Nationalisme Breton Et Seconde Guerre Mondiale

Nationalisme Breton Et Seconde Guerre Mondiale

Mouvement breton pendant la Seconde Guerre mondiale

Le drapeau des Bagadoù Stourm reprend la Croix Noire Bretonne et y incorpore le triskell celte

Cet article concerne le comportement des militants nationalistes et autonomistes bretons durant la Seconde Guerre mondiale.

Sommaire

Situation à la veille de la Seconde Guerre mondiale

Olier Mordrel, fondateur du PNB.

À la veille de l'Occupation, les quelques membres du Mouvement breton sont partagés entre régionalisme, fédéralisme et séparatisme. Certains courants, même divisés, restent insensibles voire franchement hostiles aux valeurs démocratiques, mais d'autres s'engagent dans des combats pour la démocratie, dans la solidarité sociale ou internationale[réf. nécessaire]. Parmi ceux-ci, seul le courant ouvertement séparatiste du Parti national breton (PNB) demeure organisé ; dissous en 1939, il se reconstitue rapidement à l'automne 1940 et devient le parti politique le plus actif en Bretagne sous l'Occupation. Ayant rompu dès 1931 avec le régionalisme, ses fondateurs (Olier Mordrel/François Debeauvais) s'inspirent de la révolution irlandaise et jouent la carte nationaliste. Lorsque la guerre éclate, le PNB opte pour une ligne de ferme neutralité. Certains membres du courant dur, dont l'idéologie anti-démocratique est très complaisante à l'égard de la xénophobie et de l'antisémitisme, influencé par les celtisants allemands, s'apparente à tous les fascismes européens. Pendant la guerre l'activisme du Parti national breton a complètement dominé les autres tendances du mouvement breton, qui dès lors s'en est trouvé discrédité. Les trajectoires des militants et mouvements bretons s'avèrent très variées au fil de la guerre, comme ce fût le cas au sein du reste de la société française: Résistance (souvent les plus jeunes du PNB et les mouvements bretons anti nazis), collaboration pro allemande pour une minorité visible, neutralité ou attentisme pour beaucoup, collaboration pro-vichyssoise culturelle ou/et politique, basculement au côté des résistants juste avant la libération, engagement dans les FFL à Londres ou ailleurs dès 1940 et après, cache de résistants, réfractaires au STO, de juifs ou d'aviateurs alliés,...

Collaboration avec le régime de Vichy

Le régime de Vichy, influencé par le traditionalisme maurassien qui s’opposait aux « abstractions » issues de la Révolution française, se montre favorable au régionalisme. C'est pourquoi le Maréchal Pétain enjoignait les Français à retrouver leurs « particularismes » au sein de leurs anciennes provinces. Le gouvernement pétainiste tentera d'ailleurs d’introduire à l’école primaire l’enseignement des « langues dialectales » (dont le breton) à travers deux lois (1941, 1942) qui seront, comme l’ensemble des mesures prises par le gouvernement de Vichy, abrogées à la Libération.

Le 15 décembre 1940, on remet au maréchal Pétain un Placet signé par 46 personnalités bretonnes sollicitant une « autonomie administrative » dans le cadre de l'indivisibilité de la France. Le 22 janvier 1941, Hervé Budes de Guébriant est nommé par Vichy, président de la Commission nationale d’organisation de la coopération agricole. Le quotidien La Bretagne est créé par Yann Fouéré le 21 mars 1941). Il développe un point de vue régionaliste opposé à l’autonomisme du PNB. On retrouve aussi un certain nombre de nationalistes bretons dans le Comité consultatif de Bretagne, crée le 11 octobre 1942 par Jean Quénette, préfet de la région Bretagne. « Organisme d'étude et de travail », selon Yvonnig Gicquel, il ne dispose d'aucun des pouvoirs de décision et d'exécution (contrairement au vœu d'un parlement provincial tel que le concevaient les adeptes de la doctrine régionaliste bretonne). La volonté de ses membres (dont des membres du PNB : Yann Fouéré, Joseph Martray, etc.) fut de transformer ce comité consultatif en véritable assemblée légiférante sur le plan des problèmes régionaux. On retrouve certains de ses membres lors de la création du CELIB.

Collaboration avec l'Allemagne

Dès la déclaration de la guerre en septembre 1939, les dirigeants du PNB s'exilent en Allemagne où ils se présentent comme le « gouvernement breton en exil » (Bretonische Regierung). Durant la drôle de guerre, l'Allemagne prévoit de favoriser les mouvements régionaux (notamment flamand et breton) afin de saper la France afin que l'Allemagne reste la seule puissance continentale, sans aucune menace sur sa frontière occidentale. De même qu'en Irlande en 1916, quelques armes sont livrées mais ne sont pas utilisées. La puissance occupante qu'était l'Allemagne avait tout intérêt à briser l'unité nationale française : son appui aux régionalismes entrait dans le cadre de cette politique plus vaste, qui comprenait d'autres aspects, par exemple la division entre zone libre (Vichy) et zone occupée (Paris). Très rapidement, les nationalistes bretons se rendent compte que l'Allemagne privilégie les intérêts de ses alliés de Vichy et accorde peu d'importance aux revendications nationalistes bretonnes.

Après l'armistice de 1940, l'Allemagne soutient le Régime de Vichy. Constatant le peu de base populaire qu'ont les idées nationalistes en Bretagne, les Allemands limitent leur soutien aux nationalistes ; ainsi, il leur est formellement interdit de proclamer un état breton ou de nuire à l'ordre public. Les projets de découpage de la France sont abandonnés[1]. Après l'entrevue de Montoire, les groupuscules sont simplement tolérés (ausweiss de transport, autorisations d'achats de carburant qui deviennent rapidement théoriques) ou manipulés par les nazis en vue du démantèlement de la France dans le cadre de l’Europe des ethnies à mettre en place après la victoire.

Organisations collaborationnistes

Parti national breton

Article détaillé : Parti national breton.

Des membres du Parti national breton comme Olier Mordrel ou Alan Heusaff basculent dans une collaboration plus ou moins durable et importante avec les nazis. L'exemple de l'Irlande - voire l'idéal d'une Bretagne indépendante - continuait d'être la référence. De récentes études ont montré les liens étroits entretenus bien avant la guerre, depuis la fin des années vingt, par des dirigeants autonomistes bretons (tel Célestin Lainé, Alan Louarn) avec l'Abwehr (services de renseignement militaire de la république de Weimar, opposés aux nazi jusqu'en 1935). Après la défaite de 1940, écartant la question de l'autonomie de la Bretagne, les Allemands ont utilisé ces agents autonomistes dans des opérations militaires ou des actions de répression contre les résistants. Une faction déviationniste éphémère du PNB, crée en 1941, le Mouvement ouvrier social-national breton est dirigée par Théophile Jeusset.

Le Parti national breton ne se démarquait pas des autres mouvements fascistes qui naissaient en Europe :

Yann Goulet, chef des Bagadou stourm, à la tribune
« Avec ses rites, ses pratiques et ses symboles — noyau commun à tous les partis fascistes — le service d’ordre du PNB ne diffère pas fondamentalement de ceux de mouvements comme le PPF ou le Parti franciste de Marcel Bucard. Par leur décorum, calqué sur la liturgie nazie, les congrès du PNB se donnent des allures de mini-Nuremberg, effets de masse en moins. Le culte du chef y est de règle, bien que Raymond Delaporte soit vraiment peu charismatique. C’est précédé d’un sonneur que le chef fait son entrée au congrès, les Bagadou Stourm formant la clique[2].. »

Bagadou Stourm

Les Bagadou Stourm au siège rennais du Parti National Breton
Article détaillé : Bagadou Stourm.

Les Bagadou stourm (« groupes de combat » en français), appelés de façon passagère Strolladou Stourm pour que les initiales forment le sigle SS[3], étaient le service d'ordre du Parti national breton. Une poignée de leurs membres se trouve pris à partie dans un affrontement contre la population de Landivisiau, le 7 août 1943. Yann Goulet, leur chef, interdit toute participation au Bezen Perrot.

Cette organisation a « toutes les caractéristiques des Chantiers de jeunesse du Maréchal Pétain. Si le terme de milice est impropre du fait qu’ils ne sont pas armés, les jeunes des Bagadou Stourm ne sont pas pour autant des boy-scouts. N’hésitant pas à faire le coup de poing. Au fil du temps l’organisation de jeunesse prend en effet de plus en plus l’apparence d’une formation paramilitaire[4]. ».

Exceptés les faibles effectifs de leur organisation, les "miliciens" n'ont rien à envier aux autres mouvements d'extrême-droite qui se développent en Europe : « À part la cravate qui est blanche, l’uniforme des miliciens, de la chemise aux bottes, est noir. Un brassard orné d’un triskell et un calot noir d’où pendent deux rubans à l’écossaise donnent une couleur celtique à l’ensemble. Le salut se fait à l’hitlérienne et les jeunes au garde-à-vous forment une haie d’honneur[2] »

Brezona

Article détaillé : Brezona.

Job Loyant développe fin 1940 avec Kalondan, André Lajat et Yves Favreul-Ronarc'h, un ancien dirigeant du Parti national breton en Loire-Atlantique, la doctrine du mouvement Brezona : suprématie de la race bretonne, formation d'une communauté populaire nationale et un gouvernement par des élites. Ce mouvement aura une existence éphémère. Pour parer à une intoxication éventuelle du PNB par ce groupuscule, Yann Goulet s'était rendu à Nantes afin de prononcer l'excommunication des « déviationnistes ». le revolver placé bien en évidence à la hanche de son uniforme noir de chef des Organisations de Jeunesse, il ne laissa aucun doute sur ses intentions et la réunion de la section nantaise du P.N.B. que les contestataires espéraient mettre à profit pour prendre les commandes se déroula sans aucun incident.

Bezen Perrot

Article détaillé : Bezen Perrot.
Célestin Lainé en uniforme allemand.

Un certain nombre de nationalistes bretons choisiront de s'enrôler dans un service d'ordre allemand, l'organisation Bezen Perrot, de Célestin Lainé et d'Alan Heusaff (qui verra passer jusqu'à 70 à 80 personnes dans ses rangs pour un effectif variant de 30 à 66 en fonction des engagements et des défections[réf. nécessaire]). Le Bezen Perrot est créé sous l'influence de Lainé qui n'entrevoit d'indépendance que par le fait militaire : son rêve demeure de constituer une armée bretonne régulière, si besoin est avec le support logistique allemand. Cette section est équipée avec des armes de récupération et ne peut en aucun cas être considérée comme une unité militaire de qualité. L'uniforme est celui de la SS. Mis en perspective avec les 17 000 volontaires flamands issus du mouvement national (pour une population égale), ces 60 personnes, dont une dizaine d'administratifs, constitue un effectif dérisoire. En outre les interventions ne se font jamais de manière groupée, mais par paquet de 5 ou 6 hommes aux cotés d'unités allemandes, elles rompues au combat. La formation du Bezen est aussi une réponse à l'exécution par la Résistance de plusieurs personnalités du mouvement culturel tel l'abbé Perrot. Devant se dénommer à l'origine Bezen Kadoudal, l'exécution sur ordre de Londres en 1943 du prêtre, décida Lainé à nommer son organisation de son nom en mars 1944.

Kommando de Landerneau

Article détaillé : Kommando de Landerneau.

À partir d'avril 1943, la Gestapo avait créé des unités spécialement destinées à lutter contre la résistance. Constituée fin avril 1944 à Landerneau, Le Kommando de Landerneau faisait partie de ces unités. Il est composé de 18 hommes de troupe allemands et une dizaine d'agents de renseignement français (dont quelques autonomistes bretons) ainsi que des résistants retournés. Elle fut engagée contre les maquis de Trégarantec, Rosnoen, Ploumordien... Plusieurs résistants seront torturés. Le Kommando procédera également à des exécutions sommaires.

Journaux et revues collaborationnistes

Breiz Atao

Article détaillé : Breiz Atao.

Breiz Atao était le nom de plusieurs revues autonomistes de l'entre-deux guerres, mais ne paraît pas durant le conflit, mise à part, très tardivement (à partir de mai 1944), une feuille qui porte ce nom et dirigée par Célestin Lainé. Par extension, le terme « Breiz Atao » a servi à désigner les nationalistes bretons compromis avec l’occupant.

L'Heure bretonne

Article détaillé : L'Heure bretonne.

War sao

Article détaillé : War sao.

Raisons de la collaboration

La collaboration avec le gouvernement de Vichy ou avec les autorités allemandes n'est pas seulement due à l'opportunisme de militants bretons voyant dans la victoire nazie le moyen d'atteindre leurs objectifs, mais elle est due pour d'autres à la proximité idéologique de certains leaders militants bretons avec le pétainisme et/ou le nazisme. Au moment de mourir dans une clinique SS, Francez Debauvais déclarait encore :

«  Camarades de la formation Perrot, je vous salue. (…) Ce n'est pas parce que nous croyons que l'Allemagne sortira victorieuse du gigantesque conflit, que depuis le premier jour de la guerre nous sommes à ses côtés. Notre choix ne relève pas de l'opportunisme, mais d'une conception du monde commune sur des points essentiels. (…) La situation est déjà toute clarifiée, en revenant à la politique de Breiz Atao qui était toute de clarté. Cette politique consistait, au point de vue extérieur, à rechercher l'appui allemand. Nous y avons travaillé avec d'autres, pendant près de vingt ans.[5]  »

Traditionalisme anti-républicain

Article détaillé : Révolution nationale.

La « Révolution nationale », l'idéologie officielle du régime de Vichy, trouve un écho favorable auprès des autonomistes ; car plutôt qu'une révolution, il s'agit en réalité[Qui ?] d'une contre-révolution d'inspiration monarchiste qui vise à détruire la République et les apports de la Révolution française.

Breiz atao 4 maurras.jpg
« Et qu'est-ce que la "Libre Pensée" de M. Le Febvre ? En quoi peut-elle consister ? Laissons causer le grand penseur Charles Maurras dont je m'honore grandement d'être le fervent disciple. [6] (source de l'image : [1] ; article complet : [2]) »

L’hommage posthume rendu au collaborationniste Morvan Marchal par le journal nationaliste La Bretagne réelle retrace le parcours du nationaliste breton en précisant que son évolution est « semblable à celle de bien des nôtres, depuis le catholicisme traditionaliste chouan jusqu’au néo-paganisme en passant par le nationalisme ethnique, expression des pagani d’Extrême Occident toujours dressés contre leur commun adversaire, le démocratisme égalitaire.»

Racisme

Article détaillé : racisme.

Pour les « scientifiques » racistes allemands, les Bretons, au même titre que les Flamands par exemple, n'étaient pas considérés par ces théoriciens comme des « sous-hommes » (Untermenschen), contrairement aux Latins par exemple. Ils distinguaient racialement les Français latins des Bretons d'une manière qu'ils pensaient objective.

Cette théorie concernant l'existence objective d'un « peuple breton » est fondamentale dans le discours des militants nationalistes bretons. Morvan Marchal déclarait dans son journal Breizh Atao :

« La vérité, c’est que nos maîtres [français] de l’heure nous arrachent morceau par morceau le sentiment de ce que nous sommes afin de nous remplir d’un ardent amour pour une prétendue patrie, patrie marâtre déjà adoptée par ceux qui ignorent leur mère patrie... Le sang qu’on nous a fait verser ne témoigne rien, si ce n’est qu’on nous a déjà fait faire fausse route, que nous avons peut-être renié une nationalité effective pour adopter une nationalité fictive à laquelle notre sang, notre race sont complètement étrangères (sic)[7]. »

Antisémitisme

Article détaillé : Antisémitisme.

L'influence du racisme et de maurassisme, l'idéologue du Régime de Vichy, se fait également sentir à travers l'antisémitisme qui se dégage de ces publications nationalistes :

« Une chose est certaine : tous les Etats autoritaires d’Europe ont dû adopter une législation d’exception concernant les Juifs. En Allemagne, cette législation est fondée, d’une part, sur les principes ethno-eugéniques formant la base de la communauté germanique ; d’autre part, sur le rôle économique purement parasitaire que joue l’Israélite au sein de la société. (Quels que soient les faits antérieurs qui ont déterminé cet état de choses, il est exact qu’il n’y a pas de Juifs au labour, pour beaucoup dans la Bourse.) Vis-à-vis de ce problème, convenablement posé, comment va agir Vichy ? M. Xavier Vallat, commissaire général aux questions juives, l’examinera d’un pur point de vue confessionnel chrétien : ...Le peuple juif est aussi la race maudite que le DÉICIDE, collectivement consenti, a condamné à ne plus avoir de patrie et à errer de par le monde. Argument pitoyable... Nous attendons de Vichy une loi complémentaire précisant que, parmi les nombreux agitateurs juifs qui furent crucifiés voilà vingt siècles, Jésus fils de Marie était également fils du Maître de l’Univers, et que les Israélites sont punis pour cela et rien que pour cela[8].» »

Un mouvement massivement rejeté par la population bretonne

Que ce soit avant, pendant ou après la guerre, les cercles nationalistes peinent à rallier des membres. Le premier congrès du Parti Nationaliste Breton qui s'était tenu à Landerneau le 27 décembre 1931 comptait 25 militants[9].

Ces groupuscules s'attirèrent en plusieurs occasions l'hostilité d'une partie de la population. Par exemple, le 8 août 1943, les Bagadoù Stourm défilant au pas de l'oie dans les rues de Landivisiau (Finistère) se battirent avec une partie de la population locale à la sortie de la messe. La police allemande dût intervenir pour rétablir l'ordre[10].

En breton, l'expression « breiz atao » désigne alors non seulement un fasciste, mais un délateur.[réf. souhaitée]

Représailles de la Résistance

Plusieurs nationalistes bretons furent abattus par la résistance en 1943, le plus connu est l'abbé Perrot abattu le 12 décembre 1943 par Jean Thépaut, membre de l'Organisation spéciale du PCF. Auparavant, le 3 septembre 1943, Yann Bricler est abattu dans son bureau par 3 FTPs, de même pour Yves Kerhoas abattu par la résistance à la sortie d'une fête dans le village de Plouvenez. Les résistants bretonnants parlaient des autonomistes en disant : « Breiz Atao, mad da la(zh)o »[11] (« Breiz Atao, bon à tuer »), formule imaginée par le curé de Gouézec à la fin des années 1920 et qu'il faisait répéter à ses ouailles pour les pousser à s'en prendre aux « autonomistes »[12].

Les réseaux de résistance bretonne risquaient à tout moment de se faire infiltrer par des membres du Parti national breton. Les autonomistes bretons étaient une cible prioritaire selon Roger le Hyaric, commandant des FTP du Morbihan :

« Pour développer au mieux ses nouvelles possibilités, la Résistance doit prendre ses responsabilités, en priorité celle d’assurer la sécurité des maquis, donc de mater les autonomistes bretons, de faire entrer les collabos dans leur coquille. La bande de Breiz Atao de Ruyet à Bubry était l’une des plus vomies par la population. Ces gars s’introduisaient d’autant mieux dans les campagnes qu’ils parlaient breton et étaient capables de tout[13]. »

Point de vue des historiens

Aux lendemains de l'Occupation, les pouvoirs publics et la population bretonne ont d'abord cédé à une « mémoire-panique », surestimant les dangers (insurrections) du PNB. Toutefois, c'est avant tout comme collaborateurs présumés que ces membres ont été réprimés ; du reste tous n'ont pas été inquiétés, environ 15 à 16 % des membres du PNB ont été traduits devant les tribunaux, rares sont les sympathisants à avoir été jugés. Mais d'un autre côté, dans de nombreux cas, c'est bien le côté séparatiste du PNB plus que les collaborations présumées d'une partie des ses membres ou ex-membres de courants dissidents (exclus du PNB début 1944) à laquelle se sont ajoutés des fichiers erronés et arbitraires des Renseignemnts Généraux (des militants culturels bretons et sympathisants du PNB, déportés en Allemagne par les nazis furent même recherchés à la Libération tel Pierre Ropert de Pontivy). Cependant, à la Libération, condamnés à l’indignité nationale et interdits de séjour en Bretagne, de nombreux militants nationalistes bretons se retrouvèrent en banlieue parisienne, ou en exil.

Selon l'historien autonomiste Jean-Jacques Monnier[14], plusieurs dizaines de membres et anciens membres du PNB, PAB, Ligue fédéraliste de Bretagne, ont participé à la Résistance, dans ses divers courants et dans plusieurs départements et aux FFL, soit au total près de 300 militants des mouvements bretons, engagés dans la Résistance.

De son côté, l' historienne Mona Ozouf, fille de Yann Sohier, un instituteur d'extrême-gauche, militant de la cause bretonne, a raconté comment une partie des amis de son père de cette mouvance ont sombré dans diverses formes de collaboration pro-vichyste et/ou pro-allemande, pendant que d'autres militants bretons rejoignaient la Résistance.

Point de vue des nationalistes bretons

Georges Pinault (dit Goulven Pennaod), ancien de la Bezen Perrot affirmait, en 1972, dans la revue d’extrême droite La Bretagne réelle, que « la quasi-totalité du Mouvement breton a collaboré d’une façon ou d’une autre pendant la guerre », ses propos étant confirmés par l’historien autonomiste Michel Nicolas : « On doit à la vérité de dire que la quasi-totalité du Mouvement breton organisé politiquement a collaboré d’une manière ou d’une autre pendant la guerre[15]. »

Selon les militants nationalistes bretons actuels, une approche manichéenne n'est pas de mise[réf. nécessaire]. Selon eux, jeter le discrédit sur des personnes pour la simple raison qu'elles ont tenté de profiter de circonstances troublées et ont placé leur idéal d'indépendance avant tout, n'est pas justifiable.

L'engagement de nationalistes bretons dans la Résistance

Selon l'ouvrage controversé de l'historien breton Jean-Jacques Monnier, près de 300 militants régionalistes, fédéralistes, autonomistes ou nationalistes bretons s'engagèrent dans la Résistance et les FFL. Les motivations de ces militants bretons entrés dans la Résistance relèvent de facteurs multiples.

Sao Breiz

Article détaillé : Sao Breiz.

Dès 1940, certains nationalistes breton s'organisent dans le Sao Breiz (Debout Bretagne), affilié aux Forces françaises libres. Dans ses rangs, on compte plusieurs membres de l'Union Régionaliste Bretonne et de l'association Ar brezoneg er skol, fondé avant-guerre par Yann Fouéré. Ainsi M.de Cadenet, membre du dernier groupement, élabora avec quelques camarades, un projet de statut accordant un certain nombre de libertés politiques à la Bretagne au moment de la signature de la paix, qui fut présenté au général de Gaulle. Selon Yann Fouéré, ce plan aurait été assez proche, en esprit, de celui que le Comité consultatif de Bretagne se proposait de soumettre en 1943 au maréchal Pétain. Ces deux plans ne connurent pas de suite.

Groupe Liberté

Article détaillé : Groupe Liberté de Saint-Nazaire.

Six sympathisants et neuf jeunes du PNB ont, selon Jean-Jacques Monnier, rejoint le groupe Liberté de Saint-Nazaire, leur anglophilie aurait été déterminante. Toujours selon Monnier, le groupe « Liberté ou thimoléon » a participé, à des actions de résistance durant l'occupation, puis sous le nom de « Bataillon de la Poche », à la libération de la poche de Saint-Nazaire en mai 1945.

Des liens nationalistes / Résistance à Londres ?

Le peintre René-Yves Creston, malgré sa participation à l'Heure Bretonne, était affilié au réseau de Résistance du musée de l'Homme. Il aurait reçu par Yann Fouéré en octobre 1940, un petit mémoire pour un projet de décentralisation de la Bretagne (continué selon lui par le Comité Consultatif de Bretagne), précédé d'un court préambule précisant les origines de la question bretonne destiné à Londres. Le 5 mai 1946, René-Yves Creston reçoit le Certificat of Service signé du Maréchal Bernard Montgomery pour son action au service des alliés[16].

Engagement

  • La participation avant guerre à des mouvements autonomistes ou fédéralistes minoritaires, tels le Parti autonomiste breton (PAB) ou la Ligue fédéraliste de Bretagne, dont l'antifascisme et la critique de l'extrême droite étaient avérés, a favorisé un engagement résistant (comme Francis Gourvil, Youenn Souffes-Després ou Jean Le Maho).
  • d'autres enfin se sont engagés dans la Résistance à titre personnel, ou en groupe (Groupe FTP Bleiz Mor constitué de plusieurs militants du PNB du secteur de Paimpol et Rostrenen opérant dans le Mené et le Trégor, le groupe Liberté à St Nazaire et Missilac, les régionalistes regroupés au sein des FFL de Sao Breiz, et plusieurs dizaines de militants régionalistes et nationalistes bretons se sont engagés dans divers réseaux de résistance), puis ont renoué pour certains d'entre eux avec le militantisme breton après la Libération. De plus, plusieurs dizaines d'anciens résistants FFI/FTP ou FFL, non militants bretons avant guerre, se sont engagés après guerre dans de nouveaux mouvements régionalistes, autonomistes ou de défense de l'identité bretonne (cf ouvrage de Jean Jacques Monnier, Résistance et Conscience Bretonne, 2007).

Bibliographie

  • Bertrand Frelaut, Les nationalistes bretons de 1939 à 1945, coll. Les Bibliophiles de Bretagne, éditions Beltan, 1985, ISBN 2-905-939-01-X
  • Françoise Morvan : Le monde comme si, Actes Sud, coll. "Babel", 2002, ISBN 2742755527,
  • Jean-Jacques Monnier, Résistance et conscience bretonne, 1940-1945,l'hermine contre la croix gammée, 400 p., Yoran embanner,Fouesnant, 2007 (300 notes biographiques de militants politiques ou culturels bretons engagés dans la résistance.

Articles connexes

Références

  1. L'annexion de l'Alsace-Lorraine ne sera jamais proclamé de jure
  2. a  et b Kristian Hamon, Les nationalistes bretons sous l'occupation, An Here, 2001.
  3. Ronan Caerléon (Caouissin), Le rêve fou des soldats de Breiz Atao, p.77
  4. Kristian Hamon, Les nationalistes bretons sous l’Occupation, An Here, 2001, p. 156.
  5. « Mémoires du chef breton : Fransez Debauvais », tome 4, p. 245-246 ; dans « Le rêve fou des soldats de Breiz Atao », Ronan Caerléon-Caouissin publie cette dernière déclaration de François Debauvais, en omettant (p. 96 et 97) les passages cités.
  6. Breiz Atao, n° 4, avril 1919, Une
  7. La Bretagne fédérale, n° 1, novembre 1931.
  8. Morvan Marchal, Nemeton, automne 1943.
  9. Michel Nicolas, Histoire du Mouvement Breton, Syros, 1982, Paris, p. 80.
  10. Kristian Hamon, op. cit.
  11. Francis Favereau, Dictionnaire du breton contemporain, p. 874, Skol Vreizh, 1992.
  12. Yeun ar Gow, "Eñvorennoù" (souvenirs), Al Liamm, n° 178, 1978, p. 343?
  13. Roger Le Hyaric, Maquisard !, Bannalec, 1992, p. 235-6.
  14. Jean-Jacques Monnier fut candidat de l’UDB aux élections municipales de Lannion.
  15. Michel Nicolas, Histoire du mouvement breton, Syros, 1982, p. 102.
  16. document hors-texte in Jean-Jacques Monnier, Résistance et conscience bretonne - L'hermine contre la croix gammée, Éditions Yoran Embanner, Fouesnant, octobre 2007
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