- Conference de Zimmerwald
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Conférence de Zimmerwald
La conférence de Zimmerwald, du nom du village suisse où elle se tint, fut organisée par des dirigeants socialistes, au cours de la Première Guerre mondiale, en septembre 1915, pour rassembler des socialistes restés fidèles à l'internationalisme, dans la perspective de lutter contre la guerre et contre le triomphe du chauvinisme et du militarisme dans la social-démocratie. En effet, ils voyaient comme du nationalisme le fait que la plupart des dirigeants de celle-ci participaient dès 1914 à des gouvernements d'union sacrée qui prenaient part à la guerre.
La fraction du SPD au Reichstag vota les crédits de guerre et l'Union Sacrée le 4 août 1914, contrairement à leur programme et leurs engagements internationaux. La Deuxième Internationale se désagrégea, les socialistes français soutinrent l'entrée en guerre de leur pays. Jean Jaurès s'opposa alors aux autres socialistes et mit en avant ses positions pacifistes[1]. Il fut assassiné peu de temps avant l'entrée en guerre par un nationaliste. Le peu d'opposants à la guerre au sein du SPD se regroupèrent le 5 août au sein de la Gruppe Internationale de laquelle naquit le groupe en 1915 puis la Ligue spartakiste en 1918. Ils aspiraient à une révolution socialiste qui devait également éviter les guerres futures de manière efficace. En décembre 1914 Karl Liebknecht refusa de voter les crédits de guerre, Otto Rühle fit de même en janvier 1915. Quelques mois plus tard, les socialistes qui ne se sont plus reconnus dans l'action de leur parti se réunissent à Zimmerwald.
Sommaire
La Conférence
La conférence de Zimmerwald se tint en Suisse du 5 au 8 septembre 1915. Elle réunit au total trente-huit délégués de différents pays d'Europe[2]. Ces délégués représentaient des groupes socialistes en opposition avec les partis officiels qui soutiennent comme la SPD ou la SFIO l'entrée en guerre de leurs pays respectifs. Dans le manifeste rédigé par Léon Trotsky, on peut d'ailleurs lire concernant le SPD : « Étant donné son attitude à l'égard de la guerre, le Parti officiel n'a pas été invité » et pour la SFIO « Ici également on a dû s'abstenir d'inviter le Parti officiel qui est engagé dans la voie de la politique gouvernementale »[3]. La conférence réunit des représentants allemands, français, russes, italiens, britanniques, suisses, suédois, norvégiens, néerlandais, polonais, roumains, bulgares ainsi que des représentants de différents pays : Allemagne, France, Russie, Italie, Royaume-Uni, Suisse, Suède, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Bulgarie, ainsi que du Bund, l'organisation socialiste des travailleurs juifs en Europe de l'est.
Les délégués dénoncèrent la guerre dans un manifeste se composant de différents chapitres dont la Déclaration franco-allemande commune aux socialistes et syndicalistes français et allemands. La déclaration franco-allemande proclame : « Après un an de massacre, le caractère nettement impérialiste de la guerre s'est de plus en plus affirmé ; c'est la preuve qu'elle a ses causes dans la politique impérialiste et coloniale de tous les gouvernements, qui resteront responsables du déchaînement de ce carnage[4] ». La guerre est un produit de l'impérialisme[5], du chauvinisme et du militarisme. Ce manifeste appelle également à l'union des travailleurs de tous les pays dans la lutte contre la guerre : « Il faut entreprendre cette lutte pour la paix, pour la paix sans annexions ni indemnités de guerre. Mais une telle paix n'est possible qu'à condition de condamner toute pensée de violation des droits et des libertés des peuples[6] ». Les socialistes vont se rassembler par la suite à Kienthal du 24 au 30 avril 1916, leur rassemblement prenant une tournure plus révolutionnaire[7].
La conférence publia un manifeste, rédigé par Léon Trotsky, dénonçant la guerre comme barbarie directement produite par le capitalisme, ainsi que le chauvinisme et le militarisme : « Quels que soient les responsables immédiats du déchaînement de cette guerre, une chose est certaine : la guerre qui a provoqué tout ce chaos est le produit de l'impérialisme. Elle est issue de la volonté des classes capitalistes de chaque nation de vivre de l'exploitation du travail humain et des richesses naturelles de l'univers[8] ». Ce manifeste appelait également à l'union des travailleurs de tous les pays dans la lutte contre la guerre, et dénonçait les dirigeants socialistes ayant abandonné leurs idées.
La « gauche de Zimmerwald »
La conférence comprenait en réalité deux tendances distinctes, le manifeste publié reprenant leurs idées communes. La majorité pacifiste des délégués souhaitait que la conférence serve uniquement à affirmer la volonté de défendre les idées internationalistes et de s'opposer à la guerre impérialiste. Cependant, une minorité appelée la « gauche de Zimmerwald » et menée en particulier par Lénine, jugeait que la capitulation des dirigeants socialistes de la IIe internationale devant le nationalisme et la guerre constituait une trahison extrêmement grave. La IIe internationale s'étant donné comme priorité la lutte contre la guerre, cela signifiait la faillite de celle-ci. Pour Lénine, cet échec tragique rendait indispensable la fondation d'une nouvelle internationale, et la rupture totale avec les sociaux-démocrates ayant participé à l'union sacrée.
Toutefois, cette minorité voyait dans les résultats de la conférence, c'est-à-dire la réaffirmation de l'internationalisme, un "premier pas" pour la reconstruction du mouvement socialiste après la guerre sur des bases nouvelles.
Le chant de Zimmerwald
Zimmerwald est aussi le titre d'un chant communiste, faisant référence à cette conférence. Il a été écrit en 1936 par des militants trotskystes français, affirmant à l'approche de la guerre leur fidélité aux idées internationalistes.
En voici les deux dernières strophes :
« Voici un régiment qui passe.
Bétail marchant vers la guerre.
Sera écrasé par Zimmerwald. »
Dans les rangs des yeux clairs fixent notre drapeau
Mais l’officier oblige à se taire.
Au reflet des fusils le soleil a écrit :
Tu guideras nos pas, Zimmerwald.
Partout la parole de Lénine,
De Liebknecht et de Rosa
Retentit dans les champs, les casernes, les usines,
L’ennemi est dans notre pays ;
Si la guerre éclate, le bourgeois à abattreVoir aussi
Dirigeants du mouvement ouvrier de l'époque
Note : à l'exception de la Russie, les dirigeants socialistes étaient avant la guerre regroupés dans les mêmes partis. Ceux-ci ne se reconstruiront de façon séparée qu'à la fin de la guerre, suivant le clivage créé en 1914. Ils sont donc pour certains classés suivant le parti qu'ils choisiront après la guerre.
Sociaux-démocrates
- Jean Jaurès (mort en 1914)
- Jules Guesde
- Gustave Hervé
- Emile Vandervelde
- Friedrich Ebert
Socialistes internationalistes (communistes)
- Lénine
- Léon Trotsky
- Karl Liebknecht
- Rosa Luxemburg
- Giacinto Menotti Serrati (publie le manifeste de Zimmerwald dans L'Avanti!)
Syndicalistes
- Léon Jouhaux (rallié à l'Union sacrée)
- Alphonse Merrheim (hostile à la guerre tout d'abord, il rejoint l'aile droite de la CGT à la fin de la guerre)
- Pierre Monatte (hostile à la guerre)
Liens externes
- Compte-rendu officiel et manifeste
- Lettre envoyée par Karl Liebknecht à la conférence
- Article du journal "Lutte Ouvrière" présentant la conférence et son contexte
- Site où l'on peut écouter le chant "Zimmerwald" et consulter les paroles complètes
Notes et références
- ↑ Jean-Baptiste Duroselle, La Grande Guerre des Français, p.54.
- ↑ Michel Dreyfus, L'Europe des socialistes, 1889-1989, Complexe, 1991, p.68.
- ↑ Manifeste cité dans : Alexandre Zévaès, Histoire des partis socialistes en France. Le parti socialiste de 1904 à 1923, Paris, 1923, p.163.
- ↑ Manifeste cité dans : Nicolas Faucier, Pacifisme et antimilitarisme dans l'entre-deux-guerres, 1919-1939, Paris, 1983, p.35.
- ↑ Olivier Wieviorka/Christophe Prochasson, La France du XXe siècle: Documents d'histoire, Paris, 1994, p.222.
- ↑ Manifeste cité dans : Alexandre Zévaès, op. cit., p.166.
- ↑ Projet de manifeste pour la conférence de Kienthal
- ↑ Manifeste cité dans : Olivier Wieviorka/Christophe Prochasson, La France du XXe siècle: Documents d'histoire, Paris, 1994, p.222.
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