- Reverso (montre)
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La Reverso est une montre de la marque suisse Jaeger-LeCoultre. Développée en 1931, elle a acquis un statut d'icône de l'industrie horlogère, en raison de son mécanisme original, qui permet de faire basculer le boîtier à 180 degrés. Après de nombreuses vicissitudes, la Reverso est devenue aujourd'hui un indémodable symbole Art déco dans l'horlogerie, et l'un des signes les plus visibles de la renaissance de l'industrie horlogère helvétique à la fin du XXe siècle.
Sommaire
Historique
Origine
Selon la légende, l'idée originelle naquit en 1930 lors d'un voyage en Inde d'un entrepreneur et homme d'affaires de Lausanne, César de Trey, à qui des joueurs britanniques de polo[1] demandèrent s'il était possible de disposer d'une montre moins délicate pour leurs activités sportives. De retour en Suisse, de Trey rapporta l'idée à l'une de ses connaissances, Jacques-David LeCoultre, alors directeur de la Manufacture LeCoultre du Sentier, qui la jugea intéressante et la confia à la direction de la maison horlogère Jaeger à Paris[2]. Cette dernière chargea l'ingénieur René-Alfred Chauvot d'en élaborer un projet.
Le nom de Reverso (en latin, « Je me retourne[3] ») fut trouvé par César de Trey à la vue des premiers schémas de Chauvot.
Le brevet pour une « montre capable de coulisser dans son support et pouvant se retourner complètement sur elle-même » fut déposée à Paris le 4 mars 1931[4]. La première justification de la Reverso était de pouvoir protéger le verre (très fragile à l'époque) de la montre en retournant le boîtier. Le développement se fit sans délai, le lancement fut décidé le 31 juillet 1931[5] et la production commença immédiatement : les premiers exemplaires apparurent sur le marché avant Noël de la même année. À l'origine, la fabrication du boîtier étant trop complexe[6], elle fut confiée à la maison Wenger à Genève. De plus, LeCoultre ne disposait pas de calibre adapté : jusqu'à la fin 1932, les premières Reverso étaient animées par un mouvement créé par la firme Tavannes Watches Co. Par précaution, les premiers contrats stipulaient d'ailleurs que la Reverso pourrait aussi être développée par Movado[7].
De fait, avant de devenir le symbole par excellence de Jaeger-LeCoultre, la Reverso a aussi été commercialisée sous d'autres marques : Cartier, Hamilton, Favre-Leuba, ou Patek Philippe[8].
Développements
Le succès commercial et mondain de la Reverso fut immédiat[9] : le maharaja de Karputala en commande 50 pièces aux dos gravés à son effigie d'un coup. Le basculement protecteur du boîtier n'étant plus vraiment justifié[10], le dos de la montre devient rapidement l'emplacement de toutes sortes de décorations artistiques : émail, gravure, etc. Pourtant, malgré des problèmes d'étanchéité[11] dus à sa conception, que le fabricant reconnaîtra plus tard, la Reverso est vantée comme « la montre idéale aux armées »[12]. Dès 1993, trois nouveaux calibres équipèrent les Reverso : les calibres 404 (modèle femme), 410 (avec petites secondes à 6 heures) et 411 (secondes centrales)[13]. En 1937, Jaeger et LeCoultre fusionnèrent. La nouvelle société racheta les locaux de Vacheron Constantin[14] à Genève, où elle s'installa.
Jusqu'à la guerre, onze calibres différents ont été conçus pour la Reverso[13]. Cependant, la Seconde Guerre mondiale réduisit considérablement le commerce du luxe et après 1945, le modèle connut une désaffection complète. La mode était aux montres rondes : Wenger détruisit finalement l'outillage industriel de fabrication des boîtiers. Les rares demandes étaient réalisées avec le stock restant. Jusqu'à la fin les années 1960, la Reverso n'était plus qu'un symbole dépassé d'une époque révolue et semblait promise à une disparition prochaine. L'époque avait besoin de symboles plus modernes. En horlogerie, elle l'avait trouvé dans une nouvelle star helvétique : la « Moon Watch », le chronographe Speedmaster Professional d'Omega que la NASA avait choisi pour équiper ses missions spatiales.
La renaissance
Au début des années 1970, le destin de l'industrie horlogère suisse tout entière semblait scellé : l'invasion des montres japonaises et du quartz avait relégué les montres mécaniques au rang d'antiquités. Jaeger-LeCoultre n'était pas en meilleure posture que ses concurrents et la Reverso paraissait le moins prometteur de tous ses produits. En 1972 pourtant, Georgio Corvo, le distributeur de Jaeger-LeCoultre en Italie[15], commanda la totalité des Reverso en stock (200 pièces). Manfred Fritz rapporte que la manufacture du Sentier fut tellement étonnée qu'elle demanda trois fois confirmation de la commande[16]. En dépit du scepticisme de la manufacture, Corvo s'entêta à relancer le produit. La plus grande difficulté venait de la disparition de l'ancien fabricant du boîtier et de la perte de certains plans de construction. Plusieurs constructeurs furent pressentis, un seul releva le challenge. Il fallut cependant trois ans avant de pouvoir fournir les premiers acheteurs de la nouvelle Reverso[17]. En 1975, la Reverso devint un produit très prisé de la jet-set italienne[18]. Dès lors, la Reverso connut un succès qui alla en s'amplifiant.
Le temps des succès
Après sa renaissance italienne, la Reverso connut un engouement international croissant. En 1991, Jaeger-LeCoultre lança sur le marché un modèle « spécial soixantième » de grande taille (+13%) tout en conservant les proportions du modèle original. Cet événement marque le début d'une exploration systématique du concept : version automatique, exploitation horlogère de la face arrière du boîtier, complications diverses, nouveau design, etc. Depuis 1996, Jaeger-LeCoultre fait partie du groupe Richemont, mais le développement stratégique de l'entreprise continue à être fortement axé sur la Reverso.
Déclinaisons
Aujourd'hui, fort du succès de son modèle phare, Jaeger-LeCoultre a entrepris de le décliner sous de très nombreuses variantes, certaines de très haute horlogerie. La plupart appartiennent à l'horlogerie de luxe[19]. Historiquement, la Reverso est une montre mécanique à remontage manuel, mais on trouve désormais des modèles à remontage automatique, ainsi que des versions à quartz (surtout dans les modèles féminins de très petite taille).
Jaeger-LeCoultre prétend au titre de manufacture[20], elle se doit d'équiper les différents modèles de Reverso de calibres de forme, élaborés et fabriqués par ses soins.
La gamme actuelle
En 2008, la gamme Reverso se présente ainsi[21] :
Modèles Homme
- Classique : calibre 846 (93 pièces[22]), le seul modèle qui reprenne pratiquement les dimensions du modèle d'origine ;
- Grande Taille : calibre 822 (134 pièces) ;
- Duoface : calibre 854 (180 pièces) ;
- Grande Automatique : calibre 970 (233 pièces) ;
- Grande Date : calibre 875 (218 pièces) ;
- Grande Sun Moon : calibre 873 (213 pièces) ;
- Grande GMT : calibre 878 (276 pièces) ;
- Squadra[23] Home Time : calibre 977 (234 pièces) ;
- Squadra Chonograph GMT : calibre 754 (296 pièces) ;
- Squadra World Chonograph : calibre 753 (366 pièces) ;
- Grande Complication à triptyque[24] : calibre 175 (642 pièces) ;
- À éclipses : calibre 849 (123 pièces) ;
Modèles Femme
- Dame : calibre 822 ;
- Duetto Duo : calibre 854 ;
- Duetto classique : calibre 865 ;
- Duetto : calibre 844 ;
- Squadra Lady[25] ;
- divers modèles joaillerie ;
Notes
- polo pourrait être originaire de l'état indien du Manipur Le
- XXe siècle. Antoine LeCoultre et Edmond Jaeger (1858-1922), fondateur de la maison Jaeger, avaient entretenu des relations commerciales suivies depuis le début du
- verbe reverso, as, are : « retourner en sens contraire », Dictionnaire Gaffiot, 2000, p. 1378. Du
- Manfred Fritz, p. 29
- francs suisses par pièce pour son travail. Chauvot reçut 10 000 francs, plus 2,50
- LeCoultre n'était qu'un fabricant de mouvements haut de gamme à l'époque.
- p. 31-32 Manfred Fritz, Ibid,
- Musée Patek Philippe à Genève. Jaeger-Lecoultre a produit de nombreuses montres sous le nom de ces marques. Reverso. La Légende vivante, p. 96-97. Une « Reverso Patek Philippe » est d'ailleurs exposée au
- Une Reverso or coûtait 500 francs suisses à l'époque.
- sapphire apparaissent en 1932 Les premiers verres
- étanchéité de la plupart de modèles est limitée à 3 atm. Aujourd'hui encore l'
- années 1930 reproduite dans Le Livre de la Manufacture, JLC, édition 1998, p. 45 Affiche publicitaire des
- Franco Cologni, Jaeger-LeCoultre. La Grande Maison, p. 115
- Vacheron Constantin ont appartenu au même propriétaire, Georges Ketterer. Pendant plusieurs années, Jaeger-Lecoultre et
- Zenith a également été sauvé dans des circonstances similaires Le marché italien a toujours été à l'avant-garde en matière de luxe. Une autre pièce mythique de l'horlogerie suisse, le calibre El Primero produit par la firme
- Reverso. La Légende vivante, p. 40
- Il fallut cependant attendre 1985 pour disposer d'un nouveau boîtier vraiment plus fiable que l'ancien. Ce nouveau boîtier est intégralement produit par Jaeger-LeCoultre
- Enzo Ferrari, Giovanni Agnelli, Gianni Versace, etc. L'un des revendeurs milanais constitua un album de toutes les personnalités qui lui achetèrent une Reverso :
- Jaeger-LeCoultre a passé sous le contrôle du groupe Richemont, une holding suisse de l'industrie du luxe, qui possède également Vacheron Constantin, IWC, Cartier, Piaget, Beaume & Mercier, Panerai, etc. Depuis 1996,
- horlogerie, le terme de manufacture est réservé à une entreprise qui centralise et contrôle le 100% de la fabrication de ses montres dans ses ateliers. Aujourd'hui, personne ne prétend plus être une manufacture au sens strict du terme. Au sens commercial, en revanche, la qualification manufacture est très « porteuse ». En
- Liste établie d'après le catalogue 2008 de la marque
- Le nombre de pièces par calibre (et non pour l'ensemble de la montre) est fourni sur le catalogue 2008 de la marque
- italien l'indique. Jusqu'en 2006, la Reverso a toujours été rectangulaire et l'apparition d'un modèle carré, qui plus est de taille respectable, a provoqué des réactions contrastées. Cependant, selon JLC, les premières esquisses du projet sont illustrées par une boîte carrée. Design carré, comme son nom
- platine 950 s'élève à 464 000 (sic) francs suisses. Son prix catalogue en version
- Annoncée début avril 2008
Sources
: Ouvrage utilisé comme source pour la rédaction de cet article
- Manfred Fritz, Reverso. La Légende vivante, Jaeger-LeCoultre, Éditions Braus, Heidelberg, 1992, (ISBN 3-89466-036-8)
- Franco Cologni, Jaeger-LeCoultre. La Grande Maison, Éditions Flammarion, 2006, (ISBN 978-2-08-011613-0)
Articles connexes
- Composition d'une montre mécanique ;
- Pendule Atmos : une pendule également fabriquée par Jaeger-LeCoultre.
Liens externes
- Site officiel ;
- Présentation de la Reverso Grande automatique (nombreuses photos).
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