Ogresse

Ogresse

Ogre

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L'Ogre égorgeant par méprise ses propres filles dans Le Petit Poucet. Illustration de Gustave Doré de 1867

Un ogre (fém. ogresse) est, dans les traditions et contes populaires, un homme monstrueux qui se nourrit de chair fraîche et dévore les enfants.

Sommaire

Étymologie

Norandino et Lucina découverts par l'Ogre, œuvre de Giovanni Lanfranco peinte en 1624 en illustration de Orlando furioso

On a longtemps prétendu que le terme ogre était une création soit de Charles Perrault (1628-1703), soit de Madame d'Aulnoy (1650-1705). Selon certaines sources, il s'agirait d'une déformation de Hongrois[1], en référence aux destructions commise par les Huns à la fin de l'Antiquité. Cette proposition a depuis été contestée, le terme roman pour désigner ces derniers ne pouvant aboutir à cette transformation.

Il est plus communément admis de nos jours que le terme est inspiré de l'œuvre de Giambattista Basile (1575-1632), qui utilise le terme napolitain de uerco (ou orco en italien), lui même dérivé du latin Orcus (enfer, dieu de l'enfer). Un exemple précoce du orco apparaît cependant dès 1516 dans Orlando furioso, œuvre du poète italien Ludovico Ariosto, comme un monstre bestial et aveugle inspiré du cyclope de l'Odyssée.

Le mot « Ogre » dans sa forme française apparaît pour la première fois dans l'œuvre de Perrault dans les Contes de ma mère l'Oye en 1697. L'auteur en donne la définition suivante en note de l'un de ses contes : « Homme sauvage qui mange les petits enfants »[2]. La comtesse d'Aulnoy le reprend à son compte l'année suivante, en 1698, dans son récit l'Oranger et l'Abeille.

Folklore, contes et mythologie

Les Ogres sont dépeints comme des brutes géantes, hirsutes, inintelligentes et cruelles. Si dans l'imaginaire breton, l'Ogre géant est constructeur de mégalithes et de dolmens, sa figure a été popularisée par Charles Perrault dans les Contes de ma mère l'Oye :

  • un des Ogres les plus fameux y est celui du conte le Petit Poucet.
  • un autre Ogre apparaît dans le Chat botté. Il a le pouvoir, tel Protée, de prendre une forme quelconque. Le Chat botté le mange après l'avoir mis au défi de se transformer en souris.
  • une des variantes de l'Ogre est le personnage de la Barbe bleue, qui tue les femmes qu'il épouse sans toutefois les manger.

La mythologie grecque, à travers le personnage de Cronos (Saturne chez les Romains) dévorant ses propres enfants, préfigure l'ogre primaire, qu'on retrouve dans les peintures noires de Francisco Goya.

Portrait d'Ogres

Perrault n’abuse pas de la figure de l’ogre et n’y a recours qu’à trois reprises, avec deux ogres mâles et une ogresse. Dans les trois cas, les ogres occupent une position sociale élevée et sont riches :

  • l’Ogre du Petit Poucet possède quantité d’or et d’argent dont le héros finit par s’emparer
  • celui du Chat botté est maître d’un château entouré de vastes terres et vit dans l’opulence
  • quant à l’Ogresse de la Belle au bois dormant, elle n’est rien de moins que la reine.

Le cannibalisme, qui engraisse leur corps et les accroît jusqu’à en faire des géants, s’accompagne ainsi d’une profusion de richesses et de pouvoirs exceptionnels : mobilité extrême pour le premier grâce aux bottes de sept lieues, métamorphose pour le second et régence pour la dernière.

Les Ogres n'ont qu'une obsession : manger de la chair fraîche. Leurs mets de prédilection sont les petits enfants. À la différence du Loup, qui dévore ses victimes crues, l'Ogre aime que la viande soit préparée et cuite, en sauce, comme on accommode le veau ou le mouton.

On voit les Ogres bons amis. Celui du Petit Poucet se prépare à régaler ses amis Ogres de chair fraîche. Il est décrit comme « bon mari » et père de sept petites filles qu’il élève comme des princesses. Il finit cependant par s’évanouir, non par le trépas, mais dans son sommeil dès lors qu’on lui ôte ses bottes de sept lieues, comme s’il perdait alors tout pouvoir avec la disparition de ce signe extérieur de fortune et puissance.

Malgré leur taille, leur appétit, leurs richesses et leur position sociale élévée les rendant d'autant plus à craindre, les Ogres se laissent facilement berner : l’un par un marmot, l’autre par un chat, la dernière par son maître d’hôtel, même si elle finit par découvrir la supercherie : le Chat botté convainc sans mal l'Ogre de se transformer en souris, quant au Petit Poucet, il échange son bonnet de nuit et celui de ses frères contre les couronnes des filles de l'Ogre, ce qui conduira ce dernier à tuer sa progéniture.

Ogresses

Dans les contes, le personnage de l’Ogresse est tour à tour le pendant féminin du personnage de l’Ogre, c'est-à-dire un être déployant un appétit féroce pour la chair fraîche (mère du prince dans la Belle au Bois dormant, sorcière dans Hänsel et Gretel des frères Grimm), ou bien plus simplement la femme ou les filles d’un Ogre (Le Petit Poucet).

La Belle au bois dormant

Le personnage de l’Ogresse apparaît dans la seconde partie du conte de Perrault, bien souvent méconnue et abandonnée dans les adaptations postérieures. Elle est l’épouse du roi et mère du prince. Même si cette femme est d’un abord normal, quelques indices mettent le lecteur sur la voie : elle semble trop curieuse, des rumeurs courent sur son compte et son fils même se méfie d’elle :

« Le prince la craignait quoiqu’il l’aimât, car elle était de race Ogresse, et le Roi ne l’avait épousée que pour ses grands biens ; on disait même tout bas à la Cour qu’elle avait les inclinaisons des Ogres, et qu’en voyant passer de petits enfants, elle avait toutes les peines du monde à se retenir de se jeter sur eux ».

Elle n’a qu’une idée en tête, assouvir sa pulsion cannibale en dévorant la petite Aurore et le petit Jour, c’est-à-dire ses propres petits-enfants et leur mère. Elle va pour cela s’aider de la complicité de son maître d’hôtel en profitant de l’absence du père des enfants :

« Je veux manger demain à mon dîner la petite Aurore. – Ah ! Madame, dit le Maître-d’Hôtel. – Je le veux, dit la Reine (et elle le dit d’un ton d’Ogresse qui a envie de manger de la chair fraîche), et je la veux manger à la Sauce Robert. »

Il suffit ainsi que sa rivalité de marâtre avec une bru trop belle se trouve renforcée par les pouvoirs de régente que lui donne l’absence du roi son fils pour que ses instincts se déchaînent. Comble de tout, sa perversion s’exerce au sein de sa propre famille. Le maître d’hôtel attendri prend cependant la précaution de mettre les enfants et la princesse à l’abri dans son propre foyer et d’accommoder un petit agneau en remplacement d’Aurore, un petit chevreau à la place de Jour et une jeune biche au lieu de la jeune reine[3].

Hänsel et Gretel

Les deux enfants, perdus par leurs parents, gagnent, après avoir erré dans la forêt, une maisonnette de pain et gâteau, demeure de la sorcière Ogresse. Celle-ci veut engraisser le garçonnet et utilise la fillette comme domestique. Gretel la pousse dans le four, allumé pour cuire Hänsel. Les deux enfants finissent par regagner la maison de leur père en voyageant à dos de canard, non sans avoir auparavant mis la main sur les perles et pierres précieuses de l’Ogresse.

Le Petit Poucet

Les sept filles de l’Ogre sont qualifiées de « petites Ogresses » et présentées en ces termes dans le conte de Charles Perrault :

« L’Ogre avait sept filles, qui n’étaient encore que des enfants. Ces petites Ogresses avaient toutes le teint fort beau, parce qu’elles mangeaient de la chair fraîche comme leur père ; mais elles avaient de petits yeux gris et tout ronds, le nez crochu et une fort grande bouche avec de longues dents fort aiguës et fort éloignées l’une de l’autre. Elles n’étaient pas encore fort méchantes ; mais elles promettaient beaucoup, car elles mordaient déjà les petits enfants pour en sucer le sang ».

La femme de l’Ogre est également présentée comme Ogresse, mais seul son mariage lui vaut ce statut. Loin de se nourrir de chair fraîche et de vouloir manger les enfants, elle se fait leur complice en tentant de les cacher à son mari.

Portée symbolique

Le Petit Poucet s'emparant des bottes de sept lieues de l'Ogre (parc d'Efteling).

Le discours psychanalytique a tenté d'interpréter la figure de l'Ogre. Pour les disciples de Freud, il constitue l'image inversée et cauchemardesque du père, ce dernier ayant chez le conteur un rôle presque toujours extrêmement négatif. Aux yeux des mêmes interprêtes, il s'agit du transparent symbole du retour au ventre maternel. La sauvagerie de l'Ogre serait une transposition symbolique de la violence affective contenue dans les rapports familiaux[4].

Dans sa Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim voit dans l'Ogre un écho aux frayeurs des enfants en bas âge, au moment où joue la pulsion orale. Cette pulsion, qui pousse les enfants à porter tout objet à la bouche (le stade oral décrit par Freud), est perçue comme une puissance destructrice, qu'il faut réussir à surmonter. C'est ce que proposent les contes, en offrant aux enfants un scénario de victoire sur l'Ogre.

Formes contemporaines

La tendance contemporaine, vis-à-vis des personnages de contes « traditionnels », est de prendre le contre-pied de la tradition, et de leur attribuer les qualités qu'ils ne sont pas censés avoir ; ainsi, les ogres deviennent végétariens, gentils...

Shrek

Le personnage de Shrek est un cas à part. S'il a l'apparence d'un ogre, il n'en a pas les habitudes ni les mœurs : il vit seul, isolé, dans une cabane au fond des bois, et ne mange pas les enfants. Les gens ont tout de même peur de lui, uniquement en raison des apparences : il ressemble à un ogre, donc il doit forcément en être un, avec tout ce que cela entraîne.

La portée du conte de Shrek tient en ce qu'il ne faut pas se fier aux apparences. Le message a toute sa valeur dans notre société moderne de l'image : l'ogre a ainsi en réalité bon cœur et souffre de son isolement, la Princesse a un côté public (belle le jour) et privé (difforme la nuit), le prince charmant est en réalité vaniteux, égoïste et insupportable, le roi ne doit sa majesté qu'à l'amour et au baiser de sa femme, lui-même n'est qu'une grenouille etc.

Jeux vidéo

Dans Warcraft, un ogre est une créature humanoïde, monstrueuse et énorme, avec une tête pour les ogres guerriers ou deux têtes pour les ogres Mages ou Chamans. Ils sont répartis en Clan (dont les plus connus sont celles des Mok'Natal et des Yorrhem) et se sont autrefois ralliés à la Horde.

Dans Everquest, les ogres naissent à Oggok et peuvent être Belluaire, Berserker, Chaman, Fléau d'ombre ou Guerrier. Ils sont encore plus puissants et massifs que les Trolls. Ils constituent la race la plus forte de toutes et sont donc de très bons guerriers.

Dans Oblivion, un ogre est un humanoïde démesuré gris à petite tête qui vit dans des lieux froids et humides, tels que des milieux nordiques et des donjons.

Dans Ogre Battle: The March of the Black Queen, l'ogre est le côté sombre de l'être humain. Il est décrit comme une personne normale et est avide de pouvoir.

Dans Tekken, True Ogre est la vraie forme de Ogre, et est considéré comme une légende des Américains Natifs.

Dans Runescape L'ogre est un grand homme blanc sauvage qui a seulement un short, comme Tarzan.

Histoire

Ce personnage a été, en quelque sorte, personnifié dans la réalité, par Gilles de Rais ou, plus près de nous, par des criminels sadiques et cannibales tel Albert Fish. Les Britanniques surnommèrent Napoléon Ier l'Ogre.

Notes et références

  1. Dictionnaire de l'Académie française, (1932-1935)
  2. Mémoire de la France, éditions Larousse
  3. Charles Perrault, Contes (introduction, notices et notes de Catherine Magnien), éditions Le Livre de Poche Classique
  4. Mémoire de la France, éditions Larousse

Annexes

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Voir « ogre » sur le Wiktionnaire.

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • L’ogre en littérature : figure de l’Autre, peur du Moi de Claire Caillaud et Madeleine Daire, TDC, 1er mars 2000, n°791, p.1-37.
  • Édouard Brasey Le petit livre des ogres, Le pré aux clercs (ISBN 9782842283353)


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  • OGRESSE — s. f. C est le féminin d Ogre …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 7eme edition (1835)

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