- Louis Duchesne
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Louis-Marie-Olivier Duchesne, né à Saint-Servan le 13 septembre 1843 et mort à Rome le 21 avril 1922, est un chanoine, philologue et historien français. Il fut directeur de l'École française de Rome et membre de l'Académie française.
Sommaire
Biographie
Jeunesse
Louis Duchesne est né dans une modeste maison bretonne de cette petite place de la Roulais croquée quelques années plus tard par le peintre Jean-Baptiste Corot. Issu d'une famille de marins et de corsaires originaire de Binic (actuel département des Côtes-d'Armor), dont l'un, Noël Duchesne, est compagnon de Surcouf, le petit Louis est le dernier d'une fratrie de cinq enfants, née d'Anne-Marie Gourlay et de Jacques Duchesne, un capitaine terre-neuva disparu au large de Terre-Neuve en 1849 lors du naufrage de l'Euphémie. Cette même année, son frère aîné Jean-Baptiste Duchesne, missionnaire à la Société de l'Océanie d'Auguste Marceau, fait aussi naufrage en territoire chinook dans l'Oregon.
Prêtre
Après avoir longtemps hésité entre la science et la vocation religieuse, il est ordonné prêtre en 1867. Sa vocation religieuse lui vient des nombreux naufrages au large de la Tour Solidor et de la piété des marins d'alors. Plus particulièrement de l'un de ces épisodes : il se trouvait un jour en mer avec son père Jacques et un vieux marin, longeant la pointe de la Cité d'Aleth. Le vieil homme pensant passer de vie à trépas, Jacques fut dans l'obligation de donner les derniers sacrements au vieux compagnon... qui se ressaisit aussitôt arrivé à la cale du port Saint-Père, le malaise passé. Par ailleurs, le jeune Louis reste un téméraire camarade pour ses quatre neveux Miniac (Louis, Edmond, Alfred et Paul), qui ont pour loisir de se rendre ensemble jusqu'à l'île de Cézembre à la rame. Un jour, lui et ses neveux s'aventurent en mer, naviguant jusqu'aux parages des Minquiers, au désespoir de leurs mères respectives qui ne les voient pas revenir.
Il enseigne quelque temps au collège Saint-Charles de Saint-Brieuc, avant de venir à Paris suivre des cours à l'École des Carmes et à l'École pratique des hautes études. Amateur d'archéologie, il organise plusieurs missions physiquement éprouvantes, tant au Mont Athos qu'en Syrie et en Asie mineure.
Universitaire
Devenu docteur ès lettres, après avoir refusé une chaire en faculté, il obtient la nouvelle chaire d'histoire ecclésiastique de l'Institut catholique. Cependant, son enseignement très critique l'oblige à quitter cette faculté de théologie en 1883. Il enseigne alors à l'École pratique des hautes études à Paris, avant d'être nommé, en 1895, directeur de l'École française de Rome, école dont il avait été membre de 1873 à 1876.
Fondateur et collaborateur régulier du Bulletin critique de littérature, d'histoire et de théologie, Louis Duchesne produit une abondante œuvre érudite sur l'histoire de l'Église : Le Liber Pontificalis en Gaule au VIe siècle, Origines du culte chrétien, Fastes épiscopaux de l'ancienne Gaule, Les premiers temps de l'État pontifical. Bien que ses livres lui aient valu de prestigieuses récompenses (chanoine honoraire de Paris, commandeur de la Légion d'honneur), ils inquiètent la hiérarchie catholique à tel point que le pape Pie X, peu enclin à la démocratie et principal adversaire du modernisme qu'il condamne en 1907 dans l'encyclique Pascendi, juge justement son Histoire ancienne de l'Église trop moderniste et la met à l'Index en 1912. Finalement, Louis Duchesne s'incline. « Fidélis » était sa devise personnelle.
Du reste, Louis Duchesne ne cachait guère son opinion sur la politique, qu'il estimait un peu naïve, de Pie X. Lorsque parut l'encyclique Gravissimo officii munere, suite à la séparation de l'Église et de l'État, il déclara malicieusement : « Avez-vu lu la dernière encyclique du Saint-Père, Digitus in oculo ? » Et toujours à propos de Pie X, qui avait été patriarche de Venise avant de devenir pape : « C'est un gondolier vénitien dans la barque de saint Pierre : il est naturel qu'il la conduise à la gaffe...»
Son rigoureux travail d'historien, contredisant certaines croyances populaires locales, lui vaut des lettres anonymes pleines de menaces particulièrement véhémentes, entre autres celles d'être pendu. Menaces non mises à exécution, donnant à Mgr Duchesne l'occasion de conclure que « dans le midi, il n'y a de bien pendues que les langues ».
Académicien
Membre de plusieurs académies étrangères (Berlin, Göttingen, Rome et Turin), Louis Duchesne est élu à l'Académie française le 26 mai 1910, lors de la remise du fauteuil du cardinal Mathieu. Appuyé notamment par Pierre Loti et s'opposant aux candidatures droitières, Mgr Duchesne triomphe par 17 voix sur 32 votants. Il est reçu le 26 janvier 1911 par Étienne Lamy, devenant le voisin sous la coupole de Raymond Poincaré et d'Anatole France. À cette occasion, le dessinateur Francisque Poulbot le caricature dans l'hebdomadaire parisien Les Hommes du jour du 4 février. À son tour, en juillet 1920, il reçoit le maréchal Lyautey.
Mort à Rome le 21 avril 1922, son corps est ramené en Bretagne, transitant dans sa maison de la Cité d'Aleth, en Saint-Servan. Il repose au petit cimetière du Rosais, face à cette Rance où, sexagénaire, il se baignait encore en sportif vigoureux parmi les rochers du Port Saint-Père. Il pourrait même voir « les côtières », ce petit corps de garde de la Cité où chaque été, abandonnant les ors des palais romains, il venait retrouver son Clos-Poulet natal, sa vieille mère, sa sœur Anne-Marie Miniac (1825-1911) et ses neveux Miniac.
Postérité
À sa mort, la presse internationale, tel le Times, salue son œuvre, traduite en de nombreuses langues. Ayant pris soin de nommer son neveu, le négociant en tissu servannais Paul Miniac (1851-1936), comme légataire universel, sa famille veille sur la mémoire et les droits moraux de l'érudit dont encore aujourd'hui l'œuvre est étudiée dans les universités et les séminaires, après avoir été réhabilitée par la hiérarchie papale. Dans l'année suivant son décès, paraît Monseigneur Duchesne chez lui en Bretagne d'Étienne Dupont.
Puis l'académicien et archéologue Jérôme Carcopino relate longuement Louis Duchesne dans ses Souvenirs romains, en 1968. Le fruit d'un colloque consacré à Duchesne en 1973 au palais Farnèse est édité à Rome en 1975. Au cours de ce colloque, le pape Paul VI réhabilite la mémoire de Duchesne. De même, une thèse de doctorat d'histoire lui a été consacrée en 1992 par Brigitte Waché. En mars 1996, Hélène Carrère d'Encausse évoque l'œuvre de Duchesne dans son discours de réception à l'Académie française du cardinal Jean-Marie Lustiger.
Aujourd'hui, le Musée d'histoire de Saint-Malo conserve une toile de 1903 signée Jean Coraboeuf représentant Duchesne. À Saint-Malo, en 1995, le député-maire René Couanau inaugure un buste de Louis Duchesne, dans ce Saint-Servan que l'illustre Servannais chérissait tant et face à cette cité malouine dont il disait : « Malouins, vos ancêtres ont été des lions, ne soyez pas des veaux ! ». Cette citation accompagne un bas-relief en bronze de Duchesne visible au 28 rue Ville-Pépin à Saint-Malo, résidence de sa sœur aînée. Napoleone Parisani a peint son portrait.
Louis Duchesne fut président de la Société des Antiquaires de France à partir de 1893.
Ouvrages
- Mémoire sur une mission au Mont Athos, avec Charles Bayet, 1870
- Les Premiers Temps de l'État pontifical (754-1073), 1898
- Origines du culte chrétien : étude sur la liturgie latine avant Charlemagne, 1889, 1903
- Mémoire sur l'origine des diocèses épiscopaux dans l'ancienne Gaule, 1890
- Histoire ancienne de l'Église, 3 vol., 1907-1910
- Fastes épiscopaux de l'ancienne Gaule, 2 vol., 1907-1910 Texte en ligne
- L'Eglise au VIe siècle, 1925
- Scripta minora : études de topographie romaine et de géographie ecclésiastique, reproduction en fac-simile de textes extraits de diverses revues et publications, 1886-1923, 1973
Bibliographie
- Arthur de La Borderie, Revue de Bretagne et de Vendée, 1888.
- Louis Duchesne, Discours de réception de M. le Général Lyautey, Paris, Librairie académique Perrin, 1921.
- Jean Colin, Mgr Louis Duchesne, l'universel, Rome, 1922.
- Étienne Dupont, Monseigneur Duchesne chez lui, en Bretagne, Rennes, Librairie moderne, 1923.
- Fernand Chabrol, Monseineur Duchesne, son œuvre historique, Revue des études théologiques, Oxford University Press, 1923.
- Alfred Merlin, Bulletin de la Société des Antiquaires de France, 1925.
- Jean Rivière, Le Modernisme dans l'Eglise, 1929.
- Jérome Carcopino, Souvenirs romains, Paris, Hachette, 1968.
- Collectif, Monseigneur Duchesne et son temps ( Actes du colloque de 1973), Rome, École française de Rome, 1975.
- Jean-Yves Ruaux, Saint-Malo et le pays d'émeraude, Dinan, Editions des templiers, 1990.
- Thomas Talley, Les origines de l'année liturgique, Editions du cerf, 1990.
- Brigitte Waché, Monseigneur Louis Duchesne, Rome, École française de Rome, 1992
- Patrick Saint-Roch, Correspondance entre Giovanni de Rossi et Louis Duchesne, Ecole Française de Rome, 1995.
- Brigitte Waché, communication sur Duchesne au colloque Un siècle d'histoire du Christianisme en France, à l'université Rennes II, les 15-17 septembre 1999.
- Brigitte Waché, Louis Duchesne et l'histoire du Christianisme, chapitre dans la Revue d'histoire de l'Eglise de France, Paris, 2000.
- Brigitte Waché, Mgr Louis Duchesne à l'institut français d'archéologie orientale du Caire en 1912, chapitre dans Mélange de recherches en l'honneur du professeur Georges Jehel, Université de Picardie, 2002.
- Brigitte Waché , Les relations entre Loisy et Duchesne, communication au colloque sur le théologien Alfred Loisy organisé à Châlons-en-Champagne en octobre 2003.
Liens externes
- Notice biographique sur le site de l’Académie française
- Photographie et généalogie de Louis Duchesne
- Œuvres numérisées sous format image
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Précédé par
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