- Décret du 12 juin 1968 portant dissolution d'organismes et de groupements
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Les dissolutions du 12 juin 1968 ont été décidées par un décret présidentiel de Charles de Gaulle.
Suite au reflux du mouvement de mai 68 consacré par la manifestation pro-gouvernementale du 30 mai, le président de la République, qui a accueilli la nomination de Raymond Marcellin au ministère de l'Intérieur par cette exclamation : « Enfin Fouché, le vrai ! », prend la décision de dissoudre plusieurs organisations politiques actives dans la révolte par le décret présidentiel du 12 juin 1968.
Le texte fait référence au décret du 5 novembre 1870, et notamment à son article 2, ainsi qu'à la loi du 10 janvier 1936 modifiée « sur les groupes de combat et milices privées » [1].
Sommaire
Organisations dissoutes
Il entre immédiatement en vigueur et vise 11 organisations, dont les mouvements suivants :
- Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR) ; Alain Krivine et trois jeunes Brestois sont arrêtés et détenus pour une durée variant de dix jours à plusieurs semaines pour « reconstitution de ligue dissoute »,
- Voix ouvrière - (voir Lutte ouvrière),
- Groupes « Révoltes »,
- Fédération des étudiants révolutionnaires (FER),
- Comité de liaison des étudiants révolutionnaires (CLER)
- Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes (UJC (ml))
- Parti communiste internationaliste (PCI)
- Parti communiste marxiste-léniniste de France (PCMLF)
- Fédération de la jeunesse révolutionnaire
- Organisation communiste internationaliste (OCI)
- Mouvement du 22-Mars.
Épilogue
Certains mouvements dissous continuent leurs activités :
- les militants de la FER investissent l'UNEF et constituent l'organisation UNEF-Unité syndicale (UNEF-US) tandis que les étudiants proches du PCF créent l'UNEF-Renouveau où militent aussi les étudiants de l'UDB ;
- la JCR devient la Ligue communiste qui sera dissoute en juin 1973 et donnera l'actuelle Ligue communiste révolutionnaire avant de recréer les JCR comme mouvement de jeunesse sous son influence ;
- l'OCI devient l’Organisation trotskyste, puis sa dissolution est annulée par le Conseil d'État ; elle contribuera à la création de l'actuel Parti des travailleurs ;
- le PCMLF persistera dans ses activités, ce qui vaudra à certains de ses militants des poursuites pour « reconstitution de ligue dissoute », par exemple dans la région de Lorient en 1976 ;
- l'Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes éclate pour donner naissance à différents groupes, dont la Gauche prolétarienne connue notamment par son organe La Cause du peuple, « Rennes révolutionnaire » qui publie Drapeau rouge d'où viendra l'Organisation communiste de France (marxiste-léniniste) ; d'autres militants rejoignent le PCMLF ;
- Voix ouvrière devient Lutte ouvrière.
Conseil d'Etat
Le 21 juillet 1970, le Conseil d'État rejette avec dépens une requête du « Comité départemental des chômeurs ou chômeuses à temps complet ou partiel de la Marne » tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret de juin 1968, au motif que « l'association requérante ne justifie (...) d'aucun intérêt lui donnant qualité pour attaquer ledit décret, puisqu'elle n'a pas été visé par celui-ci »; et que le décret de dissolution « ne porte aucune atteinte aux droits des chômeurs (...) dont ladite association s'est donné pour but d'assurer la défense. » [2]
Mais le même jour, il annule la dissolution de l'Organisation communiste internationaliste, du groupe Révoltes et de la Fédération des étudiants révolutionnaires, suite à une requête déposée au nom de l'OCI par Pierre Boussel (alias Lambert), au nom du groupe Révolte par « sieur Z... » et au nom de la Fédération des étudiants révolutionnaires par « Sieur Stobnicer dit Berg Charles. » Le Conseil d'Etat considère en effet que ces trois groupes « étaient animés par les mêmes dirigeants et ont mené une action commune lors des manifestations » de mai et juin 1968, ce pourquoi il examine conjointement leurs requêtes. Il déclare enfin:
« Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier produit devant le Conseil d'Etat que les associations ou groupements de faits surénumérés aient provoqués à des manifestations armées dans la rue ou aient eu pour but d'attenter par la force à la forme républicaine du gouvernement;
Qu'ainsi le décret du 12 juin 1968, en tant qu'il a prononcé leur dissolution, manque de base légale et se trouve, par suite, entaché d'excès de pouvoir. »[3]Références
- Loi du 10 janvier 1936, Légifrance. L'article 1 stipule que le décret peut dissoudre des organisations qui « 1° Qui provoqueraient à des manifestations armées dans la rue »
- Conseil d'Etat statuant au contentieux, N° 75931, Publié au recueil Lebon, M. Henry, rapporteur M. Bertrand, commissaire du gouvernement. Lecture du mardi 21 juillet 1970.
- Conseil d'Etat statuant au contentieux, N° 76230 76231 76235 , Publié au recueil Lebon, M. Henry, rapporteur M. Bertrand, commissaire du gouvernement. Lecture du mardi 21 juillet 1970.
Bibliographie
- Jacques Jurquet (Préface et présentation de Camille Granot), Arracher la classe ouvrière au révisionnisme moderne (Recueil de textes de 1965 à 1971), Éditions du Centenaire /E100, Paris, 1976.
- Jacques Jurquet, Le printemps révolutionnaire de 1968, Éditions Gît-le-cœur, Paris; republié dans le précédent.
- Raymond Marcellin, L'importune vérité - Dix ans après mai 68, un ministre de l'Intérieur parle, Éditions Plon, Paris, 1978 ; voir plus particulièrement le chapitre XIV, « Ne pas se tromper d'époque : les forces révolutionnaires mondiales ».
Lien externe
Catégories :- Défense et sécurité en France
- Droit en France
- Association ou organisme français
- Parti politique
- Événements de mai 1968
- Jurisprudence du Conseil d'État français
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