- Louis-François Dubuc
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Le chevalier Louis-François du Buc de Marcussy (1759-1827), était un noble et homme politique martiniquais. Il fut porte-parole des colons martiniquais, dernier Intendant de la Martinique nommé par Louis XVIII et député.
Sommaire
Biographie
Sa famille
On écrit souvent Dubuc par erreur, il faut dire du Buc selon les archives de sa famille, et les lettres patentes signées par le roi Louis XVI, lui accordant définitivement, tout comme à ses cousins, son rattachement à sa famille normande d'origine "les Du Buc-Richard", installés depuis le Moyen Âge au Fontenil, près de L'Aigle, à Bretagnolles et autres lieux comme le Buc à Iville ou Le Buc à Criquebeuf-la-Campagne, près d'Évreux, en Haute-Normandie.
Son frère aîné mourut jeune[1]. C’est donc lui qui portera sur ses épaules toute la gloire des du Buc en prenant le soin de mener une vie de haute notoriété sans reproche. Il se déclarait « honnête homme »… « Il est intelligent, d’une culture générale étendue, d’une éducation parfaite et d’une inébranlable fermeté » selon les comptes-rendus de l’Assemblée Coloniale.
Jeunesse
Il est né le 22 mai 1759 à La Trinité en Martinique. Il est le fils cadet de Jean-Baptiste du Buc.
Après avoir fait ses études à l’École d’Artillerie de Strasbourg, il fut nommé, à l’âge de 16 ans, sous-lieutenant au Régiment de Bouillon et y restera neuf ans. Il fit campagne à Mahón, à Gibraltar, à Cadix et démissionna en 1783.
La Révolution
Membre de l’Assemblée Coloniale en 1789, président de son Comité Permanent (Confédération de Planteurs) le 10 décembre 1790, Monsieur du Buc en devint vice-président puis président en 1792. Cette Assemblée Coloniale de tendance autonomiste s’opposa aux patriotes de Saint-Pierre de la Martinique.
Il était, comme l’on dit, l’homme fort de la Martinique, tout en ayant un sang-froid surprenant comme par exemple à l’été 1790 : il n’a aucune crainte quant aux troubles militaires qui se déroulent à La Martinique. Quand la garnison de Saint-Pierre et celle de Fort-de-France s’allièrent aux patriotes révolutionnaires, Du Buc resta calme et essaya de trouver une solution raisonnable et pacifique pour retrouver une unité entre les propriétaires terriens et les travailleurs-artisans-commerçants. On savait également que la présence de noirs armés, au milieu des troupes régulières, multipliait le marronnage (la fuite d’esclaves des plantations), mais Du Buc, propriétaire d’esclaves sur ses terres comme ses cousins, demandait aux colons de rétablir la situation calmement avec « des ordres de clémences » !
Du Buc avait un comportement antirépublicain. Cependant, étant donné la situation de son père et la sienne propre, il était peu enclin à militer en faveur de la monarchie qui s’apprêtait à le ruiner, vu les dettes familiales qui existaient, mais était partisan de tout changement susceptible de faire annuler les créances de son père[2]. Par son Conseil Souverain, la Martinique se gouvernait un peu à la manière d’une petite république féodale.
En 1793, cette Assemblée, lasse des désordres croissants et profondément blessée par les exigences de la Convention, envoya trois émissaires secrets à Londres pour demander des secours et négocier un accord. Cette idée lui avait été fournie par les terroristes eux-mêmes qui, dès le début de la guerre civile, avaient cherché l’appui clandestin des gouverneurs anglais voisins. Ces trois émissaires étaient les chevaliers Louis de Curt, L-F. du Buc de Marcussy et Clairfontaine.
Mais Louis-François s’était déjà tourné secrètement du côté des Anglais et entra secrètement en rapport avec eux. On présentait alors Monsieur du Buc de Marcussy comme « hypocrite, intrigant, intéressé, subordonnant tout à ses intérêts ». Il entra en lutte contre le comte de Béhague, qui représentait le roi. Louis-François alla à Paris pour porter les revendications des planteurs, avec Clairfontaine et Louis de Curt. Il se fit allouer pour cela un traitement de 50 000 Livres et réalisa un prêt de 400 000 Livres. Se rendre à Londres était un projet hardi. Seuls des hommes intègres, et au-dessus de tout soupçon, pouvaient le mener à bien. Mais le caractère des trois envoyés était à la hauteur de la mission. Le Conseil Supérieur de la Martinique n’avait point coutume de donner sa confiance à la légère. Avec prudence et circonspection, les trois diplomates s’employèrent à procurer à leur petite patrie le remède « nécessaire ». Il s'agissait pour eux d'un remède analogue à ceux, qu’en péril de mort, on est obligé d’employer. Après s’être rendus à Paris, les trois émissaires allèrent à Londres. Après beaucoup de pourparlers, ils obtinrent un pacte temporaire, le Traité de Whitehall, signé le 19 février 1793. Ce traité, tout en mettant l’île sous la protection anglaise, stipulait qu’elle ferait retour à la France sans compensation, et plus précisément à un souverain français de la famille de Bourbon, aussitôt que l’ordre y serait rétabli. Les clauses de ce traité furent si bien faites que, dès 1802, le retour s’opéra sans difficultés.
C’est à partir de la signature de cet accord que la France Républicaine et la Grande-Bretagne sont en guerre.[réf. nécessaire] En juin 1793, les Anglais attaquèrent la Martinique : Du Buc faisait partie du corps expéditionnaire. Il avait fait croire aux autorités britanniques qu’ « il suffisait qu’une expédition anglaise se présentât, et que les Forts seraient remis aux troupes anglaises pour protéger la Colonie contre la République, tout en y laissant flotter le drapeau blanc comme signe de la souveraineté de la France » selon Sidney Daney.
Cependant, cette première expédition fut un échec, et Louis-François du Buc dut se réfugier à la Dominique d’où il entretenait « une correspondance secrète avec les campagnes ». Il avait des amis partout aux Antilles, et pouvait être reçu avec une grande hospitalité chez la plupart des colons. Une nouvelle expédition s’exécuta le 20 mars 1794 et, cette fois, on assista à l’abandon de l’île par les républicains français.
Du Buc revint à la Martinique sur le navire anglais Vengeance et le gouvernement nouveau ne se substituant pas au roi de France pour ce qui touchait les dettes des du Buc, la famille fut sauvée de la ruine. Le 24 mai 1794, Louis-François fut nommé administrateur général de la Martinique et s’acquitta de cette charge à la satisfaction des colons. Il fut remplacé en 1796 par Sir Robert Shore Milnes tandis que le 15 août 1795, il devenait membre du Conseil privé des colonies anglaises, sans traitement. Cette montée en puissance culmina lorsqu’il devint Président du Conseil Souverain.
La Martinique recouvra donc le calme et la paix nécessaires à son redressement. Ses industries fleurissent et le futur Napoléon Ier eut grâce à la paix d'Amiens, la chance de regagner une île en plein rendement économique. Louis-François s’installa vraiment définitivement à la Martinique en 1801.
Le Consulat et l'Empire
Le parti des planteurs le porta à la présidence de l’Assemblée Coloniale. Et par sa modération et sa fermeté, il sauva l’île de la fureur des divers partis.
De 1802 à 1814, il fut député de la Martinique auprès de l’Empereur. En 1802, à la suite du Traité d’Amiens qui restituait la Martinique à la France, Louis-François fut chargé par les colons de représenter leurs intérêts auprès du Premier Consul. Accusé d’anglophilie, il n’attira pas moins sur lui l’attention de Bonaparte qui résolut d’étudier et de gagner cet homme, même si le Premier Consul semblait lui tenir rigueur[3].
Louis-François fut tenu « dans une espèce de disgrâce pendant assez longtemps ». N’oublions pas que l’Impératrice Joséphine était sa cousine éloignée et qu’elle avait passé son enfance chez tous les colons qui cousinaient entre eux, ce qui aida le député[4]. Le hasard fit bien les choses. C’est Louis-François qui, étant à Paris, présenta en 1804 l’ « adresse » des martiniquais au nouvel empereur. Louis-François était donc le porte-parole des colons : « Sire, dit-il, la Martinique à la distance où elle est du centre de l’Empire n’a pu joindre son vœu à celui de la France entière qui a placé Votre Majesté Impériale sur le trône. Mais aucune partie ne peut voir cette élévation avec plus de joie, ne doit y concourir avec plus d’empressement… ». L’Empereur répondit : « La Martinique m’est chère à plus d’un titre… Écrivez à ceux qui vous envoient que mes sentiments pour eux sont aussi invariables que mon estime… » Puis, Louis-François du Buc de Marcussy dit à l’Impératrice : « Madame, les Français révèrent et chérissent en votre Majesté Impériale, la compagne qui embellit les jours de leur auguste souverain et qui n’use de sa puissance que pour contribuer à son bonheur. La Martinique s’enorgueillit d’avoir vu naître celle que la Providence réservait à de si hautes destinées et qui s’en montre si digne. L’éclat qui l’environne semble rejaillir sur cette colonie. Ses habitants entendent, avec transport, raconter que l’humanité et la bienfaisance sont assises sur le trône, à côté de Votre Majesté, qu’Elle est plus ornée de ses grâces que de sa couronne, que les avantages qu’elle tient de son rang disparaissent sous le charme de ses qualités personnelles… Et, plus touchés de sa bonté que frappés de sa gloire, ils ne s’aperçoivent pas qu’ils remplissent un devoir en lui offrant des hommages qui sont l’élan du sentiment le plus pur… »
De si délicates louanges faisant référence à la naissance martiniquaise de l'Impératrice furent appréciées comme il convenait. L’attitude de Louis-François, qui sut louer sans s’abaisser, lui concilia les bonnes grâces de Napoléon. Les préjugés tombèrent, le nouvel Empereur l’agréa comme député de la colonie et lui conféra la Légion d’honneur. Mais, à part ses fonctions, le chevalier ne chercha jamais à user d’un crédit qu’il lui aurait été facile d’exploiter. Louis-François rentra en grâces et fut même admis à toucher les appointements qui lui avaient été accordés par la colonie. Mais les du Buc étaient royalistes dans l'âme. Ils se tinrent donc à l'écart de la nouvelle cour. Le chevalier Louis-François du Buc critiqua même sa cousine l’Impératrice Joséphine dans une lettre familiale de 1811 : « Elle m’exaspère d’apposer continuellement son éventail devant sa dentition gâtée ».
La Restauration
En 1814, Louis XVIII récompensa ses services en le nommant Intendant de la Martinique tandis que le vieux comte Pierre de Vaugiraud de Rosnay (1741-1819), vice-amiral, était nommé gouverneur de la Martinique. Louis-François se rendit dans l’île le 22 décembre, précédé de deux commissaires. Son administration produisit de bons résultats. A plusieurs reprises, les habitants, le Conseil Supérieur, le Commerce lui témoignèrent leur satisfaction[5]. Il garda son poste jusqu’en 1818, date de la suppression des intendants coloniaux.
Cependant, le nouveau Gouverneur (métropolitain) et le nouvel Intendant (créole) n'allaient pas réussir à s'entendre[6]. Leur différend remontra jusqu'au roi[7] qui les rappellera à Paris et supprima la fonction d'Intendant.
Financièrement, Louis-François était en difficulté, toutes les habitations héritées de son père étant grevées d’hypothèques et il fut obligé de se séparer tristement des terres de ses ancêtres. N’arrivant pas à remettre sur pied les Habitations de Galion-Grand Fonds, il les vendit en 1819. Il fut pensionné le 24 août 1824, fut élu député de la Martinique en 1827, mais mourut le 18 décembre 1827 avant d’avoir siégé.
Postérité
Il avait épousé à Fort-de-France, le 4 août 1794, Mademoiselle Le Vacher de Boiville, dont il eut deux filles :
- Madame la baronne Louise-Désirée-Julie Milius née du Buc, épouse de Monsieur le Contre-Amiral baron Pierre Bernard Milius (né à Bordeaux le 4 janvier 1773, mort à Bourbonne-les-Bains le 11 août 1829), Administrateur et Gouverneur de Guyane, Capitaine de Vaisseau, Maître des Requêtes au Conseil d’État, Chevalier de Saint-Louis, Commandeur de l’Ordre de La Légion d’honneur, Chevalier de l’Ordre du Bain d’Angleterre et celui de Saint Wladimir de Russie.
- Madame Geneviève-Désirée-Elisabeth de Fleuriau née du Buc (1803-1879), épouse d’Aimé-Benjamin de Fleuriau (né le 13 juin 1785 à La Rochelle, Charente-Maritime, mort le 3 décembre 1862 à Paris), Chevalier de Saint Louis, Grand Officier de la Légion d’honneur, Capitaine de Vaisseau, Directeur au Ministère de la Marine.
- un fils mort en bas âge.
Armoiries
Louis-François du Buc de Marcussy, Chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, Chevalier de la Légion d'honneur, dernier Intendant de la Martinique avant la suppression de la fonction par décision royale, porte comme armoiries :
- « d'azur à un sauvage d'or ; au chef cousu de gueules chargé de trois dards d'argent posés en fasces » par héritage et filiation depuis 1701 d'après le règlement d'Armoiries et Lettres Patentes.
- « parti au 1 d’or à la bande d’azur, qui est du Buc de Normandie ; au 2 d’azur à un sauvage d’argent portant sur son épaule droite une massue de même, au chef cousu de gueules chargé de trois flèches empennées d’argent, posées l’une sur l’autre en fasces, qui est du Buc de Martinique » après 1769 (Lettres Patentes).
- « d’argent à la bande d’azur » après 1781 par accord familial et notarié, et consentement royal (Lettres Patentes).
Château
Les ruines du château Dubuc, construit en 1721 par les petits-fils de Pierre Dubuc de Rivery, sont aujourd'hui encore visibles sur la presqu'île de la Caravelle, sur la côte est de la Martinique. Classé monument historique depuis 1991 c'est le 3e site le plus visité de la Martinique, après Saint-Pierre et le domaine de la Pagerie aux Trois Ilets.
Gaoulé
Les du Buc furent liés à l'"affaire du Gaoulé" en 1717, quand avec d'autres propriétaires, ils se révoltèrent contre les décisions administratives prises par la France au lendemain de la mort de Louis XIV et peu avant la création du système de Law.
Notes et Références
- loge maçonnique de Saint-Pierre. Il eut une double cérémonie funéraire, l’une à la loge, l’autre à l’église. En 1786, son frère aîné, Pierre VI du Buc de Marcussy, marié à sa cousine Aimée du Buc de Bellefonds, mourut à Saint-Pierre. Il était major de la milice de l’île et « vénérable » d’une
- L’historien Lémery déclare même : « il avait des dettes immenses dont une bonne partie avait été contractée par Jean-Baptiste du Buc » (son père)
- Bonaparte « n’ignorait pas la part que Du Buc avait pris aux évènements passés à la Martinique et qu’il avait été l’un de ces planteurs qui, préférant l’étranger au gouvernement anarchique et sanguinaire de la Convention, avaient contribué à appeler les Anglais sur le sol de la République ».
- Aimée du Buc de Rivery. L’Impératrice Joséphine était une martiniquaise née aux Trois-Ilets, où habitait Louis-Guillaume Marlet, voisin de ses parents, et père du mari de la sœur d’
- Louis-François a même dit, avec un peu de prétention : « Placé par mon zèle et par la confiance de mes concitoyens à la tête des affaires pendant nos longs orages politiques, le peu que je valais s’est accru sans mesure de tout ce que vous valiez : ce que les colons de la Martinique ont accompli de noble, de difficile, de recommandable, m’a désigné à Sa Majesté et c’est sa Colonie entière qu’elle a voulu honorer en ma personne ».
- Jacques Adélaïde-Merlande, officier des Palmes Académiques, Maître de Conférence, Agrégé d’Histoire à l’Université des Antilles et de la Guyane dans son dictionnaire « Les Hommes Célèbres de la Caraïbe » « les rapports avec le comte de Vaugiraud vont d’ailleurs se dégrader. Du Buc semble se considérer comme l’égal du gouverneur. Ainsi lors de la signature de la convention entre les autorités françaises et britanniques de la Barbade (convention qui légalisait l’occupation de certains points stratégiques de la Martinique par les Anglais pour prévenir un coup de force bonapartiste (fameux Cent-Jours, retour de Napoléon mars-juin 1815), Du Buc aurait exigé du gouverneur que sa signature figurât aux côtés de Vaugiraud « quoique d’après l’organisation de nos pouvoirs respectifs, la mienne (celle de Vaugiraud) dut suffire ».
- Le rapport que Vaugiraud adresse au roi sur le gouvernement de La Martinique et de la Guadeloupe, est pour une bonne part un réquisitoire contre Du Buc accusé de népotisme et de clientèlisme : « né créole de la Martinique, tenant à une famille qui embrasse les trois-quarts de la Colonie, il (Du Buc) a à ajouter à ces avantages, ceux des choix faits en 1814 sous ses auspices, et l’on peut dire, par ses ordres, des principaux officiers civils et militaires destinés à nous seconder dans le gouvernement » Du Buc avait « une nuée de parents et d’alliés tenant le haut bout dans les divers quartiers de la colonie » et pouvait avoir l’appui de son neveu le baron Baillardel de Lareinty, Intendant-Directeur Général des Colonies au Ministère de la Marine ».
Bibliographie
- La colonisation française pendant la Révolution, par J. Saintoyant (1930).
- La Révolution française à la Martinique par Henry Lémery (1936).
- Si la Martinique m'était contée à travers l'Histoire des chevaliers du Buc de la Normandie à la Martinique... en passant par la Turquie par Y.B. du Buc de Mannetot, Éditions du Buc, (2008)
- Histoire du Château du Fontenil par Y.B. du Buc de Mannetot, Éditions du Buc, (2009)
Liens externes
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