Néo-protestantisme

Néo-protestantisme

Protestantisme libéral

Le protestantisme libéral naît de la lignée théologique qui va de Friedrich Schleiermacher (1768-1834) et Adolph von Harnack (1851-1930) et en particulier de la révolution exégétique du XIXe siècle, dans laquelle s'illustrèrent Albert Ritschl (1822-1889) et Ernst Troeltsch (1865-1923) qui renouvellent la lecture de la Bible.

Au nombre de ses vulgarisateurs, on peut compter, en Allemagne, le pasteur Gustav Frenssen (1861-1945) (dont les Dorfpredigten se vendirent à 54 000 exemplaires) et, en France, le pasteur Charles Wagner qui meurt au moment où il est invité à présenter sa candidature à l'Académie française.

Toutefois, son acte de naissance est contresigné par trois parrains :

Une chronologie donnant un meilleur aperçu du contexte culturel et religieux de l'époque se trouve dans l'article spécialisé Crise moderniste. On peut, en effet, considérer que le protestantisme libéral suscite 2 réactions :

Au cours de cet article, on se rendra compte de l'envergure européenne de ce mouvement dont la liberté d'expression naît à la suite de la publication des ouvrages signalés ci-dessus mais dont les sources intègrent des courants de pensée autochtones issus de la philosophie des Lumières et de l'Encyclopédie, et parfois, remontant à la Réforme. En quelque sorte, dans le protestantisme, la tension est constante entre libéralisme et fondamentalisme : en remettant toute autorité en matière de foi et de morale à la Bible, c'est un fondamentalisme, en critiquant toute institution ecclésiale et tout magistère, c'est un libéralisme.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, il est principalement présent au sein des Églises réformées ; on note toutefois une association luthérienne libérale basée à Strasbourg et actuellement présidée par le pasteur Ernest Winstein.

Sommaire

Caractéristiques

Parcours européen

En Allemagne

Le courant assume l'héritage du passé et affronte le défi de la théologie dialectique.

  • 30 sept 1863, fondation à Francfort du Deutsche Protestantverein, qui se donne pour objet "la rénovation de l'Église protestante conformément à l'esprit de liberté évangélique et l'évolution culturelle de notre temps".
  • 1887 fondation du journal luthérien Die Christliche Welt qui voulait se faire l'écho des trois grands courants théologiques présents en Allemagne :
    • l'orthodoxie d'Erlangen,
    • le protestantantisme traditionnaliste de Halle,
    • le protestantisme libéral de Tübingen.

Son directeur est Martin Rabe, un ami de Adolph von Harnack ; le journal devient vite le porte-parole du seul protestantisme libéral. Ses mots d'ordres sont :

  • Contre le cléricalisme et le dogmatisme,
  • Pour la liberté de conscience et de recherche,
  • Pour la promotion d'un protestantisme largement ouvert aux problématiques du monde moderne, e.g., la désaffection des masses populaires et le progrès de la libre-pensée socialiste.

Dans une conférence sur "la situation présente du protestantisme", Harnack déclare  : "La vieille foi évangélique doit donc être formulée dans un langage nouveau et simple, celui de notre temps"

Le piège nationaliste

Dans la critique tendancieuse qui en fut faite, on doit citer des thèses comme celle-ci : À force de s'imprégner de la modernité, la théologie s'immerge dans l'esprit du temps. C'est le Kulturprotestantismus qui se laisse gagner, comme le traditionalisme luthérien par une foi de guerre. En août 1914, le manifeste des 92 intellectuels allemands soutenant la politique belliciste de Guillaume II sera signé par Harnack et quelques autres théologiens libéraux.

Karl Barth (1886-1968) y découvre quasiment le nom de tous ses maîtres et déclare que la théologie du XIXe siècle n'a plus d'avenir. La théologie dialectique est une théologie de crise en rupture avec la théologie libérale au point de fonder une nouvelle orthodoxie. En 1934, Barth et Niemöller seront les principaux rédacteur de la déclaration de Barmen, celle de l'Église confessante, i.e. la minorité protestante qui résistera au nazisme. La majorité conservatrice, celle qui se compromet avec le nazisme, est illustrée par Sigrid Hunke.

Aux lendemains de la guerre, Barth mettra en cause la théologie libérale, à ses yeux compromise et, de ce fait, disqualifiée. Auréolé de sa Résistance, le barthisme prendra le pouvoir dans les instances ecclésiastiques et étouffera le courant libéral. C'est ce que montre Jean Baubérot dans son étude Émergence d'une orthodoxie nouvelle au XXe siècle (1991).

Bernard Reymond, théologien suisse de Lausanne dénonce l'interprétation barthienne qui met en cause la théologie libérale dans son attitude face au nazisme, dans son ouvrage "une église à croix gammée ? Le protestantisme allemand au début du nazisme" (1980) :

"loin d'être le repaire des théologiens libéraux, le mouvement des chrétiens-allemands n'en a probablement compté qu'un seul dans ses rangs ; en revanche, on y rencontrait nombre de chrétiens orthodoxes, tandis que plusieurs théologiens libéraux et non des moindres (ainsi Hans von Solen) rejoignirent l'Église Confessante'"'

Pour s'imposer Barth avait mis entre parenthèses :

  • les conditions culturelles d'élaboration de son message,
  • la plausibilité culturelle du message chrétien.

Petit à petit, ces questions proprement libérales reprennent de l'influence et si l'on entend moins parler, c'est qu'elles ont imprégné tous les courants théologiques parmi lesquels les post-barthiens, dont certains compagnons de route du théologien, qui lui-même choisit de finir sa carrière éditoriale par des textes à proprement parler libéraux : Parole de Dieu, parole humaine, et une oeuvre inachevée : la création artistique, réponse de l'homme à la création du monde par Dieu.

De nos jours

Le protestantisme libéral allemand s'exprime dans un bimestriel « Freies Christentum. Auf der Suche nach neuen Wegen » ([fr] : Libre christianisme ; à la recherche de nouvelles voies).

En France

Ce courant a existé tout au long du XIXe siècle. Parmi ses héraults furent Thimothée et Antoine Colani (orateur remarqué au Synode de 1872), et plus connu Félix Pécaut, l'un des proches de Ferdinand Buisson, fondateur du Parti Radical. Tous deux furent particulièrement actifs dans la fondation de l'école laïque et les prémices du mouvement féministe. De façon significative, Félix Pécaut, après un bref passage dans le ministère pastoral (il refusait de lire le Symbole des apôtre...) oscillera entre deux "étiquettes" : celle de protestant libéral, mais aussi celle de "théiste chrétien"

En théologie, le courant libéral fut également développé dès 1872 en France par Charles Wagner (un luthérien), fondateur du Foyer de l'Âme en 1907, insiste sur la liberté de la foi individuelle, et la supériorité de celle-ci sur les doctrines des Églises. Il refuse le principe des confessions de foi et autres textes symboliques à portée institutionnelle ou universelle. Il se méfie de la ritualité et accorde une importance secondaire aux sacrements.

En France, le protestantisme libéral se caractérise assez bien par cette réflexion du pasteur Charles Wagner, de 'l'École de Strasbourg avec sa célèbre revue, qui a une incidence sur ses choix théologiques :

"Je me méfie de la foi de ceux qui ne respectent pas la foi des autres"

Grosso modo, on peut les résumer de la façon suivante, en suivant Pierre-Jean Ruff qui fut pasteur au Foyer de l'Âme :

  • la vocation de la foi chrétienne à mener à la liberté porte ombrage au pouvoir des Églises et à l'efficacité de leurs sacrements ;
  • Dieu est Dieu et il est le seul Dieu, ce qui remet en cause la trinité et la divinité de Jésus. C'est l'affirmation des églises unitariennes ;
  • Jésus sauve mais par un sacrifice qui n'est que moral et symbolique (pas de religion sacrificielle au sens sacramentel) ;
  • les Églises sont nécessaires au niveau des moyens et non de la finalité ; le spirituel doit primer sur le rite. « L'Église a pour mission essentielle d'offrir un milieu ouvert où l'on puisse trouver une énergie spirituelle. Quand l'Église donne dans la superstition de la lettre, elle se disqualifie » Henry Babel (Théologie de l'énergie, la Baconnière, 1967).

Le protestantisme libéral n'est pas surgi inopinément du protestantisme au XIXe siècle ; il représente la version contemporaine d'une contestation qui, sous des formes historiques ou culturelles différentes a marqué chaque âge de la foi chrétienne.

L'École de Paris

Louis-Auguste Sabatier insiste sur le caractère symbolique des croyances tandis que Eugène Menegoz définit l'école symbolo-fidéiste :

« la foi indépendamment des croyances mais pas sans les croyances ».

Les doctrines sont toujours indicatives, approximatives, destinées à la caducité.

« Beaucoup de gens sont scandalisés à l'idée que le Jésus historique puisse être considéré comme capable d'erreur parce que le Royaume surnaturel de Dieu dont il annonçait la venue ne s'est pas manifesté… Lui-même n'a jamais prétendu à cette omniscience. »

L'une des réalisations les plus remarquables de l'École de Paris consiste à avoir profité du repli de la faculté de théologie de Strasbourg à Paris pour fonder l'institut de théologie protestante et avoir créé une formation commune pour les pasteurs luthériens et les pasteurs réformés dès 1873.

La laïcité

On ne comprendrait rien au protestantisme libéral si l'on oubliait le rôle central joué par des personnalités telles que Ferdinand Buisson et Félix Pécaut dans la volonté de créer une religion moderne, laïque, certes d'inspiration protestante, mais ouverte à toutes les voies spirituelles. Combien de combats ont-ils initiés ? Et combien de femmes et d'hommes libres ont-ils formés ? Cherchez sur internet et vous verrez les oeuvres, réalisées ou en germe : Fontenay-aux-Roses, le bac ouvert aux filles, le Parti radical, la première église chrétienne libérale, le combat pour le théisme chrétien... et, chez leurs descendants : le planning familial, entre autres...

De nos jours

Il s'exprime dans :

  • la revue Évangile et Liberté (plus de 150 ans d'existence) ;
  • et la revue Théolib (fondée en 1998) ; Théolib a également créé en 2008 une collection de livres, "Libres pensées protestantes", consacrée entre autres à la réédition des auteurs marquants du protestantisme libéral. On y trouve plusieurs ouvrages de Ferdinand Buisson, Félix Pécaut, Albert Réville, etc.
  • les éditions Fischbacher ;
  • et Van Dieren Éditeur se réclament aussi de ce courant.

On trouve aussi plusieurs ouvrages de théologiens et pasteurs libéraux aux Éditions Ampelos en particulier les ouvrages de Charles Wagner et Pierre-Yves Ruff.

Il compte parmi ses théologiens actuels des enseignants en théologie, comme André Gounelle, Laurent Gagnebin de Bons, Raphaël Picon et des héritiers de familles camisardes comme Christian Mazel. Depuis 1938, l'Église réformée de France compte quelques paroisses de tendance libérale, dont deux situées à Paris, le Foyer de l'Âme et l’Oratoire du Louvre.

En Belgique

En Suisse

  • Mensuel Le Protestant, rédacteur en chef : le professeur Bernard Reymond

en Grande-Bretagne

Voir aussi

Pour la Théologie du Process,

Voir Alfred North Whitehead et Charles Hartshorne et un tour d'horizon sur le site de Belief [en] ;

Lire aussi

En ligne

  • Sur l'unitarisme allemand dans sa composante compromise avec le nazisme : Europe's New Religion and its Old Stereotypes, par Horst Junginger [anglais] Sigrid Hunke ;

Édition imprimée

  • Charles Wagner, "l'Evangile et la Vie".
  • Pierre-Jean Ruff, Le protestantisme libéral, Nouvelle édition : Théolib 2005.
  • Pierre-Yves Ruff, "Le Parti-pris du Livre".
  • Patrick Cabanel, Le Dieu de la République.
  • Problèmes d'histoire des religions, le libéralisme religieux, Université Libre de Bruxelles
  • Félix Pécaut. De l'avenir du théisme chrétien considéré comme religion, rééd. Théolib 2007
  • Théolib, revue trimestrielle du libéralisme théologique. http://www.theolib.com/.
  • Marie-Claire Weber-Lefeuvre, Étude des Evangiles. Suivi de Les Evangiles et l'écologie, L'Harmattan 2006 - collection « Chrétiens autrement ».
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