- Pierre Boussel (politique)
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Pierre Boussel, plus connu sous son pseudonyme de Pierre Lambert ou tout simplement Lambert, né le 9 juin 1920 à Paris et mort à Champcueil, dans l'Essonne le 16 janvier 2008[1], est à partir de 1953 (année de la scission de la IVe Internationale fondée quinze ans plus tôt sous l'égide de Léon Trotsky) l'un des principaux dirigeants du mouvement trotskiste international.
Sommaire
L'engagement
Pierre Boussel est né dans une famille d'émigrants juifs russes. Son père Isser Boussel est tailleur et sa mère Sorka Grinberg est femme au foyer ; il est contrôleur des allocations familiales jusqu'à sa retraite, en 1980.
En 1934, Pierre Boussel adhère aux Jeunesses communistes[réf. nécessaire], dont il est exclu pour avoir posé des questions sur le pacte Laval-Staline, à la suite duquel le Parti communiste rompt avec sa tradition antimilitariste. En conséquence, il rejoint en 1936 l'Entente des jeunes socialistes de la Seine, à l'âge de seize ans, alors dominée par la tendance de Marceau Pivert, la Gauche révolutionnaire. Lorsque l'organisation de jeunesse est exclue de la SFIO, il participe à la fondation des Jeunesses socialistes révolutionnaires avec Fred Zeller et Yvan Craipeau.
En 1937, il fait ses premiers pas dans le mouvement syndical en adhérant à la Confédération générale du travail. Le mouvement pivertiste comprend alors une minorité de militants trotskistes qui font de l'« entrisme », dont Pierre Frank, qui amènent Pierre Boussel à rejoindre le trotskisme[2]. Il prend donc sa carte au Parti communiste internationaliste de Raymond Molinier.
Il fait des études d'histoire tout en travaillant comme postier « auxiliaire ».
L'Occupation
Article connexe : Trotskistes français durant la Seconde Guerre mondiale.En 1939, le gouvernement dissout les deux principales organisations trotskistes, le Parti ouvrier internationaliste (POI) de Pierre Naville et le PCI de Raymond Molinier. Pierre Boussel milite alors dans la clandestinité au sein du Comité International pour la construction de la IVe Internationale [réf. nécessaire].
Avec Roger Foirier, l'animateur des Auberges de jeunesse et Jacques Privas, il essaie de relancer le PCI avec Henri Molinier, le frère de Raymond, qui effectue quelques arnaques afin d'obtenir des fonds[3]. Pendant la drôle de guerre, ils diffusent des tracts aux soldats, dans les gares, appelant au « défaitisme révolutionnaire » [3].
Le 13 ou 15 février 1940 [3], Pierre Boussel est arrêté avec neuf militants trotskistes[3], accusés d'être en « infraction au décret du 1er septembre 1939 sur la publication de textes de nature à nuire au moral de l'armée et de la population ». Le rapport de police se termine ainsi « (…) se réclame ouvertement du marxisme-léninisme intégral, du défaitisme révolutionnaire et de l'antimilitarisme ». Condamné à une peine d'emprisonnement de huit mois à trois ans (selon les sources[3]) pour atteinte à la sûreté de l'État, il s’évade en juin 1940[3], pendant un transfert. Certains trotskystes, dont Barta et les pablistes, l'accuseront par la suite de s'être renié en captivité et d'avoir donné des noms[3].
En 1940-1941, il est membre du Parti communiste internationaliste d'Henri Molinier. Celui-ci prône et pratique l'entrisme au Rassemblement national populaire de Marcel Déat (prenant même la parole lors d'un congrès du RNP) jusqu'en 1941, année durant laquelle il renonce à son orientation et rejoint la résistance au sein de laquelle il meurt en aout 1944, tué dans les combats pour la libération. Pierre Boussel-Lambert dénonce à plusieurs reprises l'orientation « Testu » (pseudonyme de Molinier) dans les bulletins intérieurs Comité communiste internationaliste, organisation à laquelle appartiennent les deux hommes, et ne pratique à aucun moment l'entrisme dans des organisations fascistes comme le RNP.
Sous l'Occupation, Pierre Lambert est exclu avec sa compagne. Il rejoint alors en décembre 1943 un autre groupe trotskiste : le Parti ouvrier internationaliste (POI) qui développe l'idée du défaitisme révolutionnaire. Ils s'opposent notamment aux mots d'ordre du Parti communiste français lors des combats de la Libération, « À chacun son boche », et y oppose l'orientation de la fraternisation des travailleurs français avec les soldats allemands et alliés : « Derrière chaque soldat allemand se cache un travailleur ». Durant l'Occupation, il participe également à la reconstruction des syndicats dans le cadre de la CGT clandestine.
En 1944, il participe à la fusion des deux groupes trotskystes, qui débouche sur la proclamation du Parti communiste internationaliste (PCI), section française de la IVe Internationale, dont il est membre du Comité central. L'année suivante, il devient responsable de la commission ouvrière du PCI.
La scission de la IVe Internationale
Lors de la scission de la CGT en 1947, Lambert choisit de rester dans ce syndicat plutôt que de rejoindre Force ouvrière. Mais en 1950, il organise une délégation de syndicalistes en Yougoslavie pour évaluer la Yougoslavie de Tito, alors qualifiée de fasciste par Staline. Cela lui vaut d'être exclu de la CGT comme « hitléro-trotskyste » : c'est le nom que le Parti communiste français applique aux trotskystes en général.
Après la guerre, la majorité du PCI dirigée par Marcel Bleibtreu, Michel Lequenne et Pierre Lambert refuse en 1953 les thèses du secrétaire de la IVe internationale, Michel Pablo.
Dans le PCI, Lambert était connu comme un spécialiste des affaires syndicales et prenait rarement position sur les questions internationales. Quand Michel Pablo, le secrétaire de la Quatrième internationale, souleva la question de l’entrisme « sui generis » dans le Parti communiste français, il ne prit pas position jusqu’à ce que son champ d’opération syndical fut menacé. Alors, il soutint la direction du PCI autour de Marcel Bleibtreu. Le parti avait éclaté en deux groupes hostiles l’un envers l’autre sur la question de l’entrisme « sui generis », qui était associé à la perspective suggérée par Pablo d’une période nécessaire d’ « États ouvriers dégénérés » qui pourrait durer des centaines d’années. Cette lutte contre le « pablisme » jouera par la suite un rôle essentiel dans la culture du courant lambertiste.
Peu après, Lambert se retourna contre Bleibtreu et Favre, qui furent exclus du PCI, malgré le rôle qu’ils avaient joué dans la lutte contre les thèses de Pablo. Pierre Lambert devient donc le principal dirigeant du groupe majoritaire et préside à la constitution du Comité International pour reconstruction de la IVe Internationale.
Naissance du « lambertisme »
À partir de 1954, le groupe Lambert s’associe avec le Socialist Workers Party (Parti socialiste des travailleurs) américain pour former le Comité international de la Quatrième internationale. Une décennie plus tard, celui-ci allait éclater lorsque, avec la marginalisation de Pablo dans sa propre organisation, le groupe américain rejoint le Secrétariat unifié de la Quatrième internationale. En 1956, il participe à la fondation du Comité de liaison pour l’action et la démocratie ouvrière (CLADO), regroupement de militants ouvriers, démocrates et laïques.
En 1958 est publié le premier numéro d’Informations ouvrières, qui porte pour sous-titre tribune libre de la lutte des classes. Le titre aura un certain succès, puisqu'il existe toujours en 2008.
En 1961, il adhère à la CGT-Force ouvrière. Il sera plusieurs années durant l’un des responsables de la chambre syndicale CGT-FO de la Sécurité sociale de la Région parisienne. A ce titre, il joue un rôle important dans le mouvement syndical au plan national[4].
En 1965, alors que l’organisation s'est renforcée en France, il lance le slogan « passer du groupe à l’organisation », puis au parti, ce qui débouche sur la proclamation de l’Organisation communiste internationaliste (OCI) en 1965. Suite au décret du 12 juin 1968 portant dissolution d'organismes et de groupements qui dissout, entre autres, l'OCI, Boussel dépose une requête devant le Conseil d'État, obtenant en juillet 1970 l'annulation du décret pour excès de pouvoir[5].
L'OCI reprendra le nom de ce qui deviendra le Parti communiste internationaliste (PCI) en 1982, le nom étant vacant depuis 1968.
La ligne de la démocratie
Ayant pris en 1980 sa retraite de la Sécurité sociale, Lambert poursuit son travail d'organisation. Après un bref rapprochement avec le révolutionnaire argentin Nahuel Moreno, il rompt avec celui-ci en 1981[6].
À partir de 1983,ses liens avec la franc-maçonnerie (Hebert, Sandri etc) le conduisent à impulser la discussion sur la « ligne de la démocratie » et la « transition » vers la construction d'un parti et de l’Internationale qui aboutit en France, en 1985, à la constitution du Mouvement pour un parti des travailleurs (MPPT). Pour ce faire il lui faut exclure les trotskystes Stéphane Just, François CHESNAIS, Omar Fernandez, François Peretie et tant d'autres, comme auparavant il avait fait exclure Balasz Nagui dit Varga sous le prétexte fumeux d'agent double du KGB et de la CIA. Ce processus se poursuit avec l'exclusion ultérieure de René Revol & Pierre Broué, militant et historien auxquels les générations sont redevables de ses nombreux écrits et de la publication des textes de Trotsky. L'absence de réaction au sein du PCI indique que celui-ci s'est fossilisé et est devenu objectivement un parti petit-bourgeois. Cette politique de capitulation se traduit par la création du Parti des travailleurs en 1992. Les "lambertistes", qui représenteraient environ la moitié des adhérents, y sont regroupés dans le Courant communiste internationaliste (CCI)[7].
Cette ligne se traduit au plan international par des « conférences mondiales ouvertes », puis en 1993, à la reproclamation de la IVe Internationale, dont il est le dirigeant[8]. Celle-ci tiendra son IVe congrès en 1999, le cinquième en 2002 et le sixième en 2006.
Candidat à l’élection présidentielle
Après avoir appelé à voter pour François Mitterrand dès le premier tour en 1981, Lambert est candidat à l'élection présidentielle de 1988, mais il n'obtient que 0,38 % des suffrages. Son Courant communiste internationaliste, trotskiste, devient ensuite la principale composante du Parti des travailleurs[9], dont le secrétaire national est Daniel Gluckstein.
Hommage
Après son décès, le numéro 529 de « La Raison », mensuel de la Libre-Pensée, lui consacre deux pages, dont une est signée par Marc Blondel[10].
Bibliographie
Pierre Lambert a suscité une bibliographie assez abondante ces dernières années, notamment en raison de ses liens avec Lionel Jospin. Les avis exprimés sont souvent très tranchés, en raison de la sympathie ou de l'antipathie qu'il suscitait. Ses partisans insistent sur le rôle qu'il a joué dans la continuité de la IVe Internationale, tandis que ses détracteurs lui reprochent des manœuvres politiques et une personnalité autoritaire. Il n'existe pas, à l'heure actuelle, de biographie exhaustive de Pierre Lambert.
- Philippe Campinchi, Les Lambertistes, un courant trotskiste français, Balland, 2000. L'auteur a lui-même été membre de ce courant.
- Jean-Jacques Marie, Le Trotskysme et les Trotskystes, Armand Colin, 2002 (notamment à partir du chapitre Les trotskystes et la guerre p. 71). L'auteur est membre du courant lambertiste.
- Daniel Gluckstein et Pierre Lambert, Itinéraires, éditions du Rocher, 2002. Ce livre a été écrit en grande partie en réponse aux enquêtes de journalistes sur Pierre Lambert, notamment le livre de Christophe Bourseiller.
- Christophe Bourseiller, Cet Étrange Monsieur Blondel, Éditions Bartillat, 1997. Cette enquête consacrée au dirigeant de Force ouvrière s'intéresse à l'influence exercée par Pierre Lambert dans la confédération syndicale et dans la Franc-maçonnerie. Elle est malheureusement entachée de confusions et de conclusions hâtives ou exagérées (notamment la confusion, reconnue par l'auteur, entre les biographies de Robi Morder et de Daniel Gluckstein).
- Daniel Coquéma, De Trotsky à Laguiller. Contribution à l'histoire de la IVe Internationale, Soleil/Mc Productions, 1996. Une version refondue de ce livre a paru sous le titre Besancenot, Gluckstein, Laguiller… et quelques autres, Lulu, 2007. L'auteur s'est éloigné du courant lambertiste, mais il y consacre une large partie de son livre (lire une critique en ligne).
- Karim Landais, Passion militante et rigueur historienne. t. I : Sur les relations de pouvoir dans les organisations trotskystes, 2006. Les interviews constituent la partie la plus importante pour la biographie de Pierre Lambert. Il faut garder en mémoire que, à l'exception de celle d'Alexandre Hébert[11], elles émanent d'anciens militants plutôt hostile au lambertisme[12].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Pierre Lambert » (voir la liste des auteurs)
- IVe Internationale : « le camarade Pierre Lambert est décédé ce matin 16 janvier 2008 après avoir combattu jusqu'à ces dernières forces contre la maladie » (le Parisien no 19708 du 17 janvier 2008, p. 6) Communiqué du secrétariat de la
- MIA - Section française: Pierre Lambert (biographie)
- Christophe Nick, Les Trotskistes, Fayard, 2002, p. 298-299
- http://www.liberation.fr/actualite/politiques/304454.FR.php
- Conseil d'Etat statuant au contentieux, N° 76230 76231 76235 , Publié au recueil Lebon, M. Henry, rapporteur M. Bertrand, commissaire du gouvernement. Lecture du mardi 21 juillet 1970.
- Pierre Lambert, 1920-2008, Démocratie et socialisme, 2 février 2008.
- A ne pas confondre avec l'organisation communiste de gauche du même nom, ni avec le Comité communiste internationaliste - trotskiste, lui-même un rameau lambertiste en rupture
- Il existe plusieurs IVe Internationales concurrentes
- AFP: Mort du dirigeant trotskiste historique Pierre Boussel, dit Lambert
- « La Raison », numéro 529, mars 2008, pages 28 et 29
- Lire en ligne cette interview
- Edité par les amis de l'auteur après son décès, le livre est disponible sur commande à l'adresse suivante : Guy Landais La Bastide des capucins 84 240 Cabrières d’Aigues
Liens externes
- (fr) Biographie, sur le site des Archives marxistes sur Internet
- Lionel Jospin et l'OCI - Interview de Pierre Boussel
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