Prefaisceau

Prefaisceau

Préfaisceau

En mathématiques, et plus particulièrement dans la théorie des catégories, un préfaisceau sur un espace topologique X est un foncteur contravariant de la catégorie des ouverts de X dans une autre catégorie. On peut donc avoir des préfaisceaux d'ensembles, de groupes, d'anneaux ou de tout autre type de structures mathématiques. Les préfaisceaux préfigurent les faisceaux. En géométrie, aussi bien d'ailleurs en géométrie algébrique qu'en géométrie différentielle, la notion de faisceau est une généralisation des sections d'un fibré vectoriel. Dans ce cadre, X est une variété algébrique ou une variété différentielle.

Les faisceaux ont été introduits dans les années 1940 pour les besoins de la géométrie complexe par Henri Cartan, puis par Jean Leray en topologie. Les faisceaux ont pris par la suite une importance considérable.

Sommaire

Vocabulaire

Préfaisceaux

La définition d'un préfaisceau est la suivante :

Soit X un espace topologique (quelconque !). Un préfaisceau d'ensembles \mathcal F sur X est la donnée de :

  • Pour tout ouvert U de X, un ensemble \mathcal{F}(U).
  • Pour toute inclusion d'ouvert V\subset  U, une application \rho_{VU}:\mathcal{F}(U)\rightarrow \mathcal{F}(V), appelée application de restriction de U sur V ;

données telles que, pour toutes inclusions d'ouverts W\subset V\subset U, on a :

ρWU = ρWVρVU

Un élément de \mathcal{F}(U) est appelé une section de \mathcal F sur U. Les éléments de \mathcal{F}(X) sont appelées les sections globales de \mathcal F.

Lorsqu'on a un préfaisceau \mathcal{F}, il est d'usage d'utiliser les notations suivantes (pour la justification intuitive, voir les exemples qui suivent) :

 Pour tout  V \subset U ouverts, on note :
 \forall f \in \mathcal{F}(U),\ \rho_{VU}(f)=: f|_V

Un autre point de vue est d'affirmer que l'application \mathcal{F}:U\mapsto \mathcal{F}(U) est un foncteur contravariant de la catégorie des ouverts de X dans la catégorie des ensembles.

Lorsque les ensembles \mathcal{F}(U) sont des groupes (resp. des algèbres, des espaces vectoriels, ...) et que les applications de restriction sont des morphismes de groupes (resp. morphismes d'algèbres, applications linéaires, ...), on parle de préfaisceau de groupes (préfaisceau d'algèbres, préfaisceau d'espaces vectoriels, ...).

Si X est muni de la topologie grossière, un préfaisceau d'ensembles \mathcal F sur X est la donnée d'un ensemble pointé (E,e)=(\mathcal{F}(X),\mathcal{F}(\emptyset)). Un préfaisceau de groupes est la donnée d'un groupe, etc ...

Exemples

  • Sur une variété différentielle X, la donnée C^{\infty}(U) des fonctions réelles C^{\infty} sur un ouvert U de X définit un préfaisceau C^{\infty} sur X. Les applications de restrictions sont précisément les restrictions au sens usuel.
  • Soit Y un ensemble. Pour X un espace topologique, la donnée Y(U) des fonctions localement constantes sur U définit un préfaisceau Y sur X.
  • Dans le plan complexe, la donnée, pour chaque ouvert U, des fonctions holomorphes sur cet ouvert, forme un préfaisceau (et même un faisceau).
  • Toujours dans le plan complexe, une équation différentielle ordinaire, linéaire et à coefficients holomorphes, étant donnée, les espaces de solutions sur des ouverts évitant les points singuliers de l'équation forment un préfaisceau (et même un faisceau) d'espaces vectoriels de dimension égale à l'ordre de l'équation.
  • Dans n'importe quelle catégorie, soit X une variété (ou objet) de cette catégorie, alors Hom( * ,X) est un faisceau sur la catégorie, c'est même l'exemple canonique car on plonge toujours une catégorie dans son topos et tout faisceau, F, est représenté dans le topos (ou catégorie des faisceaux) par Hom( * ,F). Vous pouvez remarquer que tous les exemples précédents tombent sous sa coupe :
    • Dans la catégorie des variétés différentielles où les flèches sont les fonctions C^\infty le faisceau est Hom (*, \mathbb R).
    • On prend Y muni de sa topologie séparée et alors le faisceau devient Hom( * ,Y).
    • Hom (*, \mathbb C) dans la catégorie des ouverts de \mathbb C où les flèches sont les fonctions holomorphes.

On remarquera que si la catégorie admet un objet terminal, pt (pt pour point), alors Hom( * ,pt) est l'objet terminal du topos (donc noté pt) et que si la catégorie admet un objet initial, \emptyset (cette notation n'est pas anodine), alors  Hom (*, \emptyset) est l'objet initial du topos (donc noté \emptyset).

Faisceaux

Pour ce qui concerne les fonctions continues ou les fonctions C^{\infty}, la propriété est locale. Il est donc possible de "recoller" des fonctions continues ou C^{\infty} coïncidant sur leur domaine de définition en une fonction continue ou C^{\infty} globale. C'est cette propriété qu'on souhaite ici généraliser dans le monde des préfaisceaux :

Un préfaisceau \mathcal F sur X est appelé faisceau (d'ensembles, de groupes, d'algèbres, d'espaces vectoriels, ...) lorsque pour tout ouvert V de X, réunion d'une famille d'ouverts {Vi}I, et pour toute famille {si}I de sections de \mathcal F sur les ouverts Vi, vérifiant :

s_i|_{V_i\cap V_j}=s_j|_{V_i\cap V_j}

il existe une unique section s de \mathcal F sur V telle que : s|_{V_i}=s_i.

Remarque : comme la famille vide constitue un recouvrement de l' ouvert vide, la condition ci-dessus entraîne que \mathcal F(\emptyset) est un singleton.

Pour une famille d'ouverts {Ui}I comme dans la définition, on note :

 V_{ij}=V_i\cap V_j ;  V_{ijk}=V_i\cap V_j\cap V_k ; ...

Exemples

  • Si E est un ensemble, le préfaisceau constant associé, qui par définition envoie tout ouvert sur E, n'est un faisceau que dans le cas où E est un singleton (considérer sa valeur sur l'ouvert vide).
  • Les fonctions localement constantes, en revanche, forment bien un faisceau, de même que les fonctions dérivables, C^\infty, holomorphes... C'est dû au fait que la définition de ces fonctions est locale.
  • Soit p un point fixé de X et soit E un ensemble. On peut définir un préfaisceau E_p qui à un ouvert U associe E si U contient p et le singleton sinon. L'application de restriction de U à V est l'identité ou l'unique application de E dans le singleton suivant l'appartenance de p à U et V. On verifie que c'est un faisceau.

Morphismes de préfaisceaux

Les préfaisceaux sur un ensemble X peuvent être considérés comme des objets d'une catégorie. Quelles en sont les flèches ?

Étant donnés deux préfaisceaux \mathcal F et \mathcal G sur un même espace topologique X, un morphisme de préfaisceaux \Phi:\mathcal{F}\rightarrow \mathcal{G} est la donnée d'une famille de morphismes \Phi(U):\mathcal{F}(U)\rightarrow \mathcal{G}(U) pour tout ouvert U, telle que, pour toute section s de \mathcal F sur U on ait :

Φ(V)(s | V) = Φ(U)(s) | V

Un morphisme de faisceaux est juste un morphisme en tant que préfaisceaux.

Germes (ou tiges)

Les germes (ou la tige) d'un préfaisceau F sur X est par définition la limite inductive

\mathcal{F}_x=\varinjlim \mathcal{F}(U)

la limite étant prise sur tous les ouverts contenant x. Un élément de \mathcal{F}_x est pensé comme un germe d'une section de F sur un voisinage ouvert de x.

Le germe en x du faisceau E_p ci-dessus est le singleton si x est différent de p et c'est E si x=p.

Faisceau associé à un préfaisceau

Soit \mathcal F un préfaisceau. On appelle faisceau associé au préfaisceau \mathcal F un faisceau \mathcal F' muni d'un morphisme de préfaisceaux f : \mathcal F \rightarrow \mathcal F' possédant la propriété universelle suivante: pour tout morphisme g :\mathcal F \rightarrow \mathcal G dans un faisceau, il existe un unique morphisme g' : \mathcal F' \rightarrow \mathcal G tel que g=g'\circ f. Le faisceau associé, s'il existe, est unique. Dans le cas des préfaisceaux à valeurs dans une catégorie où la limite inductive existe (par exemple les catégories des ensembles, des groupes, des anneaux, des algèbres sur un anneau, des modules sur un anneau etc), le faisceau associé existe. Le morphisme f : \mathcal F \rightarrow \mathcal F' induit un isomorphisme des germes f : \mathcal F_x \rightarrow \mathcal F_x'.

Image directe et image inverse

Soit f:X − > Y une application continue entre deux espaces topologiques. Soit F un préfaisceau sur X. Son image directe par f est le préfaisceau f * (F) qui à tout ouvert U de Y associe F(f − 1(U)), les applications de restrictions sont évidentes. Si F est un faisceau, il en est de même pour f * F.

La construction de l'image inverse f^{-1}\mathcal G est plus délicate. Soit \mathcal G un préfaisceau sur Y, à valeurs dans une catégorie où la limite inductive existe. A tout ouvert U de X, on associe la limite inductive des \mathcal G(W) lorsque W parcours l'ensemble des ouverts de Y contenant f(U). Lorsque \mathcal G est un faisceau, ce procédé ne donne pas un faisceau en général et f^{-1}\mathcal G est alors par définition le faisceau associé à ce préfaisceau.

Les constructions d'image directe et d'image inverse sont adjointes dans le sens suivant: Soient \mathcal F, \mathcal G des faisceaux sur X, Y respectivement. Alors on a une bijection canonique entre Hom(f − 1G,F) et \mathrm{Hom}(G, f_*\mathcal F).

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