Marine Byzantine

Marine Byzantine

Marine byzantine

Le Dromon byzantin, vaisseau lourd, capable de transporter jusqu'à 50 marins, et de projeter le "feu grégeois"
La Pamphyle byzantine, sorte de dromon plus léger adapté à la Mer Noire

La marine byzantine était une composante essentielle de l’appareil de guerre de l’empire byzantin. Elle lui a permis la domination de la Méditerranée à certains moments de son histoire.

Sommaire

Histoire

Antiquité tardive

La marine byzantine de cette époque se place dans la continuité de la marine romaine. L’Empire est la seule puissance disposant d’une importante flotte en Méditerranée et la Mer Noire. Il dispose de base navales qui lui servent à conserver sa domination réparties partout où sa puissance s’étend : des Baléares à la Mer Rouge et de Carthage à Kherson.

En 533, Justinien peut envoyer une flotte très importante contre le royaume vandale d’Afrique du Nord et contre les Ostrogoths en Italie en 553. Ensuite et jusqu’à la guerre contre les Perses au début du VIIe siècle, aucune flotte d’active n’est maintenue en permanence. La marine byzantine se contente alors d’opérations de police et d’asseoir sa domination ; ce n’est pas une flotte de défense.

À la fin du VIe siècle, les Avars construisent une flotte et commencent à se déplacer sur les côtes balkaniques. En 626, à un moment particulièrement critique pour l’empire byzantin, alors pris en tenaille entre Avars et Perses, la flotte d’Héraclius parvient tout de même à défaire celle des Avars, ce qui a sûrement permis à l’Empire de continuer son existence.

Peu de temps après, les Arabes font leur apparition sur terre et sur mer. Même si la marine byzantine reste supérieure à la flotte arabe, ceux-ci n’en sont pas moins un danger très sérieux pour l’Empire, ce qui força l’Empire à se réorganiser pour mieux leur résister.

La domination arabe

En 655, la flotte byzantine commandée en personne par l’empereur Constant II est décimée à la bataille de Phœnix de Lycie par les Arabes inférieurs en nombre (la bataille est connue sous le nom de Dhat el-Sawari du côté arabe).

En 672, la flotte arabe pénètre dans le Propontide et assiège Constantinople pendant 7 ans. Les Byzantins finissent par les disperser grâce à l’invention du feu grégeois en 678. À partir de cette date et pour répondre à cette menace, un commandement unique est instauré pour la flotte — sûrement par Constantin IV. Cette institution est commandée par un stratège, véritable amiral en chef de la marine de guerre byzantine (στρατηγὸς τών καράϐων). Elle a pour nom karabisianoi (« marins » en grec) et a pour but la surveillance et la défense des côtes contre les pirates arabes. C’est la première fois qu’une flotte régulière et permanente est créée.

Cette flotte était essentiellement constituée pour la défense, Byzance n’avait alors plus l’initiative sur l’eau. Elle arrivait bien souvent trop tard pour défendre les côtes dont elle avait la garde et connut plusieurs échecs, donc notamment le siège de Constantinople par les Arabes en 717 dont la flotte s’est de nouveau infiltrée dans le Propontide. Cet échec retentissant, dû à des luttes intestines entre Artémios-Anastase II et Léon II l’Isaurien met fin aux karabisianoi. La flotte arabe lève finalement le siège le 15 août 718 et est détruite par une tempête en mer Égée.

Léon II réorganise la flotte, alors décimée par les luttes intestines et privée de commandant, le dernier, du nom de Sinisios, ayant été mis à mort par les Bulgares alliés à Léon pour son soutien à Anastase II. Il abroge la commandement unique et crée plusieurs commandements maritimes indépendants dans les régions menacées par les Arabes. Ces flottes sont principalement équipées par les thèmes maritimes nouvellement mis en place. Ainsi les thèmes des Cibyrrhéotes, de la mer Égée, du Dodécanèse, de Sicile et de Crète sont créés. Le thème de Céphalonie est créé bien plus tard vers 809. La première mention du thème des Cibyrrhéotes est donnée en 732 dans la chronique de Théophane le Confesseur, c'est le thème maritime le plus important et il désigne d’abord une région (les côtes micrasiatiques), le titre de stratège qui lui est attaché perd ensuite progressivement cette référence à une région. Une flotte impériale est néanmoins mise en place à Constantinople pour contrebalancer le pouvoir accordé aux provinces. Les thèmes terrestres ont aussi une flotte, essentiellement composée pour la défense ; ces flottes provinciales sont composées de bateaux légers et armées par le pouvoir central. Ces différentes flottes cohabitent jusqu’au XIe siècle.

L’année 732 marque la fin de l’expansion arabe et le début de la réaction des chrétiens. Les frontières se stabilisent et l’efficacité de l’organisation des thèmes permet de garantir l’intégrité de l’Empire. Cependant, après leur victoire à Phœnix de Lycie, les Arabes continuent leurs attaques sporadiques sur les côtes byzantines mais aussi sur les possessions franques (Baléares, Provence). L’insécurité ainsi engendrée désorganise le commerce et les communications durant tout le VIIIe siècle. Néanmoins, à cause de luttes intestines (Omeyyades contre Abbassides), il n’y a pas d’offensives majeure de la part des Arabes dépendants de Bagdad durant cette période, l’Empire parvenant même à regagner des terres et à renforcer sa position à Chypre après sa victoire à la bataille de Céramée en 747 contre une flotte envoyée d’Alexandrie. Il n’en va pas de même dans la partie occidentale de la Méditerranée où les Arabes d’Espagne et du Maghreb mettent à mal les possessions byzantines en Sicile. En 826, 15 000 Arabes andalous rejetés d’Espagne s’installent en Crète sans rencontrer de résistance, la flotte byzantine étant mobilisé à Constantinople dans la lutte de Michel II contre l’usurpateur Thomas le Slavon. En 823, la flotte égéenne de 350 navires est détruite devant la capitale par la flotte impériale et son feu grégeois, laissant le champ libre aux Arabes en Crète, qui s’y installent de manière permanente.

Cette période est aussi marquée par l’iconoclasme et l’attitude des marins à l’égard de cette doctrine est la plupart du temps radicalement différente des habitants d’Asie mineure qui forment le gros de l’armée de terre. Les côtes égéennes et micrasiatiques, qui fournissaient la grande majorité des marins de la flotte byzantine, avaient surtout une culture gréco-romaine qui s’oppose à la culture de l’intérieur des terres, d’origine plus orientale. Ainsi les empereurs isauriens et amoriens iconoclastes ont plutôt favorisé l’armée de terre et soutenu les populations orientales. La marine s’est donc fréquemment opposée à ces empereurs en se rangeant du côté des iconodoules, comme Kosmas en rébellion contre Léon III ou Thomas le Slavonien contre Michel II. Ce dernier, en même temps qu’il rétablit l’iconoclasme, supprime les avantages économiques et fiscaux aux commerçants et aux régions maritimes. Pour faire contrepoids à ces marins iconodoules, les empereurs ont constitué une flotte composée de marins d’origine étrangère, notamment de Khazars et de Mardaïtes.

Sous les Macédoniens

Dessin représentant un dromon

Sous la dynastie macédonienne, la marine byzantine connut son apogée. C’est Basile Ier qui le premier instaure une vraie flotte d’État afin de lutter contre les Sarrasins en Crète.

Du VIIIe siècle jusqu’à la seconde moitié du Xe, les Arabes sont les maîtres de la Méditerranée. Ils prennent la Crète aux Byzantins en 824 ; l’île leur sert de base arrière pour l’attaque et le pillage des côtes byzantines — dont l’épisode le plus marquant est le sac de Thessalonique, la deuxième ville de l’Empire, en 904 — jusqu’en 961, date à laquelle Nicéphore Phocas les en expulse.

La flotte se divisait alors en deux : la flotte d’active impériale (τὸ βασιλικὸν πλώϊμον) basée à Constantinople et la flotte provinciale (τὸ θεματικὸν πλώϊμον) composée de contingents de réserve issus de différents thèmes maritimes (Kibyrrhaeotique, Samos et mer Égée). Cette flotte de réserve avait sa propre hiérarchie de stratèges et d’officiers permanents, seuls les équipages étaient mobilisés selon les besoins. Généralement, on laissait à cette seconde flotte des opérations de police, la guerre échoyait à la flotte impériale, plus entraînée.

Au IXe siècle, la flotte était toujours constituée de dromons à deux rangs de rames largement séparées mais aussi de dromons plus légers comme le pamphyle, l'ousiakos et la galaia, qui donnera son nom aux navires de combat, qui se caractérisent tous par l'usage de rameurs, de voiles et d'un éperon.

Chaque dromon ou chelandion était commandé par un drongaire. Il était secondé par un état-major composé de carabes, protocarabes, subdrongaires, drongarocomites, etc.

Les dromons formaient des groupes de trois ou cinq et chaque groupe était commandé par un comite (kométès). Les comites étaient eux-mêmes sous les ordres du grand drongaire, fonction dont le nom changea au cours du temps en Megas dux ou grand duc. Le grand duc voguait sur le vaisseau-amiral de la flotte, généralement celui qui avait les plus grandes dimensions et reconnaissable au pavillon impérial portant l’image de la Vierge.

L’empereur Léon VI décrit avec profusion de détails la composition de la marine dans sa Tactique. Il invite aussi ses amiraux à tenir leurs officiers constamment en alerte, à ne pas accepter d’argent de subalternes pour échapper aux punitions et à veiller à ce que la flotte soit en état et que les pièces de rechanges soient disponibles. Léon VI nous apprend aussi que les soldats des dromons qui devaient aborder un autre navire ou débarquer étaient protégés par des cuirasses métalliques sur le torse, les bras et l’avant des jambes ; le dos n’étant pas protégé.

Période tardive

À partir du XIe siècle, les principaux concurrents des Byzantins sur les mers étaient les Normands du Royaume de Sicile. Toutefois, la marine byzantine était dans un tel état de déchéance que les empereurs durent faire appel aux Vénitiens et plus tard aux Génois pour suppléer leur marine déficiente. Cette main-mise de puissances étrangères sur la marine fut encore amplifiée après la Quatrième croisade et la conquête d’une large part des terres byzantines par les Occidentaux. Après la restauration de l’Empire, les empereurs crurent pouvoir compter sur leurs alliés génois et faire l’économie de l’entretien d’une flotte jugée trop dispendieuse. Les efforts de construction d’une marine sous Andronic III furent un échec.

Événements notables

  • 468 : l’empire romain assemble une gigantesque flotte comptant près de 11 000 navires et 100 000 soldats afin de détruire le royaume vandale. Cependant, l’incompétence du général commandant la flotte, Basiliscus, aboutit à un désastre. Cette entreprise dont le coût est évalué à 130 000 livres d’or a presque ruiné l’Empire.
  • 626 : Constantinople doit faire face à l’attaque simultanée des Perses et des Avars. Pendant le dernier assaut le 10 août, la flotte avare est battue et leurs forces armées sur terre subissent de lourdes pertes et sont forcées de faire retraite.
  • 644 : la flotte byzantine prend Alexandrie aux Arabes, bien que ce succès ne soit que temporaire. En réponse, les Arabes construisent leur propre flotte.
  • 655 : la première bataille navale d’importance entre Byzantins et Arabes a lieu près de côtes de Lycie (la « bataille des mâts »). Elle se solde par une défaite totale des Byzantins.
  • 677 : bataille de Syllaeum.
  • 698 : les Byzantins reprennent Carthage.
  • 717 : les Arabes assiègent à nouveau Constantinople.
  • 747 : les Byzantins détruisent la flotte arabe envoyée d’Alexandrie.
  • 867 : des escadres byzantines dévient les attaques des Arabes sur la côte dalmate.
  • 905 : Himerios, le logothète du Drome, bat la flotte arabe en mer Égée.
  • 912 : Himerios est battu par la flotte arabe menée par le renégat grec Léon le Troplitain.
  • 924 : la marine impériale annihile la flotte du Tripolitain près de Lemnos.
  • 960 : la marine occupe la Crète.
  • 968 : la marine occupe Chypre.
  • 1104 : la flotte byzantine capture Laodicée (Lattaquié) et d’autres cités côtières aussi loin que Tripoli.
  • 1225 : la flotte nicéenne occupe les îles de Lesbos, Chios, Samos, et Icaria.

Hiérarchie et subdivisions de la marine de guerre byzantine

Personnels à terre

Des centaines des personnes à terre sont nécessaires pour faire fonctionner un thème maritime. On trouve aussi dans cette catégorie les commandants de bases navales (archontes).

Personnels navigants

Le drongaire commande un nombre fixe d’unité navales. Il est soit à la tête d’une circonscription administrative autonome trop petite pour former un thème, un drouggos, soit un subalterne du stratège chargé de la marine dans un thème. Sous Léon VI, les drongaires indépendants disparaissent dans une réorganisation qui élève certains commandements à la dignité de stratège et donc la région associée devient un thème.

Avant Léon VI, la hiérarchie était la suivante : drongaire, kométès (commandants d’une flottille de 3 à 5 unités), kentarchoi (commandant d'un navire), prôtokarabos (chef pilote du bateau). Après la réorganisation menée par Léon VI, une différence est faite dans la hiérarchie entre flotte provinciale et flotte impériale. Les officiers provinciaux sont alors désignés par leur origine géographique tandis que les officiers de la flotte impériale sont simplement désignés comme ploïmoï ou τον πλοιμον (ainsi le drongaire du ploïmon est l’amiral de la flotte impériale). En-dessous du drongaire du ploïmon vient le drongaire de la Mer Égée qui opère dans un thème dont les limites territoriales restent floues mais semblent étendues. Le thème de la Mer Égée couvrait le nord de la Mer Égée (y compris la banlieue de Constantinople) et le littoral sud de la Propontide ; le thème fut étendu aux Cyclades sous les Macédoniens. Les Cyclades sont elles-mêmes administrées par le drongaire du Kolpos.

Le feu grégeois

Description du feux grégeois dans le manuscript de Jean Skylitzes.
Article détaillé : Feu grégeois.

Le feu grégeois a permis à la marine de remporter des victoires notables et notamment de pouvoir résister aux Arabes de la fin du VIIe siècle à la moitié du VIIIe. Il était manipulé par un corps spécial de soldats. Les chefs de section de ce corps, les siphonarios, faisaient partie de l’état-major du dromon. Ces artificiers étaient protégés par un petit château en bois à la proue. En outre quelques soldats étaient chargés de repousser les éventuels agresseurs qui auraient voulu s’en prendre directement à eux.

Voir aussi

Sources

  • Gustave Schlumberger, Un empereur byzantin au dixième siècle : Nicéphore Phocas, éd. Boccard, 1923
  • Hélène Ahrweiler, Byzance et la mer : la marine de guerre, la politique et les institutions maritimes de Byzance aux VIIe - XVe siècles, PUF, Paris, 1966, 502 p. 
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