Objecteurs de conscience

Objecteurs de conscience

Objection de conscience

Plaque dédiée aux objecteurs de conscience, Londres, 15 mai 1994

L'objection de conscience est un acte personnel de refus d'accomplir certains actes allant à l'encontre d'impératifs religieux, moraux ou éthiques dictés par sa conscience. Certains objecteurs se considèrent comme des pacifistes ou des antimilitaristes.

Souvent, l'objecteur de conscience refuse la conscription, l'appel au service militaire obligatoire. Les objecteurs refusent quelquefois de s'acquitter de la part des impôts qui contribue à la défense nationale. Depuis le début des années 2000 on voit apparaître l'expression calquée les objecteurs de croissance.

Quand la législation d'un pays autorise les objecteurs de conscience à effectuer un service alternatif à l'armée, on parle en général de Service civil.

Sommaire

Objection à la guerre et à sa préparation

Histoire

La constitution de Pennsylvanie (États-Unis États-Unis) donne dès septembre 1776 le droit à l'objection de conscience[1]. Ainsi, Henry David Thoreau y a recours en juillet 1846 lorsqu'il refuse de payer ses impôts à un État - le Massachusetts - qui est en guerre contre le Mexique et autorise encore l'esclavage [2].

En Allemagne nazie, durant la Seconde Guerre mondiale, les objecteurs de conscience étaient condamnés à mort.

Aux États-Unis, pendant la même guerre, environ 43 000 soldats refusèrent de combattre. 6 000 d'entre eux furent emprisonnés, représentant ainsi 1 interné sur 6 des prisons fédérales pendant cette période[3].

Raisons

Les motivations des objecteurs de conscience peuvent être multiples. La décision d'objecter est souvent le résultat d'une combinaison de facteurs :

  • Refus de se soumettre à l'autorité. Pour certains objecteurs, la soumission aux ordres ne peut être absolue. Les injonctions d'un policier, d'un juge ou d'un officier doivent être confrontées aux convictions personnelles. Exemples :
  • Religion. Les valeurs transmises par une religion sont souvent considérées comme plus fortes que celles de l'État. Leur interprétation pousse certains à refuser la participation à la guerre, tandis que d'autres se battent et meurent pour leur foi. Exemples :
  • Pacifisme. L'objecteur est persuadé que les conflits se résolvent de manière plus juste avec des moyens pacifiques comme la négociation et la diplomatie qu'avec les moyens guerriers. La paix ne peut pas être atteinte avec des moyens violents. Exemples :
  • Politique. Le contexte dans lequel un conflit se développe peut amener certains à refuser de participer aux forces armées. Exemples :

Formes

L'objection peut s'exprimer à différent stades d'un parcours individuel, ou de l'évolution d'une situation politique :

  • L'objection de grader. C'est le cas d'un simple soldat qui refuse de se trouver dans la situation de devoir donner des ordres. En Suisse, le soldat pointé pour grader est renvoyé devant le Tribunal militaire pour refus de servir s'il ne se soumet pas.
  • L'objection au service armé. Ou encore refus de servir dans les unités combattantes. L'administration militaire accepte parfois de placer les objecteurs comme soldats non armés dans les troupes sanitaires ou du train.
Le premier lieutenant américain Ehren Watada (en) a objecté sélectivement à la guerre d'Irak en 2006
  • L'objection à la conscription. C'est le refus de servir le plus courant, parfois nommé refus de l'appel. La plupart des pays proposent un service alternatif au service militaire, appelé le plus souvent service civil. Cette alternative figure dans certains traités internationaux.
  • L'objection à l'enrôlement. Le recrutement n'est possible que si les autorités disposent de listes de citoyens en âge de combattre. En Angleterre, l'organisation No-Conscription Fellowship créée à la fin de 1914 réunit rapidement près de 10'000 membres.
  • L'objection au service alternatif. Les objecteurs totaux ou insoumis refusent aussi le service alternatif, ou service civil, car il dépend encore de l'État. En allemand Totalverweigerer. Cela peut être le cas des anarchistes, et cela a été le cas de nombreux Témoins de Jéhovah (au moins jusqu'en 1995[4]).
  • L'objection à l'emprisonnement. Certains objecteurs ont refusé la peine de prison à laquelle ils avaient été condamnés. Soit pour faire une action symbolique pouvant être relayée par les médias, soit en se cachant ou s'expatriant.
  • L'objection à une guerre particulière ou objection sélective. Pour l'objecteur ce n'est pas une guerre juste, ou bien il voit une guerre d'agression là où son gouvernement prétend mener une guerre défensive.
  • L'objection aux impôts militaires ((en) Conscientious objection to military taxation). Dans tous les pays ayant une armée, une partie des impôts lui est consacrée. Des individus refusent alors de payer tout ou partie de ces impôts. Des associations naissent, par exemple en Angleterre en 1906-1918 la Women's Tax Resistance League, aujourd'hui au Canada Nos impôts pour la paix, aux États-Unis la National Campaign for a Peace Tax Fund.
  • L'objection à l'effort de guerre. C'est-à-dire refuser de mettre sa force de travail au service de la guerre.
  • L'objection à l'exercice d'obscurcissement en Suisse (imposé par les autorités pour éviter les bombardements des villes). Refus choisi par Pierre Ceresole en 1938 car « Il ne faut plus faire appel à la peur pour motiver notre effort vers la paix »[5].

Parfois les objecteurs se regroupent :

  • L'objection collective donne une dimension politique au refus. Le soutien de l'opinion publique est recherché. C'est le cas particulièrement pour l'objection aux impôts militaires.

Dans le monde

Belgique

En Belgique, Léo Campion et Marcel Dieu sont les premiers à avoir refusé la conscription en 1933. Jean Van Lierde a ouvert la voie à la reconnaissance juridique de l'objection de conscience en déclarant son objection en 1949. Sa déclaration du 3 octobre 1951 devant le Conseil de guerre est publiée sous le titre "Pourquoi je refuse d'être soldat" (publiée en 1956 par Internationale des résistants à la guerre-IRG). Jean Van Lierde a été emprisonné et a consigné ses réflexions de cette époque dans "Les cahiers de prison de Jean Van Lierde 1949-1952".

Il faut attendre le 30 décembre 1955 pour que les ministres de la Justice et de l'Intérieur saisissent le gouvernement d'un projet de statut. Le ministre de la Défense nationale prend alors la décision de chasser de l'armée les objecteurs après 18 mois de prison, en les privant de leurs droits électoraux.

De 1949 à 1961, en Belgique, 600 objecteurs de conscience totalisent plus de 1 000 années de prison. De nombreux mouvements pacifistes soutiennent les objecteurs, dont l'IRG-WRI, le Mouvement international de la réconciliation (MIR -IFOR) animé par un pasteur objecteur qui s'est vu refuser pour cette raison la consécration par son Église réformée de France et qui a été recueilli par l'Église chrétienne missionnaire belge, le Comité Pax de coordination pour la paix mondiale, la Ligue des Citoyens du monde, le Service civil volontaire international (SCI), les Jeunes gardes socialistes qui, sans discontinuer, luttent dès 1950 pour la reconnaissance légale de l'objection de conscience et qui adoptent en mars 1960 une résolution demandant la suppression du service militaire obligatoire et envisagent la suppression de l'armée, etc.

Dès le 21 juin 1961, sur proposition des représentants des objecteurs, dont Jean Van Lierde, à l'occasion de la Table ronde belgo-congolaise à Bruxelles de janvier 1960, la loi sur la milice est modifiée, amendement qui permet à certains jeunes (uniquement ceux qui détiennent le diplôme requis) d'effectuer un service civil pendant trois ans, sans risquer d'être condamnés pour objection de conscience. Dès septembre, les demandes affluent au ministre de l'Intérieur. Ce type de service dans la coopération et le développement, toujours en vigueur actuellement, est alors limité à certaines professions : enseignants, ingénieurs techniciens, médecins, pharmaciens, biologistes, dentistes, assistants sociaux, radio-techniciens et licenciés en sciences poli- tiques et administratives appliquées aux pays en voie de développement.

En mai 1963, trois prêtres, à l'instar de la démarche en Suisse de Pierre Annen et Arthur Villard, refusent un rappel militaire de quelques semaines, par solidarité avec les dizaines d'objecteurs emprisonnés. Cette « affaire » eut en Belgique un grand retentissement.

Finalement, le statut sera adopté par le Sénat en juin 1963 et par la Chambre des représentants en mai 1964, en dépit des pressions exercées par les associations patriotiques et d'anciens combattants, visant à empêcher ou retarder le vote. Cette consécration a donc eu lieu après quatorze années de lutte et le dépôt de plusieurs propositions et projets de loi. Pour comparaison, en Suisse, le même postulat a été déposé pour la première fois au début du siècle écoulé.

La loi de 1964, qui a pour but principal de mettre fin au scandale des emprisonnements d'objecteurs, est restrictive. Les objecteurs sont affectés à la Protection civile ou au service militaire non armé, avec les problèmes qu'on imagine (affectations au réseau d'alerte nucléaire ou aux meetings de la Force aérienne, punitions, corvées). Les motifs politiques ne sont pas reconnus. La loi n'autorise pas à se proclamer objecteurs ceux qui le sont devenus après ou pendant leur service militaire. Trois ans après son adoption, les objecteurs se mettent en grève, mouvement qui va hâter l'adoption des premières modifications importantes du statut.

Parmi les autres innovations qu'apporta la loi du 22 janvier 1969 (accès à l'exemption pour service à la coopération, possibilité d'obtenir le statut après le service militaire mais avant le premier rappel, introduction des interdictions d'exercer un métier en rapport avec l'usage, le port, la fabrication ou la vente des armes et munitions), c'est l'institution expérimentale de «l'affectation à des tâches d'utilité publique» qui transforma le plus profondément le statut des objecteurs de conscience. Cinq ans plus tard, les objecteurs qui veulent rester à la Protection civile ne sont plus qu'une minorité.

En 1974, les objecteurs dénoncent une circulaire du ministre de l'Intérieur limitant leur liberté d'expression : toute interview ou toute prise de parole en public relative au statut est subordonnée à son autorisation. Jean Van Lierde intervient vigoureusement, mais cette circulaire ne sera abrogée qu'en 1977.

La période de 1975 à 1984 voit une mobilisation constante des objecteurs qui tentent d'améliorer leurs conditions matérielle; ils sont censés vivre de la même solde que les miliciens et d'une allocation de nourriture calculée au plus juste. Mais c'est pourtant durant cette décennie qu'ils s'affirment comme un élément essentiel de la vie sociale : organismes publics, établissements d'enseignement officiels et libres, institutions de soins, fondations en tout genre se font agréer pour l'affectation d'objecteurs - et se les disputent.

La loi du 3 juillet 1975 apporte diverses réformes positives : notamment, la motivation de la demande de statut est libérée des catégories étroites (raisons d'ordre religieux, philosophique ou moral) de la loi de 1964 qui avaient mis certains requérant en difficulté. L'objecteur peut désormais choisir entre quatre types de service :

  • service militaire non armé (même durée que le service militaire) ;
  • service civil à la PC (une fois et demie la durée du SM) ;
  • service civil dans des organismes de soins de santé ou d'assistance aux personnes âgées ou handicapées (idem) ;
  • service civil dans des organismes socio-culturels (deux fois la durée du SM).

Et Jean Van Lierde de souligner que cette loi «marque vraiment un tournant décisif pour tous les pacifistes et les organisations antimilitaristes. Il est même probable qu'elle engendrera la concrétisation d'un vieux projet visant à la formation régulière à la résistance civile non violente de tous les objecteurs en service, et des autres !»

De juin 1964 à décembre 1993, 31 010 Belges - toutes catégories confondues - se sont fait reconnaître objecteurs de conscience, en vertu du statut que les pionniers comme Jean Van Lierde avaient finalement arraché. En 1984, 70 % des objecteurs effectuaient leur service dans le secteur socioculturel, 25 % dans le secteur des soins de santé et 5 % pour la Protection civile. Le statut va connaître une période de régression à partir de 1985, suivie d'une normalisation dès 1989, après l'arrivée aux affaires d'une nouvelle équipe gouvernementale. Toujours handicapés par leurs conditions précaires, les objecteurs accomplissent leur service civil dans les organismes qui comptent sur eux toujours davantage. Ils sont intégrés dans la société.

L'attitude constante des gouvernements successifs a consisté à contenir leur nombre et leur influence dans des limites telles que le contingent de l'armée ne se trouvât pas menacé. L'instrument permanent de cette politique a été la durée déraisonnable du service civil.

Dès 1994, la Belgique n'a plus de conscription. La suspension du statut a mis en lumière que la qualité d'objecteur de conscience continuait à produire ses effets dans la vie de l'intéressé. L'aspect le plus connu est celui des interdictions professionnelles : devenu travailleur, l'objecteur avait le devoir, mais aussi le droit, de refuser des activités contraires à son engagement.

France

En France, la mise en place d'un statut légal de l'objection fut précédée d'une longue lutte (avec notamment la grève de la faim du vieux militant anarchiste Louis Lecoin). Un statut fut adopté en décembre 1963.

La durée du service national civil actif des objecteurs de conscience a toujours été deux fois plus longue que celle du service national militaire, quelles que soient les modifications successives de la durée de ce dernier, et ce depuis le premier statut (loi n° 63-1255 du 21 décembre 1963) des objecteurs de conscience : 32 mois et 16 mois, puis 24 mois et 12 mois, enfin 20 mois et 10 mois.

Les objecteurs étaient affectés à la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS), aux Eaux et Forêts ou dans des associations selon l'époque.

Aujourd'hui, le statut d'objecteur de conscience a disparu en même temps que le service national obligatoire (suivant la loi 97-1019 du 8 novembre 1997 et la suspension du service national en 2001). Il permettait d'effectuer le service national en dehors de l'armée.

Limitations

L'article 11 de la loi de 1963 interdisait à quiconque de faire connaître cette loi sous peine de graves sanctions pénales. Saisi à plusieurs reprises en raison de l'axiome « nul n'est censé ignorer la loi » le Conseil constitutionnel ne corrigea pas ce contre-sens. Toutefois il y eut peu de poursuites dans les faits, car paradoxalement ce genre d'action judiciaire engendrait des retombées médiatiques peu propices à la discrétion souhaitée par le législateur.

L'article 12 quant à lui prévoyait l'intervention d'un décret pour interdire l'accès des objecteurs à certains emplois ; ce décret n'est jamais paru.

La loi n° 71-424 du 10 juin 1971, créant le Code du service national, prévoyait que la durée de leur service national ne serait pas prise en compte dans l'ancienneté de la fonction publique, pour leur avancement, et pour leur retraite. Cette discrimination spécifique perdure puisque la loi n° 83-605 du 8 juillet 1983, modifiant le Code du service national et relative notamment au nouveau statut des objecteurs de conscience, ne l'a supprimée que pour les seuls fonctionnaires ayant accompli leur service national à compter du 10 juillet 1983 (absence de rétroactivité). Cette discrimination envers les fonctionnaires a toutefois été corrigée par le Conseil d'Etat dans sa décision n° 278041 du 10 mai 2006 (rendue en cassation).

Cette discrimination n'existe plus dans le secteur privé où la durée du service national des objecteurs de conscience, quelle que soit sa date d'accomplissement, est prise en compte dans l'ancienneté et la retraite du régime général des salariés pour toutes les retraites liquidées à partir du 1er janvier 2002.

Article détaillé : Service civil volontaire (France).

Suisse

Article détaillé : Service civil (Suisse).

En Suisse, l'obligation générale de servir apparaît avec la première Constitution helvétique de 1798. À la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles, les mennonites et les anabaptistes refusent d'accomplir un service armé. Les cantons adoptent diverses attitudes. Parfois ces objecteurs religieux peuvent fournir un remplaçant, ou servir dans les services sanitaires ou du train, ou encore comme aumônier. Certains sont condamnés à des corvées, à l'amende, à des peines disciplinaires, à la réclusion ou au bannissement. L'exclusion du territoire est la règle dans plusieurs cantons qui ne reconnaissent pas ces sectes.

Suite à une avalanche aux Ormonts, des objecteurs de conscience montrent par l'exemple la valeur d'un service alternatif (1924)

Le service militaire est constitué d'une formation de base (école de recrues, 4 mois) suivie de rappels de deux ou trois semaines chaque année (cours de répétition), puis d'inspections et de tirs obligatoires. Les hommes qui n'effectuent pas ces périodes de service militaire sont astreints au payement d'une taxe militaire (impôt sur le revenu). L'obtention d'un statut de service civil en Suisse est venue suite à plusieurs campagnes. Des groupes de pression ont fait des pétitions et des initiatives populaires (référendum proposant une modification de la Constitution fédérale).

En 1903, l'antimilitariste socialiste Charles Naine objecte après avoir fait son école de recrues et trois cours de répétitions. Il se fonde sur l'enseignement chrétien, mais donne une dimension politique à son acte : le texte de sa plaidoirie est diffusé à 20 000 exemplaires. À la suite de la condamnation de Naine, le pasteur Paul Pettavel adresse une première pétition aux autorités fédérales, demandant l'instauration d'alternatives pour les objecteurs au service ou à la taxe militaires. En 1915, le Vaudois John Baudraz est condamné à plusieurs mois de prison et perd sa situation (maître d'école) pour avoir refusé d'accomplir ses devoirs militaires en raison de son idéal chrétien. Pierre Ceresole, lui-même à la recherche d'une cohérence entre ses convictions et ses actes, est impressionné par l'objection de Baudraz ; il refuse en 1917 de payer la taxe militaire et est condamné à la prison. Pierre Ceresole fonde en 1920 le Service civil international comme alternative volontaire au service armé. Plusieurs objecteurs de conscience sont condamnés en 1932.

La loi suisse distingue les objecteurs de conscience, les réfractaires et les déserteurs (ces derniers uniquement en temps de guerre). Ceux qui peuvent démontrer devant le tribunal militaire leur grave conflit de conscience sont reconnus comme objecteurs de conscience et ont une peine limitée à 6 mois de prison, pour les réfractaires la peine maximale est de 3 ans. Dans les années 1960 à 1990, ce sont chaque année plusieurs centaines d'objecteurs qui sont condamnés à des peines de prison, d'une durée de 3 à 18 mois en général pour ceux qui refusent déjà lors de l'école de recrues. Certains refusent, comme Charles Naine, après avoir effectué plusieurs périodes de service militaire, leur peine est alors réduite. L'exclusion de l'armée n'est pas automatique, elle est prononcée par le tribunal comme faisant partie de la peine. Si l'objecteur ne montre pas sa détermination, il risque d'être condamné à une peine avec sursis et sans exlusion de l'armée.

L'initiative populaire fédérale pour un authentique service civil basé sur la preuve par l'acte, lancée en 1977, est rejetée par le peuple en 1984 par 64 % des votants. En 1978, René B. est au centre d'une campagne de refus de la prison (objection totale).

En 1992, l'arrêté fédéral sur l'introduction d'un service civil pour les objecteurs de conscience est accepté en votation populaire (82 % de oui). La loi d'application entre en vigueur en 1996.

Objection dans des domaines non militaires

Des personnes et des mouvements se définissent comme des objecteurs de conscience ou appellent à l' objection de conscience dans des domaines autres que la guerre.

Économie

En politique économique, il existe des objecteurs de croissance qui prônent la décroissance soutenable[6]. Dans le domaine de l'emploi, des travailleurs revendiquent le droit de refuser certains contrats. En particulier les chômeurs sont parfois contraints d'accepter un emploi convenable dans un domaine ou dans une société dont les objectifs sont contraires à leurs valeurs[7].

Santé

Du côté des assurés, certains refusent de payer l'assurance maladie obligatoire en Suisse. Depuis 2001, un mouvement est né contre ce qui est ressenti comme des choix politiques inadéquats et une absence de respect de la vie. Certains se regroupent sous la bannière Notre santé c'est notre affaire. L'objection peut aussi concerner les professionnels de la santé : une clause permet à certains de refuser de pratiquer des actes qu'ils estiment contraire à leur conscience, particulièrement l'avortement ou l'euthanasie active. L'Académie pontificale pour la vie appelle en 2000 dans un communiqué à faire acte d' objection de conscience morale contre la pilule du lendemain, considérée comme une forme d'agression à l'égard de l'embryon humain.

Dans le domaine des soins, l'objection de conscience consiste en un refus de fournir un traitement ou une prestation, fondé sur des valeurs personnelles de nature morale, religieuse ou éthique qui sont contraignantes pour le professionnel de la santé concerné.

Le conflit de conscience peut survenir dans presque tous les secteurs de la médecine et dans toutes les disciplines médicales. Certaines spécialités sont plus problématiques comme la gynécologie (ex: IVG et procréation médicalement assistée), la génétique médicale et le prélèvement d'organes à des fins de transplantation. L'objection de conscience se rencontre aussi souvent dans les soins intensifs, la néonatalogie ou les soins palliatifs destinés aux personnes en fin de vie ou âgées.

En Suisse

Les professionnels de la santé dans certains cantons (pour la Suisse romande en Valais, Genève[8], Fribourg) ont le droit, de par la loi cantonale sur la santé, de refuser de participer à des interventions et d'accomplir des prestations médicales contraires à leurs convictions personnelles, éthiques ou religieuses (un avortement par exemple). Dans ces cas, ils doivent diriger le patient vers un autre thérapeute.

En revanche, dans les cas d'urgence, tout professionnel de la santé, quelles que soient ses convictions personnelles, est tenu de porter les secours qui, d'après les circonstances, peuvent être raisonnablement exigés de lui[9].

Le 2 juin 2002, le peuple suisse a adopté une modification du code pénal relative aux dispositions concernant l'interruption de grossesse. Dans les discussions qui ont précédé cette modification, la proposition avait été faite d'insérer dans la nouvelle législation le texte suivant : « Tout membre du personnel médical est en droit de refuser de participer à une interruption de grossesse si sa conscience le lui interdit. Le médecin est alors tenu d'informer immédiatement la femme enceinte de son refus et de la renvoyer à un établissement où l'intervention pourra être pratiquée». Ce texte n'a pas été accepté ; en effet, «une telle norme relève de la compétence des cantons. »

La problématique des conflits de conscience dans le cadre de l'exercice de professions du secteur de la santé a fait l'objet, à la demande du Département Fédéral de Justice et Police, d'un rapport paru le 12 mars 2002. Les grandes lignes de ce rapport sont les suivantes : il n'existe que des données très vagues sur la fréquence des conflits de conscience survenant chez des professionnels de la santé. La fin de vie ou à l'interruption de grossesse, la procréation médicalement assistée, la génétique médicale et les prélèvements d'organes à des fins de transplantation peuvent poser des problèmes de conscience aux soignants. Le groupe de travail, auteur du rapport a estimé qu'il n'est pas nécessaire pour la Confédération de légiférer actuellement mais que ce sont les établissements de santé qui devraient établir leurs propres règles en se basant sur un modèle encore à définir.

Il n’y a donc pas de loi fédérale sur l’objection de conscience dans les soins puisque le Département fédéral de justice et police s’est prononcé contre. Il a estimé que cela ne relève pas de sa compétence, mais de la compétence des cantons étant donné que la santé relève du domaine cantonal. La confédération par contre garantie la liberté de religions et de conscience dans la constitution à l’article 15, ce qui d’après le monde politique doit suffire avec la loi sur le travail à la protection du professionnel des soins[10] .

Notes et références

  1. Bernard Cottret, La Révolution américaine : La quête du bonheur 1763-1787, Paris, Perrin, 2003, (ISBN 2262018219), p.190
  2. La Möelle de la vie : 500 aphorismes de H.D. Thoreau, in Thierry Gillyboeuf, la simplicité volontaire .
  3. Howard Zinn, Une histoire populaire des États-Unis, De 1492 à nos jours, Marseille, Agone, 2003, ISBN 2-9108-4679-2[réf. incomplète]
  4. Voir Neutralité politique chez les Témoins de Jéhovah.
  5. Hélène Monastier, Pierre Ceresole d'après sa correspondance, Neuchâtel, La Baconnière, 1960, p. 145
  6. Voir par exemple le dossier "Les objecteurs de croissance" de la revue "Alternatives non-violents" n°144 de septembre 2007 [1].
    Voir Réseau objection de croissance (ROC) - Suisse.
  7. Jean Jacqmain, Chronique juridique. Le point sur "l'objection de conscience à certains emplois", B.F.A.R., n° 120-121, 1982
  8. Genève : voir l'article 82 Objection de conscience de la Loi sur la santé du 7 avril 2006. K 1 03: Loi sur la santé.
  9. Réflexion de la Commission d'éthique quant à l'objection de conscience du personnel hospitalier, Commission cantonale d'éthique de Neuchâtel, 8 avril 2003 [2].
  10. Site de l'administration fédérale [3].

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Source

Bibliographie

  • Michel Auvray, Objecteurs, insoumis, déserteurs : histoire des réfractaires en France, Stock, Paris, 1983
  • Marilène Clément, Henri Fronsac et Pie-Raymond Régamey, Non-violence et objection de conscience, Casterman, coll. Toute la question, Paris, 1962
  • A. J. Muste, La sainte désobéissance, War Resisters' International, 1968
    A. J.Muste, figure de pointe aux États-Unis pour le pacifisme intégral, décrit les arguments pour une objection totale
  • (en) Merja Pentikainen, The right to refuse military orders, International Peace Bureau, Zürich, 1994
  • (en) Bart Stolwijk, Marc Horeman, Refusing to bear arms : a world survey of conscription and conscientious objection to military service, War Resisters' International, London, 1998
    Refusing to bear arms, une fiche par pays, datée, mises à jour sur internet
  • (en) Peter Young, Nigel Brock, Pacifism in the Twentieth Century, Syracuse University Press, 1999
    Analysis of the various movements advocating personal nonparticipation in war of any kind with endeavor to find nonviolent means of resolving conflict
  • Xavier Godinot [et al.], Objection de conscience, Mouvement pour une alternative non-violente (MAN), 1978
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