- Saint-Sépulcre
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Le Saint-Sépulcre est, selon la tradition chrétienne, le tombeau du Christ, c'est-à-dire l'édicule (maintenant englobé dans l'église du Saint-Sépulcre) construit sur la grotte où le corps de Jésus de Nazareth aurait été déposé après avoir été descendu de la croix à Jérusalem.
Sommaire
Tradition : La Passion du Christ
La crucifixion, la mise au tombeau et la Résurrection sont les ultimes étapes de la passion du Christ. Les quatre Évangiles indiquent que le lieu se situait « hors des murs », « près d'une route » et « proche de la ville » (Jn 19:20), « sur le Golgotha », appelée aussi « Lieu du Crâne » (Mt 27:33, Mc 15:22, Lc 23:22 et Jn 19:17), qui était auparavant un « jardin ». (Jn 19:41) Le Christ a de plus été mis dans un « tombeau neuf » (Jn 19:41, Lc 23:33 et Mt 27:59) qui se situait « non loin de là ».
À l'heure actuelle, elle[Quoi ?] est vénérée par de nombreux croyants comme étant le lieu où le corps de Jésus de Nazareth a été enseveli avant qu'il ressuscite. Aujourd'hui, le tombeau est enfermé dans un édicule (construction en marbre).
Histoire
Antiquité du site
D'après les fouilles menées dans la basilique actuelle par le franciscain Virgilio Corbo dans les années 1960, des traces de tailles de pierre et de culture ont été mises au jour. Elles indiquaient une utilisation du Mont du Golgotha bien avant sa mention dans le Nouveau Testament. Hors de la ville, le lieu servait de carrière de pierre malaki dès le VIIIe siècle av. J.‑C.. Par la suite, au Ier siècle, les cavités furent recouvertes de terre et le lieu fut transformé en jardin. C'est le jardin du « Golgotha » dont parlent les Évangiles. Par ailleurs, des traces de cultures furent trouvées dans la grotte de l'Invention de la Croix.
Dans le même temps, tout un réseau de grottes sépulcrales fut édifié à l'ouest de la carrière. Les tombeaux furent creusés dans de hautes parois rocheuses verticales ; parmi ces derniers on trouve surnommée, selon l'usage, la « tombe de Joseph d'Arimathie ».
Volonté constantinienne
Au début du IVe siècle, les lieux de la crucifixion et de l'ensevelissement de Jésus de Nazareth sont dissimulés sous un forum romain où se dresse un grand temple dédié à la triade Capitoline, érigé par Hadrien lorsqu'il a transformé Jérusalem en une cité romaine du nom de Aelia Capitolina, après avoir écrasé la seconde révolte juive[1].
En 325, suivant la demande de l'évêque Macaire l'empereur Constantin envoie l'architecte Zénobie à Jérusalem, qui commence à attirer des pèlerins chrétiens. Il y fait araser le rocher sépulcral, dégageant ainsi le tombeau putatif de Jésus de Nazareth et construit à la place un ensemble de bâtiments destinés à glorifier la mort et la résurrection du messie du christianisme. On évalue à 5 000 m3 la pierre ainsi extraite, car le diamètre de l'édifice est de 35 m, et la hauteur du rocher creusé de 11 mètres[2]. Hélène, mère de l'empereur convertie au christianisme, s'y rend elle-même en pèlerinage l'année suivante et une tradition lui attribue la découverte de la Vraie Croix, près du Golgotha[1].
Un premier ensemble de bâtiments est achevé en 335 comprenant la rotonde, pour célébrer la Résurrection - ou Anastasis, en grec -, un atrium entouré de trois portiques à colonnes, une basilique à cinq nefs témoignant de la Passion et de la Résurrection appelée Martyrium (du grec, marturion, témoignage), complétés par un narthex, un atrium extérieur et une série de marches donnant sur le cardo maximus. Au centre de la rotonde, Constantin aurait déjà fait construire un édifice destiné à renfermer le tombeau, appelé en grec Kouvouklion (Kουβούκλιον ; « petit compartiment ») ou édicule (du latin : aediculum, « petit bâtiment »), mais il n'est actuellement pas possible de vérifier ce fait. Dans les années qui suivent, une série de bâtiments commémoratifs dessinent un parcours à travers lequel les pèlerins se glissent dans la vie, la mort et la résurrection de leur messie[1].
Prise par les Perses
En 614, la ville est mise à sac au terme d'un siège de trois semaines par les Perses sassanides. À cette occasion, l'Anastasis et le Martyruium subissent de graves dommages et le général Schahr-Barâz emporte la Vraie Croix dans son butin. L'empereur Héraclius restaure le Saint-Sépulcre et restaure triomphalement la Vraie Croix sur le Golgotha, en 630. Mais en 635, sous la pression des armées musulmanes, ce dernier doit quitter la Syrie en emportant la Vraie Croix à Constantinople. Trois ans plus tard, Jérusalem tombe aux mains des Arabes[3]. Les pèlerinages ne sont pas pour autant interrompus et des princes et ecclésiastiques continuent à se rendre aux lieux saints sans discontinuer[4], dans un mouvement qui s'amplifie à partir du Xe siècle.
Lieu de pèlerinage, première croisade
Au Moyen Âge, le Saint-Sépulcre est le lieu de pèlerinage par excellence, une destination prestigieuse de pèlerinage pour la chrétienté occidentale. Jérusalem est alors sous domination musulmane depuis le VIIe siècle. Les musulmans réservent la basilique de la Résurrection, où se trouve le Saint-Sépulcre, au culte chrétien en prélevant, depuis leur arrivée, un droit d'entrée lucratif auprès de chaque pèlerin, taxe qui finira par irriter ces derniers dont le nombre augmente de manière croissante[5].
Au début du XIe siècle, en 1009, à la suite d'autres bâtiments chrétiens comme le monastère de Sainte-Catherine du Mont Sinaï, la basilique de la Résurrection est détruite par le sultan fatimide Al-Hakim qui, se pensant investi d'une autorité divine, persécute chrétiens, juifs et certains musulmans[6]. L'accès au Saint-Sépulcre est interdit durant une dizaine d'années. L'évènement s'amplifie sous la plume de chroniqueurs comme Raoul Glaber ou Adhémar de Chabannes qui parlent d'un complot anti-chrétien fomenté par les conseillers juifs du Sultan inspirés par leur coreligionnaires européens. Cette rumeur crée un vif émoi et une colère qui se retournent contre les juifs d'Europe et déclenchent une série de pogroms qui prendront place entre 1009 et 1012[7]. À partir de 1027, les relations entre l'Empire byzantin et les califes s'améliorent, permettant un accord sur la reconstruction entre l’empereur Michel IV et le calife Al-Mustansir Billah. L’église est reconstruite grâce à une collecte à travers la chrétienté et à l'argent de l’empereur byzantin. Le travail est achevé en 1048 sous Constantin IX Monomaque[8]. Dès 1020, dans un contexte politique instable qui voit se succéder fatimides et abbassides, créant une insécurité latente, les pèlerinages reprennent, parfois sous forme de cortèges armés qui anticipent les croisades[9].
Quand la première croisade est prêchée en Europe vers 1095, l'église de la Résurrection, si elle est en mauvais état, n'est ni spoliée ni profanée[6]. Pourtant, le thème de l'atteinte au Saint-Sépulcre fera partie de l'arsenal des amalgames malveillants utilisés pour la propagande guerrière visant à susciter l'indignation et la réaction des chrétiens, qui sont appelés à délivrer les lieux saints de Jérusalem[10]. Une forgerie est d'ailleurs créée pour Urbain II à cet effet, connue sous le nom de « fausse encyclique de Sergius IV », censée avoir été écrite par ce pape en 1011 à la suite de la destruction de la ruine de l'église du Saint-Sépulcre par Al-Hakim, appelant les chrétiens à « venger » le Saint-Sépulcre et l'arracher aux infidèles pour obtenir le salut de leur âme[11]
Reconstruction
La reconstruction du XIe siècle, opérée par des équipes byzantines et locales, conserve la structure architecturale de la basilique constantinienne. La maçonnerie, elle, diffère et a été réduite de moitié. La partie orientale comprenant l'atrium et les cinq nefs est abandonnée, mais la cour à trois portiques située entre la basilique et la rotonde est reconstruite dans des proportions identiques à l'ancien bâtiment. Trois nouvelles chapelles prennent place à l'ouest de la cour, disparues aujourd'hui[8].
À l’ouest de ces constructions, les anciennes citernes sont transformées en chapelle souterraine ; une série de nouvelles chapelles remplace l'ancienne basilique, trois au sud de l’Anastasis et quelques autres entre l’Anastasis et le Patriarcat[8].
Le nouveau bâtiment est richement orné d’un pavement de mosaïque de pierres de différentes couleurs à motifs géométriques. Le pavement de l’Anastasis, constitué d'une dizaine de panneaux, est orné à ses quatre côtés de figures animalières d’inspiration islamique encore visibles de nos jours, témoignant de l'intervention d'artisans locaux[8].
La Rotonde médiévale sera à nouveau détruite par un incendie qui ravage le Saint-Sépulcre en 1808.
Authenticité du tombeau
Récits antiques
Suivant les récits d'Eusèbe de Césarée, hagiographe de l'empereur Constantin, et Socrate le Scolastique, écrivain du Ve siècle, l'endroit aurait déjà été considéré comme le lieu de la crucifixion et de sépulture de Jésus de Nazareth et tenu en vénération par la communauté chrétienne de Jérusalem[réf. nécessaire] avant les fouilles et la construction d'une église (la première datant de 335). La communauté se serait toujours souvenue du lieu, même lorsque le site fut recouvert par le temple d'Hadrien.
Eusèbe de Césarée insiste en particulier sur la découverte du tombeau : « Il est offert à tous ceux qui viennent pour en être les témoins visuels, une preuve claire et visible du miracle dont ce lieu a été la scène » (Vie de Constantin, Chapitre XXVIII).
L'archéologue Martin Biddle de l’Université d'Oxford a avancé une théorie selon laquelle l’expression « preuve claire et visible » pouvait être liée à un hypothétique graffiti « c'est le Tombeau du Christ », inscrit dans la roche par des pèlerins chrétiens avant la construction du temple romain. Des graffiti anciens semblables sont toujours visibles dans les catacombes de Rome ; ils indiquent notamment les tombeaux de saints particulièrement vénérés[réf. nécessaire].
Discussions sur l'authenticité
XIXe siècle
À partir du XIXe siècle, un certain nombre d'érudits a contesté le fait que le Saint-Sépulcre puisse être le site réel de la crucifixion de Jésus et de son inhumation. Ils soutinrent que l'église se situant à l'intérieur des murailles ne pouvait être le lieu de ces événements que les textes bibliques (par ex. He 13,12) placent à l'extérieur des murs.
En 1883, le général Charles Gordon identifia un tombeau dans une paroi rocheuse d’une région cultivée, à l'extérieur des murs. Il le considéra comme le site le plus probable de l'ensevelissement de Jésus. Il suggéra ainsi le jardin de la Tombe, situé au nord du Saint-Sépulcre dans les environs de la Porte de Damas et datant de la période de l'Empire byzantin. Cela correspondrait à la description de Jean (19:41) : « Or il y avait un jardin au lieu où il avait été crucifié, et dans ce jardin un tombeau neuf ». Cette hypothèse est aujourd'hui écartée.
Dans le jardin, on peut trouver un rocher escarpé qui contient deux grandes cavités qui ressemblent étrangement à des yeux de tête de mort.
Ce lieu est habituellement appelé le Jardin de la Tombe afin de le distinguer du Saint-Sépulcre. Il reste toujours un lieu de pèlerinage (habituellement pour les protestants) pour ceux qui doutent de l'authenticité de l'Anastasis et/ou bien pour ceux qui n'ont pas la permission de se recueillir dans l'église.
L'archéologie démontre que la ville a connu trois extensions au « nord ». Elles ont donné lieu à autant de remparts successifs. Ces enceintes étaient encore visibles en l'an 70. Flavius Josèphe en témoigne et les décrit avec précision. Le premier rempart fut construit par le roi Ezéchias, à la fin du VIIIe siècle av. J.‑C.. Le second a été construit par les Asmonéens dans la deuxième moitié du IIe siècle av. J.‑C..
La troisième muraille a été étendue par Hérode Agrippa Ier en 41–44 et entoura seulement le site du Saint-Sépulcre, alors qu’à la même époque les jardins environnants évoqués dans le Nouveau Testament auraient dû y être intégré aussi. Ainsi le Saint-Sépulcre pourrait bien s'être trouvé à l'extérieur des remparts, au temps de Jésus.
L'archéologie confirme cette théorie depuis assez longtemps : le Saint-Sépulcre était bien à l'extérieur des premier et deuxième remparts. Son secteur était le lieu d'exploitation de carrières depuis le VIIIe siècle av. J.‑C. et fournissait la pierre pour bâtir Jérusalem. On extrayait les blocs de pierre par paliers. Dans les parties abandonnées des gisements d'exploitation, on creusait des tombeaux. Ces données archéologiques ne contredisent pas les indications néo-testamentaires.
XXe siècle
Dan Bahat, ancien archéologue de la ville de Jérusalem : « Nous ne pouvons pas être absolument certains que le site de l'église du Saint-Sépulcre est bien le site de la tombe de Jésus, mais nous n'avons aucun autre lieu qui puisse affirmer des arguments contraires de poids et nous n'avons vraiment aucune raison de rejeter l'authenticité de l’endroit. » (Bahat, 1986)[réf. nécessaire]
Chapelle Sainte-Hélène
La chapelle Sainte-Hélène se trouve dans la partie inférieure de la basilique du Saint-Sépulcre. Elle appartient à l'Église apostolique arménienne et date du XIIe siècle.
Une chaire se trouve au sud-ouest de la chapelle qui est, selon la tradition, celle de sainte Hélène, lorsqu'elle vint en pèlerinage à Jérusalem pour le recouvrement de la Croix. La chapelle comporte deux absides, l'une dédiée à sainte Hélène, l'autre au bon larron. La chapelle est modestement décorée en souvenir des goûts simples de sainte Hélène.
Le chroniqueur Guillaume de Tyr (1130-1186) décrit la restauration de la basilique qui est intervenue au milieu du XIIe siècle. Les croisés ont procédé à des fouilles à l'orient de la basilique pour retrouver les traces du Golgotha, et ont découvert les vestiges de l'espace clos qui entourait le temple d'Hadrien. C'est ainsi qu'ils ont décidé de vouer ce lieu à sainte Hélène et d'en faire une chapelle. Le sol de la chapelle est recouvert de mosaïques.
D'autres fouilles ont eu lieu bien plus tard en 1972-1973 qui ont mis au jour deux murs bas du temple d'Hadrien, la représentation d'un bateau romain du IIe siècle, et un mur plus élevé du IVe siècle qui soutenait la basilique constantinienne.
Les autorités de l'Église apostolique arménienne ont récemment transformé cet espace en chapelle dédiée à saint Vartan, avec un accès au nord. Elle peut être visitée sur demande à partir de la chapelle Sainte-Hélène.
Notes et références
- Jacques Briens, La Jérusalem byzantine reconstituée, in Le Monde de la Bible, hors-série trois religions à Jérusalem, automne 2008, pp. 32-34
- La grande rotonde de l'Agia Anastasis sur Interbible
- Bernard Flussin, La prise de Jérusalem par les Perses, in in Le Monde de la Bible, hors-série trois religions à Jérusalem, automne 2008, pp. 36-37
- Guy Lobrichon, Jérusalem 1099, in Le Monde de la Bible, hors-série trois religions à Jérusalem, automne 2008, p. 39
- Jean Flori, Les Croisades, éd. Le Cavalier Bleu, coll. Idées Reçues, 2010, p. 83
- Jean Flori, Les Croisades, éd. Le Cavalier Bleu, coll. Idées Reçues, 2010, p. 34
- extrait en ligne Aryeh Graboïs, Le pèlerin occidental en Terre sainte au Moyen Âge, éd. De Boeck Université, 1998, p.186,
- article en ligne Reconstruction du Saint-Sépulcre de Jérusalem sous Constantin IX Monomaque, in Qantara Patrimoine méditerranéen, Institut du Monde arabe, 2008,
- XIIIe siècle, éd. Ophrys, 2000, p. 82 Béatrice Leroy, Le monde méditerranéen du VIIe au
- Jean Flori, Les Croisades, éd. Le Cavalier Bleu, coll. Idées Reçues, 2010, p. 82-83
- Jean, Flori, Croisade et chevalerie : XIe-XIIe siècles , éd. De Boeck Université, 1998, p. 189
Bibliographie
- Aryeh Graboïs, Le pèlerin occidental en Terre sainte au Moyen Âge, éd. De Boeck Université, 1998, extraits en ligne
- (en) Roger Stalley, Early medieval architecture, éd. Oxford University Press, 1999
- (de) Martin Biddle et al., Die Grabeskirche in Jerusalem. Zeugnisse aus 2000 Jahren., éd. Belser, 2000
- (de) Jürgen Krüger, Die Grabeskirche zu Jerusalem : Geschichte - Gestalt - Bedeutung, éd. Schnell und Steiner, 2000
Article interne
Voir aussi
Visite guidée francophone du Saint-Sépulcre
Liens internes
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