Premier discours d'investiture de Ronald Reagan en tant que président des États-Unis

Premier discours d'investiture de Ronald Reagan en tant que président des États-Unis
Le président Ronald Reagan le jour de son inauguration

Le premier discours dinvestiture de Ronald Reagan en tant que président des États-Unis dAmérique est le discours dinvestiture que prononça Ronald Reagan en tant que président des États-Unis d'Amérique lors de l'Inauguration Day, le 20 janvier 1981. Cette intervention qui se concentre sur laspect économique de la crise américaine exprime sa volonté de maîtriser laction du gouvernement fédéral avant de souligner la capacité des Américains à croire en eux-mêmes.

Sommaire

Contexte

Le 20 janvier 1981, il pleut sur Washington, tout comme il avait plu le 5 novembre 1980 au lendemain de lélection triomphale, malgré labstention, du candidat républicain Ronald Reagan à la présidence des États-Unis.

Depuis quelques mois, le pays va mal. Linflation atteint 13,5 %, le nombre de chômeurs dépasse les 6 millions, le budget semble en permanent déficit et les prix du pétrole ont plus que quadruplé. Sur la scène internationale, le pays sest montré incapable dempêcher linvasion de lAfghanistan par larmée soviétique. Sanction symbolique au Président sortant, Jimmy Carter, la libération des otages de lambassade de Téhéran na par ailleurs lieu que le jour même de linvestiture de son opposant politique[1].

Contenu

Dans son adresse inaugurale[2], lancien gouverneur de Californie autrefois démocrate choisit de ne se concentrer que sur laspect économique de la crise américaine en voilant ses dispositions désormais ultraconservatrices en matière sociale et ses velléités diplomatiques depuis toujours puissamment anticommunistes.

La dénonciation socio-économique dun gouvernement hégémonique

Le constat de la responsabilité du gouvernement dans la crise économique

Ronald et Nancy Reagan le 20 janvier 1981

Les premiers paragraphes du texte prononcés sont empreints dun certain catastrophisme. Ils dressent le portrait dune économie hyperinflationniste la dépréciation de la monnaie est telle que les ménages ne peuvent rationnellement choisir dépargner et sont donc contraints à se livrer à une dangereuse gestion à court terme de leurs revenus. Est évoqué par ailleurs un chômage fort. Reagan décrit donc une situation dautant plus difficile à dépasser que toute une tradition de la théorie économique a présenté inflation et chômage comme deux phénomènes nécessairement inversement proportionnels à la suite de Philips.

Selon Reagan, ce nest cependant pas tant une telle conjoncture dégradée, puisque marquée par le double choc pétrolier et la féroce concurrence commerciale japonaise, quune gestion consécutive inefficace du gouvernement fédéral qui explique la crise. En voulant pallier un prétendu manque dinitiative de la société civile, celui-ci a en effet augmenté de manière critique les dépenses publiques, ce qui a rendu nécessaire une augmentation de la ponction fiscale, dautant plus dommageable pour léconomie nationale quelle pénalise des populations déjà appauvries et quelle est malgré tout insuffisante pour assurer un équilibre budgétaire. Il y a donc endettement. Or, Reagan contemple avec sympathie la proposition de Thomas Jefferson selon laquelle les dettes publiques accumulées doivent systématiquement tous les vingt ans puisque aucune génération na le droit dengager la responsabilité de sa succession.

La proposition consécutive dune maîtrise de ladministration

Plus proche des idéaux du vieux parti républicain que connaissait Thomas Jefferson, anti-fédéraliste, que de ceux du nouveau parti républicain qua connu Abraham Lincoln, attaché à lintervention de lEtat dans léconomie, le programme de Ronald Reagan est en conséquence assez simple, il sagit damputer de façon drastique les dépenses publiques ne correspondant pas à lexercice des missions régaliennes confiées par la Constitution des États-Unis dAmérique au gouvernement fédéral. Autrement dit, il sagit de réduire toutes les dépenses à lexception de celles de larmée, qui se voit attribuer un budget énorme en vertu de la lutte programmée par le nouveau Président contre ce quil appelle « lEmpire du Mal », lUnion soviétique.

Notamment, il propose de geler lembauche des fonctionnaires ou de poursuivre plus avant la politique de déréglementation engagée sous ladministration de Jimmy Carter, qui avait libéré le transport aérien et ferroviaire, cette logique de dérégulation devant dailleurs être poussée à un point tel quelle encouragera la constitution de monopoles en dépit de la tradition anti-trust, avec pour justification la nécessaire résistance à lambition des firmes étrangères. Une fois la diminution des dépenses effective, léconomie pourra être relancée par une réduction de la fiscalité fort logique, ladministration ayant désormais un besoin de financement moindre. Dans les faits, cette maîtrise de la pression fiscale est pourtant contradictoire avec la politique militaire dépensière que Reagan envisage. Encore candidat à linvestiture républicaine en 1980, George Bush soulignait dès cette date une telle contradiction en surnommant le programme de son adversaire dalors « économie vaudoue ».

En fait de vaudou, il sagit dun nouveau libéralisme monétariste inspiré par ce que lon appelle « la théorie de l'offre », qui a pour chef de file Arthur Laffer et le futur prix Nobel Milton Friedman, et qui na alors jamais été mis à lépreuve dans un pays industriel. Ce néolibéralisme reprend la loi des débouchés de Jean-Baptiste Say pour tenter de montrer que puisque loffre crée la demande et donc la croissance, soutenir la demande, cest favoriser une récession. De fait, toute politique interventionniste du type de celle menée par Franklin Delano Roosevelt ou par Lyndon Baines Johnson serait une mauvaise politique. La preuve faite par Laffer que « trop dimpôt tue limpôt », du fait de la fraude fiscale mais surtout de la fuite devant le travail, confirmerait que pour être moderne lEtat doit rester modeste.

Mise en scène

La symbolisation dramatique de lintervention présidentielle

Reagan a obtenu aux élections 51 % des suffrages exprimés, alors que le Président sortant Jimmy Carter et le candidat indépendant John Anderson nen recueillent respectivement que 41 et 7 %, soit moins ensemble que le Républicain seul. Le nouvel occupant de la Maison Blanche jouit par ailleurs dune toute nouvelle majorité au Sénat et peut compter sur des démocrates dissidents surnommés « les anthonomes » pour former à la Chambre des Représentants une coalition conservatrice. Malgré cette victoire historique, il semble que Reagan ne soit pas pleinement satisfait et tente dans son discours de conforter sa légitimité de nouvel élu du peuple. Pour ce faire, il va user du symbole pour se mettre en scène comme lacteur quil était autrefois.

Dabord, le jour même il est investi et prononce donc le discours, son épouse est vêtue dun rouge écarlate qui est censé rappeler le drapeau américain conjointement avec la femme du vice-président Barbara Bush qui de son côté a choisi le bleu. Ensuite et surtout, Ronald Reagan a décidé de prêter serment non pas, comme ses prédécesseurs, devant la façade du Capitole, qui tourne le dos à la ville, mais de lautre côté du bâtiment, qui bénéficie dune perspective plus grandiose et télégénique. se trouvent les monuments dédiés aux illustres pères fondateurs de la nation américaine. Cest sous leur regard que se déroule donc la cérémonie, orchestrée comme un spectacle, le souci de se faire comprendre et de plaire est primordial. Reagan répète plusieurs fois quil ne veut pas quil y ait de malentendu, abuse de bons mots et emploie de frappantes formules en chiasme pour sépargner une argumentation fastidieuse. Reagan est bien ce « Grand Communicateur » qui cherche à appuyer sa popularité en appelant au mythe populaire. La veille, Frank Sinatra a animé la soirée de gala.

Le recours aux mythes politiques en vue dun resserrement du lien national

Désormais dotée dune puissance symbolique, lintervention présidentielle sachève sur des considérations sur la nation américaine que la crise économique rend selon lui héroïque. Le Président évoque le sacrifice armé de jeunes soldats ayant participé aux batailles en France durant la Grande Guerre, aux conflits maritimes du Pacifique Sud-Ouest pendant la Seconde Guerre mondiale ou encore à la guerre du Vietnam. Il sagit de reprendre de façon détournée lappel lancé autrefois par le Président Kennedy, auquel il sest comparé plusieurs fois pendant la campagne, du moins en ce qui concerne la politique internationale, appel qui correspond parfaitement à lidée dun réveil de la sphère privée avancée plus haut : « Ne vous demandez pas ce que le gouvernement peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour le gouvernement ». Lidée du nécessaire sacrifice du peuple américain à la défense de la liberté qui est ici sous-jacente est rendue supportable par ailleurs par celle qui affirme que ce peuple est un peuple élu de Dieu et quil a de fait une « destinée manifeste », idée énoncée notamment à lavant-dernière phrase, qui présente lAméricain comme un individu capable de tout réaliser sil a lambition nécessaire.

Cette idéalisation du sacrifice renvoie finalement à lidée de lexistence dun bouc émissaire servant par ailleurs au resserrement du lien national, lien national qui sest rompu avec la crise et quil faut restaurer. Ainsi, Reagan est bien évidemment le défenseur dun certain patriotisme, et cest pourquoi il emploie systématiquement la deuxième personne du pluriel dans son adresse : en plus de faire écho à la Constitution avec « Nous, le peuple », il construit par le langage la solidarité quil entend mettre en place entre les petites gens. Telle solidarité nest pas fondée sur la sécurité sociale ou lentraide directe mais sur la résistance commune face aux prétentions de lEtat fédéral et sur la jouissance partagée dune liberté individuelle saffirmant contre la bureaucratie administrative. Elle doit atteindre un certain nombre de catégories professionnelles longtemps oubliées de leurs compatriotes que le Président évoque et quil entend défendre en se proposant lui-même comme preuve de leur capacité. Avant de réussir dans la politique, il est de parents commerçants dans lIllinois, a été maître nageur sauveteur, reporter sportif à la radio, président de la Guilde des acteurs de Hollywood, conférencier à la General Electric, etc.

Bilan

Celui que lon a appelé « Reagan le Magnifique » a fait la promesse à son peuple que lAmérique serait « de retour ». Constatant léchec de la politique économique fédérale, il use de sa popularité, bientôt accrue par la tentative dassassinat dont il est victime le 30 mars, pour lui imposer lidée que cest lui-même en tant que peuple uni et élu de Dieu qui autorisera ce retour sil se met au travail et retrouve sa foi tranquille. Reagan veut « arracher le pays au blues qui le hantait » et le faire agir dans la confiance retrouvée. Ses mandats seront donc caractérisés par un renforcement constant des mouvements religieux conservateurs, et notamment de la Majorité morale du révérend Jerry Falwell, un télévangéliste. De ceci, il nest pas tant question dans le texte. Il faut dire que ce discours tente aussi de faire passer un message traditionnellement envoyé par tout nouvel élu à ses électeurs et aux autres votants : « Je serai lélu de tous ».

Références


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Premier discours d'investiture de Ronald Reagan en tant que président des États-Unis de Wikipédia en français (auteurs)

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