Madracen

Madracen

Medracen

35° 42′ 26″ N 6° 26′ 04″ E / 35.707275, 6.434523

Medracen {Imedghacen}, la sépulture des rois Numides[1] et patriarche des Amazighs selon l'hypothèse controversée de Ibn Khaldoun[2]

Le Medracen (tombeau Imedghassen) ou Medghassen[3] ou Madghis est un mausolée numide situé dans la wilaya de Batna en actuelle Algérie, et datant du IIIe siècle av. J.-C.. C'est un gigantesque dôme cerclé de colonnes surmontées de chapiteaux de style dorique.

C'est le plus ancien mausolée royal antique d'Afrique du nord. D'après des historiens médiévaux, il tirerait son nom du nom d'un roi de Numidie. Il a été soumis pour figurer dans la liste du patrimoine mondial par les autorités algériennes en 2002[4]. Il est classé parmi les 100 monuments les plus en danger sur la Planète[5].

Sommaire

Description

De l'extérieur, Imedghassen se présente sous la forme d'un socle cylindrique, souvent vu comme typiquement berbère et interprété comme une bazina à degrés, c'est à dire une construction de forme cylindrique surmontée d'un cône formé de gradins, mais à la fois plus grande que les bazinas courantes. D'un diamètre de 59 mètres et 18,50 mètres de haut, le tout en pierre de tailles rendues solidaires par des crampons en bois de cèdre enrobé de plomb…

Habillé d'un décor sobre emprunté à la civilisation hellénistique peut-être à partir d'intermédiaires puniques, 60 colonnes doriques surmontées d'une corniche dont la gorge égyptienne réparties entre de fausses portes, sculptées en trois points équidistants. Une plateforme au sommet supportait peut être une sculpture : lions, chariots, statues ailées ou autre sujet.

Interprétation archéologique

Pour Gabriel Camps les grands monuments funéraires berbères comme le Medracen , le Mausolée Royal de Maurétanie dit le tombeau de la chrétienne et les Djeddars de Frenda à Tiaret sont liés par une même tradition architecturale autochtone[6] [4]. Ils constitueraient une forme magnifiée des sépulture dites Bazinas attestées en Afrique du Nord depuis des milliers d'années.

Au contraire selon Yvon Thébert et Filippo Coarelli, le Medracen doit être compris comme le signe d'une nouveauté historique et culturelle : la vision de Camps est critiquée et considérée comme enfermant les peuples du nord de l'Afrique dans une immobilité culturelle et un isolement. Arguant du fait que le Medracen doit être daté de la fin du IIIème siècle avant notre ère ou de la première moitié du IIe siècle av. J.-C.[7],[8], ces deux archéologues et historiens considèrent que le Medracen, comme les autres grands mausolées numides, ne doit pas être interprété comme la manifestation de la continuité culturelle locale, par comparaison avec les bazinas, mais par comparaison avec les mausolées hellénistiques comme le signe d'une rupture dans la société numide : les souverains numides adoptent le vocabulaire architectural et funéraire des grands royaumes hellénistiques et manifestent ainsi leur insertion dans le monde méditerranéen et leurs ambitions : "par son tombeau, la nouvelle dynastie proclame que les temps ont changé"[9]. Le Medracen appartiendrait donc à la grande archéologie méditerranéenne de l'époque hellénistique manifestant un goût archaïsant mais aussi un très bonne connaissance du vocabulaire architectural le plus récent comme en témoigne la présence d'une gorge égyptienne[10]. Le Médracen témoignerait donc pleinement de l'hellénisation choisie et active d'une aristocratie numide et de son insertion dans les puissances politiques méditerranéennes, hellénisation attestée aussi par les sources numismatiques et épigraphiques.

Le Mausolée Royal de Maurétanie, souvent nommé Tombeau de la Chrétienne est un monument similaire mais un peu plus tardif. Quant aux Djeddars, ils seraient plutôt dérivés des tumulus.

Historiographie

Moyen Âge

L'historien égyptien du XIe siècle Al Bakri était le premier à décrire le monument dans sa description de l'Afrique septentrionale. Il raconte que Madghis était un roi du pays et que dans le passé, un ordre fut donné a un grand nombre d'individus pour détruire le monument mais que le résultat est resté sans succès. Al Bakri parla aussi de beaux bas reliefs qui décoraient le mausolée représentant des animaux divers et couronné d'un arbre ou une structure[11], nul trace ne subsiste aujourd'hui de tels reliefs.

Ibn Khaldoun rapporte au XIVe siècle que, selon les références d'historiens berbères, Madghis serait l'ancêtre des Numides. Il cite Madghis comme un ancêtre des Berbères de la branche Botr ( botr est le surnom de Madghis [12] ) : Zénètes, Ifren, Maghraoua (Aimgharen), Dejrawa, Zianides, Mérinides, etc[13]. Medracen serait aussi l'ancêtre des Sanhadja (Zirides, Hammadides, Almoravides) et des autres tribus berbères Kutama, etc[14].

Sur l'origine des berbères, de nombreux historiens plus anciens qu'Ibn Khaldoun (comme Ibn Hazm, Salluste ou Hérodote) ou contemporains (comme Emile Félix Gautier ou encore Gabriel Camps), pour ne citer que les plus connus, divergent ; d'une façon globale les écrits de Ibn Khaldoun font l'objet de discussions ou de désaccords. Il y a en effet une différence abyssale entre affirmer que le Medracen fut une sépulture de rois numides et affirmer que Medracen est l'ancêtre de la multitude d'ethnies berbères dispersées dans le grand Marghreb et une partie de l'Afrique sub-saharienne. Les études génétiques faites sur les différentes populations berbères d'Afrique (et librement consultables sur le net) ne confirment pas cette hypothèse d'un ancêtre commun et unique. En outre, les travaux de recherche portant sur l'écriture Tifinagh antérieure au site de Medracen et dont dériveraient les langues berbères, ainsi que les dessins rupestres datant de la préhistoire et trouvés dans des différents régions du Maghreb et d'Afrique sub-saharienne, tendent à démentir l'hypothèse d'un patriache des peuples berbères.

Premières fouilles

Les archéologues du XIXe siècle n'ont rien trouvé du tout, des restes du défunt ni du mobilier funéraire qui devait l'accompagner. Des générations de pillards avaient déjà tout emporté, surtout à l'époque turque. Le sommet du monument, incomplet devait être occupé par un édicule, qui a disparu lui aussi.

D'après une rumeur qui courait dans la région des Aurès vers 1866, l'ottoman Saleh Bey, gouverneur de Constantine en son temps, avait voulu entrer de force dans le monument, et a ordonné de tirer au canon sur le mausolée[15]. Cependant, d'après les fouilles de l'époque, M. Beckers dément de telles allégations[15], même si d'autres sources indiquent qu'il y a réellement une brèche dans la pyramide de Madracen et que cela aurait été le fait de Saleh Bey[16],[17]

Lorsque les Français ont entrepris les fouilles au milieu du XIXe siècle, ils ont demandé aux habitants l'appellation du monument. Les habitants des Aurès l'appellent Madr-Hazem ou Madrazen[18]. Les Français le nomment Madracen[18].

Dès le début des fouilles, le Mausolée fut attribué à plusieurs noms comme Syphax[18] ou des parents de Massinissa[15] ou de Micipsa[19],[20]. Le monument fut décerné aussi aux Romains[18], et l'hypothèse fantaisiste fut avancée que Probus aurait érigé ce monument à la gloire d'Aradion, hypothèse par la suite démentie par les chercheurs[15],[21].

Une fouille rapide a été entreprise par l'armée française en 1854 sous le commandement de M. Brunon. Quelques pièces archéologiques ont été retrouvées par l'équipe chargée de la fouille dont M. Cahen, celui qui a rédigé un rapport sur la fouille[15],[22].

Les objets trouvés à proximité du monument d'après le rapport M Cahen grand-rabbin : des morceaux de silex de plusieurs formes, des colliers, du cuir, de la laine, un bout de cuivre, des bracelets et anneaux, un crochet en fer, du plomb, une hachette, des plats en bois et en terre cuite, deux crânes, des ossements, de l'ivoire, une lampe en terre cuite, des médailles, etc[15],[23].

Les objets en question ont été envoyés au musée de Paris[15]. Les objets ont curieusement disparu du musée de Paris sans aucune explication de la part des responsables[11].

D'après le zoologue Jules René Bourguignat qui s'était penché sur les antiquités algériennes, le monument appartiendrait aux rois Numides et serait leur sépulture. L'auteur dément catégoriquement que Madracen est un monument romain[21]. Le chercheur Jules-René Bourguignat signale que Madracen est un monument Libyque qui atteste l'origine des Chaouis, des Kabyles, etc[21].

Et d'après Honoré Gibert en 1882, Madghassen serait le plus beau et le plus important site berbère de l'Algérie. Le monument représente Madrès (Madghis) qui serait le père fondateur de la Numidie et donc un probable ancêtre de Massinissa[24],[25]

Légende orale

D'après la légende orale, la Kahina ( la reine Dihiya ) venait souvent à cet endroit pour se recueillir devant le mausolée. D'après Ibn Khaldoun, Medghassen étant l'ancêtre des Zénètes, il était donc indirectement celui de la Kahina.

Postérité

L'aéroport de Batna portait le nom de Madghacen[26]. L'architecture de son salon d'honneur a été inspirée par le Medracen[27] Le président Liamine Zéroual avait nommé l'aéroport de Batna à la gloire du roi berbère Medracen, mais, après l'aéroport changea de nom pour devenir Mostefa Ben Boulaïd.

Le mausolée de Medghassen est classé parmi les 100 monuments historiques les plus menacés dans le monde[28]

Non loin du monument, la nouvelle ville est un projet de construction de la Wilaya de Batna[29].

Vue du mausolée par satellite [5]

Références

  1. Souvenirs d'une exploration scientifique dans le nord de l'Afrique, Jules-René Bourguignat
  2. Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères
  3. Également orthographié Madracen, Madghacen ou Medghacen (se prononce Madrassène).
  4. [1] UNESCO
  5. (en) World Monuments Watch
  6. L'Algérie des premiers hommes, Ginette Aumassip
  7. Thébert et Coarelli, p. 765
  8. Colette Roubet « Premières datation par le C14 obtenues à Alger », L’anthropologie, 74, 1970, pp. 640-641 : le bois du medracen est daté de 2170 BP (=-220) ±155
  9. Thébert et Coarelli, p. 800
  10. Thébert et Coarelli, p. 776
  11. a  et b Imedghassen : Ibbed Dh Iddher
  12. Ibn Khaldoun , Histoire des Berbères
  13. Emile Felix Gautier, L'islamisation de l'Afrique du Nord. Les siècles obscurs du Maghreb
  14. [2] Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique ... De ʻAbd al-Raḥman b. Muḥammad Ibn Khaldûn
  15. a , b , c , d , e , f  et g Recueil des notices et mémoires de la Société archéologique de la province..., de Société archéologique
  16. Revue de l'art chrétien De Société de Saint-Jean
  17. [3]
  18. a , b , c  et d Revue africaine, volume 61, 1920, Société historique algérienne
  19. History of Art in Phœnicia and Its Dependencies De Georges Perrot, Charles Chipiez, Walter Armstrong
  20. http://books.google.fr/books?id=MoMOAAAAQAAJ&pg=PA384&dq=madracen+micipsa History of Art in Phœnicia and Its Dependencies De Georges Perrot, Charles Chipiez, Walter Armstrong
  21. a , b  et c Souvenirs d'une exploration scientifique dans le nord de l'Afrique, Jules René Bourguignat ; L'ouvrage sur Google Books
  22. http://books.google.fr/books?id=r8E4AAAAMAAJ&pg=PA303&dq=madracen#PPA303,M1
  23. http://books.google.fr/books?id=r8E4AAAAMAAJ&pg=PA303&dq=madracen#PPA305,M1 Recueil des notices et mémoires de la Société archéologique, De société archéologique
  24. Musée d'Aix, Bouches-du-Rhône, Honoré Gibert, Aix mus
  25. http://books.google.fr/books?id=F_UHAAAAQAAJ&pg=PA238&dq=madracen
  26. [www.rimi.dz/zones/SGI%20BATNA.doc]
  27. [ El Watan :: Régions ]
  28. http://www.worldmonumentswatch.org/ Par World Monuments Fund
  29. La tribune;

Bibliographie

  • Yvon Thébert et Filippo Coarelli, Architecture funéraire et pouvoir : réflexions sur l'hellénisme numide, Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité, Année 1988 ([6])
  • Serge Lancel, L'Algérie antique, édition Mengès, Paris 2003

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