- Theologie du Process
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Théologie du Process
La théologie du Process, est une vision cosmologique du monde issue de la théorie de la relativité. Une métaphysique en découle. La cosmologie affirme que la réalité est dans un processus constant de flux et de changement dont chaque élément réunit à la fois du matériel et du sensoriel. Au bout du raisonnement, la réalité est identifiée avec ce processus de mouvement même. Alfred North Whitehead dans son ouvrage Process and Reality, [1] prend comme tremplin de départ la citation d'Héraclite :
"On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve"
Les concepts tels que la créativité, la liberté, la nouveauté, l'émergence, et la croissance sont les catégories explicatives fondamentales pour la théologie du Process. En fait, cette théologie a un impact critique sur la dogmatique traditionnelle, par exemple, l'immuabilité, l'omnipotence, l'omniscience et les autres attributs de Dieu choisis parmi les sept "omni" supposés être ceux de la Transcendance. Withehead fait remarquer que ces "omni" sont les attributs des figures de l'Empereur (César, perse, etc.).
Les premiers à formuler des thèses de la liberté fondamentale de Dieu au lieu de sa substantialité, étaient Jules Lequyer et Charles Secrétan, philosophes français et suisse du XIXe siècle, dont des œuvres faisaient la source d'inspiration de Charles Hartshorne.
Sommaire
Fonctionnement
Cette perspective métaphysique critique la philosophie substantialiste, grandement celle de Thomas d'Aquin, qui voit une réalité fixe et permanente à la base d'un monde changeant ou de la fluctuation de l'expérience ordinaire. Considérant que la philosophie substantialiste souligne l'être statique, les philosophies et théologies du Process soulignent un devenir dynamique : les éléments fondamentaux sont des gouttes d'expérience (concept d'entité actuelle) qui cessent d'être dès qu'elles se sont reliées à toutes les autres que celles-ci soient présentes ou au travers du temps[2]. Bien que la théologie du Process s'enracine dans la philosophie antique, celle du VIe siècle avant l'ère courante, en particulier dans celle, grecque, d'Héraclite, l'intérêt qu'elle présente a été stimulé, au XXe siècle par la mécanique quantique.
Les différentes réponses à la question de l'essence du monde conduisent à constater que, jusqu'à tout récemment[Quand ?], les réponses données ne tenaient pas compte du temps. Les recherches métaphysiques substantialistes parvenaient toujours à la conclusion que l'Être est en dehors du temps. Or, le monde est dans le temps et l'humain se rapproche de sa propre mort tous les jours. Ainsi, la métaphysique classique semble être une quête pour fuir l'angoisse existentielle de la mort et de la finitude. Introduire la notion du temps c'est appréhender la question de l'essence du monde d'un point de vue ontologique.
Elle introduit une profonde révision de concepts pour les lecteurs de Martin Heidegger dont la question principale est Qu'est-ce que l'être en tant qu'être ?
La réponse se trouve alors ailleurs que là où l'être se tient et possède la conscience de cet « être », Là où est l'être « conscient d'exister », là où est l'humain. Seule l'étude des phénomènes de l'existence de l'être humain peut conduire à comprendre quelque chose de l'être en tant qu'être qui compose le monde. Cela ne conduit pas à conclure que les concepts « existence » et « essence » expriment une même réalité. Cependant, c'est en prenant conscience de soi que nous pouvons comprendre davantage le monde. C'est ce qu'exprime cette maxime ancienne attribuée à Socrate Connais-toi, toi-même, et tu connaîtras l'univers et les dieux.
Réception dans la théologie contemporaine
La théologie contemporaine a été fortement influencée par les philosophies du process. Le théologien américain Charles Hartshorne, par exemple, plutôt que d'interpréter Dieu comme un absolu immuable, souligne le rapport sensible de Dieu s'inquiétant du monde. Ce Dieu personnel entame des rapports de telle manière qu'il soit affecté par ces rapports ; être affecté par des rapports, c'est changer. Ainsi Dieu est il aussi en cours de croissance et développement. Des contributions importantes dans le domaine de la théologie ont été également apportées par des théologiens tels que William Temple (1881-1944), Daniel Day Williams (1910-1973), Schubert Ogden (né en 1928), et John B. Cobb Jr. (né en 1925). Pour le judaïsme, on peut aussi citer Abraham Joshua Heschel[3].
- La réception est excellente du côté des physiciens.[4] En effet, la cosmologie de Whitehead s'inspire de la mécanique quantique. Whitehead est en effet plus connu pour son oeuvre de mathématicien que pour sa philosophie et sa théologie sauf aux Etats-Unis, où elle fait partie des oeuvres au programme du cursus secondaire pour ceux qui ont une option philosophie.
- Elle est excellente du côté des philosophes[5]. Elle permet de repenser le concept de Dieu avec les catégories du temps présent.
- Elle est bien reçue chez les théologiens libéraux qu'ils soient protestants ou juifs[6]
- Les Églises chrétiennes les plus traditionalistes rejettent cette théologie avec l'argument qu'elle suppose un immanentisme en contradiction avec la tradition apostolique et avec les doctrines sur la grâce et le péché. En quelque sorte, elles supposent que la philosophie doit être soumise à la doctrine (mais n'est-ce pas la tâche de l'Eglise de conserver l'enseignement des Apôtres ?). Surtout, dans le cadre de la pensée de Alfred North Whitehead dans son ouvrage Process and Reality, le théorie de l'immanence n'a plus lieu d'être. En effet, maneo (verbe latin) signifie rester, demeurer et, dans la théologie du process, rien ne reste ni ne demeure, rien n'est immuable. Cette critique n'est donc pas appropriée.
Diffusion
Les principales personnalités ayant favorisé le développement des philosophies du process modernes sont les philosophes britanniques Herbert Spencer, Samuel Alexander, et Alfred North Whitehead, les philosophes américains Charles Sanders Peirce et William James, et les philosophes français Henri Bergson et Pierre Teilhard de Chardin.
D'Alfred North Whitehead Process and Reality et: An Essay in Cosmology (1929) sont généralement considérés comme l'expression systématique la plus importante de la philosophie du process.
Représentations de Dieu
- Il est aussi vrai de dire que Dieu est permanent et le monde flue, que de dire que le Monde est permanent et Dieu flue.
- Il est aussi vrai de dire que Dieu est un et le Monde pluralité, que de dire que le Monde est un et Dieu pluralité.
- Il est aussi vrai de dire que, en comparaison avec le Monde, Dieu est éminemment actuel, que de dire que, en comparaison avec Dieu, le Monde est éminemment actuel.
- Il est aussi vrai de dire que le Monde est immanent à Dieu, que de dire que Dieu est immanent au Monde.
- Il est aussi vrai de dire que Dieu transcende le Monde, que de dire que le Monde transcende Dieu.
- Il est aussi vrai de dire que Dieu crée le Monde, que de dire que le Monde crée Dieu.- (citations extraites de Process and reality, p.348)
Cette conception « moniste » du monde peut-elle répondre aux questions d'où provient le monde ? ou concernant l'origine du monde? Non. Cette conception conduit-elle à rejeter l'idée d'un Dieu créateur ? Non.
Cependant, le mode d'être de Dieu développé par les théologies du Process rejettent la création ex nihilo (à partir de rien [7]) par un Dieu dont l'être en serait étranger. Elles proposent un Dieu dont l'acte créateur consiste à faire épanouir la vie sous toutes ses formes. Ainsi, pour Dieu, créer ne consiste pas à œuvrer afin de maintenir ou restaurer la création selon un ordre (plan) pré-établi mais à agir en inter-action avec le monde en proposant, plutôt qu'ordonnant, afin de produire des changements créateurs favorisant la vie. On aboutit à l'idée d'une création continue pour peu que la durée garde un sens dans la philosophie du process. Ainsi, le conservatisme est contraire à l'être même de Dieu qui se trouve lui-même en évolution et en croissance.
Quelques théologiens de ce courant
- John B. Cobb (œuvres en français : Dieu et le monde, Van Dieren éditeur, 2006, Thomas pris de doutes, Van Dieren éditeur, 1999, Bouddhisme et Christianisme, Labor et Fides, 1989)
- Charles Hartshorne (1897-2000) Omnipotence and other Theological Mistakes
- David Ray Griffin (1939)
Notes
- ↑ 1926, aux USA et traduit en français chez Gallimard dans les années 2000 "Process et réalité"
- ↑ A. N. Whitehead critique l'idée qu'une telle entité ne puisse occuper qu'un seul espace lié à une seule unité de temps dans Process et realité, Gallimard.
- ↑ textes choisis de Abraham Joshua Heschel et Moral Grandeur and Spiritual Audacity (ISBN 0374524955)
- ↑ Une philosophie pour la physique quantique : Essai sur la non-séparabilité et la cosmologie de A. N. Whitehead de Marc de Lacoste Lareymondie, (ISBN 2747597822)
- ↑ Penser avec Whitehead : Une libre et sauvage création de concepts de Isabelle Stengers recension du livre
- ↑ The Evolving God in Jewish Process Theology (Jewish Studies) by William E. Kaufman (ISBN 0773486488)
- ↑ comme la Bible elle-même d'ailleurs. Genèse 1 montre une création à partir du chaoset un dieu ordonnateur
Lire aussi
- André Gounelle le dynamisme créateur de Dieu, Van Dieren Éditeur, Paris, 2e édition revue et augmentée, 2000. De larges extraits de la première édition de 1975 sont en ligne.
- André Gounelle Dans la Cite; Reflexions D’un Croyant. Paris: Van Dieren Éditeur, 2002.
- André Gounelle “Le Débat entre Tillich et Hartshorne.” Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses 76, no. 3 (1996): 315-26.
- André Gounelle “Dieu selon la 'process theology'.” Etudes Theologiques et Religieuses 55, no.2 (1980): 1* “Le Dynamisme Createur de Dieu: Essai sur la Theologie du Process.” Etudes Theologiques et Religieuses 56 (1981).
- André Gounelle “Cobb, John B.” In Dictionnaire des théologiens et de la théologie chrétienne, ed. Gérard Reynal (Paris: Bayard Éditions, 1998): 115.
- André Gounelle “Le Monde et Dieu selon la Theologie du Process.” Lumiere et Vie 161 (Winter 1982): 51-9.
- Elisabeth Parmentier Introduction aux théologies du Process'
- Jean-Marc Rouvière Brèves méditations sur la création du monde L'Harmattan 2006 Paris, (ISBN 2-7475-9922-1)
- Jean-Michel Maldamé op, . “Cosmologie et théologie. Etude de la notion de création dans la théologie nord-américaine du Process.” Revue thomiste 86, no.1 (Jan-Mars 1986): 90-114.recension
- Bibliographie de Théologie du Process en Français au Center for Process Studies
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