Les Maitres Chanteurs de Nuremberg

Les Maitres Chanteurs de Nuremberg

Die Meistersinger von Nürnberg

Die Meistersinger von Nürnberg Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg
Genre opéra
Nb. d'actes 3 actes
Musique Richard Wagner
Livret Richard Wagner
Langue
originale
allemand
Durée
approximative
environ 4 heures 30
Dates de
composition
1861-1867
Création 21 juin 1868
Théâtre de la Cour royale de Munich
Création
française
1896
Lyon
Personnages
  • Hans Sachs, cordonnier (baryton-basse)
  • Veit Pogner, orfèvre (basse)
  • Sixtus Beckmesser, greffier municipal (baryton)
  • Walther von Stolzing, jeune chevalier de Franconie (ténor)
  • David, apprenti d'Hans Sachs (ténor)
  • Eva, fille de Pogner (soprano)
  • Magdalene, nourrice d'Eva (contralto)

Die Meistersinger von Nürnberg, en français Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg, WWV 96, est un opéra de Richard Wagner créé en 1868.

Septième des dix opéras de maturité de Wagner dans l'ordre d'achèvement, il est le seul à être une comédie. C'est également le seul à s'inscrire dans un contexte historique et géographique précisément situé plutôt que dans un cadre mythique ou légendaire. Durant près de cinq heures et demi avec les entractes, c'est l'un des plus longs opéras parmi ceux régulièrement joués aujourd'hui.

Sommaire

Fiche technique

Personnages

Argument

L'action se déroule à Nuremberg au XVIe siècle.

Acte I

À l'intérieur de l’église Sainte-Catherine.

Le vorspiel (c'est-à-dire, le prélude) de l'opéra est célèbre par son caractère joyeux, pompeux et débordant de vie, conséquence de la lumineuse tonalité d'ut majeur. C'est sans doute un des préludes les plus réussis de Wagner, il contient les principaux leitmotivs de l'oeuvre, résumant l'opéra avec maestria. Il commence par le pompeux motif des Maîtres Chanteurs, les caractérisant bien: ce sont des citoyens puissants et satisfaits d'eux-mêmes, traditionalistes n'acceptant que très peu le changement. Le motif Lyrique, symbolisant la volonté de renouveau voulue par Sachs et Walther résonne doucement mais Walther échoue à convaincre les Maîtres d'où l'etouffement subit du motif par l'energique marche des Maîtres Chanteurs qui cède sa place au motif représentant la bonne volonté de la confrèrie et que Gustave Kobbé appelle "motif de la Fraternité de l'Art" qui va en crescendo jusqu'à un f exposant le motif de l'Idéal artistique qui finit par se superposer aux thèmes des Maîtres Chanteurs: allégorie musicale de la lutte entre les esprits progressistes et conservateurs jusqu'à ce qu'emerge une belle phrase pleine de force émotionnelle, l'idée de cette phrase est celle qui pousse Walther à participer au concours de chant: l'amour d'Eva, c'est le motif de l'Ardeur Impatiente (dixit toujours Kobbé) suivi par un fugitif passage du chant de Walther (toujours en ébauche à l'acte II) menant au superbe motif du Printemps qui n'est pas sans rappeler celui de la Walkyrie. Puis dans un passage léger et très drôle confié aux violons, flûtes et hautbois, Wagner tourne en ridicule les Maîtres Chanteurs (notamment l'arriéré Beckmesser qui massacre sa sérénade à la fin du 2e acte) avant d'ajouter justement le motif du Ridicule en lui-même. Le fait qu'ici le motif du Printemps n'arrive pas à s'imposer montre que Walther et Sachs ont encore beaucoup à faire avant de convaincre les Maîtres. Mais le triomphe est au bout du combat et lorsque le motif des Maîtres Chanteurs et celui de la Fraternité de l'Art reviennent toujours aussi energiquement, les bois jouent avec vivacité le Chant de Concours de Walther qui semble être porté par les cuivres pompeux, Enfin les Maîtres, convaincus, reconnaissent Walther et le travail de Sachs et le supportent avec ferveur. L'allégresse générale de la joyeuse coda anticipe l'heureux dénouement de l'oeuvre.

Scène 1. Eva, fille du riche bourgeois Veit Pogner, et Magdalene, sa nourrice, assistent à la messe. Walther von Stolzing, jeune chevalier, lance des regards fougueux dans la direction d'Eva, qu'il a rencontrée la veille dans la maison de son père. Ils sont tombés éperdument amoureux l'un de l'autre. Walther apprend qu'elle est promise au gagnant du concours de chant qui se tiendra le lendemain. Malheureusement, Walther ignore tout de cet art.

Scène 2. David, jeune apprenti chez le poète et cordonnier Hans Sachs, prépare l'église pour la prochaine réunion des Maîtres Chanteurs. Magdalene, dont David est amoureux, lui promet monts et merveilles s'il apprend à Walther les règles des Maîtres. David, après une ode aux Maîtres, se lance dans une énumération des styles et des genres reconnus par la Guilde des chanteurs. David apprend à Walther qu'un Maître doit à partir de ces modes composer une nouvelle mélodie et des vers. Chaque erreur vis-à-vis de ces modes est sanctionnée par le marqueur. Un candidat ne peut faire que sept fautes.

Scène 3. L'assemblée se prépare, Beckmesser, greffier de la ville, presse Pogner de l'aider à obtenir la main de sa fille. Walther, quant à lui, fait part au père d'Eva de sa volonté de participer au concours. D'emblée Beckmesser s'en méfie.

Walther doit chanter devant l'assemblée qui l'autorisera ou non à participer au concours du lendemain. Beckmesser est désigné marqueur, et humilie Walther en l'arrêtant au beau milieu de son chant : il n'a plus la place sur son ardoise pour noter les erreurs du jeune chevalier.

Hans Sachs enjoint ses confrères à ne pas rejeter le chant sous prétexte qu'il n'est pas familier, et encourage Walther à poursuivre son ode. Mais le tumulte grandit, le chant est refusé car « sans grâce ».

Acte II

Une rue étroite, deux maisons sur la scène, celle de Pogner, l’autre de Sachs devant laquelle est planté un grand tilleul. Sereine nuit d’été, la nuit tombe progressivement.

Scène 1. Les apprentis célèbrent la nuit de la Saint-Jean et raillent l'application de David. Celui-ci apprend l’échec de Walter au concours à Magdalene, qui lui en fait le reproche. Il est alors appelé par Sachs.

Scène 2. Entre Eva avec son père ; elle lui demande si elle sera obligée de se marier avec le gagnant. Pogner lui rappelle qu’elle épousera « le Maître de son choix ». Magdalene entre et apprend l'échec de Walther à Eva, qui décide d’aller chercher conseil auprès de Sachs.

Scène 3. Hans Sachs, rêvant à l'étrange séduction du chant de Walther, regrette l'attitude des Maîtres.

Scène 4. Eva apparaît, invoque la longue amitié qui les lie, et Hans confirme que le jeune chevalier n'a aucune chance de gagner. Magdalene demande à Eva de rentrer et comprend à son humeur qu'elle est amoureuse. Il faut donc trouver un stratagème. Sachant que Bekmesser a décidé de chanter lui sa sérénade ce soir même, Eva convainc Magdalene de prendre sa place sur le balcon.

Scène 5. Walther apparaît au pied de la maison, Eva descend, et cachés dans le tilleul, elle explique son plan pour s'enfuir. Sachs entend la conversation, il sort et éclaire les deux amants. Ils ne savent que penser de son attitude.

Scène 6. Beckmesser apparaît dans la ruelle. Aussitôt qu'il commence à chanter sa sérénade, Sachs entonne à tue-tête une ode à Ève expulsée du paradis, tout en s'accompagnant de son marteau. Magdalene, dans les habits d'Eva, apparaît sur le balcon tandis que Beckmesser désespère de ne pouvoir chanter, et demande à Sachs d’arrêter de travailler. Celui-ci lui propose un marché, Sachs jouera le rôle du marqueur à l’aide du marteau, soulignant ainsi les fautes de Beckmesser. Beckmesser fait tant de fautes que Sachs finit une paire de chaussures durant le chant.

Le bruit a éveillé tout le voisinage. David, saisissant une massue, s'en prend violemment au luth de Beckmesser, déclenchant ainsi une petite émeute dans tout le quartier. Durant le tumulte, Sachs garde un œil sur les deux amants. Lorsque ceux-ci veulent s'enfuir, il pousse Eva dans les bras de son père, et accueille Walther dans son échoppe.

Acte III

Dans l'échoppe de Sachs.

Scène 1. David entre tandis que Sachs est abîmé dans la lecture d'un grand livre. Il lui demande pardon d'avoir pris part aux émeutes de la veille, mais Sachs semble l'ignorer. Le jeune apprenti se rappelle que c'est aujourd’hui la Saint-Jean, il chante donc son propre chant. Puis préoccupé par ses espoirs de mariage avec Magdalene, il en vient à se demander si son maître ne songerait pas à épouser Eva. Sachs l'envoie se préparer pour le concours, et décide d'aider Walther.

Scène 2. Walther apparaît dans l'échoppe, et dit à Sachs qu'il a fait un rêve merveilleux. Ceci enthousiasme Sachs, qui lui déclare que l'art se nourri des rêves, et l'enjoint de lui composer son chant à partir de ce rêve, lui-même écrivant les vers et corrigeant les fautes. Walther, guidé par Sachs, chante deux couplets tandis que Sachs souligne leur respect des règles des Maîtres.

Ils sortent se préparer pour le concours.

Scène 3. Beckmesser, voyant le magasin vide, se risque à entrer. Il remarque le chant laissé sur la table. Il pense immédiatement que ces vers sont la déclaration d'amour de Sachs à Eva, et met le chant dans sa poche. Sachs revenant dans son échoppe, se rend compte de la disparition du chant. Beckmesser le brandit tout en l'accusant de vouloir séduire Eva. Mais Sachs, sans nier qu'il soit de sa main – puisqu'il écrivait sous la dictée de Walther –, lui dit qu’il peut le garder, et même le chanter s'il le souhaite, pourvu qu'il trouve le ton juste.

Scène 4. Eva apparaît prétextant une paire de souliers douloureux. Walther entre à son tour. Les deux amants n'ont d'yeux que l'un pour l'autre, et Walther improvise le troisième couplet de son chant. Devant la gêne d'Eva envers lui, Sachs affirme qu'il n’a jamais eu l'intention de jouer les rois Marke vis-à-vis de l'Isolde d'Eva et du Tristan de Walther ; Wagner inclut dans ce passage de nombreux leitmotive issus de Tristan et Isolde.

David et Magdalene paraissent. Sachs fait David compagnon cordonnier, et baptise le chant de Walther Die selige Morgentraum-Deutweise (L'interprétation du doux rêve matinal). Ils se rendent sur le lieu du concours.

Une grande prairie. Les citoyens sont en fête. Des tribunes et des estrades sont joyeusement décorées.

Scène 5. Une grande procession des guildes a lieu avant que le concours ne commence. Sachs, acclamé par le peuple, chante un hymne, pour lequel Wagner reprend des vers du Hans Sachs historique.

Beckmesser est appelé à chanter. Il n'a pas trouvé le ton juste, déforme les paroles et se ridiculise devant l'assemblée. Furieux, il s'en prend à Sachs, à qui il attribue le chant. Mais Sachs proteste et reconnaît qu’il aimerait être l'auteur de ce chant magnifique. Il annonce que l'auteur de chant va se faire connaître ; Walther s’approche alors et entonne son chant. Il est proclamé vainqueur et remporte ainsi la main d'Eva.

L'assemblée l'acclame ; Pogner bénit le jeune couple, et décide de conférer à Walther le titre de Maître. Mais le jeune chevalier refuse. Sachs, l'arrêtant, expose la réelle fonction des Maîtres, la sauvegarde de l'art « noble et allemand » du chant. Walther accepte finalement l'honneur. Allégresse générale.

Rideau.

Thèmes

  • La sauvegarde de l'art par la conciliation de la tradition et de la nouveauté. Tout l'opéra mène vers la composition et la création du Chant du concours à l'acte III, et Wagner se présente autant dans la jeunesse, le talent spontané et l'enthousiasme de Walther, dont il montre cependant l'inexpérience, que dans la sagesse et la maîtrise formelle de Sachs, qui tempère ses ardeurs et lui révèle la signification et la logique des canons de la Tablature.
  • La médiocrité et le grotesque des critiques dans leur attachement borné à la tradition et leur incapacité à créer, que symbolisent le personnage de Beckmesser – dont le nom est depuis devenu une insulte ou une boutade à l'égard de la critique musicale.
  • Le dévouement à l'art, qui pousse Pogner à réserver la main de sa fille à un Maître Chanteur.
  • L'humilité de l'artiste face à son art. On peut d'ailleurs se demander si Wagner, de nature orgueilleuse, se reconnaissait plus dans le Sachs qui proclame de bonne grâce la perfection du Chant du concours ou dans le Walther von Stolzing dont le nom évoque le caractère sûr de lui (stolz signifie « fier » en allemand).
  • Le renoncement, illustré par l'attitude de Sachs vis-à-vis d'Eva, et d'ailleurs exprimé plus clairement par la musique (prélude de l'acte III) que par le livret ; son personnage même montre la profondeur de l'influence de Schopenhauer sur Wagner, que l'on associe généralement à Tristan et Isolde.
  • L'opposition entre les bourgeois, soucieux de sortir de leur condition de commerçants et de s'élever grâce à l'art (une référence aux Juifs d'Allemagne ?), et l'artistocrate cherchant à s'allier à cette classe montante mais rétif à se soumettre aux règles du concours.
  • La gloire de l'art allemand, sensible dans l'admonestation de Sachs à Walther après le Chant du concours, qui paraît aujourd'hui choquant. Hoffmannstahl replacera cette emphase dans le contexte des années 1860 : « L'emphase nationaliste est le reflet d'une époque brûlante de fièvre patriotique (celle où on sent l'unité allemande en train de se réaliser). » [1]

Remarques

  • Beckmesser, le Maître pointilleux sur les règles formelles, défenseur borné de la tradition, pédant, orgueilleux et d'ailleurs mauvais chanteur, est souvent vu comme une caricature du critique de la Neue Freie Presse de Vienne Eduard Hanslick, défenseur des brahmsiens et détracteur acharné de Wagner et de ses partisans. Cependant les premières esquisses datent de 1845, avant qu'Hanslick n'écrivît en 1846 son premier article sur Wagner – sur un ton d'ailleurs plutôt positif –, et le personnage constitue plutôt une satire de la critique musicale en général. Cependant les divergences profondes et l'animosité qui se développa entre brahmsiens et wagnériens menèrent Wagner à donner au marqueur le nom de Veit Hanslich ou d'Hans Lick dans sa seconde esquisse en prose en octobre 1861. Wagner rapporte dans son autobiographie Mein Leben, une œuvre sujette à caution et non exempte de reconstructions, que la réaction d'Hanslick fut mauvaise lors d'une lecture privée du livret des Maîtres Chanteurs, ce que le critique ne mentionne pas dans ses propres mémoires, dans lesquelles il loue même la qualité du livret.
  • Si l'on lit l'ouvrage sur un mode autobiographique, on peut également voir Pogner et Eva comme une représentation de Liszt et Cosima, Wagner s'exprimant alternativement par Walther et Sachs.
  • Les Maîtres utilisés par Wagner portent les noms de vrais Maîtres Chanteurs, à commencer par Hans Sachs, l'un des Maîtres les plus célèbres de l'histoire du chant allemand ; Wagner s'arrange même pour faire citer le nom du douzième Maître, Nikolaus Vogel, dont l'absence est expliquée par une maladie. Ces personnages ne constituent cependant pas une reconstitution historique, et très peu d'informations nous sont d'ailleurs parvenues, sauf en ce qui concerne Hans Sachs.
  • C'est le seul des opéras de maturité de Wagner qui se termine « bien » – ou en tout cas dans la joie, selon la manière dont on considère la rédemption du Hollandais et de Senta dans Le Vaisseau fantôme et celle d'Amfortas dans Parsifal. On peut le qualifier de « comédie » au sens où Le Chevalier à la rose de Strauss et Hofmannsthal est une « comédie pour la musique ».
  • La place particulière des Maîtres Chanteurs dans l'œuvre de Wagner n'empêche pas des similitudes avec d'autres opéras :
    • Un concours de chant est également au centre de l'action de Tannhäuser, composé à la même époque que les premières esquisses du livret des Maîtres Chanteurs.
    • Le parallèle entre l'éveil du printemps et l'éveil de l'amour, à partir duquel Walther compose son chant, sera poussé plus avant encore par Wagner avec le Chant du printemps de La Walkyrie.
    • Tout comme le Hollandais, Lohengrin, Tristan, Siegmund et Parsifal, Walther est à l'origine un personnage extérieur, arrivant dans une communauté dont les règles ou les principes ne sont pas les siens.
  • La fin de l'acte II fut inspirée à Wagner par une bataille à laquelle il assista dans les rues de Nuremberg en 1835.

Références et sources

Bibliographie

  • Wagner : Les Maîtres Chanteurs, L'Avant-Scène Opéra, n° 116/117, janvier-février 1989
  • Gustave Kobbé, Die Meistersinger von Nürnberg dans Tout l'opéra, de Monteverdi à nos jours (Kobbé), Robert Laffont, Collection Bouquins, 1993, pp. 202-212 (ISBN 2-221-07131-X)

Notes

  1. Hugo von Hofmannstahl, Lettre à Richard Strauss, 1er juillet 1927, traduit dans L'Avant-Scène Opéra, n° 116/117, janvier-février 1989, p. 37

Liens externes

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