Olivier Todd

Olivier Todd
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Olivier René Louis Todd est un écrivain et journaliste français le 19 juin 1929 à Neuilly-sur-Seine, de père austro-hongrois et de mère britannique. Il est le père du sociologue Emmanuel Todd.

Sommaire

Biographie

Abandonné avant sa naissance par son père, Julius Oblatt, un architecte juif austro-hongrois, il est élevé par sa mère, une Britannique immigrée en France dans les années 1920. Elle-même fille naturelle de Dorothy Todd, la rédactrice en chef de Vogue des années 1920, elle ne réussit pas à rejoindre le Royaume-Uni en 1940 et doit vivre de cours privés sous loccupation.

Exprimant de vives sympathies communistes, elle vit à la Libération en concubinage avec le poète dorigine roumaine Claude Sernet, adhérent du PCF et membre actif du Conseil national des écrivains. Dans ce milieu intellectuel et communiste, Olivier Todd connaît une socialisation politique familiale qui lui offre une vision manichéenne du monde entre « les bons, rouges et roses » et les « affreux, blancs et fascistes »[1], mais aussi trotskistes. Élève au lycée Henri-IV puis au lycée Debussy de Saint-Germain-en-Laye, c'est en préparant son second baccalauréat quil se lie damitié avec Patrick Nizan, le fils de lécrivain Paul Nizan (sous la tutelle de Sartre depuis la mort de son père en 1940). Il lui présente sa sœur, Anne-Marie, quil épouse en 1948 après son succès au baccalauréat.

Il passe alors une année à Londres chez sa grand-mère maternelle qui lui fait obtenir son entrée au Corpus Christi College de Cambridge. Athée, ne partageant pas le mélange danglicanisme et de science chrétienne de cette dernière, il se définit alors comme un progressiste proche du PCF, mais ne pouvant y adhérer en raison des accusations de traîtrise dont le Parti accable son défunt beau-père. De 1948 à 1951, il suit des études de philosophie qui lui font découvrir la tradition empirique anglo-saxonne (Ludwig Wittgenstein, Alfred Jules Ayer, George Edward Moore). Il en sort imperméable à la philosophie sartrienne, à la métaphysique et à la logorrhée des penseurs français qui jouent plus dun souffle poétique que dune exigence de clarté.

Ainsi, si de retour à Paris, il amorce sa collaboration aux Temps Modernesparallèlement à diverses revues littéraires britanniques –, il ne se pose pas comme un disciple de Sartre. Il souhaite avant tout passer lagrégation danglais. Or, sil obtient à la Sorbonne sa licence et son DES, il échoue par deux fois au concours (1953 et 1954). Il doit alors se soumettre à ses obligations militaires, dabord au sein du service de presse de larmée, ensuite au Maroc. Il en tire son premier livre, Une demi campagne (Julliard, 1956), qui sen prend aux travers de larmée française. Préfacé par Sartre, ce livre obtient un certain écho grâce aux Temps modernes qui en publient un extrait sous le titre Les Paumés (repris dans lédition en 10-18 de 1973).

À partir de 1956, il enseigne au lycée international du SHAPE à Saint-Germain-en-Laye tout en y occupant des responsabilités locales au sein du PSU. Ancien adhérent à la Nouvelle Gauche venu à la politique par anticolonialisme, son orientation progressive vers le journalisme loblige toutefois à sen détacher progressivement. En effet, sil a mis un pied dans le journalisme en assurant des piges pour le supplément littéraire du Times, ce n'est quaprès léchec critique de son deuxième roman, La Traversée de la Manche (Julliard, 1960), quil se tourne vers ce métier. Il se rapproche alors de Jean-François Revel qui partage son ouverture au monde et aux méthodes anglo-saxonnes. Or, ce dernier, qui est directeur de la rubrique littéraire de France Observateur, linvite à y publier des piges. Il y couvre la littérature anglo-saxonne puis la télévision sous la forme dune chronique signée Pierre Maillard.

En 1963, sa nomination au poste dassistant à lInstitut audiovisuel de lENS Saint-Cloud ne le détourne que temporairement de sa nouvelle voie car le manque de moyens matériels et la conception du fait télévisuel qui y règne lui font vite abandonner ses espoirs de carrière universitaire. Ainsi, il nhésite pas, en dépit de la perte dun dixième de son salaire et des avertissements de Revel sur les risques de faillite du journal, à entrer à France Observateur lorsquon lui en fait la proposition. Remplaçant Jean-Noël Gurgand en juin 1964, il abandonne ses fonctions universitaires et politiques.

Période Nouvel Observateur

Sil nest pas directement associé aux négociations préalables au lancement du Nouvel Observateur, il en fait partie dès son lancement, voyant dans la caution sartrienne un gage quil ne sagit pas d« une entreprise louche ou douteuse »[2]. Gilles Martinet lui fournit dailleurs, comme à tous les anciens membres de France Observateur, largent pour en devenir actionnaire.

Éloigné des querelles internes des premiers temps car il nest pas vraiment considéré comme un ancien de France Observateur, il sentend vite bien avec le directeur de la rédaction. Ce dernier apprécie le caractère polyvalent et anglo-saxon de son travail mais aussi sa collaboration avec une institution aussi prestigieuse que la BBC qui a, entre autres, lavantage de prendre en charge le coût de déplacements à létranger. Ainsi, alors même quil est encore néophyte dans le métier, il est envoyé en 1965 couvrir pendant deux mois la guerre du Viêt Nam. Sinon, il partage la ligne politique suivie par Jean Daniel et fait lobjet dune certaine considération de la part de ce dernier si on en croit la publication (fréquente) de ses articles et le tutoiement dont il lui fait lhonneur.

Il nen est pas moins choqué par certaines pratiques en cours au journal telles que les augmentations salariales quon lui propose sous forme de notes de frais. Cette critique envers les méthodes de la direction transparaît en mai 1968 lorsque, avec René Backmann, il prend la tête de la contestation interne à Jean Daniel. À loccasion dune réunion du Comité de presse de la Sorbonne, il appelle même à mettre « fin à la dictature de Jean Daniel au Nouvel Observateur »[3]. Mais, sil continue à contester la direction, il revient vite à des positions politiques plus modérées comme lillustre son soutien aux lois dEdgar Faure sur lUniversité.

Parallèlement, il collabore à différentes publications britanniques et américaines (Times Literary Supplement, New Statesman, Hudson Review) ainsi quà diverses émissions de la BBC (Europa, Twenty four hours). En novembre 1969, il quitte Le Nouvel Observateur pour intégrer l'équipe Desgraupes comme responsable du magazine d'actualités Panorama. Durant neuf mois, il y interviewe des personnalités comme Louis Vallon, Roger Garaudy ou Jean-Paul Sartre. Mais en juin 1970, une censure politique concernant la diffusion de La bataille d'Alger le fait démissionner.

Amicalement rappelé par Claude Perdriel, il revient au Nouvel Observateur avec le titre de rédacteur en chef-adjoint et la direction de la rubrique Société. En dépit des réticences que Jean Daniel exprime à légard de sa promotion, il prend, sans difficulté, le relais de Pierre Bénichou à tête du service Notre Époque.

Si les premières semaines sont quelque peu conflictuelles avec Jean Daniel, il trouve assez rapidement ses marques et sassure complètement du droit de choisir les articles de sa rubrique. Il introduit aussi lidée de pré-sommaire dans tous les services afin déviter les « bulles » et les « doublons ». Avec comme adjoint Paul Boncour puis Christiane Duparc, il sefforce de gérer les fortes têtes de son équipe (Katia D. Kaupp, Mariella Righini, Yvon Le Vaillant) et des grands reporters qui, tels Jean-Francis Held, Guy Sitbon ou Josette Alia, y collaborent plus ou moins régulièrement.

Ces efforts pour relancer la rubrique portent vite leurs fruits. C'est ainsi sous sa direction que le journal publie son numéro sur lavortement (n°3345 avril 1971). Mais il réussit aussi à faire la Une avec dautres dossiers au contenu libertaire et sulfureux tels que La sexualité des enfants (n° 3251er février 1971), La sexualité des Français (n° 41522 octobre 1972), Le pays tout est permis (n° 3475 juillet 1971). Il nen donne pas moins décho à des dossiers plus politiques tels que Justice à la française (n° 4214 décembre 1972), Les banlieues de la peur (n° 44918 juin 1973) ou Les trente dernières années de la terre (n° 36111 octobre 1971). Toutefois, lassé de son travail de rewriter, il laisse les rênes du service à Christiane Duparc pour se consacrer à lécriture et aux reportages. Il publie ainsi LAnnée du Crabe (R. Lafont, 1972), récit dans lequel il narre ses retrouvailles avec son père.

Suivi du conflit vietnamien

Il continue aussi à couvrir la guerre du Viêt Nam avec un militantisme pro-Việt Minh non dissimulé. Il en vient même à essayer de publier des entretiens de prisonniers américains maudissant leur gouvernement et louant leurs geôliers mais Jean Daniel len empêche[4]. En septembre 1973, une visite en zone tenue par le GRP lui fait alors prendre conscience à quel point ce dernier est « au Sud le bras séculier et idéologique du gouvernement communiste de Hanoi ». Il en tire un article dans lequel, sans cacher ses craintes envers les projets de « réunification » et de « rééducation » de ce mouvement, il évoque « les violences » auprès des populations civiles.

Or, alors quil avait demandé à Serge Lafaurie de « sucrer le pittoresque et garder le politique », le rédacteur en chef fait linverse, soutenu en cela par Jean Daniel au nom du principe que il-est-trop-tôt-pour-le dire[5]. Choqué dun tel procédé, il choisit den exprimer le contenu politique dans un entretien à Réalités. Tout en y estimant que l« attitude provietnamienne découle en partie de lantiaméricanisme dans lequel se complaît lintelligentsia, ainsi que dun sentiment de culpabilité des Blancs surdéveloppés vis-à-vis des pays du tiers-monde », il sen prend à cet ensemble « de clichés à lemporte pièce et de réactions passionnelles suscitées par la guerre du Vietnam » qui na jamais été mis « à lépreuve des réalités »[6].

À LObs, ses propos suscitent un tollé. Si Pierre Bénichou lui reconnaît le droit de sexprimer, De Galard et Lafaurie se réfugient dans un silence réprobateur, Michel Bosquet réclame sa dégradation et Jacques-Laurent Bost demande son licenciement. Quant à Jean Daniel, il lui propose, dabord de se rétracter dans Réalités, ensuite de sexpliquer devant l'aréopage « de tous ceux qui comptent »[7] dans le journal. Refusant, il se voit retirer la couverture de la guerre du Vietnam au profit de Jean Lacouture. Deux ans plus tard, il exprimera ses considérations sur le conflit sous la forme dune fiction intitulée Les Canards de Camao (Le Club français du livre, 1975).

Cet acte de censure marque le début dune lente prise de distance tant avec lactivité éditoriale quavec la ligne politique du journal. À partir de 1973, il commence ainsi à collaborer à Newsweek International tout en se limitant, à LObs, à quelques entretiens et reportages dans les pays anglo-saxons.

Il tire aussi de cette expérience vietnamienne des conséquences, quant au communisme, qui se ressentent dans son rapport critique à lUnion de la Gauche. Amorçant un recentrage politique qui se traduit par laffirmation plus nette de son tempérament « profondément social-démocrate »[8], il ne cache pas son intérêt pour le côté « libéral, tocquevillien, réformateur »[9] du troisième président de la Ve République. Il en vient même, en mai 1977, à publier une biographie de Valéry Giscard d'Estaing (La Marelle de Giscard, Club de livre) qui joue un « rôle capital dans les débats didées et les grands chocs politiques » du moment.

Période L'Express

C'est juste après que Le Nouvel Observateur en a assuré la promotion quil se décide à rejoindre Jean-François Revel à L'Express, en juin 1977. Expliquant son geste à la fois par un « besoin de changer et des divergences politiques », il se considère alors comme un social-démocrate « résolument anticommuniste » dont lestime peut aller à « certains dirigeants du PS dignes de confiance »[10] mais pas au PCF.

Entré comme éditorialiste avec la liberté dappeler à voter à gauche aux prochaines élections législatives, il entre au comité éditorial en août 1977 avant dêtre nommé, deux mois plus tard, rédacteur en chef, chargé des projets à long terme. En septembre 1978, il devient rédacteur en chef, adjoint au nouveau directeur, son ami Jean-François Revel. À ce poste, il nhésite pas à débaucher Jean-Francis Held en 1979 et à essayer de faire de même avec Franz-Olivier Giesbert, Claire Bretécher et François Caviglioli. Soutenant Jean-François Revel dans sa recherche de grandes signatures dans le domaine intellectuel, ils suivent globalement la ligne de ce dernier jusqu'à ce que, en mai 1981, entre les deux tours de l'élection présidentielle, la couverture de l'hebdomadaire (elle présentait les visages de François Mitterrand et celui de Valery Giscard d'Estaing côte à côte) est jugée trop favorable à la gauche aux yeux du propriétaire du journal. Celui-ci licenciera Olivier Todd. En signe de solidarité, Jean-François Revel démissionnera.

Après avoir publié chez Grasset des romans comme La Négociation (1989) et La Sanglière (1992), il sen détache à la fin des années 90 comme le montre son roman Corrigez-moi si je me trompe publié chez Nil éditions en 1998. Il se recentre alors sur la biographie en publiant, dans la prestigieuse collectionNRF Biographiesde Gallimard, celles dAlbert Camus (1996) et dAndré Malraux (2001).

Notes

  1. Olivier Todd, Un fils rebelle, Paris, Grasset, 1981, p. 32
  2. Olivier Todd, Un fils rebelle, Paris, Grasset, 1981, p. 205.
  3. Entretien de Jean Moreau avec François Kraus le 9 juillet 2004.
  4. Jean Daniel, Lère des ruptures, Paris, Grasset, 1979, p. 175.
  5. Entretien dOlivier Todd avec Cathy Pas le 13 mai 1990 in Cathy Pas, op. cit., p. 172.
  6. Olivier Todd, Un fils rebelle, Paris, Grasset, 1981, p. 237.
  7. Olivier Todd, Un fils rebelle, Paris, Grasset, 1981, p. 238.
  8. Entretien dOlivier Todd avec Cathy Pas le 13 mai 1990 in Cathy Pas, op. cit., p. 172.
  9. Article anonyme, « Peut-on être journaliste au Nouvel Observateur et écrire un livre sur Valéry Giscard d'Estaing ? », Journal de la Presse, n°623 mai 1977.
  10. Yves de Saint-Agnès, Olivier Todd : la passion de lécriture, Journal de la Presse, n°315 juin 1978.

Œuvres

Romans
  • 1960 : La Traversée de la Manche''
  • 1976 : Les Canards de Ca Mao
  • 1977 : L'Année du crabe
  • 1986 : Un Fils rebelle
  • 1989 : La Négociation
  • 1992 : La Sanglière
  • 1998 : Corrigez-moi si je me trompe
  • 2011 : J'ai vécu en ces temps
Biographies
  • 1977 : La Marelle de Giscard : 1926-1974
  • 1984 : Jacques Brel, une vie
  • 1996 : Albert Camus, une vie
  • 2001 : André Malraux, une vie
Divers
  • 1969 : Des trous dans le jardin
  • 1973 : Les Paumés
  • 1979 : Portraits
  • 1982 : Un Cannibale très convenable
  • 1983 : Une Légère Gueule de bois (essai)
  • 1985 : La Balade du chômeur
  • 1975 : Cruel avril
  • 1987 : La Chute de Saïgon
  • 2005 : Carte d'identités (souvenirs)

Lien externe


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Olivier Todd de Wikipédia en français (auteurs)

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