Limite inductive

Limite inductive

Sommaire

Avant -propos

En analyse, l'efficacité du concept de limite n'est plus à démontrer. L'idée de la limite inductive (et de sa duale, la limite projective) cherche à généraliser à l'algèbre ce qui fonctionne si bien en analyse.

Un premier point clef est la notion de passage à la limite. Une limite de nombres réels positifs est positive. La limite de la racine carrée est égale à la racine carrée de la limite. De manière analogue, en algèbre, on va chercher quelles sont les propriétés qui passent à la limite (inductive, projective ou les deux). Ces propriétés ne seront pas des fonctions comme en analyse, mais des foncteurs. Ainsi, un foncteur covariant compatible avec la limite inductive fera en sorte que la limite inductive des images soit égale à l'image de la limite inductive. (Si le foncteur est contravariant, il transformera une limite inductive en limite projective.)

Par exemple, dans la catégorie des modules sur un anneau commutatif A, la limite inductive existe toujours et elle est compatible avec le noyau, l'image et le conoyau. Par contre, la limite projective est compatible avec le noyau, mais pas avec l'image.


Certaines structures se construisent naturellement par passage à la limite. Pour une extension algébrique infinie, le groupe de Galois peut se définir par limite projective. On obtient ainsi un groupe profini.

Un deuxième point clef est la notion de densité. Tout nombre réel est limite de nombres rationnels, et même de nombres décimaux (ce qui est la base de la manipulation des nombres à l'aide des calculatrices). Toute fonction continue définie sur un segment est limite uniforme de fonctions polynomiales, et même de fonctions en escalier. Ce résultat permet par exemple une démonstration fulgurante du théorème de Riemann-Lebesgue. On démontre d'abord le résultat pour les fonctions en escaliers et on passe ensuite à la limite. C'est cet état d'esprit que l'on cherche à reproduire en algèbre grâce aux limites inductives. Au lieu de démontrer directement un résultat, on commence par le démontrer sur des objets simples, puis on passe à la limite inductive. On peut remarquer par exemple que tout espace vectoriel est limite inductive d'espaces vectoriels de dimension finie.

Ensemble ordonné filtrant

Article détaillé : Ensemble filtrant.

Soit (I,\leq) un ensemble ordonné (partiellement ordonné en général). On dit que (I,\leq) est un ensemble ordonné filtrant si et seulement si

\forall (i,j)\in I^2,\exists k\in I, i\leq k\ et\ j\leq k

On dit qu'un ensemble est filtrant à gauche lorsque l'ordre opposé est filtrant. Dans un tel cas, on conservera le vocabulaire mais il correspondra à l'ordre opposé. Dans la pratique, cela n'engendre pas de confusion, c'est même plutôt pratique.

Système inductif

Soit (I,\leq) un ensemble ordonné filtrant. Soit C une catégorie. On appelle système inductif d'objets de C indexés par I la donnée d'une famille (E_i)_{i\in I} d'objets de C et de morphismes f_i^j : E_i\to E_j pour chaque couple d'indices (i,j)\in I^2 tel que i\leq j; le tout vérifiant :

  • \forall i\in I, f_i^i = Id_ {E_i}
  • \forall (i,j,k)\in I^3,\ i\leq j\leq k \Rightarrow f_j^k\circ f_i^j = f_i^k.

Propriété universelle de la limite inductive

Soit (Xi, fij) un système inductif dans une catégorie C . La limite inductive X, lorsqu'elle existe est un objet de la catégorie C muni de flèches ϕi de Xi à valeurs dans X vérifiant les relations de compatibilité \phi_i=\phi_j\circ f_{ij} pour tous i\leqslant j. De plus, la donnée (Xi) doit être universelle : pour tout autre objet Y muni d'une famille de flèches ψi vérifiant des compatibilités analogues, il existe une unique flèche u : XY telle que le diagramme :

DirectLimit-01.png

soit commutatif pour tous ij. La limite inductive est notée : X = \varinjlim X_i. On parlera de limite inductive des Xi suivant les morphismes de transition fij, ou par abus de langage, de limite suivant I, voir tout simplement de limite inductive des Xi.

Comme pour toute propriété universelle, lorsqu'elle existe, la limite inductive est unique, à isomorphisme unique près.

Autrement dit, la limite inductive représente le foncteur qui à un objet Y de la catégorie C associe l'ensemble \varprojlim Hom(X_i,X).

Construction de la limite inductive

La limite inductive existe dans la plupart des catégories usuelles (notamment les magmas, monoîdes, groupes, groupes abéliens, anneaux, A-modules, K-espaces vectoriels, espaces topologiques, etc.). On peut la construire à partir de la limite inductive de la famille d'ensembles sous-jacents. Elle commute donc avec le foncteur d'oubli.

De façon plus générale, dans une catégorie quelconque, sa construction est duale de celle de limite projective. On construit la limite projective à l'aide de deux processus, celui de produit et celui de noyau. On construit la limite inductive à partir des deux notions duales de somme et de conoyau.

Limite inductive d'ensemble

Soit (Ei, fij) un système inductif d'ensembles. On obtient la limite inductive comme quotient de l'union disjointe \sqcup_{i\in I} E_i par la relation d'équivalence :

(i,x)\sim (j,y) \Leftrightarrow \exist k\in I, i\leq k,\ j\leq k\ et\ f_i^k(x)=f_j^k(y)

Notons E_{\infty} l'ensemble quotient. Pour définir  \phi_i : E_i\to E_\infty, on prend comme ϕi(x) la classe de (i,x).

Limite inductive d'espace topologiques

Soit (Ei, fij) un système inductif d'espaces topologiques. On munit successivement la réunion disjointe des ensemble sous-jacent puis l'espace quotient de la topologie quotient dans la construction précédente.


Limite inductive de magmas

Soit (Ei, fij) un système inductif de magmas. Chaque ensemble Ei est muni d'une loi de composition interne * i et chaque application f_i^j est un morphisme. On commence par construire la limite inductive des ensembles Ei. Il existe alors une unique structure de magma sur E_\infty telle que les applications canonique ϕi soient des morphismes.

On construit cette loi de la façon suivante. Soit (i,x) et (j,y) deux représentants de deux éléments de E_\infty. Il existe k\in I tel que i\leq k et j\leq k. Dans E_\infty, on a (i,x)=(k,f_i^k(x)) et (j,y)=(k,f_j^k(y)). On pose alors (i,x)*(j,y)=(k,f_i^k(x) *_i f_j^k(y)), le résultat obtenu ne dépend bien sur pas du choix de k.

Propriétés

  • Si chaque loi * i est commutative, alors la loi * est commutative.
  • Si chaque loi * i est associative, alors la loi * est associative.
  • Si chaque loi * i possède un élément neutre ei et si chaque morphisme f_i^j vérifie f_i^j(e_i)=e_j, alors * possède un neutre e (de plus, pour chaque i, on a ϕi(ei) = e).
  • Si chaque Ei possède une structure de groupe, E_\infty est un groupe.

Limite inductive d'anneaux

De façon analogue, si chaque ensemble Ei est muni de deux lois + i et * i, la limite inductive E_\infty est munie de deux lois + et * . Si chaque loi * i est distributive par rapport à + i, alors * est distributive est par rapport à + .

Ce procédé permet ainsi de construire une limite inductive d'anneau.

  • Si chaque anneau Ei est intègre, il en est de même de E_\infty.
  • Si chaque anneau Ei est un corps, il en est de même de E_\infty.

Limite inductive de modules

Soit A un anneau commutatif et (Ei, fij) un système inductif de A-modules. On peut munir la limite inductive E_\infty des ensembles sous-jacents d'une structure de A-module de sorte que les application ϕi soient linéaire. une telle structure est unique et se construit de la même façon que pour les magmas.

Exemples

  • Si l'ensemble filtrant I est fini, il possède un plus grand élément ω. La limite inductive de tout système inductif (E_i,f_i^j) est alors égale à Eω. Si I est infini mais possède un plus grand élément quand même, le résultat est le même.
  • Soit E un ensemble et (En) une suite croissante de sous-ensembles de E, avec les injections canoniques. la limite inductive de la suite (En) s'identifie à la réunion de ces ensembles.
  • Soit p un nombre premier. Pour tout n soit Un le groupe cyclique des racines pn-ièmes de l'unité dans un corps algébriquement clos. On considère les inclusions comme morphismes de transition. La limite directe de ce système est alors le groupe infini constitué de toutes les racines p-primaires de l'unité.
  • Soit E un espace topologique et a un point de E le germe des fonctions E dans \mathbb R est la limite inductive des ensembles C(U,\mathbb R) des ensembles des applications continues d'un voisinages quelconques U de a. Les voisinages étant ordonné par l'inclusion (filtante à gauche, ce qui inverse le sens des flèches). Pour V\subset U, on va de C(U,\mathbb R) dans C(V,\mathbb R) par restriction.

Suite cofinales

Références

Régine et Adrien Douady, Algèbre et théories galoisiennes, Cassini, Nouvelle Bibliothèque mathématique, 2005.
Nicolas Bourbaki, Algèbre, chapitres 1 à 3.

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Limite inductive de Wikipédia en français (auteurs)

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