- Période d'Uruk
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La période d'Uruk est un stade de développement protohistorique de la Mésopotamie, qui couvre en gros le IVe millénaire av. J.-C. Comme son nom l'indique, elle a été identifiée à partir des fouilles archéologiques de la cité d'Uruk, en Basse Mésopotamie, qui ont livré pour cette période un ensemble monumental dépassant largement ce qui se faisait ailleurs à la même période. Plus largement, cette période concerne également les régions voisines du Moyen-Orient (Syrie, Iran occidental, Anatolie du sud-est), qui ont connu une certaine influence mésopotamienne durant certaines phases de développement de la culture d'Uruk. Cette période tend d'ailleurs à être mieux connue dans ces « périphéries » qu'en Mésopotamie même du fait de la situation politique récente de cette région qui empêche les chantiers de fouilles.
Les études sur la période d'Uruk sont parmi les plus dynamiques sur la protohistoire du Proche-Orient ancien depuis au moins trois décennies. Elles s'intéressent d'abord aux apports de cette période, venus en majorité de Mésopotamie : apparition des villes, de l'État, de sociétés encore plus « complexes » que celles de la période précédente, celle d'Obeid, et l'apparition de l'écriture qui se produit dans la dernière phase de l'époque d'Uruk, accompagnant des mutations importantes dans le domaine symbolique. Un autre grand sujet d'étude est celui des relations entretenus entre la Basse Mésopotamie qui est le foyer de la culture d'Uruk, et les régions voisines qui ont reçu son influence dont on discute des modalités et de l'importance.
Sommaire
- 1 Chronologie et cadre géographique : la Basse Mésopotamie et les régions voisines au IVe millénaire av. J.-C.
- 2 Les dynamiques de la civilisation de la période d'Uruk
- 3 Notes
- 4 Voir aussi
Chronologie et cadre géographique : la Basse Mésopotamie et les régions voisines au IVe millénaire av. J.-C.
Une chronologie incertaine
La chronologie de la période d'Uruk est très discutée et donc encore très imprécise. En gros, on sait qu'elle couvre une bonne partie du IVe millénaire av. J.-C. Mais il n'y a pas d'accord sur la datation de ses débuts, de sa fin, et les grandes césures internes qu'il faut y distinguer. Cela est d'abord du au fait que la stratigraphie d'origine, celle identifiée dans le quartier central d'Uruk, est ancienne, comporte des zones d'ombres, et ne répond pas forcément aux problématiques récentes du fait de son ancienneté (années 1930). Ensuite, ces problèmes sont en grande partie liés à la difficulté qu'éprouvent les spécialistes à établir des synchronismes entre les différents sites archéologiques, et donc à établir une chronologie relative des sites de la période qui permettrait de mettre au point une chronologie absolue plus fiable.
La chronologie traditionnelle, très imprécise, est donc établie à partir des niveaux repérés par sondage dans le quartier de l'Eanna à Uruk[1]. Les niveaux les plus anciens de ce sondage (XIX-XIII) sont ceux de la période d'Obeid final (Obeid V, de 4200 à 3900-3700 en gros), la poterie caractéristique de la période d'Uruk commençant à apparaître dans les niveaux XIV/XIII. La période d'Uruk est traditionnellement divisée en plusieurs phases. Les deux premières sont l'« Uruk ancien » (niveaux XII à IX du sondage de l'Eanna), suivi d'une période d'« Uruk moyen » (niveaux VIII à VI). Ces deux premières phases sont mal connues, et leurs bornes chronologiques sont mal définies, on trouvera souvent des découpages chronologiques différents. À partir du milieu du IVe millénaire, on glisse progressivement vers la phase la mieux connue, celle de l'« Uruk récent », qui dure jusque vers 3200 ou 3100. C'est en fait cette période qui rassemble les traits généralement attribués à la civilisation de la période d'Uruk[2] : haut développement technique, développement d'agglomérations urbaines importantes avec leurs monuments imposants, les plus caractéristiques étant ceux du niveau IV de l'Eanna, apparition de l'État, expansion de la culture urukéenne dans tout le Moyen-Orient. Cette période est suivie d'une autre phase qui voit le déclin de la civilisation d'Uruk, et l'éclatement du Moyen-Orient en plusieurs cultures locales bien distinctes : on l'appelle couramment période de Djemdet Nasr, d'après un autre site mésopotamien[3],[4]. Sa nature exacte est très discutée, et il est difficile de distinguer clairement ses traits de la culture d'Uruk. On considère donc parfois qu'il s'agit d'une période d'« Uruk final ». Elle s'achève vers 3000 ou 2900.
Plus récemment, une nouvelle chronologie a été proposée par des participants d'un colloque réuni à Santa Fe[5], reposant sur les fouilles récentes de sites, notamment hors de Mésopotamie. Elle reprend le terme de chalcolithique, considérant la période d'Uruk comme un Late Chalcolithic (Chalcolithique tardif), abrégé en LC. Le LC 1 correspondrait à l'Obeid final, qui s'achève vers 4200 quand commence le LC 2, première phase de la période d'Uruk, donc Uruk ancien, lui-même divisé en deux phases dont la césure est à situer vers 4000. Vers 3800 débute le LC 3, qui correspond à une phase moyenne, qui dure jusque vers 3400 quand lui succède le LC 4, alors que le LC 5 (Uruk récent) prend le relais rapidement et dure jusque vers 3000. Selon cette chronologie, la période d'Uruk est donc étalée sur plus de 1000 ans, ce qui complexifierait encore plus son étude.
On constate donc que la chronologie de la période d'Uruk est des plus incertaines. On peut s'accorder sur une vague durée de près d'un millénaire couvrant en gros la période de 4000 à 3000 av. J.-C., et y distinguer plusieurs phases : une première croissance urbaine et l'élaboration des traits culturels urukéens en guise de transition avec la période d'Obeid finale (un Uruk ancien), puis une période de forte expansion vers l'extérieur (Uruk moyen), avec ensuite un apogée durant lesquels les traits caractéristiques de la « civilisation d'Uruk » se mettent définitivement en place (Uruk récent), suivi d'un recul de l'influence urukéenne et donc d'une plus grande hétérogénéité culturelle du Moyen-Orient suite au déclin de son « centre ». Débutent alors les périodes de Djemdet Nasr en Basse Mésopotamie, proto-élamite en Iran du sud-ouest, Ninive V en Haute Mésopotamie (où elle succède à la culture de Gawra), culture de la « Scarlet Ware » dans la Diyala[6]. Puis le début du IIIe millénaire voit commencer la période dite des Dynasties archaïques en Basse Mésopotamie, durant laquelle cette région a toujours un rayonnement considérable sur ses voisines.
La Basse Mésopotamie urukéenne : un « centre » ?
Une riche région agricole et urbaine
La Basse Mésopotamie est le cœur de la culture de la période d'Uruk, la région qui semble bien être le centre culturel de cette époque, celui où on a retrouvé les principaux monuments, les traces les plus évidentes d'une société urbaine complexe avec un appareil bureaucratique mis en place durant la seconde moitié du IVe millénaire, le premier système d'écriture, et dont la culture matérielle et symbolique a le plus d'influence au Moyen-Orient. Pourtant, cette région est mal connue par l'archéologie, puisque seul le site d'Uruk a livré les traces d'une architecture monumentale et des documents administratifs justifiant de faire de cette région la plus dynamique et influente. Peu d'autres sites ont livré des constructions de cette période, qui n'est en général connue que par des sondages. En l'état actuel des choses, il reste impossible de déterminer si le site d'Uruk est véritablement unique pour cette région où si c'est le hasard des fouilles qui nous fait le considérer comme plus important que les autres.
C'est la région du Moyen-Orient qui est la plus prospère grâce à son agriculture irriguée élaborée depuis le VIe millénaire, reposant sur la culture de l'orge (associée à celle du palmier-dattier et différents fruits et légumes), ainsi que sur l'élevage des ovins fournissant de la laine[7]. Elle peut ainsi devenir une région très peuplée et urbanisée au IVe millénaire[8], connaître une hiérarchisation sociale plus poussée, accompagnée par une spécialisation des activités artisanales et sans doute un développement du commerce à longue distance. Elle a fait l'objet de prospections archéologiques menées par R. McCormick Adams, dont les travaux sont très importants pour la compréhension de l'émergence de sociétés urbaines dans cette région[9]. Y ont été repérés une claire hiérarchisation progressive de l'habitat, dominé par des agglomérations de plus en plus importantes au IVe millénaire, en premier lieu Uruk qui semble être de loin la plus vaste, donc le cas le plus ancien de macrocéphalie urbaine.
La composition ethnique de cette région pour la Période d'Uruk ne peut être déterminée avec certitude. Cela rejoint la problématique de l'origine des Sumériens et de la datation de leur émergence (si on estime qu'ils sont allogènes à la région) ou arrivée (si on considère qu'ils y ont migré) en Basse Mésopotamie. Il n'y a pas de consensus sur des traces archéologiques d'une migration, ou sur le fait que la première forme d'écriture note déjà une langue précise. Certains avancent qu'il s'agit bien déjà de sumérien, auquel cas les Sumériens seraient les inventeurs de cette dernière[10] et ils seraient alors déjà présents dans la région au moins dans les derniers siècles du IVe millénaire (ce qui semble la solution la plus couramment retenue)[11]. La question de la présence d'autres groupes ethniques, notamment un « substrat pré-sumérien[12]» (ni sumérien ni sémite et antérieur aux deux dans la région) ou encore de Sémites (ancêtres des « Akkadiens ») est également débattue et ne peut être tranchée[13].
Uruk
Article détaillé : Uruk.De ces agglomérations, c'est Uruk, site éponyme de la période, qui est le plus grand et de loin dans l'état actuel de nos connaissances, et surtout celui à partir duquel la séquence chronologique de la période a été bâtie. Il pourrait avoir couvert 230 à 500 hectares à son apogée à l'Uruk récent, donc bien plus que les autres grands sites contemporains. La ville était peut-être fortifiée. Mais on connaît essentiellement l'architecture monumentale imposante de ces deux centres : Eanna et Kullab, situés à 500 mètres de distance[14]. Les constructions les plus remarquables sont situées dans le premier. Après le « Temple calcaire » du niveau V, un programme de constructions sans équivalent jusqu'alors est entrepris au niveau IV. Les bâtiments ont désormais des dimensions bien plus vastes que précédemment, certains ont des plans inédits, et ont met au point de nouvelles techniques de construction pour les réaliser et les décorer. L'Eanna du niveau IV est divisé en deux ensembles monumentaux : à l'ouest, un premier complexe regroupe le « Temple aux mosaïques » (décoré par des mosaïques formées par des cônes d'argile peints) du niveau IVB ensuite recouvert par un autre édifice (nommé Riemchengebaude, « bâtiment en briques-Riemchen », par les fouilleurs allemands du site) au niveau IVA ; à l'est se trouve un groupe plus importants de documents, notamment un « Bâtiment carré » et le « Temple aux piliers », remplacés ensuite par d'autres édifices de plan original, comme le « Hall aux piliers » et le « Hall aux mosaïques », une « Grande cour » carrée, et deux édifices plus vastes à plan tripartite, le « Temple C » (54 x 22 mètres) et surtout le « Temple D » (80 x 50 mètres), le bâtiment le plus vaste connu pour la période d'Uruk. Le quartier de Kullab est dominé par une série de temples bâtis sur une haute terrasse depuis la période d'Obeid, le mieux conservé étant le « Temple blanc » du niveau Uruk IV, mesurant 17,5 x 22,3 mètres, qui doit son nom au plâtre blanc recouvrant ses murs. À ses pieds avait été édifié un bâtiment à plan labyrinthique, nommé Steingebaude (« bâtiment en pierre »).
La fonction de ces constructions inédites par leur taille et surtout le fait qu'elles soient réunies en groupes monumentaux, est débattue. Les fouilleurs du site voulaient y voir des « temples », influencés par le fait qu'aux périodes historiques l'Eanna est le quartier de la déesse Inanna et Kullab celui du dieu An et les théories de cité-temple en vogue dans l'entre-deux guerres. Il est possible qu'on soit en fait en présence d'un lieu de pouvoir formant un complexe d'édifices de nature différentes (résidences palatiales, espaces administratifs, chapelles palatiales)[15], voulus par le pouvoir dominant dans la ville, dont la nature reste à déterminer. En tout cas il a fallu mettre en œuvre des moyens considérables pour les édifier, ce qui montre les capacités des élites de cette période. Uruk est également le site sur lequel ont été retrouvés les lots les plus importants des premières tablettes écrites, aux niveaux IV et III, dans un espace où elles avaient été mises au rebut, ce qui fait que leur contexte archéologique de rédaction nous est inconnu (voir plus bas). Le niveau d'Uruk III, correspondant à la période de Djemdet-Nasr, est l'occasion d'une réorganisation complète du quartier de l'Eanna dont les constructions sont arasées et remplacées par une grande terrasse, dont on ignore ce qu'elle supportait. À ses pieds a été retrouvé un dépôt probablement de nature cultuelle (le Sammelfund des archéologues du site), où ont été retrouvées des œuvres artistiques majeures de la période (grand vase cultuel, sceaux-cylindres, etc.).
Les autres sites de Basse Mésopotamie
En dehors d'Uruk, peu de sites ont livré des niveaux consistants de la période d'Uruk. Les sondages effectués sur les sites de plusieurs des grandes villes de l'histoire mésopotamienne ont montré qu'elles étaient occupées dès cette époque : Kish, Girsu, Nippur, Ur, peut-être Shuruppak et Larsa ; et plus au nord Tell Asmar, Khafadje, Yorghan Tepe. Le quartier sacré d'Eridu, lieu de l'architecture monumentale principale de la période d'Obeid en Basse Mésopotamie, est mal connu pour ses niveaux du IVe millénaire. Le seul édifice monumental important de la fin du IVe millénaire qui soit connu dans cette région en dehors d'Uruk est le « temple » sur plate-forme de Tell Uqair, datant de la période de Djemdet Nasr, constitué de deux terrasses superposées sur lesquelles se trouve un édifice identifié comme ayant une fonction cultuelle de 18 x 22 mètres environ[16]. Plus récemment, un niveau de la période d'Uruk a été dégagé sur le tell situé au sud-ouest du site d'Abu Salabikh (Uruk Mound), couvrant seulement 10 hectares[17]. Ce site était entouré d'une muraille partiellement dégagée, et on y a mis au jour plusieurs édifices dont une plate-forme ayant supporté un édifice dont il ne reste plus de traces. Quant au site de Djemdet Nasr, qui a donné son nom à la période qui sert de transition entre celle d'Uruk et les Dynasties archaïques, il est divisé en deux tells principaux, et c'est sur le second (Mound B) qu'a été mis au jour l'édifice le plus important dans lequel on a retrouvé un lot conséquent de documents administratifs : plus de 200 tablettes, des impressions de sceaux-cylidres[4],[18]. C'est probablement le centre de l'institution appelée AB NI+RU dans les documents.
Les régions voisines : des « périphéries » ?
Les sources relatives à la période d'Uruk proviennent d'un ensemble de sites répartis sur un espace immense couvrant aussi bien la Mésopotamie que les régions voisines, allant jusqu'en Iran central et en Anatolie du sud-est. La culture d'Uruk à proprement parler est certes principalement caractérisée à partir de sites du sud-mésopotamien et d'autres qui semblent directement issus de migrations provenant de cette région (les « colonies » ou « comptoirs »), qui vont nous retenir plus longtemps car ils sont pleinement dans la civilisation d'Uruk. Mais le phénomène que représente l'expansion urukéenne est repéré sur des sites situés dans une vaste zone d'influence couvrant tout le Moyen-Orient, dans des régions qui ne font pas toutes à proprement parler partie de celle d'Uruk qui est surtout définie pour la Basse Mésopotamie. On laissera de côté les cultures du Golfe Persique moins connues et l'Égypte dont les relations exactes avec la culture d'Uruk sont lointaines et font l'objet de débats, ainsi que le Levant où l'influence sud-mésopotamienne reste peu perceptible[19], pour se concentrer sur celles où elle est plus évidente, à savoir la Haute Mésopotamie et la Syrie du Nord, l'Iran occidental et le sud-est anatolien. Elles suivent en gros une évolution similaire à celle de la Basse Mésopotamie, voyant l'élaboration d'agglomérations et d'entités politiques plus vastes et complexes, et sont fortement influencées par la culture du « centre » à la période récente (c. 3400-3200), avant que la tendance à l'affirmation de cultures régionales propres ne prenne le dessus au tournant du IIIe millénaire. L'expansion de la culture d'Uruk vers les régions voisines pose de nombreuses problématiques, et plusieurs modèles explicatifs (généraux ou régionaux) ont été proposés pour tenter de l'expliquer.
Susiane et Plateau iranien
La région de Suse, au sud-ouest de l'Iran actuel, se situe dans le voisinage direct de la Basse Mésopotamie qui exerce sur elle une influence croissante depuis le Ve millénaire, et durant la seconde moitié du IVe millénaire on peut considérer qu'elle faisait partie de la culture urukéenne, peut-être suite à une conquête, ou bien par acculturation progressive, tout en conservant des particularités[20]. Les niveaux de la période d'Uruk à Susue correspondent à ceux dits de Suse I (c. 4000-3700) et Suse II (c. 3700-3100), qui voient la ville atteindre le stade urbain. Le niveau I voit le début d'une architecture monumentale avec la construction d'une « Terrasse Haute », agrandie au niveau II pour mesurer approximativement 60 mètres de long et 45 de large. Le plus intéressant sur ce site réside essentiellement dans les objets découverts, qui sont une part importante de la documentation à notre disposition sur l'art de la période d'Uruk et les débuts de la gestion et de l'écriture. Les sceaux-cylindres de Suse I et II sont d'une grande richesse iconographique, présentant la particularité de mettre en avant des scènes de la vie quotidienne, ainsi qu'une sorte de potentat local que P. Amiet voit comme une « figure proto-royale », précédent le « roi-prêtre » de l'Uruk final[21]. Ces impressions de sceaux-cylindres ainsi que des bulles et jetons d'argiles montrent l'essor de l'administration et des techniques de comptabilité à Suse durant la seconde moitié du IVe millénaire. Suse a aussi livré des tablettes écrites parmi les plus anciennes, ce qui en fait un site majeur pour notre connaissance des débuts de l'écriture. D'autres sites de Susiane présentent des niveaux de ces périodes, comme Djaffarabad ou Chogha Mish[22].
Plus au nord dans le Zagros, le site de Godin Tepe dans la vallée de Kangavar, est particulièrement important. Le niveau archéologique V de ce site est celui qui correspond à la période d'Uruk. On y a repéré les restes d'une enceinte ovoïde comprenant plusieurs constructions organisées autour d'une cour centrale, dont un vaste édifice au nord qui est peut-être de type public. La culture matérielle présente des traits communs à celle de l'Uruk récent, et aux niveau de Suse II. Le niveau V de Godin Tepe a de ce fait pu être interprété comme un établissement de marchands venant de Suse et/ou de Basse Mésopotamie, intéressés par la situation du site sur des routes commerciales menant notamment aux mines d'étain et de lapis-lazuli situées dans le Plateau iranien et en Afghanistan[23]. Plus loin à l'est, l'important site de Tepe Sialk (près de Kashan) ne présente pas de preuves évidentes de liens avec la culture urukéenne à son niveau III, mais on a retrouvé des écuelles grossières jusqu'à Tepe Ghabristan dans l'Elbourz[24]et même sur certains sites du Kerman bien plus au sud-est.
Dans cette région, le recul de la culture d'Uruk laisse place à une phénomène particulier, la civilisation proto-élamite, qui semble centrée sur la région de Tell-e Malyan et la Susiane, et connaît elle aussi une expansion qui semble reprendre des réseaux hérités de celle d'Uruk vers les sites du Plateau iranien[25],[26].
Haute Mésopotamie et Syrie du Nord
Plusieurs sites importants de la période d'Uruk ont été fouillés dans la région du Moyen Euphrate lors de fouilles de sauvetage précédant la construction de barrages dans la vallée qui allait provoquer leur submersion[27]. C'est en grande partie à partir des résultats de ces fouilles qu'ont débuté les réflexions sur l'« expansion urukéenne ».
Le plus connu est Habuba Kabira, un port fortifié situé sur la rive droite du fleuve en Syrie[28]. La ville couvrait environ 22 hectares protégés par une muraille, dont on a dégagé environ 10 %. L'étude des constructions de ce site a mis en avant le fait qu'il s'agissait d'un urbanisme planifié, ayant nécessité des moyens importants. Le matériel archéologique du site est identique à celui d'Uruk, que ce soient la céramique, les sceaux-cylindres, les bulles et calculi comptables, ainsi que des tablettes numérales de la fin de la période. Cette ville neuve a donc été faite selon toute vraisemblance par des colons urukéens. Une vingtaine de résidences de taille variable y a été dégagée. De plan tripartite, elles sont organisées autour d'une pièce de réception avec foyer ouvrant sur une cour intérieure, autour desquelles sont disposées des pièces annexes. Le tell Qanas regroupe sur une terrasse artificielle un groupe monumental, constitué de plusieurs édifices identifiés comme des « temples » sans certitude. Le site est abandonné à la fin du IVe millénaire, apparemment sans violence, déserté par ses habitants lors de la phase de repli de la culture urukéenne.
Habuba Kabira présente des similitudes avec le site voisin de Djebel Aruda, situé seulement huit kilomètres au nord, sur un éperon rocheux. Comme dans le site voisin, on y trouve un urbanisme constitué de résidences de tailles diverses, et d'un complexe monumental central constitué de deux « temples ». Il s'agit sans doute là aussi d'une ville nouvelle construite par des « Urukéens ». Un peu plus au nord, Sheikh Hassan est une troisième colonie urukéenne potentielle dans le Moyen Euphrate. Il est possible que ces sites aient fait partie d'un État implanté dans la région par des gens venus du sud mésopotamien, et se soient développés grâce à leur localisation sur des routes commerciales importantes[29].
Dans la région du Khabur, Tell Brak est dès cette période un centre urbain important, l'un des plus vastes de la période d'Uruk puisqu'il s'étend à 110 hectares à son apogée. Quelques résidences de la période y ont été dégagées, ainsi que de la poterie typique de l'Uruk, mais ce sont surtout une succession de monuments sans doute à buts cultuels qui ont attiré l'attention. Le « Temple aux yeux », comme on le nomme dans son stade final, a des murs sont ornés par endroits de cônes de terre cuite formant une mosaïque et d'incrustations en pierres de couleur, et une plate-forme servant peut-être d'autel décorée de feuille d'or, lapis-lazuli, clous d'argent et marbre blanc, dans une pièce centrale en forme de T. Le plus remarquable reste la trouvaille de plus de 200 « idoles aux yeux » auxquelles l'édifice doit son nom, figurines aux yeux hypertrophiés, sans doute un dépôt votif. Tell Brak a aussi livré des documents écrits : une tablette numérale, mais surtout deux tablettes pictographiques présentant des spécificités par rapport à celles du sud mésopotamien, indiquant peut-être l'existence d'une tradition écrite locale ou un stade de développement antérieur aux plus anciennes tablettes connus à Uruk[30]. À proximité de Brak vers l'est, Hamoukar a fait l'objet de fouilles depuis 1999[31]. Ce vaste site a aussi livré du matériel habituel des sites sous influence urukéenne de la Haute Mésopotamie (céramique, scellements), et témoigne de l'existence d'une urbanisation importante dans cette région à la période d'Uruk, comme Brak. Encore plus loin à l'est, le site de Tell al-Hawa présente également des contacts avec la Basse Mésopotamie.
Sur le Tigre, le site de Ninive (tell de Kuyunjik, niveau 4), situé lui aussi sur des routes commerciales majeures, est également dans la sphère d'influence urukéenne[32]. Le site couvrirait alors 40 hectares, soit la totalité du tell de Kuyunjik. Les restes matériels de la période sont très limités, mais on y a retrouvés des écuelles grossières, une bulle à calculi et une tablette numérale caractéristiques de l'Uruk récent. A proximité, le site de Tepe Gawra, déjà important à l'époque d'Obeid, a donné le nom à une période archéologique qui couvre le nord de la Mésopotamie d'environ 3800 à 3200 av. J.-C. (niveaux XI à VIII du site), et qui est une phase importante des débuts de l'urbanisation de cette région[33]. Il semble resté en dehors de l'influence urukéenne, tout en présentant des liens avec d'autres sites de Mésopotamie du nord et des régions voisines de Syrie et d'Anatolie. Les fouilles y ont dégagé sur plusieurs niveaux des tombes parfois richement pourvues, des résidences des tailles diverses, des ateliers et des bâtiments plus vastes ayant une fonction officielle ou religieuse (notamment la « construction ronde »), ce qui semble indiquer que Tepe Gawra est le centre d'une entité politique régionale.
Le sud-ouest anatolien
Plusieurs sites ont été fouillés dans la région de l'Euphrate située juste au sud-est de l'Anatolie, voisinant la région des sites urukéens du Moyen Euphrate[27]. Hacinebi, situé près de la ville de Birecik dans la province de Şanlıurfa, a été fouillé sous la direction de G. Stein, et est localisé au carrefour de routes commerciales importantes[34]. Un matériel archéologique sud-mésopotamien (écuelles à bords biseautés) apparaît dès la phase B1 (datée des alentours de 3800/3700), et est encore plus présente durant la phase B2 (3700-3300), aux côtés d'autres objets caractéristiques de l'Uruk récent (cônes d'argile servant à la décoration murale, une faucille en terre cuite, une bulle d'argile à calculi imprimée avec une impression de sceau-cylindre, une tablette d'argile non inscrite, etc.). Elle cohabite toujours avec une poterie locale qui reste dominante. Le fouilleur du site pense que celui a vu l'installation d'une enclave de personnes venues de Basse Mésopotamie, cohabitant sur place avec les autochtones qui restent majoritaires.
D'autres sites ont été fouillés dans la région de Samsat, province d'Adıyaman, encore sur l'Euphrate. Un site urukéen a été repéré à Samsat lors d'une fouille de sauvetage effectuée à la hâte avant la mise en eau d'un lac de barrage, et on y a exhumé des fragments de cônes d'argile servant à faire une mosaïque murale. Kurban Höyük, un peu plus au sud, a également livré du matériel urukéen dans un contexte dominé par la culture locale. Un autre site important de cette région est Hassek Höyük, où on a également trouvé des cônes d'argile et de la céramique caractéristique de l'Uruk, dans des bâtiments à plan tripartite[35].
Bien plus au nord, le site d'Arslantepe, situé dans les faubourgs de Malatya, est le plus remarquable de la période pour l'Anatolie orientale, fouillé sous la direction de M. Frangipane[36]. Durant la première moitié du IVe millénaire, ce site est dominé par un édifice appelé par les fouilleurs « Temple C », construit sur une plate-forme. Il est abandonné vers 3500, quand lui succède un complexe monumental où se situe le centre du pouvoir dans la région. La culture de l'Uruk récent y exerce une influence sensible, repérable notamment par les nombreuses empreintes de sceaux trouvées sur le site, dont beaucoup sont de style sud-mésopotamien. Vers 3000, le site est détruit par un incendie, ses monuments ne sont plus restaurés et la culture matérielle dominante devient celle du Kuro-Araxe, venant du sud du Caucase. Plus à l'est, le site de Tepecik a également livré une poterie influencée par celle d'Uruk. Mais dans ces régions l'influence urukéenne s'essouffle, et disparaît quand on s'éloigne encore plus de Mésopotamie.
L'« expansion urukéenne » : à la recherche d'explications
Depuis la découverte en Syrie des sites de Habuba Kabira et de Djebel Aruda dans les années 1970, qui ont rapidement été considérés comme des colonies ou comptoirs des porteurs de la civilisation d'Uruk partis s'installer loin de leurs terres, on s'est interrogé sur la nature des relations entre la Basse Mésopotamie et les régions voisines. Le fait que les caractéristiques de la culture de la région d'Uruk se retrouvent sur un très vaste territoire (de la Syrie du Nord jusqu’au Plateau iranien), avec la Basse Mésopotamie comme centre indubitable de celle-ci, ont finalement amené les archéologues qui ont étudié cette période à considérer ce phénomène d'« expansion urukéenne ». Cela a été renforcé par l'évolution politique du Moyen-Orient, et l'impossibilité de fouiller la Mésopotamie, donc le « centre » de la civilisation d'Uruk. Les fouilles récentes concernent donc des sites hors de Mésopotamie, donc « périphériques », et on a pu s'intéresser à leurs relations avec le « centre », qui tend paradoxalement à être la région la moins bien connue pour cette période, ne seraient les impressionnantes découvertes des monuments d'Uruk. Depuis, les théories et les connaissances se sont développées, au point d'aboutir à des propositions modèles généraux, empruntés à des travaux concernant d'autres lieux et d'autres époques, et d'autres disciplines, qui ont souvent présenté des limites devant la difficulté d'y faire correspondre les données des sites fouillés.
Guillermo Algaze a repris la théorie de « système-monde » d'Immanuel Wallerstein et aussi des notions de la théorie du commerce international pour les appliquer à la période d'Uruk, et ainsi élaborer le premier modèle qui se voulait cohérent de l'expansion de la civilisation d'Uruk[37]. Selon ses propositions, qui ont connu un certain succès mais ont aussi suscité de nombreuses critiques[38], les « Urukéens » auraient créé un ensemble de colonies hors de Basse Mésopotamie, d’abord en Haute Mésopotamie (Habuba Kabira, Djebel Aruda, mais aussi Ninive, Tell Brak, Samsat plus au nord), puis en Susiane et vers le Plateau iranien. Pour Algaze, la motivation de ce qu'il considère comme une forme d'impérialisme est économique : les élites de Mésopotamie du sud veulent obtenir les nombreuses matières premières dont elles ne disposent pas dans la vallée des deux fleuves, et fondent des établissements sur les nœuds contrôlant un vaste réseau commercial (même s'il reste impossible de déterminer ce qui était exactement échangé), en les peuplant peut-être de réfugiés sur un modèle proche de celui de la colonisation grecque. Les relations qui s'établissent entre Basse Mésopotamie et régions voisines seraient donc d'ordre asymétrique. Les habitants de la Basse Mésopotamie sont avantagés par rapport aux régions voisines notamment par à la plus grande productivité de leurs terres, qui aurait permis à leur région de « décoller » (il parle de « Sumerian takeoff ») plus vite grâce à leur « avantage comparatif » et même leur « avantage compétitif »[39]. Ayant une société plus complexe, des structures étatiques plus développées, ils sont en mesure de développer progressivement des réseaux commerciaux à longue distance, d'exercer une influence sur leurs voisins, et peut-être même une domination militaire.
La théorie d'Algaze comme d'autres modèles alternatifs ont été critiqués, en particulier du fait qu'un modèle solide reste difficile à élaborer du fait que la civilisation d'Uruk reste assez mal connue en Basse Mésopotamie en dehors d'Uruk même, où on ne connaît en fait bien que deux quartiers (l'Eanna et Kullab des périodes historiques). On a donc du mal à évaluer l'impact du développement du sud mésopotamien, phénomène non identifié par l'archéologie sur place. De plus, la chronologie est loin d'être établie de manière fiable pour cette période, rendant difficile la datation de cette expansion. On a beaucoup de mal à faire correspondre les niveaux de sites différents pour les attribuer à une même période, rendant l'élaboration d'une chronologie relative très compliquée. Parmi les autres théories avancées pour expliquer l'expansion urukéenne, l'explication commerciale commerciale est souvent reprise, mais le commerce à longue distance est sans doute un phénomène secondaire pour les États sud-mésopotamiens par rapport aux productions locales, et semble plus procéder de la complexification sociale qu'en être à l'origine, ne justifiant pas forcément une colonisation[40]. D'autres théories proposent une forme de colonisation agraire suite à un manque de terres en Basse Mésopotamie, ou bien une migration de réfugiés depuis la région d'Uruk après des problèmes écologiques ou politiques. Ces explications sont avant tout avancées pour le cas des sites du monde syro-anatoliens, peu d'explications globales étant avancées[41].
L'impact urukéen est généralement différencié selon les sites étudiés, ce qui a conduit à l'élaboration de plusieurs typologies en fonction des traces matérielles considérées comme caractéristiques de la culture urukéenne (avant tout la céramique et notamment les écuelles à bords biseautés). On a ainsi pu distinguer plusieurs types de sites allant des colonies qui seraient de véritables sites urukéens, ou des comptoirs comprenant une enclave urukéenne, jusqu'à des sites proprement locaux ou l'influence urukéenne est faible ou inexistante, en passant par d'autres où les contacts sont plus ou moins forts sans jamais supplanter la culture locale[42]. L'étude est complexifiée par le fait que les différents types de sites pouvant se trouver à proximité les uns des autres en Haute Mésopotamie : Ninive présente des liens culturels avec la Mésopotamie méridionale, tandis que Tepe Gawra, nœud commercial important situé à une vingtaine de kilomètres, n'en a apparemment aucun[43]. Restent aussi les cas de la Susiane et des sites du Plateau iranien, généralement étudié par d'autres spécialistes que ceux travaillant sur les sites syro-anatoliens, ont conduit à d'autres tentatives d'explications en lien avec les évolutions locales, notamment l'émergence du phénomène proto-élamite qui est parfois vu comme un suiveur de l'expansion urukéenne et parfois comme un adversaire[25].
D'autres tentatives d'explication laissent de côté la prépondérance des considérations politiques et économistes pour s'intéresser à l'expansion urukéenne en tant que phénomène culturel de longue durée, reprenant les concepts de koinè, d'acculturation, d'hybridation ou d'émulation culturelle tout en considérant leur différenciation suivant les aires culturelles et les sites. P. Butterlin a proposé de voir les liens unissant la Mésopotamie méridionale et ses voisins à cette période comme une « culture-monde » et non comme un « système-monde » économique, dans lequel la région d'Uruk fournit un modèle à ses voisins, qui en reprennent chacun à leur façon les éléments les plus adaptables tout en conservant des traits spécifiques plus ou moins forts : cela explique les différents degrés d'influence ou d'acculturation[44].
On peut ajouter qu'une lecture des relations à cette période comme un rapport centre/périphérie, bien que souvent pertinente pour la période, risque de faire trop voir les choses de façon asymétrique ou diffusionnistes, et doit donc être nuancée. Ainsi, il apparaît de plus en plus que les régions voisines de la Basse Mésopotamie n'ont pas attendu celle-ci pour connaître un processus de complexification sociale avancé, voire un début d'urbanisation, comme le montre l'exemple du grand site de Tell Brak en Syrie[45],[46].
Les dynamiques de la civilisation de la période d'Uruk
À cheval entre la préhistoire et l'histoire, la période d'Uruk peut être par bien des aspects considérée comme « révolutionnaire ». De nombreux phénomènes et innovations qui s'y produisent constituent un tournant dans l'histoire mésopotamienne et même l'histoire tout court. C'est de cette période que l'on date pèle-mêle l'apparition du tour de potier, de l'écriture, de la ville, de l'État. Il s'agit donc d'une nouvelle progression dans l'élaboration de sociétés « complexes ». La recherche s'est donc intéressée à cette période en la voyant comme une étape cruciale de cette complexification sociale, processus long et cumulatif dont on peut faire remonter les racines au début du Néolithique six millénaires plus tôt, et qui avait connu une certaine évolution sous la période d'Obeid en Mésopotamie. Cela est beaucoup le fait de chercheurs anglo-saxons dont l'appareil théorique est fortement inspiré par l'anthropologie depuis les années 1970, et qui étudient la période d'Uruk sous l'angle de la « complexité », en analysant l'apparition des premiers États, une hiérarchie sociale croissante, des échanges à longue distance qui s'intensifient, etc.[47] Il s'agit donc de voir quelles sont les grandes évolutions qui font de cette période une étape cruciale de l'histoire du Proche-Orient ancien, en se focalisant essentiellement sur son centre, la Basse Mésopotamie, et également sur les apports de sites des régions voisines qui sont pleinement intégrés dans la civilisation qui en est originaire (surtout les « colonies » du Moyen-Euphrate). Les aspects traités ici se concentrent essentiellement sur la période d'Uruk final, qui est la mieux connue et sans doute celle durant laquelle se sont produites les évolutions les plus rapides : c'est à ce moment-là que les traits caractéristiques de la civilisation mésopotamienne antique achèvent de se mettre en place.
Les innovations techniques et les évolutions économiques
Le IVe millénaire voit l’apparition de nouveaux outils qui vont bouleverser les sociétés qui les utilisent, notamment leur économie. Certains d’entre eux, déjà connus à la période précédente, sont en tout cas pour la première fois utilisés à grande échelle. L'application de ces découvertes produit en effet des bouleversements économiques et sociaux en lien avec l'émergence de structures politiques et administratives plus complexes.
Une première question épineuse est de savoir si c'est bien de la période d'Uruk qu'il faut dater l'apparition de la roue[48]. C'est en effet vers la fin de la période d'Uruk que l'on remarque que les sceaux-cylindres représentent de moins en moins de traineaux, type de transport terrestre attelé qui est le plus représenté auparavant. Ils commencent à figurer les premiers véhicules qui semblent être sur roues, bien qu'on ne soit pas certains qu'ils figurent des roues. Mais il reste plus probable que la roue soit une invention réalisée entre l'Europe centrale et le Caucase, où ont été retrouvés ses plus anciens exemples. En tout cas la technique de la roue, découverte cruciale dans l'histoire de la mécanique, se propage très rapidement et permet la mise au point de véhicules qui vont permettre de grandement faciliter les transports terrestres, de porter des charges plus lourdes. Il y a clairement des chariots en Mésopotamie du sud au début du IIIe millénaire. Les roues sont alors pleines. Cette invention entraîne un changement dans l'utilisation d'un animal domestique, le bœuf, qui prend une plus grande importance par sa grande force qui en fait l'animal de tractage privilégié.
L'époque d'Uruk voit la domestication de l'âne, issu de l'hémione ou onagre sauvage[49]. Il devient le premier équidé domestiqué dans cette région, et l'animal de bât privilégié du Moyen-Orient (le dromadaire n'étant domestiqué qu'au IIIe millénaire en Arabie). Cela a une importance considérable, car ce moyen de transport est plus utile que la roue dans des régions montagneuses, et pour les déplacements longs tant que la roue à rayons n'est pas inventée. Il permet l'apparition du système de la caravane qui domine dans les échanges à longue distance dans le Moyen-Orient pour les millénaires suivants, même s'il n'est pas attesté pour l'époque d'Uruk[50].
Dans le domaine de l'agriculture, plusieurs innovations importantes sont réalisées. Notons d'abord que la domestication de l'âne implique qu'il faille désormais les élever, dans le cadre domestique ou institutionnel. Mais c'est dans le domaine de la culture céréalière que se produit le plus grand changement, puisque l'araire à soc en bois tractée par un animal (âne ou bœuf) apparaît vers la fin du IVe millénaire, permettant d'ouvrir la terre sur de longs sillons[51]. Cela rend les travaux agricoles lors des semailles bien plus simples qu'auparavant quand ce travail était fait uniquement à la main, avec des outils comme la houe. La moisson est facilitée depuis la période d'Obeid par la mise au point de faucilles en terre cuite. Les techniques d'irrigation semblent également connaître un perfectionnement à la période d'Uruk. Ces différentes innovations aurait permis le développement progressif d'un nouveau paysage agraire caractéristique de la Basse Mésopotamie antique, dans le cadre des domaines institutionnels. Il est constitué de champs rectangulaires allongés pouvant être labourés en sillons, avec un de leur petit côté bordant un canal d'irrigation. Ils remplaceraient les bassins irrigués par submersion labourés précédemment de façon manuelle[52]. Ce système qui se met en place progressivement sur deux millénaires permet des rendements plus importants et de dégager plus de surplus que précédemment, notamment pour rémunérer les travailleurs des institutions, dont les rations d'entretien comportent surtout de l'orge[53]. Les institutions ayant les moyens humains, matériels et techniques de mettre en œuvre ce type d'agriculture, elles prennent un poids considérable, même si l'exploitation familiale reste l'unité de base. Tout cela a sans doute impulsé une croissance démographique et donc accompagné l'urbanisation et l'apparition de structures politiques plus complexes[8].
Le développement de l'artisanat de la laine qui se substitue progressivement au lin pour la réalisation des étoffes qui a plusieurs implications économiques importantes. D'abord l'expansion de l'élevage ovin, notamment dans le cadre institutionnel[54], qui entraine une évolution des pratiques agricoles avec le développement de la pâture de ces troupeaux sur les champs en jachère et dans les zones de collines et montagnes voisines de la Mésopotamie (suivant un procédé proche de la transhumance). Le déclin (relatif) de la culture du lin libère des champs pour la culture céréalière et aussi pour celle du sésame, qui est alors introduit en Basse Mésopotamie et se substitue au lin en tant que fournisseur d'huile. En aval se produit le développement d'un important artisanat textile, attesté par plusieurs empreintes de sceaux-cylindres, là aussi beaucoup dans le cadre institutionnel, tandis que la laine devient un élément essentiel des rations d'entretien fournies aux travailleurs institutionnels aux côtés de l'orge[55]. La mise en place de ce que M. Liverani a appelé le « cycle de l'orge » et le « cycle de la laine » donnent à l'économie de la Mésopotamie antique ses deux traits principaux et accompagnent sans doute le développement économique des « grands organismes ».
L'artisanat de la poterie connaît une véritable révolution avec l'apparition du tour de potier au cours du IVe millénaire, qui se fait apparemment en deux étapes : d'abord l'apparition d'un tour lent (ou « tournette »), auquel succède ensuite le tour rapide[56]. Les fours de potiers sont également améliorés. Désormais, on peut réaliser rapidement et en grande quantité des céramiques standardisées, qui vont devenir essentiellement utilitaires et donc occuper une plus grande place dans la vie quotidienne. De ce fait, le décor devient de moins en moins recherché, bien plus rudimentaire, jusqu'à être inexistant : les céramiques peintes sont désormais secondaires. Les sites archéologiques de cette période ont livré une grande quantité de céramiques, montrant qu'on était alors passé à un stade de production de masse, pour une population plus nombreuse, notamment en ville, au contact des grands organismes administratifs. Elles remplissent une fonction essentielle de contenant des différentes productions agricoles (orge, bière, dattes, lait, etc.). On date de cette période l'apparition d'artisans potiers masculins spécialisés dans cette production en grande quantité, intégrés dans une organisation complexe, qui aboutit à l'émergence de quartiers spécialisés. Si la qualité baisse, la diversité des formes et des modules des récipients devient bien plus importante que précédemment, avec la diversification des fonctions. Toute la céramique de cette période n'est pas réalisée au tour : la poterie la plus caractéristique de la période d'Uruk, l'« écuelle à bords biseautés », était moulée[57].
La métallurgie semble également se perfectionner, mais elle est très peu attestée par les objets. Du point de vue des « âges » des métaux, la période d'Obeid a marqué le début de ce que l'on appelle le Chalcolithique, ou « âge du cuivre », donc le début de la métallurgie du cuivre[58]. Celle d'Uruk voit la transition entre cet âge et le suivant, l'« âge du bronze », alliage de cuivre et d'étain. L'usage de ce dernier s'impose rapidement car son point de fusion est inférieure à celle du cuivre, et qu'il est plus résistant[59]. Au IIIe millénaire, les artisans mésopotamiens font preuve d'une grande maîtrise dans l'art du métal (alliages variés, techniques de moulage, placage, etc.), qu'ils ont sans doute développé dès la période d'Uruk, devenant les plus brillants métallurgistes du Moyen-Orient dans une région où on n'extrait pas de métaux[60]. L'essor de la métallurgie implique donc également celui du commerce des métaux du fait de leur inégalement répartition. La Mésopotamie doit se fournir en Iran ou en Anatolie, ce qui motive les échanges à longue distance que l'on voit se développer au IVe millénaire et explique sans doute pourquoi les métallurgistes mésopotamiens ont privilégié des techniques plutôt économes en minerais métalliques.
En architecture, les apports de la période d'Uruk sont également considérables. Cela est illustré par les réalisations du quartier de l'Eanna durant l'Uruk récent, qui montrent un véritable foisonnement d'innovations architecturales au cours d'un programme de constructions sans précédent par son ampleur et les moyens mis en œuvre[61]. Les artisans d'alors perfectionnent l'utilisation des briques d'argile moulées, et on généralise l'usage des briques cuites plus solides ; on commence aussi à les imperméabiliser grâce à l'application de bitume, on utilise du gypse comme mortier. L'argile n'est pas le matériau principal de tous les édifices : certains sont réalisés en pierre, notamment du calcaire extrait à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest d'Uruk (où on trouve aussi du gypse et du grès)[62]. On met au point de nouveaux types de décors, notamment les cônes d'argile peints formant des mosaïques caractéristiques de bâtiments de l'Eanna d'Uruk, les colonnes semi-engagées, des crampons d'attache. Deux formes standardisées de briques sèches d'argile moulées apparaissent dans ces édifices d'Uruk : les petites briques carrées simples à manipuler (appelées du terme allemand Riemchen), et les grandes briques servant pour faire des terrasses (Patzen)[63]. On les utilise dans les grands monuments publics, notamment ceux d'Uruk. Le moulage de briques de plus petite dimension permet l'apparition de décors de niches et de redans qui sont par la suite très courants en Basse Mésopotamie. Les formes des bâtiments sont elles aussi novatrices, car on ne se contente pas du plan tripartite hérité de l'époque d'Obeid : l'Eanna voit la réalisation de bâtiments à plan labyrinthique, de halls à piliers de forme allongée, d'un édifice à plan carré. Les architectes et artisans mobilisés sur ces chantiers ont donc eu l'occasion de faire preuve d'une grande créativité.
Une première urbanisation
La période d'Uruk voit certains habitats humains prendre une importance nouvelle, qui les fait passer au rang de villes à proprement parler[64]. C'est un phénomène caractérisé au début des années 1950 par Gordon Childe comme une « révolution urbaine », qu'il plaçait dans la continuité de la « révolution néolithique » et indissociable de l'apparition des premiers États, modèle reposant sur des critères matériels, très débattu et complété depuis lors[65]. Cela s'accompagne d'un ensemble de mutations sociales qui font qu'on peut considérer qu'on se trouve en présence d'espaces pouvant réellement être qualifiés d'urbains, bien distinct du monde rural, même si les mentalités des gens de cette période quant à cette distinction nous restent inconnues. Le site d'Uruk est loin devant les autres, tant par sa superficie, que par la taille des monuments qui s’y trouvent et l'importance des outils administratifs qu’on y a exhumé, témoignant de la présence d'un important centre de pouvoir. On parle donc souvent dans son cas de « première ville ». Le même phénomène se repère à Eridu, et aussi hors du foyer de la civilisation d'Uruk à Suse, Chogha Mish, ou encore à Tell Brak. Les fouilles effectuées dans la région de cette dernière tendent à nuancer l'idée d'une urbanisation initiée en Basse Mésopotamie seule et adoptée par imitation dans les régions proches : l'apparition de ce centre urbain se serait faite suite à une évolution locale par l'agrégation progressive de communautés villageoises ayant vécu séparément précédemment, et sans l'influence d'un pouvoir central fort (comme ce serait le cas autour d'Uruk)[46],[45]. On peut donc concevoir l'urbanisation comme un phénomène qui survient simultanément dans plusieurs régions du Moyen-Orient au IVe millénaire, même s'il faut attendre de futures recherches pour pouvoir y voir plus clair.
Les exemples d'urbanisme sont rares pour cette période, et en Basse Mésopotamie le seul cas de quartier résidentiel fouillé est à Abu Salabikh, qui n'est alors qu'un village. Il faut se tourner vers la Syrie et le site d'Habuba Kabira, ainsi que son voisin Djebel Aruda, pour disposer d'un exemple d'urbanisme relativement bien connu[28],[66]. Cette ville de 22 hectares entourée d'une muraille est organisée autour de quelques bâtiments importants, de rues principales et de petites ruelles, et surtout d'un ensemble de résidences de forme similaire organisées autour d'une cour. Il s'agit manifestement d'une ville planifiée apparue ex nihilo, et non pas d'une agglomération passée progressivement du stade du village à celui de la ville : les aménageurs de cette période sont donc capables de concevoir un site urbain complet et ont donc une idée de ce qu'est une ville avec son organisation interne, ses monuments principaux, etc. Le modèle urbain ne se retrouve cependant pas dans toute la sphère d'influence urukéenne : à l'extrémité de celle-ci, le site d'Arslantepe dispose certes d'un centre de pouvoir de taille importante, mais qui n'est pas entouré d'un espace urbanisé.
L'étude des résidences des sites de Habuba Kabira et Djebel Aruda nous montre les évolutions sociales qui accompagnent l'apparition de sociétés urbaines[66],[67]. Le premier site, le mieux connu, présente des maisons de tailles diverses ; si en moyenne elles couvrent un espace de 400 m², les plus vastes font dans les 1 000 m². Les « temples » du groupe monumental du Tell Qanas sont d'ailleurs peut-être des résidences destinées aux dirigeants de la ville. On est donc en présence d'un habitat très hiérarchisé, témoignant de la différenciation sociale qui existe dans les agglomérations urbaines de l'Uruk récent, bien plus importante que dans les agglomérations de la période précédente. Un autre trait de la société urbaine naissante est à rechercher dans l'organisation de l'espace domestique. Les résidences semblent se replier sur elles-mêmes, adoptant un nouveau plan issu du plan tripartite courant à la période obeidienne mais augmenté de pièces de réception à foyer et d'espaces centraux (peut-être à ciel ouvert) autour desquels sont disposées les autres pièces. On est probablement en présence de maisons disposant désormais d'un espace privé séparé d'un espace public où l'on peut recevoir des invités ; dans une société urbaine où les communautés sont élargies par rapport aux sociétés villageoises, les relations avec les membres extérieurs à la maisonnées sont plus distantes, ce qui aurait pu amener une telle séparation. On aurait donc adapté l'ancien habitat rural aux réalités de la société urbaine. Ce « modèle » de maison à espace central reste très courant voire dominant dans les villes de Mésopotamie aux périodes suivantes, néanmoins il faut garder en mémoire le fait que les plans de résidences sont variés et dépendent des évolutions de l'urbanisme des différents sites.
Apparition des premiers Etats
L’apparition des villes témoigne de l’existence de sociétés hiérarchisées, très organisées. La période d'Uruk présente pour la première fois dans l'histoire du Proche-Orient les caractéristiques de l’existence d'États, ou bien de proto-États. L’architecture monumentale est bien plus imposante qu'à la période précédente : le « temple D » de l'Eanna couvre environ 4 600 m², contre 280 m² pour le temple d'Eridu (niveau VI), le plus vaste connu pour l'époque d'Obeid[69] ; et encore, le complexe de l'Eanna comprend d'autres édifices de plus de 1 000 m² alors que le temple obeidien d'Eridu est isolé. On est donc passé à des dimensions bien plus vastes, une étape a été franchie. Cela témoigne de la capacité inédite du pouvoir à mobiliser de nombreuses ressources humaines et matérielles, alors que les tombes montrent aussi une différence de richesse croissante et donc une élite plus puissante, qui va chercher à se distinguer du reste de la population en obtenant des biens de prestige, si possible par le commerce, et en employant des artisans de plus en plus spécialisés, etc. Cette idée d'une apparition de l'État à la période d'Uruk, concomitante de l'apparition des premières villes (à la suite de Gordon Childe), est couramment admise dans les publications scientifiques mais connaît tout de même quelques critiques, notamment de la part de J.-D. Forest qui place plutôt l'apparition de véritables États avec l'Empire d'Akkad au XXIVe siècle, parlant seulement de « cités-États » (qui ne sont pas complètement des États) pour la période de l'Uruk récent[70]. En tout cas la mise en place de structures politiques plus complexes est solidaire de nombreux autres phénomènes de la période, dont l'expansion de la culture urukéenne.
L'organisation politique de la période d'Uruk reste discutée. Rien ne permet de dire que cette période voit le développement d’une sorte de « proto-empire » centré sur Uruk comme l'a par exemple proposé Algaze. Il fut peut-être restituer une organisation en « cités-États » sur le modèle de celles qui existent au IIIe millénaire, et qui semblent attestées par l'existence de « sceaux des cités » à la période de Djemdet-Nasr, portant des symboles de cités sumériennes (Uruk, Ur, Larsa, etc.). Le fait que ces symboles apparaissent ensemble pourrait indiquer l'existence d'une sorte de ligue ou confédération réunissant les cités du sud mésopotamien, peut-être dans un but cultuel, peut-être sous l'autorité d'une d'elles (Uruk ?)[71].
Il est évident que cette période connaît de grands changements en ce qui concerne l'organisation politique des sociétés. En ce qui concerne la nature du pouvoir, on a depuis longtemps remarqué la présence dans l'iconographie de l’époque d'une figure importante qui est manifestement le détenteur de l'autorité : c'est un homme barbu, avec un serre-tête, souvent vêtu d'une jupe en cloche ou en nudité rituelle[72]. Il est souvent représenté sur des stèles et sceaux-cylindres en tant que guerrier combattant des ennemis humains ou des animaux sauvages, par exemple sur la « stèle de la chasse » retrouvée à Uruk ou il triomphe de lions avec son arc[73]. On le trouve aussi dans des scènes de victoires, avec des cortèges de prisonniers, ou bien des constructions. Il dirige également des scènes cultuelles, comme sur un vase d'Uruk de la période de Djemdet Nasr représentant un roi-prêtre menant un cortège vers une déesse, sans doute Inanna[74]. Ceci représente les fonctions qu’ont par la suite les rois de Sumer : chef de guerre, principal pourvoyeur du culte, bâtisseur. P. Amiet a proposé de nommer cette figure « roi-prêtre[75] ». Les grandes constructions du quartier de l'Eanna, bien que souvent appelées « temples », ont une apparence de complexe monumental voulu par des dynastes, mêlant édifices administratifs et cultuels.
Les tablettes de l'Uruk récent et final montrent l'existence d’institutions jouant un rôle important dans la société et l'économie, et sans doute la politique de la période, même si leur nature exacte est débattue : temples ou palais ? Ce sont en tout cas ces deux-là que l'on retrouve aux époques historiques en Basse Mésopotamie, et que l'on qualifie de « grands organismes » suite à A. L. Oppenheim[76]. Seuls deux noms de ces institutions et de certains des membres de leur administration ont pu être identifiés[77] : un grand domaine désigné par le signe NUN à Uruk, dont on a identifié un administrateur en chef, un messager, des travailleurs, etc. ; et un domaine désigné par les signes AB NI+RU à Djemdet Nasr, disposant d'un SANGA (grand prêtre), d'administrateurs, de prêtres, etc. Leurs scribes produisent des documents administratifs comme des tablettes relatives à la gestion de terres, des cadastres, des tablettes enregistrant la distribution de rations aux travailleurs parmi lesquels se trouvent des esclaves, ou les têtes de bétail. Ces grands organismes ont pu contrôler les biens de prestige, leur redistribution, leur acquisition par un commerce lointain, et entreprendre des grands travaux, asseyant ainsi leur importance dans la communauté, et contribuant à l'entretien de travailleurs, certains se spécialisant sous leurs auspices[7]. Les plus grands organismes disposaient de « bureaux » spécialisés dans une activité (gestion des champs, des troupeaux, etc.)[78].
Mais il n'y a pas de preuve que ces organismes aient joué un rôle d'encadrement de la majorité de la population en centralisant les productions. L'économie repose sur un ensemble de domaines (ou « maisons »/« maisonnées », É en sumérien) de tailles diverses (depuis les grands organismes jusqu'aux cellules familiales modestes), que l'on peut regrouper suivant nos classifications modernes dans un domaine public et un autre privé, et qui sont en interaction[79]. Certains lots d'archives sont probablement issus d'un contexte privé, dans des résidences de Suse, Habuba Kabira, ou Djebel Aruda[80]. Il s'agit cependant de documents de comptabilité rudimentaires, témoignant d'une activité économique à petite échelle. Une étude réalisée sur le site d'Abu Salabikh en Basse Mésopotamie a abouti à la conclusion que la production était répartie entre différentes maisonnées de taille, richesse et puissance diverses, au sommet desquelles pouvaient se trouver des « grands organismes[81] ». Une production spécialisée et standardisée ne nécessite pas forcément un contrôle fort par le pouvoir étatique.
Reste à expliquer les causes et modalité de l'émergence de ces structures politiques plus complexes, qui rejoignent les recherches sur l'apparition de l'État[82]. L'hypothèse d'un « État hydraulique » despotique créé pour organiser de façon coercitive l'agriculture irriguée avancée par K. Wittfogel est désormais abandonnée. Les recherches de causes s'orientent vers l'analyse d'un processus long et complexe, non linéaire, puisant ses racines dans la société néolithique, peut-être lié à la nécessité de gérer l'essor démographique et économique, la mobilisation et l'acquisition de ressources, ou encore la guerre. Le rôle des élites cherchant à renforcer et à organiser leur pouvoir autour d'un réseau de personnes et d'institutions et aussi augmenter leur prestige, notamment par le biais du commerce à longue distance qui a pu jouer un rôle important. Cette évolution est également à relier avec les changements dans l'univers symbolique et l'émergence d'une idéologie de la royauté qui vise à soutenir la construction d'entités politiques d'un nouveau type. Les élites jouent un rôle religieux d'intermédiaire entre le monde divin et celui des hommes, notamment via le rituel sacrificiel et des fêtes qu'elles organisent et qui assurent la fonction symbolique de socle de l'ordre social. Cela apparaît sur les frises du grand vase en albâtre d'Uruk et dans plusieurs textes administratifs mentionnant des mouvements de biens pour des rituels. En effet, selon l'idéologie mésopotamienne connue pour les périodes suivantes, les hommes sont créés par les dieux pour les entretenir, alors que la bienveillance de ces derniers peut assurer la prospérité de la société[83].
Systèmes de comptabilité et de gestion
L'apparition d'institutions et de maisonnées ayant des activités économiques importantes impliquant la mise en place d'une gestion s'accompagne du développement des outils administratifs, et donc des outils de comptabilité[85]. Une classe de scribes se forme d'ailleurs dans la période de l'Uruk récent et contribue à la mise en place d'une véritable bureaucratie, mais seulement dans le cadre des grands organismes. Plusieurs textes semblent attester l'existence d'une formation à la rédaction de textes de gestion pour les apprentis scribes, qui pouvaient également utiliser les listes lexicales pour apprendre les signes de l'écriture[86]. Là, il fallait notamment administrer des entrepôts avec précision, en enregistrant les entrées et les sorties de produits - parfois dans le cadre d'achat et de ventes - pour avoir le compte exact de produits emmagasinés dans le magasin dont le scribe avait la responsabilité. Ces espaces de stockage étaient fermés et marqués avec le sceau de l'administrateur qui en avait la charge pour s'assurer qu'il en avait bien le contrôle. Il était également intéressant de connaître et gérer l'état, l'exploitation et les capacités de productions des champs, des troupeaux et des ateliers, et ce sur plusieurs années, ce qui impliquait la rédaction d'inventaires, et la constitution de véritables fonds d'archives de gestion de l'organisme ou d'un de ses bureaux. Cela fut possible avec le développement progressif de plusieurs outils facilitant la gestion, en dernier lieu l'écriture.
Les sceaux servaient donc à sceller les marchandises stockées ou échangées, les espaces de stockages, ou à identifier un administrateur ou un marchand. Ils sont connus depuis au moins le VIIe millénaire av. J.‑C. Avec le développement des échanges à longue distance, leur utilisation se généralise. Au cours de la période d'Uruk, les sceaux-cylindres (cylindres gravés avec un un motif qu'on peut imprimer à l'infini sur de l'argile) apparaissent et supplantent les simples sceaux. Ils servent au moins à sceller des bulles ou tablettes d'argile, des récipients ou des pièces que l'on ferme, et aussi à authentifier ces objets et biens, puisqu'ils fonctionnent comme une signature de la personne qui l'applique ou de l'institution qu'elle représente. Ces sceaux-cylindres restent un élément caractéristique de la civilisation proche-orientale durant plusieurs millénaires. Les raisons de leur succès sont aussi à rechercher dans les possibilités qu'ils offrent d'une image et donc d'un message plus détaillés, d'une structure narrative, et qu'ils ont peut-être un aspect magique[87].
La période d'Uruk voit aussi se développer ce qui semble être des outils de la comptabilité, les jetons et bulles à jetons. Il s'agit de bulles d'argiles sur lequel un sceau-cylindres avait souvent été déroulé, et contenant des jetons que l'on appelle aussi calculi. Ces derniers étaient de formes variées : tantôt des billes, puis des cônes, des bâtons, des disques, etc. Chacun de ces modèles est identifié comme servant à représenter une valeur numérale, ou bien un type précis de marchandise. Ils auraient permis de conserver les informations, pour la gestion de domaines (entrées et sorties de biens) ou les opérations commerciales, et de les transférer en d'autres lieux. Ces calculi sont peut-être d'un même type que des jetons que l'on retrouve depuis plusieurs millénaires sur des sites du Moyen-Orient et dont la fonction reste obscure. Par la suite, on pense que les calculi auraient été reportés sur la surface des bulles d'argile les contenant sous forme d'encoches, qui servaient donc à montrer le contenu de la bulle. On aurait donc au moins l'apparition de signes numériques. Suivant la vision traditionnelle de l'évolution vers l'écriture, les gestionnaires se seraient ensuite contenté ensuite de simplement reporter ces encoches sur une tablette d'argile, supprimant les calculi, et aboutissant à la constitution de tablettes numérales servant d'aide-mémoire préfigurant l'apparition de l'écriture à proprement parler (voir plus bas)[88],[89],[90].
Avec le développement de l'écriture, qu'elle dérive ou non de ces pratiques comptables, un nouvel outil de gestion apparaît, permettant un enregistrement plus précis et sur une durée plus longue, avec notamment la mise au point de bilans d'exploitation[91]. La constitution de ces pratiques administratives a nécessité l'élaboration de systèmes de numération, qui variaient en fonction de ce qu'ils enregistraient (animaux, travailleurs, laine, grain, outils, poterie, surfaces, etc.), dont certains basés sur le système sexagésimal (base 60) qui triomphe par la suite en Mésopotamie, d'autres fonctionnant sur un système décimal (base 10) ou même un système mixte original appelé « bisexagésimal », tout cela pouvant complexifier la compréhension des textes[92]. La mise au point de systèmes de découpage du temps s'est également imposée aux scribes des institutions de la période d'Uruk récent[93].
Apparition de l’écriture et premiers usages
Article détaillé : Débuts de l'écriture en Mésopotamie.L'écriture apparaît à la période de l'Uruk moyen, avant de se développer à l'Uruk récent et la période de Djemdet Nasr[94]. Les premières tablettes d'argile inscrites avec un calame en roseau sont attestées à Uruk IV (près de 2 000 tablettes mises au rebut dans le quartier de l'Eanna) et aussi quelques-unes à Suse II. Pour la période de Djemdet Nasr, on dispose de plus de sources, provenant de plus de sites : en majorité Uruk (niveau III, environ 3 000 tablettes), Suse, mais aussi Djemdet Nasr, Tell Uqair, Umma, Khafadje, Tell Asmar, Ninive, Tell Brak, Habuba Kabira, etc.
Les textes de cette période sont surtout de type administratif, et sont retrouvés dans un contexte qui semble être public (palais ou temple) plus que privé, mais les textes d'Uruk, constituant la majorité du corpus de cette période, ont été retrouvés hors de leur contexte de rédaction car ils avaient été mis au rebut, ce qui rend difficile leur identification. Leur interprétation pose également problème, du fait de leur caractère archaïque. Il ne s'agit pas encore d'une graphie cunéiforme, mais linéaire. Ces textes étaient mal compris lors des premières publications des années 1930 faites par Adam Falkenstein, puis les travaux entrepris depuis une vingtaine d'années, par Hans Nissen et Robert Englund notamment, ont permis d'effectuer de grands progrès[95]. À côté des textes administratifs, on trouve dès les débuts de l'écriture des textes de type littéraire, des listes lexicales, ouvrages lexicographiques de nature savante compilant des signes selon différents thèmes (listes de métiers, de métaux, de poteries, de céréales, de toponymes, etc.), caractéristiques de la civilisation mésopotamienne aux périodes suivantes. Un exemplaire remarquable est une « Liste de professions » (ancêtre de la série Lú.A que l'on retrouve à partir du IIIe millénaire) sur laquelle on a pu identifier différents corps de métiers (potiers, tisserands, charpentiers, etc.) témoignant de l'existence de nombreux types de spécialistes dans le monde du travail de la Basse Mésopotamie urukéenne[96].
Les origines de l'écriture sont débattues. La théorie dominante la fait dériver de pratiques plus anciennes, notamment celle des calculi, suivant le modèle développé par D. Schmandt-Besserat : les jetons sont d'abord reportés sur des bulles d'argiles, puis sur des tablettes d'argile, et de là dériverait la création des premiers signes d'écriture qui sont des pictogrammes, des dessins représentant une chose (des logogrammes, une signe = un mot)[89]. Mais cela est très contesté car il n'y a pas vraiment de correspondance entre les jetons et les signes graphiques qui leur auraient succédé[90]. On retient néanmoins en général un premier développement (quelque part vers 3300-3100) à partir de pratiques comptables et gestionnaires, bien connu grâce aux travaux de H. Nissen et R. Englund. C'est alors une écriture pictographique constituée de signes linéaires incisés dans des tablettes d'argile à partir d'un calame en roseau (deux matières premières aisément accessibles dans le sud mésopotamien). La majorité des textes de l'époque d'Uruk étant de nature gestionnaire et comptable, il est aisé d'imaginer que l'écriture s'est développée sous l'impulsion du développement des institutions étatiques qui avaient une gestion de plus en plus lourde, offrant la possibilité d'enregistrer des opérations de plus en plus complexe et de les archiver. Dans ses principes, le système de pré-écriture qui se met en place autour de 3400-3200 fonctionnerait comme un aide-mémoire, ne permettant pas de noter de phrases complètes puisqu'elle ne représente que des choses réelles : avant tout des biens et des personnes, avec une pléthore de signes numériques correspondant à plusieurs systèmes métrologiques, certaines actions aussi (stades des « tablettes numériques » et des « tablettes numéro-idéographiques » selon Englund). Les signes auraient ensuite pris un plus grand nombre de valeurs, permettant d'enregistrer plus précisément les opérations administratives (en gros à la période 3200-2900, phase « proto-cunéiforme » d'Englund). Vers cette période ou plus tard (au moins vers 2800-2700) un autre type de valeur suivant un principe de rébus : une association de pictogrammes peut désigner des actions (par exemple tête + eau = boire) ; l'homophonie peut servir à représenter des idées (« flèche » et « vie » se prononcent pareil en sumérien donc le signe désignant la flèche peut désigner aussi la vie, idée difficilement pictographiable), donc des idéogrammes apparaissent ; et suivant un même principe des signes phonétiques (ou phonogrammes, un signe = un son) sont créés (« flèche » se dit TI en sumérien donc le signe flèche sert pour noter le son [ti]). Le début du IIIe millénaire verrait alors la mise en place des grands principes de l'écriture mésopotamienne, associant logogrammes et phonogrammes. L'écriture est alors en mesure de rapporter des éléments grammaticaux, donc des phrases complètes, fonctionnalité qui n'est véritablement exploitée que quelques siècles plus tard[98].
Une théorie plus récente, défendue par J.-J. Glassner, avance que dès ses débuts l'écriture semblerait être bien plus qu'un outil de gestion : ce serait aussi un moyen de mettre par écrit des concepts, voire une langue (qui serait alors le sumérien), car dès sa mise au point les signes ne représentent probablement pas que des choses réelles (pictogrammes), mais aussi des idées (idéogrammes) et des sons (phonogrammes). Cette théorie considère donc l'écriture comme un changement conceptuel radical, conduisant à une modification de la perception du monde[99]. Dès les débuts de l'écriture les scribes ont écrit aux côtés de documents administratifs des listes lexicales, donc des ouvrages savants. Cela leur permettait d'exploiter les possibilités du système d'écriture en classant les signes selon leurs « familles », de mettre au point de nouveaux signes et faire évoluer le système d'écriture, et plus largement d'effectuer une classification des éléments constituant le monde qui les entourait, permettant d'améliorer leur connaissance du concret. Si on suit les propositions de J.-J. Glassner, cela indiquerait que l'invention de l'écriture n'est pas forcément liée à des considérations uniquement matérielles, la conceptualisation d'un tel système nécessite de toute manière une réflexion sur l'image et les sens qu'on peut lui donner notamment pour représenter ce qui est abstrait[100].
Le cas des « écuelles à bords biseautés »
Le modèle le plus répandu de céramiques de la période d'Uruk est celui des « écuelles à bords (ou lèvres) biseautés » (beveled-rim bowls en anglais, Glockentopf en allemand), ou encore « écuelles grossières », qui se retrouve dans toute la zone d’expansion de la civilisation d'Uruk. Leur intérêt est qu'il s'agit manifestement d'une production standardisée, se retrouvant donc sur un vaste territoire, car ils ont une forme similaire partout où on les trouve, ce qui est un phénomène inédit[57]. Il s'agit de bols évasés à lèvre en biseau. Ils sont de facture grossière, mesurent environ 10 cm de haut, pour un diamètre d'environ 18 cm aux lèvres. Leur extérieur est réalisé de façon fruste, l'intérieur lisse. Alors que les potiers de la période sont capables de réalisations de grande qualité au tour, les écuelles à bords biseautés sont réalisées dans des moules, ou bien à la main.
Leur fonction est très discutée, dans des débats rejoignant souvent les grandes problématiques de la période car on leur imagine souvent une finalité unique qui aurait pu être voulue par une autorité dirigeant alors la société. H. Nissen, influencé par l'idée d'apparition d'un appareil étatique au IVe millénaire, veut y voir des céramiques standardisées destinées à la distribution de rations à des dépendants de grands organismes comme on en connaît pour la fin du IIIe millénaire en Basse Mésopotamie[101]. Dans ce cas, on considère qu'il y a un contrôle de la production de ces céramiques par les élites, et qui reflèterait un contrôle socio-économique. Mais cela est très loin de faire l'unanimité. Ces céramiques auraient également pu avoir une fonction cultuelle, servant à des offrandes en grain, théorie qui reprend donc l'idée de leur réalisation pour les besoins d'un organisme important de type étatique[102]. On a également proposé d'y voir des récipients servant à porter du sel[103], ou des moules à pain[104], ou encore des écuelles destinées à de grands banquets regroupant toute la communauté lors de célébrations festives[105].
Un art plus réaliste et humaniste
L'art de la période d'Uruk connaît un renouveau notable, accompagnant les profondes mutations dans le domaine de la symbolique[106]. Cela se voit en premier lieu dans les supports artistiques : les formes de poterie deviennent plus rudimentaires, avec le développement du tour de potier on en produit en masse sans se préoccuper de leur décoration ; on ne trouve donc presque plus de poteries peintes comme aux périodes précédentes, mais des céramiques sans décor ou bien simplement incisées ou pastillées. La complexification des sociétés et le développement d'élites plus puissantes et voulant exprimer leur domination par divers moyens offrent cependant de nouveaux moyens aux artistes qui peuvent s'exprimer sur d'autres supports. La sculpture prend alors une importance capitale, que ce soit dans les réalisations en ronde-bosse, ou bien par des bas-reliefs sur stèles et surtout sur des sceaux-cylindres qui apparaissent vers la période d'Uruk moyen. Ils ont fait l'objet de nombreuses études, car il s'agit d'un très bon témoignage sur l'univers mental des gens de cette époque et ont constitué un formidable support pour diffuser des messages symboliques, par la possibilité d'y représenter des scènes plus complexes que sur des cachets, déroulables à l'infini et permettant de créer une narration qui donne plus de dynamisme aux empreintes.
Les canons artistiques de la période sont nettement plus réalistes qu'aux périodes précédentes. L'être humain est au centre des thèmes. Cela est notamment le cas des sceaux-cylindres et empreintes de sceaux-cylindres retrouvés à Suse (niveau III), qui sont les plus réalistes de la période : ils représentent souvent la figure du roi, mais aussi de nombreux hommes communs dans des activités de la vie quotidienne, travaux agricoles et artisanaux (poterie, tissage). Ce réalisme de l'art témoigne d'un véritable renouveau, qu'on peut même qualifier d'« humaniste », car il marque un tournant dans l'art mésopotamien et plus largement d'un changement dans l'univers mental en mettant l'homme ou du moins l'image humaine à une place éminente jamais atteinte auparavant[107]. C'est d'ailleurs à la fin de la période d'Uruk qu'apparaissent les premières traces évidentes d'un anthropomorphisme des divinités qui est la règle aux millénaires suivants. Pour autant, les animaux réels ou imaginaires sont toujours beaucoup représentés dans la glyptique, souvent comme sujet principal de l'image[108]. Un thème très répandu est celui des « rondes » représentant des animaux en file déroulables sans limites, exploitant ainsi les possibilités nouvelles offertes par l’apparition du sceau-cylindre.
Les sculptures suivent un style et des thèmes présents dans la glyptique. On réalise des statues en ronde bosse, de petite taille, représentant des divinités ou bien un « roi-prêtre ». Les artistes d'Uruk ont laissé plusieurs œuvres remarquables, avant tout représentées par les trouvailles du Sammelfund du niveau III de l'Eanna (période de Djemdet Nasr). Des bas-reliefs se retrouvent sur des stèles comme la « stèle de la chasse »[73] ou sur le grand vase en albâtre sculpté représentant une scène d'offrande à une déesse, sans doute Inanna[74]. Ces œuvres-là mettent aussi en avant la figure de l'autorité qui accomplit des exploits guerriers et dirige le culte aux dieux. Elles sont elles aussi caractérisées par leur recherche de réalisme dans les traits des personnages. Une dernière œuvre remarquable des artistes d'Uruk III est une tête de femme sculptée grandeur nature aux proportions réalistes, retrouvée dans un état mutilé, la « Dame de Warka », qui devait appartenir à une sculpture d'un corps complet[109].
Notes
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- Glassner 2000, p. 231-238
- (en) S. Pollock, M. Pope et C. Coursey, « Household Production at the Uruk Mound, Abu Salabikh, Iraq », dans American Journal of Archaeology 100/4, 1996, p. 683-698
- Butterlin 2003, p. 87-94. Sur ce sujet dépassant largement le cadre moyen-oriental, voir par exemple A. Testart, L'origine de l'État, La servitude volontaire II, Paris, 2004.
- Liverani 2006, p. 63-64 ; F. Joannès, « Sacrifice », dans Joannès (dir.) 2001, p. 743-744.
- (en) Tablette MSVO 3,12 /BM 140855 : description sur CDLI.
- Forest 1996, p. 150-154 ; Liverani 2006, p. 53-57
- Englund 1998, p. 106-111
- Englund 1998, p. 43-45 ; Glassner 2000, p. 219-223 ; Butterlin 2003, p. 48-51 et 77-80.
- Suse, voir en particulier A. Le Brun et F. Vallat, « Les débuts de l'écriture à Suse », dans Cahiers de la DAFI 8, 1978, p. 11-59. Sur cette évolution, établie notamment à partir de la stratigraphie de
- (en) D. Schmandt-Besserat, Before Writing, 2 vol., Austin, 1992 ; Ead., How Writing Came About, Austin, 1996
- Englund 1998, p. 46-56 et Glassner 2000, p. 87-112. Discussions dans
- Glassner 2000, p. 246-250
- Englund 1998, p. 111-120
- Englund 1998, p. 121-127
- (en) R. K. Englund, « Texts From the Late Uruk Period », dans J. Bauer, R. K. Englund et M. Krebernik, Mesopotamien, Späturuk-Zeit und Frühdynastische Zeit, Fribourg et Göttingen, 1998, p. 15-233 ; Glassner 2000, p. 45-68
- [1] Editions dans la série Archaische Texte aus Uruk (ATU), inaugurée en 1936 par Adam Falkenstein, dans la série ADFU, Leipzig puis Berlin, 5 vol. parus. Les tablettes archaïques exhumées à Uruk sont en ligne sur le site de la CDLI
- Englund 1998, p. 82-106 ; Glassner 2000, p. 251-256. (de) R. Englund, et H. Nissen, Die lexikalischen Listen der Archaischen Texte aus Uruk, ATU 3, Berlin, 1993.
- (en) Tablette W 9579,d /VAT 14674 : description sur CDLI.
- Englund 1998, p. 214-215 propose une date tardive de l'apparition des signes en sumérien ; pour des présentations plus complètes de ses idées : (en) H. J. Nissen, P. Damerow et R. K. Englund, Archaic Bookkeeping, Chicago, 1993 ; voir aussi « Proto cuneiform » (extrait de l'ouvrage cité ci-devant) et « Proto cuneiform Version II » sur le Wiki du CDLI. Critique dans Glassner 2000, p. 69-86. Pour une présentation rapide de cette vision traditionnelle voir par exemple : J. Bottéro, De l'aide-mémoire à l'écriture, dans Mésopotamie, l'Écriture, la Raison et les Dieux, Paris, 1997, p. 132-166.
- Glassner 2000 not. p. 180-215.
- Glassner 2000, p. 231-239
- (de) H. Nissen, « Grabung in den Quadraten K/L XII », dans Uruk-Warka, Baghdader Mitteilungen 5, 1970, p. 101-191 ; Id., The Early History of the Ancient Near East, 9000-2000 B.C., Chicago, 1988, p. 83-85
- (en) T. Beale, « Beveled Rim Bowls and Their Implications for Change and Economic Organization in the Later Fourth Millennium B. C. », dans Journal of Near Eastern Studies 37/4, 1978, p. 289-313
- (en) G. Buccellati, « Salt at the Dawn of History : The Case of the Beveled Rim Bowl », dans P. Matthiae, M. Van Loon et H. Weiss (dir.), Resurrecting the Past: A Joint Tribute to Adnan Bounni, Istanbul, 1990, p. 17-40
- (en) A. R. Millard, op. cit., p. 49-57 ; (en) M. Chazan et M. Lehner, « An Ancient Analogy : Pot Baked Bread in Ancient Egypt and Mesopotamia », dans Paléorient 16/2, 1990, p. 21-35
- J.-D. Forest, « Les Beveled Rim Bowls. Nouvelle tentative d'interprétation », dans Akkadica 53, 1987, p. 1-24
- Benoit 2003, p. 62
- Huot 2004, p. 75, parle même d'une « révolution humaniste »
- (it) E. Rova, « Animali ed ibridni nel repertorio iconografico della glittica del periodico di Uruk », dans E. Cingano, A. Ghersetti, L. Milano (dir.), Animali, Tra zoologia, mito e letteratura nella cultura classica e orientale, Padoue, 2005, p. 13-32
- Benoit 2003, p. 212-213
Voir aussi
Lien externe
- [2] : article de Jean-Daniel Forest (CNRS) sur la Période d'Uruk
Bibliographie
- « Sumer », dans Supplément au Dictionnaire de la Bible fasc. 72-73, 1999-2002, col. 77-359
- (en) G. Algaze, Ancient Mesopotamia at the Dawn of Civilization, The Evolution of an Urban Landscape, Chicago, 2008
- A. Benoit, Art et archéologie, les civilisations du Proche-Orient ancien, Paris, 2003
- P. Butterlin, Les temps proto-urbains de Mésopotamie, Contacts et acculturation à l'époque d'Uruk au Moyen-Orient, Paris, 2003
- (en) R. K.. Englund, « Texts from the Late Uruk Period », dans J. Bauer, R. K. Englund et M. Krebernik (dir.), Mesopotamien, Späturuk-Zeit und Frühdynastische Zeit, Fribourg et Göttingen, 1998, p. 15-233
- J.-D. Forest, Mésopotamie, L'apparition de l'État, VIIe-IIIe millénaires, Paris, 1996
- J.-J. Glassner, Écrire à Sumer, L'invention du cunéiforme, Paris, 2000
- J.-L. Huot, Une archéologie des peuples du Proche-Orient, t.I, Des peuples villageois aux cités-États (Xe-IIIe millénaire av. J.-C.), Paris, 2004
- F. Joannès (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris, 2001
- (en) M. Liverani, Uruk: The First City, Londres, 2006
- (en) H. J. Nissen, The Early History of the Ancient Near East, Chicago, 1988
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