. En 1957, il devient directeur de l'Opéra d'État de Vienne, où il montera plusieurs opéras de Richard Wagner (L'Anneau du Nibelung, Tannhäuser, Parsifal), mais la mauvaise organisation de l'Opéra (grèves, conflits internes, problèmes de coordination, etc.) perturbent ses activités et le poussent en 1964 à rejoindre la longue série des directeurs démissionnaires, étant tout de même resté en poste vingt jours de moins que Gustav Mahler, détenteur du record.

Il prend la décision de ne plus diriger de maison d'opéra traditionnelle, mais ne renonce pas à trouver un endroit susceptible de lui permettre de monter les grands opéras de son répertoire, et en premier lieu ceux de Wagner, dans les meilleures conditions possibles et avec le contrôle total de la production. Il songe d'abord au Grand Théâtre de Genève, mais en 1965, pendant une répétition de la scène de la révolution de Boris Godounov au Grand Palais des festivals de Salzbourg, il prend conscience face à la large scène que cette salle correspond aux besoins de son projet.

Karajan a à de nombreuses reprises raconté que le budget du premier festival a été établi dans un avion de Genève à Stockholm, en compagnie du directeur artistique de ses enregistrements, Michel Glotz, avec une marge d'erreur de cinq mille dollars seulement.[2] Une société est créée le 24 mars 1966 ; elle ne doit recevoir aucune subvention et se financer par sa billetterie et par le mécénat, Karajan lui-même ne recevant aucun salaire.

Voir la section Statut et financement.

La création du Festival de Pâques de Salzbourg est annoncée lors d'une conférence de presse pendant les Berliner Festwochen 1966. Le premier festival doit avoir lieu l'année suivante, avec une Walkyrie de Wagner qui marquera le début d'un Anneau du Nibelung sur quatre saisons.

L'ère Karajan

Dès ses premières années, l'opération est un succès, et attire une élite internationale et habituée des grands festivals. Le festival s'ouvre la veille du dimanche des Rameaux avec une représentation de l'opéra, et se termine le lundi de Pâques. Il est organisé en deux cycles identiques, chaque cycle comprenant deux concerts symphoniques, une grande œuvre chorale, et une représentation de l'opéra. Une troisième représentation de l'opéra est parfois donnée hors cycle.

Le festival reste centré sur Herbert von Karajan. Karajan, dans sa ville natale, à proximité de laquelle il habite, dans une salle dont il a influencé la conception, avec l'orchestre dont il est directeur musical à vie, avec des chanteurs choisis par lui, dans sa propre mise en scène, dirige des productions d'opéra dont il contrôle chaque aspect. Son biographe Roger Vaughan rapport qu'il « distribue en personne les chanteurs, dirige le plateau, s'occupe des éclairages, supervise jusqu'aux étoffes et couleurs des costumes, organise les effets spéciaux. Pour Joachim Kaiser, critique munichois qui suit Karajan depuis toujours, "c'est un miracle qu'il ne vende pas les billets et ne place pas les gens". Il s'agit d'un one man show, qui a été conçu comme tel. »[3]

Les opéras

Le Ring de 19671970, enregistré par Deutsche Grammophon, se fait une bonne place dans les discographies ; on a qualifié de « tétralogie de chambre » ces enregistrements dans lesquels Karajan s'efforce d'alléger la masse orchestrale et de laisser respirer les chanteurs. Certaines voix ont fait date, d'autres ont été critiquées pour leur difficulté à remplir le rôle : Jon Vickers était Siegmund, Martti Talvela était Hunding, Gundula Janowitz Sieglinde et Gutrun, Thomas Stewart et Dietrich Fischer-Dieskau Wotan, Régine Crespin et Helga Dernesch Brünnhilde, Josephine Veasey Fricka, Gerhard Stolze Loge, Zoltán Kelemen Alberich, Karl Ridderbusch Fafner et Hagen, Jess Thomas et Helge Brilioth Siegfried.

La programmation de cette période est dominée par Wagner, dont tous les opéras seront montés – sauf Tannhäuser, faute d'un chanteur adéquat pour le rôle-titre :

S'y joignent quelques Verdi et Puccini, ainsi que l'unique opéra de Beethoven :

Dans les dernières années sont montés des opéras populaires :

Jusqu'à sa mort en 1989, Karajan signe toutes les mises en scène – à l'exception de La Bohème de 1975, par Franco Zeffirelli, et du Don Giovanni de 1987, par Michael Hampe. Les décors sont réalisés par son décorateur attitré, Gunther Schneider-Siemssen, et les costumes par Georges Wakhevitch. Ses mises en scène sont généralement littérales, ou au mieux esthétisantes ; Karajan rejette toute réinterprétation ou tout radicalisme, qu'il considère comme une dénaturation de l'œuvre, et s'en tient aux indications du compositeur. Dans la querelle classique du monde lyrique sur le prédominance de la musique ou du théâtre, il tranche nettement en faveur de la musique, dont doit naître la mise en scène ; la direction d'acteurs est sobre, voire statique : « On obtient le calme et la concentration sur la musique, en écartant le superflu. Et que peut-il y avoir de plus important, dans un opéra, que de se concentrer sur la musique ? »[4] Certains décors néoromantiques – le Ring, Parsifal – font un pas vers le dépouillement intemporel de Wieland Wagner à Bayreuth, dont Karajan est cependant très critique ; d'autres – Carmen, Les Maîtres Chanteurs – tentent de reconstituer avec réalisme le lieu historique de l'action.

Les concerts

Les concerts symphoniques reflètent les programmes de la saison de l'Orchestre philharmonique de Berlin et reprennent les grandes œuvres du répertoire de Karajan, avec Bach, Mozart, Beethoven, Brahms, Dvořák, Tchaïkovski, Bruckner, Stauss, et jusqu'à Debussy, Ravel, Bartók ou Stravinski. Lorsque Karajan fait entrer Mahler à son répertoire dans les années 1970, les symphonies répétées à l'automne et présentées à la Philharmonie de Berlin en janvier ou février sont reprises au Festival de Pâques.

L'œuvre chorale mise au programme chaque année est une grande œuvre populaire tirée des répertoires baroque, classique ou romantique, comme la Messe en si mineur (1974) ou la Passion selon Matthieu (1977) de Bach, La Création de Haydn (1969, 1981), la Missa Solemnis (1967, 1979) ou la Neuvième Symphonie (1984) de Beethoven, Un Requiem allemand de Brahms (1968, 1978, 1983, 1988), le Requiem de Verdi (1976, 1989). Sa programmation est souvent l'occasion d'un enregistrement. Le chœur invité est la plupart du temps le Singverein der Gesellschaft der Musikfreunde in Wien.

Dans les années 1980, Karajan, malade et fatigué, partage les concerts avec un chef invité, Klaus Tennstedt en 1984, Riccardo Chailly en 1985, Carlo Maria Giulini en 1986 et 1987, Kurt Masur en 1988 et Georg Solti en 1989.

Mode de production

Le travail pour chaque production afin de permettre aux chanteurs et aux musiciens de se préparer avec beaucoup d'avance et dans les meilleures conditions possibles. Les chanteurs se réunissent à Berlin en décembre et répètent l'opéra qu'ils chanteront à Pâques, les premières années à la Jesus-Christus-Kirche, plus tard à la Philharmonie de Berlin. Un enregistrement est réalisé dans la foulée, avec tout le soin que permet l'avance ; parfois il aura même été réalisé plus d'un an auparavant, la distribution étant reprise pour la production scénique.

Orchestre et chanteurs se retrouvent à Salzbourg peu de temps avant le début du Festival et répètent la mise en scène, tout en reprenant et en perfectionnant le travail purement musical fait quelques mois auparavant. Ils sont obligés par contrat de rester à Berlin pendant les répétitions musicales et à Salzbourg pendant les répétitions scéniques.

Ce système cumule plusieurs avantages :

  • L'interprétation de Pâques bénéficie de la perfection d'un enregistrement en studio, rarement atteinte lors de la première soirée d'une production si l'enregistrement a lieu après la période des représentations. Karajan procédera de même à Berlin pour des œuvres orchestrales, qu'il enregistrait avant de les programmer en concert.
  • La période de préparation plus longue permet au chanteur de retravailler leur rôle et se corriger. De plus, ils se concentrent en décembre sur la musique et au printemps sur leur jeu.
  • Entretemps, ils peuvent se préparer en écoutant les bandes de l'enregistrement plutôt qu'avec un répétiteur au piano, facteur d'incertitude.
  • L'enregistrement est monté dans les premières semaines de l'année et peut être mis en vente à Pâques, le coffret et le festival bénéficiant ainsi d'une publicité réciproque.
  • Une partie des frais de répétition de la production est prise en charge par la maison de disque.

Certains opéras seront des coproductions, par exemple avec le Metropolitan Opera de New York pour La Walkyrie de 1967 et L'Or du Rhin de 1968.

Le renouvellement avec Abbado et Rattle

Après la mort de Karajan en juillet 1989, s'ouvre un interrègne de quatre années. Kurt Masur dirige Fidelio en 1990, le Gewandhausorchester Leipzig remplaçant exceptionnellement les Philharmoniker, et Bernard Haitink Les Noces de Figaro en 1991. Georg Solti est brièvement directeur artistique de 1992 à 1993, et dirige La Femme sans ombre et Falstaff.

En 1994, Claudio Abbado, qui a succédé à Karajan à la tête de l'Orchestre philharmonique de Berlin en 1990, devient directeur artistique du Festival et réunit ainsi les deux fonctions. Sous sa direction, la programmation perd son tropisme wagnérien et s'ouvre à l'opéra du XXe siècle (Elektra, Wozzeck) et à l'opéra russe (Boris Godunov) ; Wagner ne reviendra qu'en 1999 avec un Tristan. Abbado crée également Kontrapunkte (« Contrepoints »), des concerts de musique de chambre contemporaine liés thématiquement au reste de la programmation et donnés dans la grande salle du Mozarteum. Il conclut sa décennie avec Parsifal en 2002.

Le festival s'ouvre également en termes de mise en scène, avec Peter Stein, Götz Friedrich ou Herbert Wernicke.

Simon Rattle, ayant pris en 2002 la succession d'Abbado à Berlin, le remplace également à Salzbourg, où il débute en 2003 avec un Fidelio mis en scène par Nikolaus Lehnhoff. Après Così fan tutte en 2004 et Peter Grimes en 2005, il programme en 2006 Pelléas et Mélisande, mis en scène par Stanislas Nordey.

En 20072010, quarante ans après le Ring fondateur de Karajan, il devrait diriger L'Anneau du Nibelung, dans une mise en scène de Stéphane Braunschweig. Sont notamment annoncés Willard White en Wotan, Ben Heppner en Siegfried et Katarina Dalayman en Brünnhilde. La production, particulièrement lourde et coûteuse, sera partagée avec le Festival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence, où les spectacles auront été créés l'été précédent, avec les Philharmoniker en fosse et Rattle au pupitre. La première de L'Or du Rhin, le 2 juillet 2006, a été bien accueillie par la critique, tant du point de vue musical que pour la mise en scène.

À partir de 2005, chaque festival inclut un concert par un orchestre de jeunes à la Salzburgarena, une salle de spectacles de six mille sept cents places, susceptible d'accueillir un public plus jeune que les habitués du Grand Palais des festivals. Après le Gustav-Mahler-Jugendorchester dirigé par Franz Welser-Möst en 2005, l'Orchestre des jeunes de l'Union européenne, dirigé par Vladimir Ashkenazy, est invité en 2006.

Statut et financement

Le festival est une société à responsabilité limitée (Gesellschaft mit beschränkter Haftung), la Salzburger Osterfestspiele G.m.b.H., fondée le 24 mars 1966.

Il ne reçoit aucune subvention, et se finance par sa billetterie et par le mécénat de la Verein der Förderer der Osterfestspiele in Salzburg (Association des mécènes du Festival de Pâques à Salzbourg), à laquelle les abonnés doivent adhérer et grâce à laquelle ils bénéficient notamment d'une priorité de réservation.

Opéras programmés

Année Opéra Compositeur Mise en scène Direction Parution
DIRECTION D’HERBERT VON KARAJAN
1967 Die Walküre Wagner Herbert von Karajan Herbert von Karajan DG
1968 Das Rheingold Wagner idem idem DG
1969 Siegfried Wagner idem idem DG
1970 Götterdämmerung Wagner idem idem DG
1971 Fidelio Beethoven idem idem EMI
1972 Tristan und Isolde Wagner idem idem EMI
1973 Reprises de L'Or du Rhin (1968) et Tristan (1972) idem
1974 Die Meistersinger von Nürnberg Wagner idem idem
1975 La Bohème Puccini Franco Zeffirelli idem Decca
1976 Lohengrin Wagner Herbert von Karajan idem
1977 Il Trovatore Verdi idem idem EMI
1978 Reprise du Trouvère (1977) et de Fidelio (1971) idem
1979 Don Carlos Verdi idem idem EMI
1980 Parsifal Wagner idem idem DG
1981 Reprise de Parsifal (1980) idem
1982 Der fliegende Holländer Wagner idem idem EMI
1983 Reprise du Vaisseau fantôme (1982) idem
1984 Reprise de Lohengrin (1976) idem
1985 Carmen Bizet idem idem DG
1986 Reprise de Don Carlo (1979) idem
1987 Don Giovanni Mozart Michael Hampe idem DG
1988 Tosca Puccini Herbert von Karajan idem DG
1989 Reprise de Tosca (1988) idem
ANNÉES DE TRANSITION
1990 Fidelio Beethoven Peter Brenner Kurt Masur [5]
1991 Le Nozze di Figaro Mozart Michael Hampe Bernard Haitink
1992 Die Frau ohne Schatten Strauss Götz Friedrich Georg Solti
1993 Falstaff Verdi Luca Ronconi idem
DIRECTION DE CLAUDIO ABBADO
1994 Boris Godunov Moussorgski Herbert Wernicke Claudio Abbado Sony
1995 Elektra Strauss Lev Dodine idem
1996 Otello Verdi Ermanno Olmi idem
1997 Wozzeck Berg Peter Stein idem
1998 Reprise de Boris Godounov (1994) idem
1999 Tristan und Isolde Wagner Klaus Michael Grüber idem
2000 Simon Boccanegra Verdi Peter Stein idem
2001 Falstaff Verdi Declan Donnellan idem DG
2002 Parsifal [1] Wagner Peter Stein idem
DIRECTION DE SIMON RATTLE
2003 Fidelio [2] Beethoven Nikolaus Lehnhoff Simon Rattle EMI
2004 Così fan tutte [3] Mozart Karl-Ernst et Ursel Herrmann idem
2005 Peter Grimes [4] Britten Trevor Nunn idem
2006 Pelléas et Mélisande [5] Debussy Stanislas Nordey idem
2007 Das Rheingold [6] Wagner Stéphane Braunschweig idem
2008 Die Walküre Wagner idem idem
2009 Siegfried Wagner idem idem
2010 Götterdämmerung Wagner idem idem

Références et sources

Bibliographie

  • (fr) Roger Vaughan, Karajan (Herbert von Karajan. A Biographical Portrait, 1986), chapitre 2 « Pâques à Salzbourg, mars 1983 », traduction par Guillaume Monsaingeon, Belfond, Paris, 1988 (ISBN 2-7144-2048-6), pp. 39-100
  • (fr) Herbert von Karajan, Mein Lebensgericht, avec la collaboration de Franz Endler, 1988 ; Histoire de ma vie, chapitre 6 « Le Festival de Pâques », traduction par Rosemarie-Demé Ahr et Marie-Jo Goedert, Carrère et Vertiges du Nord, Paris, 1988 (ISBN 2-86804-506-5), pp. 134–171
  • (fr) Peter Csobády, « Salzbourg : À demeure », traduction par Marc Zitzmann, Le Monde de la musique, nº hors-série 5H « Herbert von Karajan, la légende du chef », 1999, pp. 35–37
  • (de) Annemarie Kleinert, Berliner Philharmoniker. Von Karajan bis Rattle, chapitre 6 « Die Berliner Philharmoniker bei den Festspielen in Salzburg » [pdf], Jaron Verlag, Berlin, 2005 (ISBN 3897731312), pp. 89–105

Notes

  1. Festspiele est un pluriel, il est donc correct, si l'on emploie le nom allemand, de parler des Salzburger Osterfestspiele.
  2. Rien ne permet de vérifier l'exactitude de l'anecdote ; voir par exemple Herbert von Karajan, Histoire de ma vie, Carrère et Vertiges du Nord, Paris, 1988, p. 135-136
  3. Roger Vaughan, Karajan, traduction par Guillaume Monsaingeon, Belfond, Paris, 1988, p. 39
  4. Herbert von Karajan, Histoire de ma vie, Carrère et Vertiges du Nord, Paris, 1988, p. 140
  5. C'est le Gewandhausorchester Leipzig qui occupa la fosse cette année-là, l'Orchestre philharmonique de Berlin étant en tournée en Israël.

Liens externes

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